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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 29 NOVEMBRE 2023
N° 2023/185
Rôle N° RG 21/04997 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHHKZ
[X] [M]
C/
[W] [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Cécile GONTARD-QUINTRIC
Me Hélène BOURDELOIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 28 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/01306.
APPELANTE
Madame [X] [M]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000663 du 08/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Cécile GONTARD-QUINTRIC, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [W] [C]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Hélène BOURDELOIS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 08 Novembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2023,
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
Le 6 juillet 2004, Madame [M] et Monsieur [C], en concubinage, ont acquis un terrain à bâtir sis à [Localité 6], avec un autre couple, selon une convention d’indivision du même jour.
Chaque couple a fait édifier une maison sur une partie du terrain.
Le 26 février 2008, après division par moitié du terrain, un acte de partage a été établi. A l’issue, chaque couple est devenu propriétaire de la nouvelle parcelle obtenue sur laquelle avait été construite sa maison. La propriété des parcelles nouvelles est restée indivise entre les membres de chaque couple.
Les parties se sont séparées en novembre 2012.
Le 27 février 2017, Madame [M] a fait assigner Monsieur [C] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de TOULON en partage judiciaire de l’indivision sur le bien immobilier.
Par jugement du 28 juin 2019, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, procédure et prétentions des parties, ce magistrat a :
– déclaré irrecevable l’assignation de Madame [M] au motif qu’elle n’a pas justifié d’une tentative préalable de partage amiable,
– laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,
– condamné Madame [M] aux dépens.
Madame [M] a formé appel de tous les chefs de cette décision par déclaration du 6 avril 2021.
Le 21 avril 2021, Madame [M] a répondu à l’interrogation du conseiller de la mise en état que la décision critiquée n’avait pas été signifiée.
L’intimé à constitué avocat le 28 mai 2021.
Madame [M] a communiqué ses premières et dernières conclusions d’appelante le 5 juillet 2021.
Elle y demande à la cour de :
– DÉCLARER recevable et bien-fondé son appel
– RÉFORMER en toutes ses dispositions la décision critiquée,
– DÉCLARER recevable son assignation en partage de l’indivision
– ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision avec désignation d’un notaire commis par l’intermédiaire du président de la Chambre des notaires aux fins de faire les comptes entre les parties et proposer un acte de partage
– DESIGNER tel expert avec pour mission de :
-Convoquer les parties
-Visiter l’immeuble sis [Adresse 3]
-Se faire remettre par les parties (ou tout tiers) les documents qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,
-Evaluer l’immeuble à la date la plus proche du partage
-Indiquer le montant de la mise à prix dans le cadre de la future
licitation
-Evaluer la valeur locative actuelle et son évolution depuis le mois de
novembre 2013
– DEBOUTER Monsieur [C] de ses demandes,
– CONDAMNER Monsieur [C] à la somme de 3000 euros au titre des
dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Cécile GONTARD-QUINTRIC en ceux compris le coût de l’expertise judiciaire à intervenir,
– ASSORTIR toutes les dispositions du jugement à intervenir de l’exécution
provisoire.
L’intimé a communiqué ses uniques conclusions le 1er octobre 2021.
Il sollicite de la cour qu’elle :
– CONFIRME purement et simplement le jugement rendu le 28 juin 2019,
– A TITRE SUBSIDIAIRE ET INCIDENT, si l’action était déclarée recevable, il demande à la cour de :
-INFIRMER le jugement entrepris
Statuant à nouveau :
-ORDONNER l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre Madame [M] et Monsieur [C]
-DESIGNER Monsieur le président de la chambre des notaires du [Localité 8] afin de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage des biens immobiliers dépendant de l’indivision avec faculté de délégation.
-DIRE ET JUGER que le notaire ainsi désigné aura pour mission de faire les comptes entre les parties et de proposer un acte de partage, tenant compte notamment de l’apport de chacune des parties dans l’achat du bien litigieux ainsi que dans le remboursement de l’emprunt contracté afin d’acheter le bien litigieux.
-DESIGNER tel expert avec mission de :
– Convoquer les parties
– Visiter l’immeuble sis [Adresse 3],
– Se faire remettre par les parties (ou tout tiers) les documents qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission,
– Evaluer l’immeuble à la date la plus proche du partage
– Evaluer la plus-value apportée par l’industrie de Monsieur [C] [W], seul, à la valeur actuelle du bien par rapport à son état initial.
En tout état de cause,
– DIRE ET JUGER que Madame [M] a, par courrier en date du 24 octobre 2012, autorisé Monsieur [C] à occuper seul le bien indivis sans indemnité d’occupation,
– CONDAMNER madame [M] à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure
– CONDAMNER Madame [M] aux dépens.
Le 16 décembre 2022, le greffe a informé les parties de la décision de fixation du dossier à l’audience du 8 novembre 2023, la date de clôture étant prévue au 4 octobre 2023.
La procédure a été clôturée le 4 octobre 2023.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de l’appel
En application des dispositions des articles 528 et 538 du code de procédure civile, l’appel peut être formé contre un jugement rendu au fond ou mettant fin à l’instance dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement.
L’article 528-1 du même code prévoit que lorsque le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal.
En l’espèce, l’appelante a indiqué à la cour que la décision critiquée n’avait pas été signifiée. L’intimé n’a pas apporté de contradiction à cette affirmation. L’appel a été formé avant l’expiration du délai de deux ans.
Il est donc recevable.
Sur l’étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler que selon l’article 901 du code de procédure civile, la déclaration d’appel, qui produit l’effet dévolutif, doit comporter l’énoncé des chefs de jugement critiqués.
Il y a lieu également d’indiquer qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Les demandes de ‘donner acte’ sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l’article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ ou encore à ‘prendre acte’ de sorte que la cour n’a pas à y répondre.
Il n’y a donc pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que’ ou ‘dire que ‘ telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu”il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’ et que l’article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ‘avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation’.
Par ailleurs l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.
En l’espèce, selon les mentions expresses de la déclaration d’appel énumérant tous les chefs critiqués, toutes les dispositions du jugement entrepris sont contestées.
Sur la question de la recevabilité de l’assignation en partage
En première instance, il a été jugé que Madame [M] ne produisait pas d’écrit justifiant de tentatives de partage amiable, ni de démarches entreprises auprès d’un notaire à cette fin.
Madame [M] soutient qu’elle a visé dans l’assignation et a produit en pièce 4 un courrier adressé par son ex-concubin prouvant un désaccord entre les parties et la nécessité de procéder à un partage judiciaire.
Elle ajoute que le recours à un notaire n’est pas une condition de recevabilité de l’action en partage.
Sur le fond, elle soutient que l’immeuble indivis ne peut être partagé en nature et que la vente est nécessaire.
Elle fait valoir que Monsieur [C] est redevable d’une indemnité d’occupation depuis la séparation. Elle conteste avoir renoncé pour l’avenir à réclamer une telle indemnité.
Elle indique que Monsieur [C] résiste à la vente du bien indivis en se maintenant dans les lieux et en refusant la visite d’un agent immobilier pour faire estimer le bien.
Elle invoque aussi une créance à son profit du fait de l’apport de fonds personnels à l’acquisition du terrain indivis.
Monsieur [C] soutient que l’assignation en partage n’a pas été précédée de réelles tentatives de partage amiable, notamment par la saisine d’un professionnel pouvant expliquer aux parties l’étendue de leurs droits.
A titre subsidiaire sur le fond, il conteste le montant de l’apport qui aurait été réalisé par Madame [M] et il indique qu’il a payé seul les échéances de remboursement du prêt immobilier.
Il précise avoir réalisé des travaux pour l’amélioration et l’entretien du bien indivis.
Il fait état d’un écrit du 24 octobre 2012 selon lequel Madame [M] l’a autorisé à titre définitif à habiter la maison indivise sans contrepartie financière.
L’article 1360 du code de procédure civile prévoit que l’assignation en partage judiciaire doit contenir ‘à peine d’irrecevabilité’, notamment ‘les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable’.
L’objectif poursuivi par ce texte, adopté en 2006 dans le cadre de la réforme des successions et des partages, était de réserver les procédures judiciaires aux cas dans lesquels il était impossible de parvenir à un accord sur la répartition des biens indivis. Le seul désaccord entre les parties n’est pas suffisant à prouver une réelle tentative de partage du bien indivis.
En l’espèce, dans l’assignation aux fins de partage, Madame [M] indiquait que les parties n’étaient pas parvenues à un accord amiable et que son ex-compagnon avait admis ne pas détenir les fonds nécessaires pour lui racheter sa part.
Elle réclamait la licitation du bien, la liquidation des droits respectifs par un notaire commis, le paiement d’une indemnité d’occupation et faisait état des apports de sa part lors de l’achat du terrain.
Madame [M] a produit, en première instance et en appel, une seule pièce de nature selon elle, à établir la recherche d’une solution amiable pour parvenir au partage.
Il s’agit de la photographie d’un courrier qui lui a été adressé par le conseil de Monsieur [C] le 20 mai 2015. Il contient l’affirmation que Monsieur [C] avait supporté seul les échéances du prêt souscrit pour l’achat du terrain et une proposition de rachat de la part indivise de Madame [M] au prix de 65.000 euros payable en partie de manière échelonnée.
Le fait qu’il ait été contenu dans les pièces produites par Madame [M] en première instance révèle qu’elle a reçu ce document.
Ce courrier n’a pas été adressé par la demanderesse à l’action. En outre, alors qu’elle soutient souhaiter sortir de l’indivision depuis plusieurs années, elle ne justifie pas d’une réponse apportée à ce courrier ou d’une contre-proposition.
Le partage d’un bien indivis nécessite au préalable l’établissement des comptes de l’indivision puis la liquidation des droits de chaque indivisaire. Or, aucune des parties n’a établi ces comptes.
En outre, la saisine d’un notaire n’est pas un préalable obligatoire à une action en partage. Cependant, en cas de mésentente entre les indivisaires, elle constitue une modalité permettant d’instaurer un dialogue et de faciliter les comptes et la liquidation.
Le seul courrier produit par l’appelante non complété par d’autres pièces n’est pas une preuve d’une réelle tentative de partage amiable.
Aucune des pièces produites par Monsieur [C] ne constitue une preuve d’une tentative de partage amiable.
La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu’elle a justement déclaré irrecevable l’action en partage de Madame [M].
Sur les demande au titre des dépens et des frais irrépétibles de procédure
Madame [M] n’a apporté au cours de l’instance d’appel aucune pièce supplémentaire de nature à établir que les tentatives de partage amiable ont eu lieu avant la saisine du tribunal.
Alors qu’elle indique que Monsieur [C] freine les opérations de partage, elle ne justifie d’aucune démarche amiable pendant le délai de cinq ans ayant précédé son action en justice.
Elle ne justifie pas avoir mis à profit le délai entre le jugement et l’acte d’appel pour proposer des modalités de partage qui lui auraient permis d’introduire une nouvelle procédure.
Il convient en conséquence de juger qu’elle supportera les dépens d’appel.
Elle devra aussi régler à Monsieur [C] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe , contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne Madame [X] [M] aux dépens ;
Condamne Madame [X] [M] à verser à Monsieur [W] [C] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
La greffière La présidente