Designer : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01234

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Designer : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01234
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ARRÊT N°568

N° RG 22/01234

N° Portalis DBV5-V-B7G-GRJ7

[I]

C/

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 07 avril 2022 rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE

APPELANTE :

Madame [G] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Victor DOMINGUES, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

Madame [L] [I]

née le 14 Décembre 1953 à [Localité 4]

[Adresse 2]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Stéphane ANTOINE de la SELARL CABINET MAET AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[R] [X] est décédée le 10 mai 2000. [U] [I] son époux est décédé le 8 décembre 2012. Il a laissé pour lui succéder [G] et [L] [I], ses deux enfants.

Par acte du 14 février 2022, [L] [I] a fait citer [G] [I] devant le président du tribunal judiciaire de La Rochelle statuant selon la procédure accélérée. Elle a demandé, sur le fondement des articles 815-6 du code civil et 1380 du code de procédure civile à être autorisée à régulariser la vente pour le compte de l’indivision successorale à [Z] [N], au prix net vendeur de 1.417.000 € comprenant les frais d’agence de la société Kretz Partners, de la maison d’habitation située [Adresse 14]), cadastrée section [Cadastre 11], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] pour une contenance totale de 12 a 14 ca.

[G] [I] a demandé de surseoir à statuer dans l’attente d’une médiation visant à établir une division parcellaire de l’immeuble proposé à la vente et de désigner un expert-géomètre en vue de la division en deux lots de l’immeuble, le premier lot incluant la maison et du terrain, le second lot demeurant d’une superficie suffisante pour la construction d’un bien d’habitation.

Par décision du 7 avril 2022 qualifiée ordonnance en première page et jugement dans le dispositif, le président du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :

‘Rejette la demande de sursis à statuer

Autorise Madame [L] [I] à régulariser la vente pour le compte de l’indivision successorale au prix net vendeur de 1.417.000€ comprenant les frais d’agence de la société KRETZ PARTNERS de la maison d’habitation en indivision successorale sise à [Adresse 12], cadastrée section [Cadastre 11] lieudit [Adresse 6] , section [Cadastre 9] lieudit Saint Sauveur , section [Cadastre 10] lieudit [Adresse 5] pour une surface totale de I2a 14 ca au bénéfice de Monsieur [Z] [N]

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [L] [I]

Dit que les dépens seront employés en frais généraux de partagé, dont distraction au profit de Maître Stéphane ANTOINE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT’.

Il a rejeté la demande de médiation en l’absence d’accord exprimé sur celle-ci et sur une division parcellaire. Il a considéré caractérisée l’urgence en raison de la proposition d’achat formulée et que la vente était dans l’intérêt de

l’indivision successorale ne disposant pas de trésorerie et devant s’acquitter du paiement des droits de succession et des pénalités afférentes, d’un montant de 257.722 € au 15 septembre 2021.

Par déclaration reçue au greffe le 12 mai 2022, [G] [I] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2022, elle a demandé de :

‘Vu le Code de procédure civile,

Vu le Code civil, notamment son article 815-6

Vu les pièces versées au débat,

INFIRMER l’ordonnance du 7 avril 2022 du Juge des référés près le Tribunal judiciaire de LA ROCHELLE en tant qu’elle a :

– Rejeté sa demande de sursis à statuer

– Autorisé Madame [L] [I] à vendre le bien immobilier présent dans l’indivision successorale sis [Adresse 3] pour un montant de 1.417.000 euros à Monsieur [Z] [N].

En conséquence,

SURSOIR A STATUER dans l’attente d’une médiation visant à établir une division parcellaire de l’immeuble proposé à la vente ;

DESIGNER un expert-géomètre afin que soit établie une division parcellaire de la parcelle supportant l’immeuble à vendre en deux lots, Un premier lot supportant la maison et un peu de terrain. Un deuxième lot d’une superficie suffisante pour la construction d’une petite maison.

JUGER, dès à présent, que Madame [L] [I] sera autorisée à vendre pour le compte de l’indivision successorale, le lot supportant l’actuelle maison, résultant de la division parcellaire à intervenir’.

Elle a exposé avoir des besoins financiers modestes, que son placement sous curatelle renforcée, mesure levée le 1er décembre 2020, n’avait pas permis de solutionner les difficultés liées au règlement de la succession, que la vente de deux biens immobiliers dépendant de la succession avait été autorisée par décision judiciaire et que le prix de ces ventes dont la destination était demeurée inconnue n’avait pas été affecté au règlement de la dette fiscale. Elle a précisé ne pas être opposée à la vente du bien situé à [Adresse 14], sous réserve d’une division parcellaire afin qu’elle puisse en conserver un lot. Selon elle, la parcelle conservée par la succession, aisément vendable, lui permettrait de pouvoir disposer d’une concession funéraire sur la commune. Elle a pour ces motifs conclu à l’infirmation de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 juin 2022, [L] [I] a demandé de :

‘Vu l’article 815-6 du Code Civil.

Vu l’article 1380 du Code de Procédure Civile.

Vu l’article 32-1 du Code Procédure Civile.

Vu les pièces versées au débat.

Confirmer l’Ordonnance de Référé rendue le 07 avril 2022 par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE en ce qu’il a autorisé Madame [L] [I] à régulariser la vente pour le compte de l’indivision successorale au prix net vendeur de 1.417.000 € (un million quatre cent dix-sept mille euros)

comprenant les frais d’agence immobilière de la maison d’habitation en indivision successorale sise à [Adresse 13] au bénéfice de Monsieur [Z] [N].

Ecarter Madame [G] [I] du bénéfice de sa demande de sursis à statuer dans l’attente d’une médiation visant à établir une division parcellaire de l’immeuble proposé à la vente.

Ecarter cette dernière du bénéfice d’une désignation d’un Expert-Géomètre afin que soit établie une division parcellaire.

Au surplus,

Condamner Madame [G] [I] au paiement d’une somme de 10.000 € au titre des dispositions de l’article 32-1 du Code de Procédure Civile du fait d’une procédure qui sera considérée comme abusive.

Condamner Madame [G] [I] au paiement d’une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de Madame [L] [I].

Condamner Madame [G] [I] aux entiers dépens de l’instance’.

Elle a rappelé que :

– par jugement du 19 novembre 2014 confirmé par arrêt du 4 novembre 2015, les opérations de compte, liquidation et partage de la succession avaient été ordonnées ;

– le tribunal de grande instance de La Rochelle avait autorisé par décision du 17 juin 2014 confirmée par arrêt du 3 juin 2015 la vente de deux immeubles situés à La Rochelle dépendant de la succession, afin de régler une partie des droits de succession ;

– la vente du bien objet de la présente procédure avait été autorisée par décision du 15 mai 2018 frappée d’appel par l’appelante, mais n’avait pu aboutir en raison du désengagement de l’acquéreur potentiel ;

– la dette fiscale demeurait à ce jour impayée et qu’un avis à tiers détenteur avait été notifié le 10 mars 2021 par l’administration pour recouvrer paiement de la somme de 307.222 €.

Elle a exposé que l’offre d’achat, d’un montant supérieur aux précédentes n’ayant pas abouti, avait été formulée sans condition suspensive d’obtention d’un prêt

Elle a ajouté que la division du terrain ne permettrait pas d’édifier une maison d’habitation en raison de la proximité du rivage, que le prix de vente permettrait à l’appelante d’acquérir un bien sur la commune et qu’il convenait ne pas laisser échapper une offre financièrement intéressante.

Elle a soutenu, les manoeuvres de [G] [I] étant selon elle dilatoires, que la procédure engagée par cette dernière était abusive.

L’ordonnance de clôture est du 5 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR UNE ERREUR MATÉRIELLE

L’article 462 du code de procédure civile dispose que ‘les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par

celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande’.

Les parties fondent leurs prétentions respectives sur les dispositions de l’article 815-6 du code civil. L’article 1380 du code de procédure civile dispose que : ‘Les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l’article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond’. L’article 481-1 du même code inséré dans la sous-section relative aux jugements en procédure accélérée au fond précise que : ‘A moins qu’il en soit disposé autrement, lorsqu’il est prévu par la loi ou le règlement qu’il est statué selon la procédure accélérée au fond, la demande est formée, instruite et jugée dans les conditions suivantes :

[…]

6° Le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire dans les conditions prévues aux articles 514-1 à 514-6″.

La décision dont appel est ainsi qu’indiqué dans le dispositif un jugement et non une ordonnance ainsi que mentionné en première page. La décision sera en conséquence rectifiée en première page ainsi qu’il suit.

SUR UNE MÉDIATION

L’article 127 du code de procédure civile dispose que : ‘Hors les cas prévus à l’article 750-1, le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige une mesure de conciliation ou de médiation’.

L’intimée n’a en l’espèce pas donné son accord à une médiation. L’offre d’achat porte sur l’intégralité de la parcelle et non sur une partie de celle-ci. L’intimée n’a pas donné son accord à une cession partielle. L’ordonnance du 15 mai 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle ayant autorisé une précédente vente n’ayant pas abouti, avait mentionné qu’une tentative de médiation avait échoué en 2014 et avait rejeté une nouvelle demande de médiation. Il apparaît dès lors vain de retarder la décision sur la vente par une telle mesure.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer et celle d’ordonner une médiation.

SUR LA VENTE

L’article 815-6 alinéa 1er du code civil dispose que : ‘Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun’.

Par jugement du 19 novembre 2014, le tribunal de grande instance de La Rochelle a sur la demande de l’intimée ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [U] [I]. Ces opérations ne sont à ce jour pas achevées. La déclaration de succession n’ayant pas été déposée dans les délais, l’administration fiscale a taxé d’office les droits de mutation pour cause de mort. Un avis de mise en recouvrement de la somme de 307.722 € a été notifié par courrier en date du 4 janvier 2021 à [L] [I]. Le recouvrement forcé de cette somme a été entrepris à l’encontre de l’intimée. L’intégralité des droits de succession n’a à ce jour pas été réglé par les héritières. Le procès-verbal d’ouverture des opérations de liquidation de la succession dressé le 19 novembre 2017 par Maître Delphine Labossse, notaire associé à La Rochelle, puis le procès-verbal de difficultés du 18 février 2018 établissent que la succession ne dispose pas de liquidités permettant de solder cette dette fiscale. Il est donc de l’intérêt de l’indivision successorale de réaliser la vente d’un bien afin de disposer des fonds nécessaires à l’apurement de la dette.

L’offre d’achat de [Z] [N] est en date du 20 juillet 2021. Il n’est pas contesté que le prix d’achat offert, de 1.417.000 € et nettement supérieur aux précédentes offres n’ayant pas été poursuivies, correspond à la valeur

vénale du bien en son entier. L’ancienneté de cette offre et l’importance de la dette fiscale productrice d’intérêts de retard et génératrice de frais de recouvrement caractérisent l’urgence au sens de l’article 815-6 précité.

[L] [I] est pour ces motifs fondée à solliciter l’autorisation de vente à [Z] [N] le bien objet de son offre d’achat.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

SUR UNE PROCÉDURE ABUSIVE

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que ‘celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés’.

[G] [I] n’ayant pas pris l’initiative de l’action, ces dispositions ne peuvent recevoir application à son encontre.

L’article 559 du code de procédure civile dispose qu’en ‘cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés’.

La charge de la preuve de la faute incombe à l’intimée.

L’exercice d’une voie de recours, même mal fondée, ne dégénère en abus que si la malice ou la mauvaise foi de son auteur sont démontrées.

[L] [I] ne rapportant pas cette preuve, sa demande présentée sur ce fondement sera pour ces motifs rejetée.

SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié n’y avoir lieu de faire application de ces dispositions.

Il serait toutefois inéquitable et préjudiciable aux droits de l’intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d’appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

SUR LES DÉPENS

Le premier juge a exactement mis les dépens de première instance en frais privilégiés de partage. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

La charge des dépens d’appel incombe à l’appelante.

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

RECTIFIE le jugement du 7 avril 2022 du président du tribunal judiciaire de La Rochelle en ce qu’il convient de lire en première page : ‘JUGEMENT’ au lieu de : ‘ORDONNANCE DE REFERE’ ;

CONFIRME le jugement ainsi rectifié du 7 avril 2022 du président du tribunal judiciaire de La Rochelle ;

y ajoutant,

REJETTE la demande de [L] [I] présentée sur le fondement d’une procédure abusivement mise en oeuvre par [G] [I] ;

CONDAMNE [G] [I] à payer à [L] [I] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [G] [I] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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