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9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 21/01069 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RLP3
Société [3]
C/
MSA D’ARMORIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et Monsieur Séraphin LARUELLE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Octobre 2022 devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat chargé de l’instruction de l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 10 Décembre 2020
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Pole social du TJ de SAINT-BRIEUC
Références : 18/910
****
APPELANTE :
Société [3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Olivia COLMET DAAGE de la SELEURL OLIVIA COLMET DAAGE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE DE MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE D’ARMORIQUE
Service Contentieux
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [G] [X] en vertu d’un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 6 juin 2005, Mme [L] [V], salariée au sein de la société [3] (la société), a déclaré une maladie professionnelle en raison d’une épicondylite coude gauche – syndrome du canal carpien droit.
La caisse de mutualité sociale agricole d’Armorique (la MSA) a pris en charge la maladie au titre du tableau n° 39 des maladies professionnelles en agriculture.
La date de consolidation de l’état de santé de Mme [V] a été fixée au 30 mars 2009.
Par décision du 22 juillet 2010 la commission des rentes a évalué le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de Mme [V] à 12%.
Contestant cette décision, la société a saisi la commission de recours amiable (CRA) et le conseil d’administration de la MSA, par lettres datées du 28 juillet 2017.
Le 22 septembre 2017, la MSA a informé la société que son recours ne serait pas étudié par la CRA pour cause de prescription de l’action en reconnaissance d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ou de l’action pour contester la décision attributive de rente.
Le 10 novembre 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d’Armor, à l’encontre de cette décision.
Par jugement du 10 décembre 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc, a :
– déclaré irrecevable le recours formé par la société ;
– déclaré la décision d’attribuer un taux d’IPP de 12 % à Mme [V] suite à sa maladie professionnelle du 17 mai 2005 opposable à la société ;
– condamné la société aux dépens à compter du 1er janvier 2019.
Par déclaration adressée le 18 janvier 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 21 décembre 2020.
Par ses écritures parvenues au greffe le 1er décembre 2021 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
In limine litis,
– dire et juger la société recevable en son recours,
Sur le fond,
L’y déclarer bien fondée, et au visa des articles L. 751-32, alinéa 2, du code rural, 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1353 du code civil,
A titre principal,
– constater que la décision d’attribuer un taux d’incapacité permanente partielle à Mme [V] fait grief à la société au travers de l’augmentation de son taux de cotisation accidents du travail ;
– constater que la caisse de la MSA n’a pas communiqué les documents justifiant sa décision ;
En conséquence,
– dire et juger inopposable à la concluante la décision d’attribuer un taux d’IPP de 12% à Mme [V] avec toutes les conséquences de droit ;
A titre subsidiaire,
– ordonner une expertise médicale judiciaire contradictoire confiée à tel expert qu’il plaira au tribunal de designer, avec pour mission de :
* prendre connaissance de l’entier dossier médical de Mme [V] constitué par la caisse ;
* dire si le taux d’incapacité permanente partielle attribué à Mme [V] a été correctement évalué ;
* déterminer le taux d’incapacité relatif aux séquelles dues à la maladie de Mme [V] ;
– renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit débattu de la fixation du taux d’incapacité relatif aux séquelles dues à la maladie de Mme [V].
Par ses écritures parvenues au greffe le 18 mars 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son représentant à l’audience, la caisse demande à la cour de :
Sur la forme,
– déclarer irrecevable le recours de la société en contestation du taux d’IPP attribué à Mme [V], pour défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable dans le délai imparti ;
– déclarer prescrit le recours de la société en contestation du taux d’IPP à Mme [V] ;
Sur le fond,
– déclarer la décision d’attribuer un taux d’IPP de 12% à Mme [V] opposable à l’employeur ;
– dire et juger que le taux d’IPP de 12 % attribué à Mme [V] est justifié ;
– sur la mise en oeuvre d’une expertise médicale judiciaire, la caisse s’en remet à la sagesse ;
En tout état de cause,
– débouter la société de toutes autres demandes, fins et conclusions.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
La cour a sollicité la production en délibéré par la MSA de l’original de l’accusé de réception de la lettre de notification à la société du taux d’IPP attribuée à Mme [V] tel qu’évoqué dans ses conclusions avec l’envoi d’une copie à la société pour le 11 octobre 2022 pour ses observations en réponse pour le 25 octobre 2022.
Par note en délibéré du 11 octobre 2022, la MSA indique ne pas avoir retrouvé l’original de l’accusé de réception de la notification dans son dossier et indique qu’il y a lieu de penser que cette pièce a été adressée en original à la cour avec ses écritures compte tenu du fait qu’elle indiquait dans ses conclusions que En réplique la caisse rapporte l’accusé de réception original afin de permettre une meilleure lisibilité.
La société a fait parvenir une note le 1er novembre 2022 qui reprend ses conclusions antérieures s’agissant de la recevabilité de son recours.
Force est de constater que ne figure au dossier transmis par la MSA avec ses conclusions le 18 mars 2022 que des pièces en copie, ce qui avait justifié lors de l’audience la demande de production de l’original, elle- même sollicitée par la MSA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la recevabilité du recours
La société soutient que le délai pour saisir la CRA ne court qu’à compter de la notification réalisée en bonne et due forme, que la caisse est défaillante à prouver qu’elle aurait adressé à l’employeur la décision de notification de rente, que la décision attributive de rente annoncée au sein du courrier de transmission n’est pas jointe et l’accusé de réception versé aux débats par la caisse est illisible, notamment quant à l’expéditeur et au destinataire du recommandé.
La MSA réplique que le double de la décision d’attribution d’un taux d’IPP de 12% a été adressé par lettre recommandée adressée le 7 septembre 2010 réceptionnée le 10 septembre comme en atteste l’accusé de réception qu’elle indiquait produire désormais en original ; que la décision était bien jointe nonobstant le fait qu’elle avait omis de la joindre au courrier de transmission en première instance ; que le délai de 2 mois est donc dépassé.
Sur ce,
Il est établi que le litige créé par la demande d’un employeur tendant à se voir déclarer inopposable la décision d’une caisse de mutualité sociale agricole d’attribuer une rente à un de ses salariés victime d’un accident du travail relevant du régime agricole, qui porte sur l’état d’incapacité de ce salarié, est de la compétence exclusive des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. (2e Civ., 25 octobre 2006, pourvoi n° 05-12.684)
Les règles de procédure afférentes à ce contentieux s’appliquent en conséquence et plus précisément en l’espèce celles en vigueur au jour du recours de l’employeur.
L’article R142-1 dans sa version en vigueur du 14 décembre 2006 au 10 septembre 2012 applicable en l’espèce dispose que :
Les réclamations relevant de l’article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Toutefois, les contestations formées à l’encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard ainsi que par les organismes d’assurance maladie en ce qui concerne le recouvrement des indus prévus à l’article L. 133-4 et des pénalités financières prévues à l’article L. 162-1-14 doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d’un mois à compter de la notification de la mise en demeure.
S’agissant de la forclusion du recours, il appartient à la caisse qui l’invoque d’établir que sa décision a été régulièrement notifiée. A défaut d’une telle notification ou en cas de notification irrégulière de la décision, son destinataire peut en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai. (2e Civ., 21 octobre 2021, pourvoi n° 20-16.170)
En vertu de l’article R. 751-63 du code rural et de la pêche maritime dans sa version en vigueur du 01 janvier 2010 au 01 janvier 2019 applicable en l’espèce :
Dans tous les cas, la décision est notifiée par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au service duquel est survenu l’accident.
En l’espèce, la lettre de notification de la décision attributive de rente est datée 7 avril 2010.
La MSA produit un accusé de réception en photocopie avec cachet de la poste du 10 septembre 2010, signé. Néanmoins la copie produite aux débats par la caisse ne permet pas de voir qui est l’expéditeur ni qui est le destinataire.
Il apparaît que la MSA échoue à rapporter la preuve de la notification à la société du taux d’IPP, de sorte que le délai de recours de deux mois pour saisir la CRA n’a pas couru et que la société peut donc en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai. Il n’est donc pas utile de déterminer si la décision attributive de rente est ou non motivée.
2- sur la prescription de l’action de la société
La MSA entend subsidiairement opposer la forclusion de la saisine de la CRA (sic) en se fondant sur la prescription de droit commun édictée par l’article 2224 du code civil. Elle relève que la société disposait de 5 ans pour engager son action tendant à contester l’opposabilité à son égard tant du caractère professionnel de la maladie du 17 mai 2005 de sa salariée que de la décision de lui attribuer une rente, à compter du jour où elle a eu connaissance des faits lui permettant de l’exercer ; qu’elle avait soulevé la prescription de la saisine de la CRA mais avait dû abandonner son argumentation au vu des arrêts rendus le 9 et 29 mai 2019 par la Cour de cassation qui avait considéré que l’action de l’employeur tendant à contester l’opposabilité d’une décision de la caisse reconnaissant le caractère professionnel n’était pas une action mobilière au sens de l’article 2224 du code civil ; que consciente que cette interprétation conduisait à une imprescriptiblité de ce type de recours, la Cour de cassation a dans un arrêt du 18 février 2021 opéré un revirement de jurisprudence en considérant que l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent pas 5 ans en application de l’article 2224 précité ; qu’en application de cette jurisprudence, la saisine de la société doit être déclarée prescrite ; qu’en l’espèce il apparaît légitime de considérer que la société a eu connaissance de son droit :
– le 23 mai 2017, date à laquelle elle a reçu la notification de son taux de cotisations accident du travail, ainsi que le relevé de prestations, sur lequel on peut constater la présence de frais relatifs au sinistre du 17 mai 2005 au nom de Mme [V] ;
– le 13 avril 2012, date à laquelle elle a reçu la notification de son taux accident du travail, ainsi que le relevé de prestations, sur lequel on constate la présence du capital représentatif de la rente relative au sinistre du 17 mai 2005 au nom de Mme [V], ce que les pages complémentaires qu’elle produit, notamment les verso du décompte relatif à l’assurée, et la page 1 du relevé de prestations de la société, non produites par ses soins, permettent d’établir ;
que la société disposait donc d’un délai de 5 ans à partir du 13 avril 2017 pour agir ; qu’en l’espèce, ce n’est que le 28 juillet 2017 que la société a adressé sa lettre de saisine à la CRA ; que la société qui produit son relevé de prestation de 2012 l’a bien reçu puisqu’il figure dans ses pièces; qu’il est légitime de présumer qu’elle l’a reçu peu après la date du 13 avril 2012; sauf à admettre qu’il aurait fallu plus de 3 mois pour que ce relevé édité parvienne à son destinataire, elle était forclose lorsqu’elle a saisi la CRA le 28 juillet 2017.
L’article 2224 du code civil dispose que :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 février 2021 (2ème Civ. 18 février 2021, n° de pourvoi 19-25.886 a opéré un revirement de jurisprudence explicité et considère désormais qu’en l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil.
Il y a lieu de retenir de même qu’en l’absence de texte spécifique, l’action de l’employeur aux fins de contestation du taux d’IPP attribué à Mme [V] se prescrit également par cinq ans, de sorte qu’il convient de déterminer à quelle date la société a eu connaissance ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action en contestation.
La MSA a adressé à la société par lettre du 23 mai 2007 le décompte des prestations accidents du travail sur lequel on constate exclusivement la présence d’indemnités journalières relatives au sinistre du 17 mai 2005 au nom de Mme [U]. La connaissance par la société de ces éléments est donc sans rapport avec le taux d’IPP ultérieurement attribué et ne pourrait avoir de conséquences que sur l’éventuelle prescription d’une action tendant à contester l’inopposabilité à son égard du caractère professionnel de la maladie.
Par lettre datée du 13 avril 2012, la MSA a adressé à la société le décompte des accidents du travail, sur lequel on peut constater sur l’exemplaire complet qu’elle produit, (alors que la société ne produit que les pages 950, 952, 954 ne mentionnant pas le numéro de folio, ni la page 1 avec le numéro de folio 1/ 489 qui renvoie au numéro de folio figurant exclusivement aux pages impaires 287/489, 288/489 concernant l’assurée) qu’est mentionnée au titre des prestations d’incapacité permanente la présence du capital représentatif de la rente relative au sinistre du 17 mai 2005 au nom de Mme [U].
La MSA ne produit cependant aucun accusé de réception.
Faute de point de départ déterminable il ne peut qu’être jugé que le délai de prescription n’a pas couru, la cour ne pouvant suivre le raisonnement hypothétique de la MSA quant à une nécessaire réception de cette lettre du 13 avril 2012 avant le 28 juillet 2012 dès lors que la société produit le décompte des prestations accidents du travail joint à la lettre du 13 avril 2012 dans ses pièces.
L’action de la société introduite le 28 juillet 2017 devant la commission de recours amiable est par conséquent recevable contrairement à ce que soutient la MSA.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit le recours de la société irrecevable.
3- Sur le taux d’IPP
La société soutient au visa de l’article 6-1 de la CEDH, de l’article 1353 du code civil et d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2009 (Civ 2ème, 15 juin 2009, n°08-15084 ) que la MSA ne prouve pas avoir transmis à son médecin de recours les pièces médicales et le rapport d’évaluation des séquelles et la non communication de ces éléments la prive de tout recours effectif à l’encontre de la décision d’attribution du taux d’IPP qui lui fait grief, ce qui justifie qu’elle lui soit déclarée inopposable. A défaut, la cour doit ordonner une expertise.
Il est constant que l’article R 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2019, prévoit notamment que la caisse est tenue de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l’affaire et d’en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu’il a désigné. Néanmoins ces dispositions n’ont pas été rendues applicables devant les juridictions du contentieux général, lorsqu’elle sont chargées de trancher pour les salariés agricoles les litiges d’ordre techique portant sur les taux d’IPP.
En outre, la MSA produit une lettre du 12 septembre 2017 de transmission des documents médicaux concernant Mme [V] au docteur [Y], médecin de recours de la société, consécutivement à la saisine de la CRA. Elle produit également aux débats le rapport d’évaluation des séquelles daté du 18 mars 2010.
Aucune inopposabilité de la décision d’attribution du taux d’IPP de Mme [V] n’est donc justifiée pour ce motif.
L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, par l’article L. 751-8 du code rural et de la pêche maritime à l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés des professions agricoles, dispose que :
Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
(…)
L’appréciation du taux d’incapacité permanente partielle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
L’article R.434-32 du code de la sécurité sociale dispose notamment que :
Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.
Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
Sur le taux d’IPP il convient de rappeler que le barème indicatif d’invalidité (accidents du travail) indique dans son chapitre préliminaire s’agissant du mode de calcul du taux médical que :
Il faut d’abord rappeler que les séquelles d’un accident du travail ne sont pas toujours en rapport avec l’importance de la lésion initiale : des lésions, minimes au départ, peuvent laisser des séquelles considérables, et, à l’inverse, des lésions graves peuvent ne laisser que des séquelles minimes ou même aboutir à la guérison.
” La consolidation ” est le moment où, à la suite de l’état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu’un traitement n’est plus en principe nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente consécutive à l’accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles.
La consolidation ne coïncide pas nécessairement avec la reprise d’une activité professionnelle. Dans certains cas, les séquelles peuvent être suffisamment importantes pour empêcher celle-ci, et dans d’autres, le travail peut être repris avec poursuite de soins, pendant un temps plus ou moins long, en attendant que la séquelle prenne ce caractère permanent, qui justifie la consolidation, à condition que la valeur du préjudice en résultant soit définitive.
L’article L. 433-1 du Code la Sécurité sociale autorise le maintien de l’indemnité journalière en tout ou partie, en cas de reprise d’un travail ” léger ” susceptible de favoriser la consolidation (ou la guérison) de la blessure.
La guérison, à l’inverse, ne laisse subsister aucune séquelle fonctionnelle, donc aucune incapacité permanente. Le médecin chargé de l’évaluation ne peut donc pas proposer de taux médical, car il se trouve devant un état de guérison. On peut cependant envisager qu’une maladie d’origine professionnelle oblige à un changement de profession, sans lequel la guérison ne serait pas possible, et qu’alors le préjudice résultant de l’inaptitude entraînée par la maladie en cause, soit réparé.
Dans ce cas, il appartient au médecin chargé de l’évaluation de bien mettre en évidence dans ses conclusions la nécessité d’un changement d’emploi.
1. Séquelles résultant de lésions isolées.
Ces séquelles seront appréciées en partant du taux moyen proposé par le barème, éventuellement modifié par des estimations en plus ou en moins résultant de l’état général, de l’âge, ainsi que des facultés physiques et mentales, comme il a été exposé ci-dessus.
2. Infirmités multiples résultant d’un même accident.
On appelle infirmités multiples, celles qui intéressent des membres ou des organes différents.
Lorsque les lésions portant sur des membres différents intéressent une même fonction, les taux estimés doivent s’ajouter, sauf cas expressément précisés au barème.
Pour des infirmités multiples ne portant pas sur une même fonction, il y a lieu d’estimer en premier, l’une des incapacités. Le taux ainsi fixé sera retranché de 100 (qui représente la capacité totale) : on obtiendra ainsi la capacité restante. Sauf cas particulier prévu au barème, l’infirmité suivante sera estimée elle-même, puis rapportée à la capacité restante. On obtiendra ainsi le taux correspondant à la deuxième séquelle : l’incapacité globale résultera de la somme des deux taux, ainsi calculés. Celle-ci sera la même quel que soit l’ordre de prise en compte des infirmités.
Exemple. – Une lésion ” A ” entraîne une incapacité de 40 %. La capacité restante est donc de 60 %.
Une lésion ” B “, consécutive au même accident, entraîne une incapacité chiffrable, selon le barème, à 20 %. L’incapacité due pour cette deuxième lésion sera : 20 % de 60 % de capacité restante, soit 12 %.
L’incapacité globale sera donc : 40 % plus 12 % égale 52 %, et ainsi de suite …
Dans le cas d’une troisième lésion, pour l’exemple choisi, la capacité restante serait de 48 %.
Cette façon de calculer l’incapacité globale résultant de lésions multiples ne garde bien entendu qu’un caractère indicatif. Le médecin chargé de l’évaluation peut toujours y apporter des modifications ou adopter un autre mode de calcul à condition de justifier son estimation.
3. Infirmités antérieures.
L’estimation médicale de l’incapacité doit faire la part de ce qui revient à l’état antérieur, et de ce qui revient à l’accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l’objet d’une estimation particulière.
a. Il peut arriver qu’un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l’occasion de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu’il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n’y a aucune raison d’en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.
b. L’accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l’aggraver. Il convient alors d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme.
c. Un état pathologique antérieur connu avant l’accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d’en faire l’estimation. L’aggravation indemnisable résultant de l’accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l’accident ou la maladie professionnelle.
Dans certains cas où la lésion atteint le membre ou l’organe, homologue au membre ou à l’organe lésé ou détruit antérieurement, l’incapacité est en général supérieure à celle d’un sujet ayant un membre ou un organe opposé sain, sans état antérieur. A l’extrême, il peut y avoir perte totale de la capacité de travail de l’intéressé : c’est le cas, par exemple, du borgne qui perd son deuxième oeil, et du manchot qui sera privé du bras restant.
Afin d’évaluer équitablement l’incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :
1° L’accident a-t-il été sans influence sur l’état antérieur ‘
2° Les conséquences de l’accident sont-elles plus graves du fait de l’état antérieur ‘
3° L’accident a-t-il aggravé l’état antérieur ‘
Pour le calcul de cette incapacité finale, il n’y a pas lieu, d’une manière générale, de faire application de la formule de Gabrielli. Toutefois, la formule peut être, dans certains cas, un moyen commode de déterminer le taux d’incapacité et l’expert pourra l’utiliser si elle lui paraît constituer le moyen d’appréciation le plus fiable.
S’agissant du taux, le rapport d’évaluation des séquelles du 18 mars 2010 rédigé par le docteur [Z] à la suite de l’examen de l’assurée le 26 février 2010 mentionne les éléments suivants :
HISTORIQUE
Certificat initial descriptitf : le 17-05-2005 par le Dr [K], médecin généraliste à [Localité 5] : «Tableau n°39 1° : épichondylite gauche. 2° : syndrome du canal carpien droit confirmé par EMG nécessitant neurolyse. Mouvement répétés de supination, hyperextention répétée des membres supérieurs et port d’objets lourds».
(…)
Arrêt de travail :
à temps complet du 22 novembre 2005 au 29 avril 2007
à temps partiel du 1er juin 2007 au 38 août 2007 et du 18 septembre 2007 au 1er octobre 2007
Reprise du travail : Non : arrêt de travail à temps plein dans le cadre d’un nouvel accident du travail au 01.02.2007.
DOLEANCES
– Au poignet droit (siège du canal carpien opéré en janvier 2006), persistance de fourmillements dans le territoire du médian.
– Douleurs invalidantes du membre supérieur gauche, bras, coudes, bord cubital de la main (siège d’une fracture de l’auriculaire en octobre 2007), épaule mais aussi colonne cervicale.
EXAMEN
– Coude gauche :
. Amplitudes articulaires normales
. Douleurs à la pression des apophyses interne (épicondyle peu sensible) mais surtout externe dans la zone du nerf cubital
– Avant-bras et main gauche : troubles sensitifs à type de paresthésies dans le territoire du nerf cubital
– Epaule gauche : amplitude correcte
– Colonne cervicale : limitation des rotations et latéroflexion droites par contracture musculaire paravertébrale du côté gauche en regard de C4-C5.
DISCUSSION :
-Les troubles présentés par l’assurée dans le cadre d’une pathologie professionnelle n° 39 du régime agricole ont vu leur évolution perturbée par, d’une part, la méconnaissance d’une pathologie neurologique sous-jacente, dont le diagnostic s’est affiné de manière progressive et certainement en cause dans certains aspects des signes présentés (douleurs dans des territoires non concernés par la pathologie professionnelle, colonne cervicale, épaule gauche, mais aussi bras droit alors que le canal carpien droit était guéri), responsabilité potentielle dans la chute ayant provoqué l’accident du travail 2 octobre 2007, d’autre part, par la survenue d’une algodystrophie évoquée et traitée sur les aspects cliniques mais jamais confirmée de façon formelle par les examens paracliniques.
– L’évolution de cette pathologie neurologique sans étiologie connue préexistant à la survenue des pathologies professionnelles n’a pas été aggravée.
– Les séquelles présentées (peu de limitations articulaires, aspects dystrophiques du membre supérieur gauche, mais surtout la permanence de douleurs très invalidantes, quand bien même un facteur anxio-dépressif les majore) sont en rapport avec la pathologie professionnelle, ces troubles auraient pu survenir en dehors de l’existence de la pathologie neurologique sous-jacente (la responsabilité par exemple de la fracture de l’auriculaire sur la réexacerbation des douleurs et le déclenchement des signes cliniques d’algodystrophie est évoqué par le docteur [D] dans son courrier du 04-06-2008).
CONCLUSIONS :
– Lésions : Maladie professionnelle n°39 du régime agricole : canal carpien droit, épicondylite gauche, compression du cubital.
– Séquelles : douleurs très invalidantes du bras gauche, limitations modérées des amplitudes articulaires du coude et du bras gauches, guérison du canal carpien droit.
Date de consolidation le 30.03.2009
Révision : oui En : 2013
Soins post consolidation : Oui, antalgiques pendant 3 ans, rééducation de prévention des complications à raison de 20 séances par an pendant 3 ans (révision prévue)
taux d’IPP proposé par le médecin conseil : 12 %.
Le taux d’IPP a été fixé à 12 % à compter du 1er avril 2010 au vu de ces conclusions médicales.
Force est de constater que la société ne fait état d’aucune critique de cette évaluation.
Néanmoins, il résulte de ce rapport d’évaluation qu’il existe des infirmités multiples et un état d’antériorité que la Cour ne peut justement évaluer en l’absence d’expertise médicale et d’indications suffisantes apportées par la MSA et le médecin conseil quant aux éléments du barème d’invalidité accidents du travail et/ des maladies professionnelles (notamment s’agissant des douleurs) qui ont été retenus.
Une expertise sera en conséquence ordonnée.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable le recours formé par la société [3] ;
Statuant de nouveau et y ajoutant :
DIT que le recours de la société [3] en contestation du taux d’IPP attribué à Mme [V] est recevable ;
AVANT DIRE DROIT sur le taux d’incapacité permanente partielle,
ORDONNE une expertise sur pièces et désigne le docteur [C], [Courriel 4] , pour y procéder avec mission de :
– Se faire communiquer tous documents concernant Mme [V] notamment médicaux en la possession de la caisse de mutualité sociale agricole d’Armorique ou par le service du contrôle médical ainsi que de toutes pièces médicales ou administratives qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,
– analyser la discussion médico-légale du médecin conseil de la caisse s’agissant de la cohérence anatomoclinique et des séquelles relevées,
– entendre les parties, éventuellement représentées par un médecin de leur choix ou celles-ci appelées en leurs dires et observations,
– proposer le cas échéant un taux d’incapacité permanente partielle par référence aux données figurant au barème d’invalidité des accidents du travail et/ou des maladies professionnelles,
Dit que l’expert devra :
– communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
– adresser son rapport définitif à chacune des parties ainsi qu’à la cour dans les six mois de sa saisine ;
Dit que le rapport devra être accompagné de son mémoire de frais avec justification de ce que ledit mémoire a été communiqué aux parties ;
Rappelle les dispositions de l’article 276 du code de procédure civile :
« L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
Dit que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l’expertise et le coût prévisible de l’expertise ;
Désigne le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l’instruction des affaires pour surveiller les opérations d’expertise ;
Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;
DIT que l’expert devra déposer son rapport avant le 30 juillet 2023 ;
DIT que la société [3] devra consigner la somme de 1 200 euros entre les mains du régisseur de la cour d’appel, avant le 30 décembre 2022 ;
SURSOIT à statuer sur la fixation du taux d’incapacité permanente partielle de Mme [V] ;
ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris à la demande de la partie la plus diligente ;
SURSOIT à statuer sur les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT