Designer : 27 avril 2023 Cour d’appel de Nouméa RG n° 20/00109

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Designer : 27 avril 2023 Cour d’appel de Nouméa RG n° 20/00109
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N° de minute : 18/2023

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Avril 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 20/00109 – N° Portalis DBWF-V-B7E-RNP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Septembre 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :18/159)

Saisine de la cour : 26 Octobre 2020

APPELANT

S.A.R.L. [7], représentée par son gérant en exercice

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Grégory MARCHAIS membre de la SELARL D’AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

M. [D] [K]

né le 05 Février 1971 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Sophie BRIANT membre de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA

CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DE PREVOYANCE (CAFAT)

[Adresse 10]

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par deux contrats de travail à durée indéterminée datés du 1er avril 2008, M. [D] [K] a été embauché à mi-temps, à compter de la même date, en qualité de responsable de dock, qualification professionnelle niveau ll, échelon 3, au sein de la société SARL [7] moyennant un salaire mensuel brut de 115 000 F CFP correspondant à un horaire mensuel de 84 heures 30 et par Ia SARL [8] dans des conditions identiques, les deux sociétés étant détenues par le même gérant, M. [C], (Convention Commerce).

A compter du 31 décembre 2010, il a été débauché de la SARL [8] et a exercé son activité à temps plein pour la société [7] qui a pour activité la réparation, la pose, le remplacement de pneumatiques, le réglage et l’équilibrage des roues, de voitures et véhicules utilitaires légers de pneumatiques (poids lourds, pneus mines).

En avril 2019, son salaire mensuel de base s’élevait à 260 432 F CFP.

Le 25 septembre 2012, M. [K] a été victime d’un premier accident du travail, en déplaçant manuellement un pneu pesant 150 kg au cours duquel il a été blessé à l’épaule gauche (pièces n°6 et 8). Il a été placé en arrêt de travail avec reprise le 30 octobre 2012, le certificat médical daté du 29 octobre 2012 mentionnant une guérison apparente le jour même.

En octobre 2013, il a subi trois arrêts de travail.

Le 20 novembre 2013, le médecin du service médical inter-entreprises du travail (SMIT) l’a déclaré “apte avec restriction’ précisant : ‘éviter Ies efforts importants avec la main droite”.

Le 3 février 2014, il a subi un second accident du travail en déplaçant un pneu de poids lourd. Il a consulté le lendemain son médecin traitant qui l’a placé en arrêt de travail jusqu’au 31 juillet 2014 avec des soins jusqu’au 30 novembre 2015.

Le 4 mars 2014, l’employeur a procédé à la déclaration de cet accident auprès des services de la CAFAT

Le 6 mai 2014, il a été diagnostiqué à M. [K] une névralgie cervico-brachiale gauche, des paresthésies de la main droite, ainsi qu’une hernie discale.

Lors de sa visite de reprise du 24 juillet 2014, le médecin du SMIT l’a déclaré “apte avec aménagement de poste, éviter les manutentions”.

Par courrier daté du 25 février 2015, la CAFAT a refusé de prendre en charge les lésions du canal carpien bilatéral au titre de I’accident du travail du 3 février 2014 et a sollicité, par courrier du 27 février 2015, de l’employeur l’envoi d’une déclaration de maladie professionnelle.

Le docteur [S] a établi un certificat initial de maladie professionnelle pour syndrome carpien n°86-6 avec des soins jusqu’au 31 mai 2015.

Le 12 août 2015, M. [K] a été placé en état de rechute de l’accident du 3 février 2014 et arrêté du 12 août 2015 au 31 août 2015 inclus, prolongé du 28 août 2015 au 7 septembre 2015 avec une reprise du travail le 8 septembre 2015 et des soins prescrits jusqu’au 7 novembre 2015.

M. [K] a repris son poste, sans visite de reprise, le 8 septembre 2015.

Le 7 novembre 2015, le médecin lui a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 31 janvier 2016 suite a son accident du 3 février 2014.

Par courrier daté du 18 février 2016, la CAFAT a informé M. [K] que ce dernier arrêt de travail avait été rédigé par erreur par son médecin et a fixé au 18 février 2016 la date de sa consolidation des suites de son accident du 3 février 2014, en lui attribuant un taux d’incapacité permanente partielle de 2% revalorisé le 1er novembre 2017 à 5%, le montant annuel de sa rente étant fixé à 93 557 F CFP.

‘ Par lettre datée du 8 janvier 2016, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire fixé au 12 janvier 2016.

ll lui a été notifié une mise à pied deux jours les 16 et 23 février 2016 par son employeur, selon courrier date du 27 janvier 2016 pour des faits de vol de 6 casquettes et 10 tee shirts, faits contestés par M. [K].

Le 1er juillet 2016, le salarié a été placé en arrêt de travail au titre d’une rechute de son accident du 3 février 2014, à compter du 1er juillet 2016 jusqu’au 16 juillet 2016 prolongé jusqu’au 23 ao0t 2016, puis au 31 août 2016 inclus (pièces N°39, 40, 44, 45, 48 demandeur).

Le 1er septembre 2016, M. [K] a été déclaré “apte avec restriction” par le docteur [A], médecin du SMIT qui a prescrit le maintien à son poste actuel avec une reprise progressive de l’activité.

Le 8 septembre 2016, le docteur [F], médecin du SMIT l’a déclaré apte avec les restrictions suivantes “revoir Ies conditions de manutention, risque de MP57 et 98″.

Le 6 octobre 2016, le docteur [F] a déclaré M. [K] apte avec la mention de respecter les tâches du poste de travail responsable d’entrepôt.

– Le 19 octobre 2016, M. [K] a été victime d’un troisième accident du travail, qui a été déclaré par son employeur le 29 novembre 2016 à la CAFAT.

M. [K] souffrant alors d’une protusion discale L5-S1, a été placé en arrêt de travail du 20 octobre 2016 au 15 novembre 2016, prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 26 février 2019 inclus.

Par courrier date du 29 juin 2017, la CAFAT l’a informé de la date de la consolidation de son état de santé au 31 juillet 2017 (accident du 19 octobre 2016), cette décision étant contestée par M. [K] qui a sollicité une expertise médicale.

Le 8 août 2017, la CAFAT a informé M. [K] de l’attribution d’une rente et de la fixation d’un taux d’incapacité fixé à 3%, suite à sa consolidation au 31 juillet 2017 des suites de son accident du 19 octobre 2016.

Suite à la contestation du salarié de ce taux, la date de consolidation a été maintenue au 31 juillet 2017 avec un taux d’lPP de 3% suite à l’expertise amiable diligentée par la CAFAT.

Le 8 décembre 2017, le médecin du SMIT a interrogé l’entreprise sur les possibilités de reclassement du salarié au sein de la société et du groupe, en raison de son inaptitude à occuper son poste de responsable d’entrepôt.

Le 15 décembre 2017, l’employeur a fait savoir au médecin qu’il lui était impossible de le reclasser au sein de l’entreprise et des sociétés du groupe.

Le 20 décembre 2017, M. [K] a été déclaré inapte temporairement par le médecin du SMIT.

Le 8 janvier 2018, l’employeur a procédé à la déclaration de la maladie professionnelle de M. [K], reconnue par la CAFAT au titre du syndrome du canal carpien bilatéral par courrier daté du 26 janvier 2018.

Suite à l’expertise médicale amiable du docteur [B], ce dernier a retenu la date de consolidation du 1er octobre 2018 avec un taux d’lPP à 3%

Lors de sa visite de reprise après maladie professionnelle datée du 27 février 2019, M. [K] a été déclaré inapte au poste par le médecin du SMIT indiquant :

” inapte au poste de travail antérieur. Inaptitude en lien avec accident du travail et maladie professionnelle. Pas de reclassement possible dans l’entreprise d’après l’employeur. Inapte à tout poste dans l’entreprise.”

Par décision datée du 29 mai 2019, l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. [K] suite à son inaptitude et à l’impossibilité de le reclasser.

‘ Par courrier date du 11 juin 2019 adressé en recommandé avec accusé de reception, M. [K] a été licencié pour inaptitude (pièce n° 214 demandeur).

Il a a été destinataire de son solde de tout compte

‘ Par requête enregistrée le 8 juin 2018, complétée et modifiée par des conclusions postérieures récapitulatives, M. [K] a fait convoquer devant le tribunal du travail de Nouméa, la société [7], en présence de la CAFAT, aux fins suivantes :

JUGER qu’il a subi deux accidents du travail reconnus par la CAFAT le 3 février 2014 et le 19 octobre 2016, comme étant intervenus au temps et au lieu de travail ;

DIRE qu’il a subi une maladie professionnelle reconnue par la CAFAT en 2018 ;

DIRE son action en faute inexcusable recevable ;

JUGER que la société défenderesse a violé l’obligation de sécurité de résultat à Iaquelle tout employeur est tenu, tant en ce qui concerne l’accident du 3 février 2014, que celui du 19 octobre 2016, qu’en ce qui concerne la maladie professionnelle reconnue en janvier 2018 ;

JUGER, en conséquence, que la société défenderesse a commis une faute inexcusable au titre de chaque accident du travail, du 3 février 2014 et au 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

LA CONDAMNER à lui payer la majoration de sa rente, à son maximum ;

LA CONDAMNER à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices au titre de ses accidents du travail du 3 février 2014 et du 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

Et, a cette fin, au titre de l’accident du 3 février 2014, au titre de l’accident du 19 octobre 2016, au titre de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

ORDONNER une mesure d’expertise médicale et

DESIGNER à cet effet tel homme de l’art spécialisé en rhumatologie qu’il plaira pour y procéder avec la mission d’examiner le requérant avec missions habituelles et notamment :

DIRE que le requérant est bien fondé à solliciter une provision au titre de ses préjudices ;

En conséquence,

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer la somme de 3 700 000 F CFP à titre de provision à valoir sur ses préjudices,

PRENDRE ACTE de ce qu’il sollicite l’assistance d’un médecin-conseil des victimes aux fins de l’assister pendant l’expertise judiciaire ;

CONSTATER que ces frais sont à la charge de l’employeur, M. [K] ne pouvant en faire l’avance ;

En conséquence,

CONDAMNER la société défenderesse à une provision de 1 250 000 F CFP sur ce chef de demande ;

JUGER que la société défenderesse a commis des manquements suffisamment graves justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail a ses torts ;

JUGER que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement ;

JUGER que la requalification de la rupture en un licenciement, pendant une période d’accident du travail, rend le licenciement nul et de nul effet ;

En conséquence,

Au principal,

FIXER la moyenne de son salaire a la somme de 345 958 F CFP ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer, compte-tenu du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, la somme de 8 302 992 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

– 178 449 F CFP à titre de rappel sur l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 103 787 F CFP à titre de rappel sur congés payés sur préavis ;

– 457 667 F CFP a titre de rappel, sur l’indemnité spéciale de licenciement ;

ASSORTIR l’ensemble des sommes ayant nature salariale d’une condamnation à payer les intérêts au taux legal avec anatocisme à compter du depôt de la requête ;

A titre subsidiaire,

RETENIR la moyenne de salaire fixée par la CAFAT à hauteur de 311 857 F CFP ;

En conséquence,

CONDAMNER la société défenderesse a lui payer les sommes suivantes :

– 76 146 F CFP a titre de rappel d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 93 557 F CFP a titre de rappel de congés payés sur préavis ;

– 368 515 F CFP à titre de rappel sur l’indemnité spéciale de licenciement ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer que le Tribunal reconnaisse le licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, la somme de 7 484 568 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer un rappel de congés payés à hauteur de 325 282 F CFP ;

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer la somme de 218 838 F CFP ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer un rappel de 167 000 F CFP au titre de la prime de salissure, celle-ci ayant été octroyée à ses collègues et ce, en application de la règle “A travail égal salaire égal” ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer une somme de 55 000 F CFP à titre de rappel sur prime de rangement de dock ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer une somme de 18 932 F CFP à titre de rappel sur la prime de dépotage pour août 2015 et juillet 2016 ;

LUI ORDONNER de communiquer le détail de la prime sur chiffre d’affaires sur les 5 années passées et le détail de la prime de dépotage depuis 2014 ;

A titre subsidiaire, et dans l’hypothése ou le Tribunal ne prononcerait pas la résiliation judiciaire du contrat de travail.

CONSTATER qu’il a fait l’objet d’un licenciement le 11 janvier 2019 ;

CONSTATER que ce licenciement est causé par son inaptitude définitive, elle-même causée par la violation par l’employeur de l’obligation de sécurité de résultat ;

En conséquence,

LA CONDAMNER à lui payer les sommes suivantes :

– 8 302 992 F CFP à titre de dommages et intérêts ;

-178 449 F CFP et à titre subsidiaire 76 146 F CFP à titre de rappel sur l’indemnité compensatrice de préavis ;

-103 787 F CFP et à titre subsidiaire, 93 557 F CFP à titre de rappel de congés payés sur préavis ;

– 457 667 F CFP et à titre subsidiaire 368 515 F CFP à titre de rappel de l’indemnité de licenciement, ceci sur la base d’une moyenne de 345 958 F CFP ;

– 323 282 F CFP et à titre subsidiaire, 218 838 F CFP à titre de rappel sur congés payés ;

JUGER que la sanction disciplinaire pour vol est injustifiée et doit être annulée.

En conséquence,

CONDAMNER la société défenderesse à lui rembourser la somme de 24 656 F CFP indûment prélevée sur son bulletin du mois de mars 2016 outre une somme de 100 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

CONSTATER que la société défenderesse n’a pas repris son salaire entre la date de l’inaptitude définitive et le licenciement pour la période du 27 mars au 11 juin 2019.

En conséquence,

LA CONDAMNER à lui payer la somme de 172 980 F CFP à titre de dommages et intérêts pour non reprise du salaire pendant cette période et subsidiairement a la somme de 155 925 F CFP.

En tout état de cause,-

RAPPELER les dispositions relatives à la provision de droit ;

ORDONNER l’exécution provisoire sur toutes les sommes ayant nature de dommages et intérêts ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer les intérêts au taux légal sur toutes les sommes à compter de la demande et :

DIRE qu’elles seront frappées d’anatocisme conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil ;

CONDAMNER la société défenderesse à lui payer la somme de 1 250 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

‘ La CAFAT, en l’état de ses dernières conclusions, a confirmé qu’elle a reconnu le caractère professionnel des accidents du travail du 3 février 2014 et 19 octobre 2016, ainsi que de la maladie du canal carpien déclarée suite à l’intervention de la direction du travail et de l’emploi (DTE) et a soutenu que l’accident survenu le 19 octobre 2016 et la maladie professionnelle déclarée en janvier 2018 sont dus a la faute inexcusable de l’employeur qui n’a pas pris les mesures de prévention pour éviter les accidents dans la manipulation des pneus et l’exposition au risque de troubles musculo-squelettiques.

‘ La société [7], en l’état de ses dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour de plus amples développements, a conclu au débouté de toutes les demandes tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et à ses conséquences, ainsi qu’à la l’organisation d’une expertise médicale.

‘ Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal du travail de Nouméa a statué ainsi qu’il suit :

DIT que M. [D] [K] a subi deux accidents du travail reconnus par la CAFAT le 3 février 2014 et le 19 octobre 2016 ainsi qu’une maladie professionnelle reconnue par la CAFAT en 2018.

DECLARE son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur recevable.

DIT que la société [7] a violé son obligation de sécurité de résultat tant pour l’accident du 3 février 2014 que celui du 19 octobre 2016 ainsi que pour ce qui concerne la maladie professionnelle reconnue en janvier 2018 ;

DIT qu’elle a commis une faute inexcusable au titre de chaque accident du travail, du 3 fevrier 2014 et au 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

LA CONDAMNE à payer a M. [K] la majoration de sa rente à son maximum ;

DIT que l’estimation de la rente sera calculée sur l’assiette prévue par les textes applicables et calculé non pas sur un salaire moyen de 345 958 F CFP tel que sollicité mais calculée conformément aux dispositions des textes applicables (délibération N°214/ CP du 15 octobre 1997) sur les 12 derniers mois antérieurs à l’accident et la maladie professionnelle ;

LA CONDAMNE à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices au titre de ses accidents du travail du 3 février 2014 et du 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

ORDONNE une mesure d’expertise médicale et DESIGNE a cet effet : le Docteur [O] [J] [Adresse 5],(tel :[XXXXXXXX02]7 ou [XXXXXXXX03]) pour y procéder avec la mission d’examiner le requérant avec missions (…) ;

CONDAMNE la société [7] à lui payer la somme de 600 000 F CFP à titre de provision à valoir sur ses préjudices ;

CONSTATE qu’il sollicite l’assistance d’un médecin-conseil des victimes aux fins de l’assister pendant l’expertise judiciaire ;

DIT que ces frais seront à la charge de l’employeur,

CONDAMNE la société [7] à lui payer la somme de 500 000 F CFP à titre de provision à valoir sur ses frais d’assistance par un médecin conseil ;

CONSTATE que M. [K] a été licencié pour inaptitude par courrier en date du 11 juin 2019.

En conséquence,

DECLARE irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat travail de M. [K] ;

CONDAMNE la société [7] à lui payer les sommes suivantes :

– 24 656 F CFP au titre des salaires pour la période de mise a pied de deux jours abusive ;

– 50 000 F CFP à titre de dommages- intérêts pour le préjudice subi du fait de cette sanction abusive ;

– 172 980 F CFP à titre de dommages-intérêts pour non reprise de salaire pendant la période d’inaptitude jusqu’au licenciement, tel que sollicité;

– 265 923 F CFP au titre du rappel sur congés payés ;

– 410 669 F CFP au titre de rappel sur indemnité spéciale de licenciement;

– 5 000 000 F CFP à titre de dommages- intérêts pour perte d’emploi consécutive au non respect par l’employeur à son obligation de sécurité ;

– 122 268 F CFP au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 98 169 F CFP à titre de congés payés sur préavis.

DIT que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la requéte s’agissant des créances salariales et à compter de la décision s’agissant des créances indemnitaires.

FIXE à 327 231 F CFP la moyenne des trois derniers mois de salaire.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de plein droit sur les créances salariales dans la limite des dispositions de l’article 886-2 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

ORDONNE l’exécution provisoire à concurrence de 50% des sommes allouées au titre des dommages-intérêts en l’espèce compte-tenu de Ia nature de la demande et l’anciennété du litige.

Dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise medicale ordonne la radiation de l’affaire du rôle.

DIT qu’il appartiendra à M. [K] de saisir le tribunal pour ses demandes éventuelles suite au rapport d’expertise médicale.

ORDONNE la communication du détail de la prime sur chiffre d’affaires sur les 5 annees passées et le détail de la prime de dépotage depuis 2014 dans un delai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la société [7] à payer à M. [K] la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.

CONDAMNE la société [7] aux dépens.

PROCÉDURE D’APPEL

I/ La société [7], par requête enregistrée au greffe le 26 octobre 2020, a interjeté appel de la décision.

Son mémoire ampliatif d’appel a été déposé au greffe le 26 janvier 2021.

Par ses dernières conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 7 novembre 2022, elle fait valoir pour l’essentiel :

– que la faute inexcusable reprochée à l’employeur n’est pas constituée dès lors que M. [K] n’a pas pris soin de sa santé en s’exposant volontairement aux faits retenus, à tort, comme accidentels :

1/ que l’action relative au prétendu accident du travail du 3 février 2014 retenu par le premier juge, laquelle est prescrite s’agissant d’une rechute de l’accident du 25 septembre 2012 qui selon la jurisprudence ne peut avoir pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale (Cass. Soc. 3 mars 1994, Civ 2 ème 29 juin 2004), ne peut qu’être rejetée en raison du témoignage versé de M. [V] qui met clairement la volonté de fraude de M. [K] :’J’ai vu le pneu, il ne pouvait déplacer ce pneu qu’avec un chariot élévateur, c’est impossible à la main. Il m’a dit qu’en fait il ne s’était pas fait mal mais qu’il allait faire passer en accident du travail’ ;

2/ que le prétendu accident du travail du 19 octobre 2016 est due à une faute d’inattention de M. [K] qui ne regardait pas devant lui (témoin [I]) et qui a volontairement chuté pour simuler un accident du travail ; que les conclusions de l’expert sont également édifiantes sur l’absence de séquelles ou traumatismes ;

3/ qu’en tout état de cause, M. [K] ne devait nullement porter les pneumatiques mais devait les réceptionner après que ceux-ci aient roulé sur quelques mètres à faible allure ; que l’évaluation et les mesures de protection mises en ‘uvre ont été efficaces dès lors qu’aucun accident n’a été à déplorer dans la société, hormis ceux dénoncés par M. [K] ;

– que la maladie professionnelle reconnue par le premier juge n’est pas plus fondée, M. [K] ayant été recruté en avril 2008, l’expert désigné ayant clairement relevé que ‘MP : Canal carpien bilatéral reconnue en MP N° 57 le 11/03/2018 après manipulations répétées et pénibles Il s’agit d’une récidive de canal carpien survenu sur un canal carpien gauche déjà opéré en février 2008 pour neurolyse nerf médian gauche avec ouverture du ligament annulaire au canal carpien (récidive)’ ;

– que la sanction disciplinaire de janvier 2016 consistant en une mise à pied de deux jours était parfaitement justifiée, M. [K] ayant reconnu les faits consistant à avoir volé des casquettes pour les donner à ses collègues ; que les sommes auxquelles l’employeur a été condamné sont parfaitement stupéfiantes ;

– que les prétentions indemnitaires de M. [K] devront être revues par la cour, celles relatives à la question de la liquidation du préjudice ne pouvant être tranchées au regard du principe de l’effet dévolutif invoqué par le salarié.

‘ En conséquence, la société [7] demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

Vu l’article 904 du code de procédure civile,

Déclarer recevable et bien fondé l’appel de la société [7].

CONSTATER que les problèmes médicaux dont se plaint M. [K] sont des rechutes de l’accident du travail dont il aurait été victime en 2012.

CONSTATER que les collègues de travail de M. [K] apportent la preuve de l’absence d’un quelconque accident du travail.

CONSTATER que les faits dont se plaint M. [K] sont anciens.

CONSTATER que M. [K] disposait des moyens matériels pour accomplir en toute sécurité son travail.

CONSTATER que la maladie professionnelle de M. [K] est antérieure à l’entrée en fonction de M. [K] au sein de l’appelante.

CONSTATER que M. [K] a été licencié pour inaptitude professionnelle.

CONSTATER que la société [7] a parfaitement rempli M. [K] de ses droits.

CONSTATER que M. [K] est président de l’association [4].

En conséquence,

INFIRMER le jugement du tribunal du travail du 29 septembre 2020 n° 20/00231 en ce qu’il a :

– Fixé le salaire moyen de M. [K] à 327 231 F CFP ;

– Dit et juger la sanction disciplinaire pour le vol, reconnu mais minimisé, disproportionnée ;

– Dit que M. [K] aurait été victime d’accidents du travail ;

– Déclarer recevable l’action en reconnaissance de la faute inexcusable ;

– Dit et juger que la société [7] aurait commis une faute inexcusable ;

– Ordonner une mesure d’expertise judiciaire ;

– Condamner la société [7] à payer à M. [K] la majoration de la rente ;

– Condamner la société [7] à verser à M. [K] les sommes suivantes :

* 600 000 F CFP à titre de provision sur les préjudices,

* 500 000 F CFP au titre des frais d’assistance à expertise,

* 24 656 F CFP pour la période de mise à pied disciplinaire,

* 50 000 F CFP à titre de dommages et intérêts du fait de la sanction abusive,

* 172 980 F CFP à titre de dommages et intérêts pour non reprise de salaire pendant la période d’inaptitude jusqu’au licenciement,

* 265 923 F CFP au titre du rappel sur congés payés,

* 410 669 F CFP au titre du rappel sur indemnité spéciale de licenciement

* 5 000 000 F CFP au titre de la perte d’emploi consécutive au non- respect par l’employeur à son obligation de sécurité,

* 122 268 F CFP au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 98 169 F CFP à titre de congés payés sur préavis,

* 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles

CONFIRMER le jugement du tribunal du travail en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de résiliation judiciaire et en ce qu’il a débouté M. [K] de ses autres demandes.

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

DIRE ETJUGER irrecevable M. [K] en ses demandes indemnitaires à la suite du rapport d’expertise judiciaire et le renvoyer à mieux se pourvoir par devant le tribunal du travail.

Au fond,

ORDONNER une contre-expertise médicale avec la même mission que celle confiée à l’expert par le tribunal du travail ;

DEBOUTER M. [K] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions et si par extraordinaire il était fait droit aux prétentions de M. [K] les réduire à de plus justes proportions ;

DIRE ET JUGER M. [K] prescrit en son action en faute inexcusable de son employeur.

DIRE ET JUGER que la société [7] n’a commis aucune faute inexcusable préjudiciable à M. [K].

FIXER la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [K] à la somme de 219 307 F CFP.

CONDAMNER M. [K] à verser à la société [7] au titre des frais irrépétibles de première instance la somme de 600 000 F CFP et en cause d’appel la somme de 600 000 F CFP au visa de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

*************************

II/ M. [K], par conclusions récapitulatives enregistrées au RPVA le 9 février 2023, fait valoir, pour l’essentiel :

– que la réalité de l’accident du travail du 3 février 2014 est parfaitement établie et n’est contestée par l’employeur que cinq ans après les faits ; que les propos du témoin [V] sont fantaisistes ; que ce n’est qu’à la suite des douleurs que M. [K] a ressenties dans la nuit qu’il a déclaré son accident du travail lequel n’a jamais été contesté par la CAFAT ; qu’il ne peut être mis en avant un état antérieur lié à l’accident de 2012, comme tente de le faire la société, dès lors qu’un événement soudain s’est produit le 3 février 2014 ; que l’expert [J] a bien indiqué, au chapitre relatif à l’imputabilité médico-légale, que: ‘les séquelles constatées ce jour sont bien en relation directe avec des accidents du travail reconnus et déclarés’ ; que l’employeur ne saurait déclarer l’action prescrite pour les faits du 3 février 2014 au motif qu’il s’agirait d’une rechute de l’accident du 25 septembre 2012, alors même que la CAFAT n’a aucunement considéré qu’il s’agissait d’une rechute mais bien au contraire a enregistré l’accident du travail du 3 février 2014 à part entière ; qu’au surplus, M. [K] a perçu des indemnités journalières, au titre de cet accident ;

– que l’accident du 19 octobre 2016 doit également être retenu, une enquête des 6 et 15 décembre 2016 décrivant précisément la façon dont l’accident du travail s’est produit et le positionnement de M. [K] ; qu’ainsi, c’est bien un pneu lancé et roulant trop rapidement par son collègue, qui a été reçu sur le torse de M. [K] qui a été déséquilibré et a entraîné sa chute ;

– que la faute inexcusable de l’employeur retenue par le premier juge doit être confirmée pour les deux accidents, ainsi que pour la maladie professionnelle reconnue le 8 décembre 2017 ;

– que le salarié n’a commis aucune faute inexcusable ; que la faute inexcusable de la victime ne peut être invoquée que par la Caisse pour réduire la rente (Cass, Soc. 27 mars 1985, n°83-15.885 ; Cass, 2ème Civ, 19 décembre 2002, n°01-20.447) ;

– que les conséquences de la faute inexcusable permettent aux victimes ou ayant-droits d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, de bénéficier d’une réparation intégrale de leur préjudice ;

– qu’il convient de faire application des dispositions de l’article 568 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie permettant d’évoquer les points non jugés tenant aux indemnisations des préjudices détaillés par l’expert judiciaire désigné, le docteur [J] ;

‘ En conséquence, M. [K] demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

– CONFIRMER la décision rendue par le tribunal du travail en date du 29 septembre 2020 sur les chefs suivants :

I. Sur les accidents du travail du 3 février 2014 et du 19 octobre 2016 et la faute inexcusable

– JUGER que M. [K] a subi deux accidents du travail reconnus par la CAFAT le 3 février 2014 et le 19 octobre 2016, comme intervenus au temps et au lieu de travail ;

– JUGER que la contestation de ces accidents par la société [7] n’est pas sérieuse et en conséquence, l’en débouter ;

II. Sur la maladie professionnelle de janvier 2018

– JUGER que M. [K] a subi une maladie professionnelle reconnue par la CAFAT ;

III. Sur la recevabilité de l’action en faute inexcusable s’agissant de l’accident du 3 février 2014

– JUGER que M. [K] a perçu des indemnités journalières au titre de l’accident du 3 février 2014 jusqu’au mois de septembre 2016 et que la prescription n’est donc pas acquise, la rechute alléguée du 1er juillet 2016 étant, en réalité, une prolongation dès lors que M. [K] n’était pas consolidé puisqu’il ne l’a été que le 31 octobre 2017 ;

– JUGER, en conséquence, qu’il ne peut y avoir de rechute avant consolidation ;

– JUGER, en conséquence, l’action de M. [K] en faute inexcusable recevable ;

IV. Sur la violation de l’obligation de sécurité de résultat et la faute inexcusable

– DIRE et JUGER que la société [7] a violé l’obligation de sécurité de résultat à laquelle tout employeur est tenu, tant en ce qui concerne l’accident du 3 février 2014, que celui du 19 octobre 2016 qu’en ce qui concerne la maladie professionnelle reconnue en janvier 2018 ;

– DIRE et JUGER, en conséquence, que la société [7] a commis une faute inexcusable au titre de chaque accident du travail, du 3 février 2014 et au 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

En conséquence,

– CONFIRMER la décision du tribunal ;

– CONDAMNER la société [7] à payer à M. [K] la majoration de sa rente, à son maximum ;

– CONDAMNER la société [7] à indemniser M. [K] de l’ensemble de ses préjudices au titre de ses accidents du travail du 3 février 2014 et du 19 octobre 2016 et de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

Et, à cette fin, au titre de l’accident du 3 février 2014, au titre de l’accident du 19 octobre 2016, au titre de la maladie professionnelle du 18 janvier 2018 ;

En conséquence,

DECLARER recevables les demandes indemnitaires formées par M. [D] [K] au titre de la réparation de ses préjudices ;

En conséquence,

CONDAMNER la société [7] à payer à [K] les sommes suivantes :

Au titre des préjudices patrimoniaux,

Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :

– 2 779 F CFP au titre de l’assistance à tierce personne avant consolidation,

– 200 000 F CFP au titre des frais d’assistance par un médecin conseil,

– 1 010 261 F CFP au titre de la perte de gains professionnels actuels,

Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :

– 3 926 772 F CFP au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier d’une promotion professionnelle ;

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux,

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

– 2 595 F CFP au titre du déficit fonctionnel temporaire total,

– 641 276 F CFP au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

– 957 145 F CFP au titre des souffrances endurées,

– 239 325 F CFP au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 500 000 F CFP au titre du préjudice d’agrément temporaire ;

Au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents :

– 2 872 896 F CFP au titre du déficit fonctionnel permanent,

– 119 665 F CFP au titre du préjudice esthétique permanent,

– 478 746 F CFP au titre du préjudice sexuel,

– 957 145 F CFP au titre du préjudice d’agrément post-consolidation ;

DONNER ACTE à M. [K] qu’il se réserve la possibilité de saisir à nouveau le juge du fond en vue de l’indemnisation de son préjudice lié à l’aggravation de son état de santé et faire usage de tous recours, y compris en vue d’une nouvelle expertise judiciaire en aggravation, aux fins d’indemnisation ;

V. Sur les conséquences de la rupture de son contrat de travail :

FIXER la moyenne de salaire de M. [D] [K] à la somme de 327 261 F CFP ;

CONFIRMER la décision du tribunal et :

CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 122 268 FCFP à titre de rappel sur l’indemnité compensatrice de préavis ;

CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 98 169 F CFP à titre de rappel sur congés payés sur préavis ;

CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 410 669 FCFP à titre de rappel sur l’indemnité spéciale de licenciement ;

ASSORTIR l’ensemble des sommes ayant nature salariale d’une condamnation à payer les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du dépôt de la requête introductive d’instance ;

VI. Au fond, déclarant l’appel incident recevable et fondée :

– CONFIRMER la décision du tribunal en ce qu’elle a alloué à M. [K] une indemnité de perte d’emploi ;

– L’NFIRMER cependant et dire :

Sur la demande en indemnisation pour manquements de la société à l’origine de son inaptitude définitive et de son handicap :

– JUGER que la société [7] a violé son obligation de sécurité de résultat à trois reprises, ce qui constitue un manquement grave ;

– JUGER que la société [7] a violé son obligation de loyale exécution du contrat de travail en modifiant la qualification de M. [K], ainsi que ses responsabilités, puisque de responsable de dock, il est passé cariste ;

– JUGER que cette modification non acceptée constitue une faute grave car ayant impacté la santé de M. [K], l’ayant conduit à une inaptitude définitive ;

En conséquence,

– CONDAMNER la société [7] à payer à M. [K] la somme de 19 633 860 F CFP à titre de dommages et intérêts pour perte d’emploi ;

VII. Sur les rappels de congés payés

CONFIRMER la décision du tribunal et CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 265 923 F CFP ;

VIII. Sur la sanction disciplinaire du 8 janvier 2016

– CONFIRMER la décision du tribunal ;

En conséquence,

– JUGER que cette sanction est injustifiée et l’annuler ;

En conséquence,

– CONDAMNER la société [7] à rembourser à M. [K] la somme de 24 656 F CFP indûment prélevée sur son bulletin du mois de mars 2016 ;

– JUGER que la notification de cette sanction a causé un préjudice à M. [K] dont il est bien fondé à solliciter réparation ;

En conséquence,

– CONDAMNER la société [7] à lui payer une somme de 50 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

IX. Sur les dommages et intérêts pour non-paiement du salaire pour la période du 27 mars au 11 juin 2019 :

CONFIRMER la décision du tribunal ;

En conséquence,

CONSTATER que la société [7] n’a pas repris le salaire de M. [D] [K] entre la date de l’inaptitude définitive et le licenciement ;

En conséquence,

CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 172 980 FCFP à titre de dommages et intérêts pour non reprise du salaire pendant cette période ;

En tout état de cause,

X. Sur les intérêts au taux légal :

– CONDAMNER la société [7] à payer les intérêts au taux légal sur toutes les sommes à compter de la demande et :

DIRE qu’elles seront frappées d’anatocisme conformément aux dispositions de

l’article 1154 du Code civil ;

XI. Sur les frais irrépétibles :

– CONFIRMER la décision du tribunal en ce qu’il a condamné la société [7] à payer à M. [K] la somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ;

– CONDAMNER la société [7] à payer à M. [D] [K] la somme de 650 000 FCFP au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première Instance et d’appel.

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III/ la CAFAT, par conclusions enregistrées au greffe le 27 juin 2022, demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :

ACTER que la Caisse a reconnu le caractère professionnel au titre de la législation les accidents du travail et des maladies professionnelles :

– de l’accident du travail du 25.09.2012 ;

– de l’accident du travail du 03.02.2014 ;

– de l’accident du travail du 19.10.2016 ;

– de la maladie professionnelle déclarée en janvier 2018.

DIRE ET JUGER que la responsabilité au titre de la faute inexcusable de la société [7], peut être engagée pour :

– l’accident du 03.02.2014 ;

– l’accident du 19.10.2016

– la maladie professionnelle declarée en janvier 2018.

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L’ordonnance de fixation de la date d’audience a été rendue le 18 novembre 2022

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MOTIFS DE LA DÉCISION

1-De la réalité de l’accident du travail du 3 février 2014

Attendu que les dispositions de l’article 2 du décret n° 57-245 du 24 février 1957 relatif à la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d’outre-mer, prévoient que :

“est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail’ ;

Attendu que la jurisprudence rappelle qu’il résulte de ce texte que constitue un accident de travail, un évènement ou une série d’évènements survenu à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci (Cass. 2 avril 2003, n°00-21763) ; que la lésion corporelle doit s’entendre au sens large c’est à dire qu’elle peut être interne ou externe et inclut donc une douleur, un simple malaise ou une atteinte psychique ;

Attendu que l’employeur soutient que M. [K] a feint de s’être blessé en déplaçant un pneu le 3 février 2014, et s’appuie sur le témoignage d’un collègue de travail du salarié daté du 18 octobre 2018, M. [V] qui atteste avoir ‘ vu le pneu, il ne pouvait déplacer ce pneu qu’avec un chariot élévateur, c’est impossible à la main. Il m’a dit qu’en fait il ne s’était pas fait mal mais qu’il allait faire passer en accident du travail’ ;

Attendu cependant que la cour relève :

– que ce témoignage survient près de 5 années après les faits, qu’il ne précise pas la date exacte des faits et se limite à rapporter des confidences de M. [K] ;

– que les pièces produites établissent que M. [K] a déclaré à son employeur, Ie 4 février 2014, avoir entendu la veille un craquement au niveau des cervicales alors qu’il soulevait un pneu pour Ie faire rouler sur la bande et qu’il avait ressenti des douleurs, la nuit, ce qui l’avait conduit à consulter un médecin dès le lendemain ;

– que sur demande de la CAFAT, suite au certificat d’arrêt de travail pour accident de travail daté du 3 février 2014, la société [7] avait déclaré l’accident auprès de l’organisme social, le 4 mars 2014, sans émettre de réserves en reprenant Ies dires de M. [K] en indiquant que le salarié lui avait adressé un SMS pour avertir qu’il ne pouvait pas venir travailler pour cause de santé ;

– que le Dr [L] a ainsi diagnostiqué, dès le 3 février 2014, que M. [K] souffrait de cervicalgies, le scanner cervical réalisé par le Dr [E] le 20 mars 2014 établissant une névralgie cervico brachiale droite et une hernie discale C4 et C5, éléments confirmés par un IRM réalisé le 27 mars 2014 par le Dr [G] ;

Attendu qu’au vu de ces éléments pris en leur ensemble, c’est par de justes motifs que la cour se réapproprie, que le premier juge a conclu à la réalité de l’accident du travail du 3 février 2014 ;

Attendu que l’employeur soutient également que l’action relative à l’accident du travail du 3 février 2014 serait prescrite s’agissant d’une rechute de l’accident du 25 septembre 2012, ce à quoi M. [K] s’oppose ;

Attendu cependant que M. [K] est fondé à relever qu’aucun élément ne permet de dire qu’il s’agissait d’une rechute, l’apparition de la névralgie cervico brachiale droite et de l’extrusion discale C4 et C5 et d’un rétrécissement des segments mobiles intervertebreux entre C5 et C6 étant consécutive à la manipulation d’un pneu, ce qui constitue un évèvenement extérieur sans lien avec le premier accident survenu en 2012 ;

Attendu que M. [K] a perçu des indemnités journalières, au titre de l’accident du 3 février 2014 pendant la période du 3 février 2014 jusqu’au 31 juillet 2014, puis du 12 août 2015 jusqu’au 7 septembre 2015, puis du 1er juillet 2016 au 14 septembre 2016 ; que la consolidation a été fixée à la date du 31 octobre 2017, suite à une contestation sur une difficulté d’ordre médical qu’il a élevée ; qu’il importe peu que les indemnités journalières soient perçues de manière discontinue, dès lors qu’elles concernent le même accident (Cass. 2ème Civ. 20/06/2013 n° 12-16.576) et que la requête introductive d’instance étant du 8 juin 2018, soit moins de 2 ans après la dernière perception de l’indemnité journalière du 14 septembre 2016, la faute inexcusable doit être déclarée non prescrite et par conséquent recevable ;

2-De la réalité de l’accident du travail du 19 octobre 2016

Attendu que l’employeur conteste la réalité de l’accident du travail du 19 octobre 2016 en soutenant qu’il est dû à une faute d’inattention de M. [K] qui ne regardait pas devant lui (témoin [I]) et qui a volontairement chuté pour simuler un accident du travail ;

Attendu que la cour relève cependant :

– que la déclaration d’accident de travail signée par l’employeur établit que le 19 octobre 2016 M. [K] a fait une chute suite à la réception d’un pneu alors qu’il etait dans un camion dans Ies locaux de la société [8] et que cela a été constatée par le responsable du dock de la maison du rechapage et le chauffeur de la société ;

– que l’enquête de prévention effectuée les 6 et 15 décembre 2016 par la CAFAT(piece N°13 CAFAT) établit que ‘M. [K], qui se trouvait au sol à l’arrière du camion et devant le hayon élévateur de ce dernier, afin de réceptionner Ies pneus que son collègue lui envoyait en Ies faisant rouler sur le plateau depuis le fond du camion (distance de 10 m environ), a reçu un pneu de 4/4 sur le torse, ce qui l’a déséquilibré et fait chuter sur Ies fesses, celui-ci se blessant au niveau de la région lombaire’ ;

– que l’empIoyeur n’a émis aucune réserve lors de la déclaration de l’accident ; 

– que le témoignage de M. [I], impliqué dans l’accident pour avoir lancé le pneu, ne saurait permettre d’établir que M. [K] a simulé sa chute ;

Attendu qu’au vu de ces éléments pris en leur ensemble, c’est par de justes motifs que la cour se réapproprie, que le premier juge a conclu à la réalité de l’accident du travail du 19 octobre 2016 ;

3- De la maladie professionnelle déclarée le 2 janvier 2018

Attendu qu’au vu des dispositions de la Délibération n°8 du 26 décembre 1958 relative aux maladies professionnelles et de la Délibération N°395 /CP du 19 avril 1995 relative aux maladies professionnelles, applicables en Nouvelle-Calédonie est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles figurant sur une liste fixée par arrêté et contractée dans Ies conditions mentionnées dans ce tableau ; que, par ailleurs, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à Ia durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux précisées dans le tableau concerné par la maladie ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; que peut êre également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée, non désignée dans un tableau professionnel, lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne notamment une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25% ; que dans ce cas, la CAFAT doit saisir le Comité Territorial de Reconnaissance des maladies professionnelles, l’avis du Comité s’imposant à la CAFAT ;

Attendu que l’employeur conteste les dispositions du premier juge ayant conclu à retenir la maladie de M. [K] au titre du syndrome du carpien classée au tableau 57C ; qu’il relève que l’expert judiciaire [J] a noté dans son rapport du 9 septembre 2021, page 49/53 :

‘MP : Canal carpien bilatéral reconnue en MP N° 57 le 11/03/2018 après manipulations répétées et pénibles.

Il s’agit d’une récidive de canal carpien survenu sur un canal carpien gauche déjà opéré en février 2008 pour neurolyse nerf médian gauche avec ouverture du ligament annulaire au canal carpien (récidive)’ ; que l’employeur fait observer que M. [K] ayant été recruté en avril 2008, il en déduit que la responsabilité de la société ne saurait être retenue pour une maladie antérieure ayant récidivé ;

Attendu cependant que la cour relève :

– que l’expert judiciaire [J] a bien noté dans son rapport détaillé sur 53 pages daté du 9 septembre 2021 : ‘que les séquelles constatées ce jour sont bien en relation directe avec des accidents de travail reconnus et déclarés’ ;

– que l’affection du canal carpien est inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles énumérant Ies affections professionnelles péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ;

– que la liste énumérant Ies principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie cite notamment ceux comportant de façon habituelle soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main ;

– que les éléments médicaux produits (pièces n°130, 199, 200, 203 du requérant) établissent que M. [K] souffre d’un syndrôme du canal carpien, maladie professionnelle classee au tableau 57C, que l’enquête de prévention de la CAFAT (pièce n°9 CAFAT) précise que le salarié était responsable de dock depuis le 1er avril 2008 qu’il consacrait 60% de son temps au dépotage de conteneurs de pneumatiques (12 à 17 tonnes par conteneur à raison de 80 a 100 conteneurs par an), procédait au déplacement manuel (roulade) ou mécanique de ces mêmes pneus au moyen d’un chariot élévateur avant de Ies empiler sur Ies planchers des mezzanines, de sorte qu’il devait effectuer des mouvements répétés de préhension des mains et sur le talon des mains ;

– que d’autres éléments médicaux (pièces n°126, 127, 128, 129, 130, 199, 200, 203 du requérant) démontrent que le Dr [L] a examiné M. [K] le 25 octobre 2013 pour un syndrôme du canal carpien et l’a ensuite adressé au médecin du travail, puis revu pour un syndrôme carpien bilatéral le 2 février 2015 avant de l’adresser au Dr [S], chirurgien orthopédique qui a constaté le 24 février 2015 que M. [K] souffrait bien d’un syndrôme du canal carpien ; que si la demande de reconnaissance en MP 57C a été rejetée initialement par la CAFAT pour absence de déclaration de maladie professionnelle par l’employeur, elle a finalement été prise en compte le 26 janvier 2018 suite à la régularisation faite par l’employeur le 2 janvier 2018 ;

Attendu en conséquence, que le syndrôme du canal carpien bilatéral constaté sur M. [K] dès le 24 février 2015 par le Dr [S], accident non déclaré immédiatement par l’employeur mais constaté le 8 décembre 2017 par le Dr [L], remplit bien Ies conditions du tableau des maladies professionnelles 57C concernant cette pathologie qui doit être considérée comme une maladie professionnelle ainsi que le premier l’a retenue par des motifs pertinents adoptés par la cour ;

4- De l’existence d’une faute inexcusable

Attendu que l’employeur est tenu, à l’égard de ses salariés, d’une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage qu’il s’ensuit que la simple constatation du manquement à l’obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l’employeur si la victime apporte la preuve qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié et l’absence de mesures de prévention et de protection ;

‘ De l’accident du 3 février 2014

Attendu qu’il a été précédemment indiqué que l’accident du 3 février 2014 a eu lieu au cours du soulèvement d’un pneu de poids lourd, M. [K] ayant ressenti au niveau de sa colonne vertébrale cervicale, un craquement anormal suivi d’une impotence fonctionnelle douloureuse du cou et des épaules ;

Attendu que l’employeur soutient que M. [K] n’aurait pas dû porter les pneumatiques mais devait les réceptionner après que ceux-ci avaient roulé sur quelques mètres à faible allure, les pneumatiques d’un poids supérieur à 25kg étant dépotés avec un des 4 chariots élévateurs au mât triplex mis à la disposition des salariés; que ces derniers disposaient de diables adaptés au transport de pneus ainsi que des transpalettes révisés par le service de maintenance de la société ; que tous les salariés, dont M. [K], ont leur certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES) ; qu’enfin, la société a bien réalisé un dossier d’évaluation des risques professionnels en 2014 et en 2016 ; que l’évaluation et les mesures de protection mises en ‘uvre ont été efficaces dès lors qu’aucun accident n’a été à déplorer dans la société, hormis ceux dénoncés par M. [K] ;

Attendu cependant que la cour relève que le premier juge a justement souligné par des motifs qui ne sont pas réellement combattus en appel :

– que l’enquête de prévention éffectuée par la CAFAT suite à la déclaration par l’employeur de la maladie professionnelle dont M. [K] souffre, que celui-ci passait 60% de son temps a la manipulation des pneus (manutention, transfert, rangement des pneus) alors qu’il résulte de son contrat de travail qu’il était responsable de dock ;

– que les factures produites par M. [K] (pièces n°192 et 193) concernant la procédure de dépotage des containers, démontrent que compte tenu de l’effectif de son équipe (3 personnes dont M. [K]), le salarié devait porter 17 tonnes par jour en respectant des délais contraints (4 heures), ce qui contrevenait aux dispositions de l’article 8 de l’arrêté 2009-4271/GNC du 22 septembre 2009 relatif aux prescriptions minimales de sécurité et de santé concernant la manutention manuelle de charges comportant des risques, notamment dorsolombaires pour Ies travailleurs qui interdit le port répétitifsupérieur a 25 kgs et qui limite le tonnage admissible à 3 tonnes par heure et à 12,5 tonnes par jour ;

– que M. [K] avait déjà été victime d’un accident de travail le 25 septembre 2012 en déplaçant un pneu et qu’en dépit de cet accident, l’employeur n’avait mis en place aucune action de formation ou de prévention pour éviter la réalisation d’un autre accident et ce, en dépit des recommandations du SMIT en date du 24 juillet 2014, qui avaient préconisé pour M. [K] d’éviter Ies manutentions ;

Attendu que l’employeur qui avait nécessairement conscience du danger, notamment depuis l’accident du 25 septembre 2012, n’a cependant pas pris les mesures nécessaires de prévention et de formation pour préserver M. [K], commettant ainsi une faute inexcusable ;

‘ De l’accident du 19 octobre 2016

Attendu que l’employeur qui soutient qu’il avait mis en place un plan de prévention des risques en 2014 et en 2016, ne fournit qu’un dossier d’évaluation des risques professionnels en date du 28 décembre 2016, soit postérieur à l’accident du 19 octobre 2016 au cours duquel M. [K] s’est blessé en réceptionnant un pneu de 4/4 que lui envoyait en le roulant son collègue alors qu’ils déchargeaient un camion ;

Attendu qu’en ce qui concerne cet accident du 19 octobre 2016, il convient de souligner que le médecin du SMIT avait demandé à l’employeur le 6 octobre 2016 qu’il respecte Ies tâches qu’il avait contractuellement attribuées à M. [K] de responsable d’entrepôt (pièce n°55 du requérant ), ce qui signifiait que ce dernier ne devait plus faire de tâches de manutention ; que l’agent de prévention de la CAFAT qui s’est rendu sur les lieux les 6 et 15 décembre 2016 a par ailleurs préconisé à l’employeur d’étudier la possibilité d’utiliser un éperon pour chariot élévateur et de rappeler aux salariés l’importance d’être vigilant et de veiller à faire rouler Ies pneus lentement lors de ce type d’opération ;

Attendu qu’en ne respectant pas Ies préconisations du SMIT faites le 6 octobre 2016, qui avaient été précédées par un courrier du 8 septembre 2016, l’employeur a commis une faute inexcusable ;

‘ De Ia maladie professionnelle déclarée le 2 janvier 2018

Attendu que l’employeur, qui avait été informé de la maladie de M. [K] en 2015 et des préconisations du médecin du SMIT dès 2013 ‘apte avec restriction. Eviter les efforts importants avec la main droite’ (pièce requérant n°15), n’a déclaré la maladie de M. [K] qu’en 2018 malgré la demande de la CAFAT qui avait reçu le certificat médical du Dr [S] en date du 24 février 2015, et n’a par conséquent pas étudié la la possibilité de mettre en place un éperon pour chariot élévateur en vue de décharger le camion directement avec l’appareil de levage depuis l’arrière du camion, afin de limiter la manipulation manuelle des pneus et Ies risques d’accident et de la maladie, ni n’a proposé un reclassement au salarié ou une modification de ses missions alors qu’il avait été embauché en qualité de responsable de dock mais consacrait 60% de son temps au dépotage des conteneurs de pneus ; qu’il en résulte que l’employeur, qui avait conscience du danger auquel le salarié était exposé, n’a pas pris Ies mesures nécessaires de prévention et de formation pour l’en préserver, ce qui caractérise à nouveau sa faute inexcusable ;

Attendu que les prétentions de l’employeur tendant à ce que la faute inexcusable de la victime soit reconnue, laquelle se limiterait à une réduction de la majoration de la rente (Cass. 2ème Civ., 19 décembre 2002), n’est aucunement plaidée par la CAFAT, seule partie pouvant s’en prévaloir (Cass. Soc. 27 mars 1985) ; qu’en conséquence, le premier juge a justement analysé que la rente due serait fixée au taux maximum tel que prévu à l’article 34 du décret du 24 février 1957 et calculée conformément aux dispositions du décret précité, sur Ies 12 derniers mois antérieurs à l’accident et la maladie professionnelle, soit sur la somme de 323 662 F CFP par mois retenue par la CAFAT ;

5- Des conséquences de la rupture du contrat de travail

Du salaire de référence

Attendu que l’employeur demande que ce salaire soit fixé à 219 307 F CFP tandis que M. [K] demande la confirmation des dispositions du premier juge l’ayant fixé à la somme de 327 261 F CFP ;

Attendu que la jurisprudence retient qu’en cas de licenciement pour inaptitude faisant suite à des arrêts maladie du salarié, seuls Ies mois de salaire précédent l’arrêt maladie sont à prendre en compte (Cass. Soc. 23/05/2017) ; que l’assiette de l’indemnité de licenciement spéciale doit donc se calculer, selon ce principe jurisprudentiel, sur Ies trois derniers mois avant l’arrêt maladie ou Ies 12 derniers mois, selon ce qui est le plus avantageux pour le salarié ;

Attendu qu’au vu des bulletins de salaire produits, l’assiette de calcul la plus avantageuse par application de ces règles est la règle des trois derniers salaires des périodes travaillées avant l’arrêt maladie soit la somme de 327 231 F CFP justement retenue par le premier juge ;

De l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés sur préavis

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 87 de l’accord interprofessionnel territorial (AIT), le salarié bénéficiera d’un préavis d’une durée de trois mois prévu pour un travailleur ayant une ancienneté continue de plus de dix ans ;

Attendu qu’il est ainsi dû à M. [K] une somme de 981 693 F CFP (327 231 x 3) de laquelle doit être déduite la somme de 859 425 F CFP perçue à ce même titre lors du solde de tout compte ; que la somme retenue de 122 268 F CFP par le premier juge doit être confirmée, ainsi que celle de 98 169 F CFP due au titre des congés sur préavis ;

Du rappel de congés payés

Attendu que ce poste fixé à 265 923 F CFP qui n’est pas véritablement contesté par l’employeur autrement que dans son dispositif et quant au salaire de référence, doit être confirmé conformément aux dispositions des articles 68 et 70 de I’AlT, l’assiette de l’indemnité des congés payés comprenant la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler, soit le salaire brut, Ies primes et indemnités d’ancienneté ;

