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AB/SH
Numéro 23/03952
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 28/11/2023
Dossier : N° RG 22/00698 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IESK
Nature affaire :
Demande d’indemnisation pour enrichissement sans cause
Affaire :
[V] [M]
C/
[U] [F]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 Novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 09 Octobre 2023, devant :
Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,
Madame BLANCHARD, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame BLANCHARD, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [V] [M]
né le 02 Mai 1958 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Maître RONCUCCI, avocat au barreau de PAU
assisté de Maître CLAVERIE, de la SCP CLAVERIE-BAGET, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
Madame [U] [F]
née le 10 Mai 1971 à [Localité 7] (65)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et assistée de Maître DIEUDONNÉ de la SELARL DTN AVOCATS, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 27 JANVIER 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 21/00254
EXPOSE DU LITIGE :
M. [V] [M] et Mme [U] [F] ont vécu en concubinage durant une vingtaine d’années, deux enfants sont issus de leur union, nés en 2001 et 2010.
Durant la vie commune, Mme [F] a acquis un terrain sis [Adresse 1] [Localité 2] en son nom propre, le 30 mars 2006, suivant acte authentique reçu par Maître [Z], notaire à [Localité 6], et a fait construire sur ce terrain une maison d’habitation dont les matériaux ont été financés au moyen d’un prêt bancaire souscrit à son seul nom.
Le couple s’est séparé au mois de mars 2020, M. [M] refusant toutefois de quitter le domicile familial qu’il a finalement quitté en août 2021.
Estimant avoir réalisé seul et sans contrepartie financière la quasi totalité des travaux de construction de la maison, M. [M] a, par acte extra-judiciaire du 19 janvier 2021,fait assigner Mme [F] devant le tribunal judiciaire de Tarbes aux fins de voir condamner celle-ci sur le fondement de l’enrichissement sans cause, à lui payer une indemnité à titre principal de 90 000 €, outre 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 27 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Tarbes a débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [M] aux dépens.
Pour rejeter les demandes, le premier juge a considéré que M. [M] n’apportait aucun élément chiffré permettant au tribunal d’appréhender réellement une perte de revenus et l’éventuel impact financier négatif sur son activité d’artisan ; il a également considéré qu’il n’était pas démontré une augmentation du patrimoine propre de Mme [F], alors que celle-ci avait souscrit et payé un emprunt de 91’400 € afin de financer l’achat du terrain et le paiement des matériaux nécessaires à la construction; il a ajouté que la participation de M. [M] à cette construction était justifiée par la relation stable de concubinage au cours de laquelle il avait bénéficié d’un hébergement gratuit.
M. [M] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 mars 2022, critiquant les chefs du jugement l’ayant débouté de sa demande d’indemnité à hauteur de 90 000 € et l’ayant condamné aux dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [M], appelant, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :
– condamner Madame [U] [F] à verser à Monsieur [V] [M] une indemnité de 90 000 € sur le fondement de l’enrichissement injustifié,
Subsidiairement,
– ordonner une mesure d’expertise confiée à tel expert judiciaire qu’il plaira à la Cour de désigner ayant pour mission de décrire les travaux, leur nature et leur importance réalisés par Monsieur [M], d’évaluer la valeur du bien immobilier dans son état à ce jour,
– condamner Madame [F] à verser à Monsieur [M] la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– la condamner au paiement des dépens de première instance et d’appel.
M. [M] fait valoir au soutien de son appel :
– qu’il est un professionnel du bâtiment, qu’il dispose de matériel professionnel, et qu’il a effectué personnellement les travaux de construction de la maison durant son temps libre ses vacances à l’aide de matériaux fournis pour la plupart par lui,
– qu’il a chiffré la valeur de la main-d”uvre de sa part à la somme de 90’000 €, et que son appauvrissement n’est pas justifié par les avantages qu’il aurait pu retirer de la vie commune, tandis que la maison a été évaluée en juillet 2020 à 170’000 €,
– qu’il a participé à l’achat de nombreux objets ménagers tout en versant durant 15 ans 300 € par mois les frais communs, outre le paiement de la taxe d’habitation, l’électricité, de l’eau, et des courses,
– qu’à titre subsidiaire, si la cour ne s’estimait pas suffisamment informée, il doit être ordonné une expertise sur la nature des travaux et leur importance et évaluer la valeur du bien immobilier.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [F], intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement du 27 janvier 2022 en ce qu’il a débouté M. [M] de l’ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
– condamner M. [M] à verser à Mme [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance ;
En tout état de cause,
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes.