De l’indemnité spéciale de licenciement

Attendu qu’il doit être fait application des articles Lp. 122-27 et R. 122-4 du code du travail de Nouvelle-Calédonie et de l’article 88 de l’accord interprofessionnel territorial (AIT) qui prévoit que :

‘Lorsque le travailleur compte deux ans d’ancienneté continue au service du même employeur, il a droit, sauf en cas de faute grave ou en cas de force majeure ou en cas de départ à la retraite à une indemnité minimum de licenciement calculée sur la base :

‘ de 1/10ème de mois par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté,

‘ de 1/10ème de mois par année d’ancienneté plus 1/15ème de mois par années d’ancienneté sur la période au-delà de 10 ans d’ancienneté’ ;

Attendu que, par ailleurs, l’article Lp. 127-9 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans Ies cas prévus à l’article Lp. 127-7 (impossibilité de reclassement pour inaptitude) ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal a celui de l’indemnité prévue à l’article Lp. 122-24, ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article Lp.122-27 ;

Attendu que le calcul opéré par le premier juge, qui n’est pas contesté par les parties autrement pour l’employeur que par le calcul basé sur un salaire de référence différent que celui retenu par le présent arrêt, doit être confirmé au montant arrêté de 770 624 F CFP duquel doit être retirée la somme déjà perçue de 359 955 F CFP, soit la somme de 410 669 F CFP à laquelle doit être condamné l’employeur ;

Des dommages et intérêts pour perte d’emploi

Attendu que l’indemnisation demandée à ce titre doit être fondée sur l’ancienneté, l’âge, le montant du salaire, le comportement de l’employeur, les circonstances de la rupture et ses suites, la situation du salarié après la rupture lorsqu’on la connaît et plus généralement sur le préjudice né de la perte injustifiée de l’emploi ;

Attendu que la société [7] conteste la somme de 5 000 000 F CFP retenue par le premier juge tandis que M. [K] demande qu’elle soit fixée à 19 633 860 F CFP (327 261 x 60) ; que l’employeur fait ainsi valoir que M. [K], en pleine force de l’âge, n’aura aucune difficulté à retrouver un emploi de cariste, d’autant plus qu’il est titulaire du CACES ; que M. [K] fait quant à lui valoir qu’il est très affecté, tant sur le plan psychologique puisque ces accidents dutravail ont eu de graves conséquences, tant sur le plan psychologique, que sur le plan physique puisque du fait de ses accidents du travail, il se trouve extrêmement diminué avec des perspectives quasi-inexistantes de retrouver un emploi ;

Attendu que M. [K], qui ne produit aucune pièce justificative de sa situation financière actuelle, est cependant fondé compte-tenu de son âge (48 ans) au moment de son licenciement pour inaptitude, de son ancienneté dans l’entreprise (11 ans) et des circonstances de sa rupture, à ce qu’il luit soit allouée la somme de 5 000 000 F CFP déjà retenue par le premier juge ;

Attendu qu’il convient également de dire que sur l’ensemble des sommes ayant une nature salariale, la société [7] sera condamnée à payer les intérêts au taux légal avec anatocisme pour réparer le préjudice particulier résultant de l’attente à subir pendant le temps du procès, et ce à compter de la requête introductive d’instance ;

Du règlement des salaires du 27 mars 2019 au 11 juin 2019

Attendu que les dispositions de l’alinéa 1 de l’article Lp. 127-6 du code du travail prévoient que :

‘Lorsque, à l’issue des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités’ ;

Attendu que l’article Lp.127-7 dudit code précise :

‘Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat que s’il justifie de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article Lp. 127-6, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue à la section 2 du chapitre II du titre 2 du présent livre ‘ ;

Attendu qu’en l’espèce, M. [K] fait justement valoir que la jurisprudence de la Cour suprême a sanctionné la pratique locale appliquée dans le jugement entrepris qui retenait que le salarié pouvait prétendre au salaire non versé entre l’avis d’inaptitude du SMIT et le licenciement proprement dit, et a ainsi affirmé que :’ Les dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie n’instituent pas d’obligation pour l’employeur de verser au salarié déclaré inapte qui n’est ni reclassé ni licencié le salaire correspondant a l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail’ (Cass.Soc., 27 mars 2019, n° 17-11.617) ;

Attendu qu’il convient en conséquence d’infirmer la disposition du premier juge ayant condamné la société [7] à payer à M. [K] ‘la somme de 172 980 F CFP à titre de dommages-intérêts pour non reprise de salaire pendant la période d’inaptitude jusqu’au licenciement, tel que sollicitée’ ;

6- De la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 8 janvier 2016

Attendu que les dispositions de l’article Lp.132-8 du code du travail de Nouvelle-Calédonie prévoient que :

‘En cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la sanction contestée est un licenciement’ ;

Attendu que M. [K] a été mis à pied deux jours par courrier en date du 27 janvier 2016 pour avoir dérobé 6 casquettes et 10 tee-shirts publicitaires, le salarié n’admettant pour sa part n’avoir dérobé que 3 casquettes afin de Ies donner à ses collègues pour Ies protéger du soleil et du risque de chutes d’objets ; que l’employeur conteste les dispositions du premier juge l’ayant condamné à verser à M. [K] la somme de 24 656 F CFP au titre du préjudice matériel, outre celle de 50 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que si la faute est établie, la sanction apparaît cependant disproportionnée et qu’il convient de l’annuler en retenant le préjudice matériel justement fixé par le premier juge à la somme de 24 656 F CFP tout en ramenant le préjudice moral du salarié à la somme de 1 F CFP ;

7- De l’appel incident de M. [K] relatif à l’évocation par la cour du contentieux relatif à la liquidation de son préjudice après expertise

Attendu que d’une part l’employeur demande que soit ordonnée une contre-expertise médicale avec la même mission que celle ordonnée par le tribunal du travail ; qu’il explicite sa demande en soutenant que celle confiée au Docteur [J] serait incomplète sans s’expliquer sur les manquements allégués ; qu’en conséquence, il convient de rejeter cette demande ;

Attendu que d’autre part M. [K] sollicite en cause d’appel, à la suite du rapport de l’expert judiciaire du docteur [J] daté du 9 septembre 2021, diverses sommes au titre de l’indemnisation de ses préjudices ; que l’employeur s’oppose à ce que l’affaire soit ainsi évoquée par la cour, en faisant justement valoir qu’il appartiendra à M. [K] de saisir le tribunal du travail afin que le double dégré de juridiction soit respecté ;

Attendu qu’il appartient effectivement à M. [K] de saisir la juridiction du travail pour ses demandes relatives à la liquidation de son préjudice après expertise ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt déposé au greffe,

Déclare les appels recevables ;

Confirme le jugement entrepris hormis les dispositions suivantes :

‘CONDAMNE la société [7] à payer à M. [K] :

– la somme de 172 980 F CFP à titre de dommages-intérêts pour non reprise de salaire pendant la période d’inaptitude jusqu’au licenciement, tel que sollicité ;

– la somme de 50 000 F CFP à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la sanction abusive ‘;

Statuant à nouveau sur ces dispositions :

Rejette la demande formée par M. [D] [K] au titre des dommages-intérêts pour non reprise de salaire pendant la période d’inaptitude jusqu’au licenciement ;

Condamne la société [7] à payer à M. [K] la somme de 1 F CFP à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la sanction abusive prononcée le 8 janvier 2016 ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de contre-expertise médicale sollicitée par la société [7] ;

Dit qu’il appartiendra à M. [K] de saisir le tribunal du travail pour statuer sur la liquidation de ses préjudices au vu de l’expertise du Docteur [J] ;

Rejette en conséquence la liquidation ainsi sollicitée de la cour d’appel ;

Condamne la société [7] à payer les intérêts au taux légal sur toutes les sommes de nature salariale à compter de la demande et dit qu’elles seront frappées d’anatocisme conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil ;

Condamne la société [7] à payer à M. [K] la somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Le greffier, Le président.

 


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