– condamner M. [M] à verser à Mme [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel ;
– condamner le même aux entiers dépens.
Mme [F] soutient quant à elle :
– que M. [M] ne rapporte pas la preuve de l’appauvrissement qu’il invoque, puisqu’il ne produit qu’un devis estimatif de main-d”uvre établi par un ami designer,
– qu’elle a financé la totalité des matériaux de construction à l’aide d’un crédit souscrit à son seul nom à hauteur de 91’400 €, et dont les mensualités sont prélevées sur son compte personnel,
– que M. [M] ne justifie pas avoir financé le paiement des travaux, ni le remboursement du crédit immobilier et ne produit aucune facture d’achat de matériaux en son nom,
– que les travaux de construction n’ont pas été réalisés par le seul M. [M], mais par l’ensemble de la famille de Mme [F] : son père, son frère ainsi que des amis, que démontrent des photos sur le chantier ainsi que des attestations, certains travaux ayant été réalisés en outre par des professionnels de la construction dont elle produit les factures,
– qu’en tout état de cause, la main-d”uvre qu’il a fournie venait en contrepartie de l’hébergement gratuit dont il a bénéficié durant plus de 15 ans,
– qu’il n’a participé que de manière minime aux frais de vie commune en versant 300 € par mois pour l’ensemble des frais du foyer composé de deux adultes et de deux enfants, alors que Mme [F] finançait le reste des dépenses y compris l’eau, électricité et la taxe d’habitation pour lesquelles elle justifie de prélèvements sur son compte personnel, et que M. [M] n’a commencé ces versements qu’en mars 2010,
– qu’il n’y a donc aucun appauvrissement démontré par M. [M],
– que la mesure d’expertise est parfaitement inutile et ne peut suppléer la carence de M. [M] dans l’administration de la preuve.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2023.
MOTIFS :
Il résulte des dispositions de l’article 1303 du code civil que celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.
En l’espèce, M. [M] prétend s’être appauvri au profit de Mme [F] en participant à la construction de la maison ayant constitué leur domicile commun jusqu’à leur séparation en août 2021.
Il affirme avoir fourni la main-d”uvre et certains matériaux pour la construction de cette maison appartenant en propre à Mme [F], ce qui correspondrait selon lui à un appauvrissement de l’ordre de 90’000 €.
Toutefois, le premier juge a considéré que M. [M] ne produisait aucun élément probant à l’appui de sa demande ; en cause d’appel il verse aux débats :
– les attestations de personnes indiquant avoir vu travailler M. [M] à la construction de la maison,
– les photographies de la maison,
– un devis estimatif effectué un ami architecte d’intérieur évaluant la main-d”uvre nécessaire à la construction à hauteur de 96’290 €.
Ces éléments sont utilement combattus par Mme [F], laquelle produit :
– les justificatifs du prêt contracté par elle pour financer les matériaux,
– les attestations des différentes personnes de son entourage ayant participé à la construction de la maison aux côtés de M. [M], qui ne peut donc s’attribuer l’exclusivité du travail,
– les photographies de ces différentes personnes sur le chantier,
– les factures au nom de Mme [F] concernant l’achat des matériaux, et certains travaux de gros ‘uvre, non effectués par ses proches,
– les différents relevés de compte montrant le prélèvement des dépenses d’eau, d’électricité, et de taxe d’habitation sur le compte de Mme [F].
Ainsi, M. [M] ne fait pas la démonstration de son appauvrissement dans les proportions qu’il prétend avoir subies ; en outre, la cour estime, comme le premier juge, que sa participation aux travaux de construction de la maison sur son temps libre n’excède pas les avantages qu’il a retiré de la vie commune durant près de 20 ans, et notamment de son hébergement gratuit et d’une faible participation financière aux charges communes.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de M. [M].
Par ailleurs, la demande d’expertise présentée en cause d’appel par M. [M] sera rejetée, cette mesure n’étant pas nécessaire à la solution du litige compte tenu des éléments examinés ci-dessus.
Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
M. [M], succombant, sera condamné à supporter les dépens d’appel.
L’équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code procédure civil devant la présente cour.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire par M. [V] [M],
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] [M] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE