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26/01/2023
ARRÊT N° 72/2023
N° RG 21/03213 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OJFU
AM/IA
Décision déférée du 15 Juin 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE ( 20/04854)
J-P. [K]
SAS DEGRIFF’AUTO
C/
[B] [U]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
SAS DEGRIFF’AUTO prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Jean-manuel SERDAN de la SELARL CABINET J.M. SERDAN, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [B] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Valérie AMIEL, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.017549 du 16/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. MAFFRE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
A. MAFFRE, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M.BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par A. MAFFRE, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 août 2020, la S.A.R.L. Degriff’Auto a vendu à Mme [B] [U] un véhicule d’occasion de marque Citroën, modèle Grand C4 Picasso HDI 138 FAP, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 29 mars 2007, affichant 202 200 kilomètres au compteur, au prix de 3.800 €.
Faisant valoir que la voiture a rencontré des anomalies immédiatement après la vente, Mme [U] a, par acte d’huissier en date du 27 octobre 2020, fait assigner la S.A.R.L. Degriff’Auto devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins principalement de résolution de la vente du véhicule sur le fondement de la garantie des vices cachés, et en conséquence de restitution du prix de vente et d’indemnisation de ses préjudice de jouissance et moral, subsidiairement d’expertise.
Par jugement réputé contradictoire du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– prononcé pour vices cachés la résolution de la vente à Mme [B] [U] du véhicule automobile d’occasion de marque Citroën, modèle Grand C4 Picasso HDI 138 FAP, immatriculé [Immatriculation 3], mis en circulation le 29 mars 2007, affichant 202.200 kilomètres au compteur, que lui a cédé la S.A.R.L. Dégriff’Auto le 21/08/2020 pour le prix de 3.800 €,
– dit que par l’effet de cette résolution :
. la S.A.R.L. Dégriff’Auto, vendeur, doit restituer à Mme [B] [U] la somme de 3.800 €, sous astreinte de 30 par jour de retard après un délai de trente jours suivant la signification du jugement, le tribunal de céans se réservant la liquidation éventuelle de l’astreinte,
. Mme [B] [U] doit rendre le véhicule après remboursement complet du prix de vente et, à cette fin, le mettre à disposition de la S.A.R.L. Dégriff’Auto, au lieu où il se trouve soit au [Adresse 1], afin que celle-ci puisse en reprendre possession à ses frais,
– condamné la S.A.R.L. Dégriff’Auto à payer à Mme [B] [U] la somme de 1.140 € à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance,
– rejeté la demande de Mme [B] [U] au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
– rejeté la demande de Mme [B] [U] au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10/07/1991 sur l’aide juridique,
– condamné la S.A.R.L. Dégriff’Auto au paiement des dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu principalement que :
. le véhicule a été affecté de graves désordres immédiatement après la vente, consistant en une perte de puissance moteur et des à-coups permanents, et non résolus par le vendeur qui a pourtant repris le véhicule pour réparations, toutes infructueuses, à trois reprises fin août 2020 et en septembre 2020,
. ces désordres sont antérieurs à la vente au regard de leur apparition immédiatement après la vente, il s’agit de vices graves, rendant le véhicule impropre à son utilisation et ils n’étaient pas visibles par un profane lors de la vente.
Par déclaration en date du 16 juillet 2021, la SAS Degriff’Auto a interjeté appel de cette décision, critiquée en ce qu’elle a :
– prononcé pour vices cachés la résolution de la vente du véhicule de marque Citroën immatriculée [Immatriculation 3], avec les conséquences de droit liées à cette résolution : restitution par Dégriff’Auto à Mme [U] de la somme de 3800 € sous astreinte de 30 € par jour de retard après un délai de 30 jours suivant la signification du jugement, le tribunal de céans se réservant la liquidation éventuelle de l’astreinte, restitution de l’objet de la vente,
– condamné le vendeur à payer à Mme [U] 1140 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, outre les dépens.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Degriff’Auto, dans ses dernières écritures en date du 20 septembre 2021, demande à la cour, vu l’article 1641 du Code civil, de :
– infirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse rendu le 15 juin 2021,
Par conséquent,
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [U] à payer à la société Dégriff’Auto la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gilles Sorel sur son affirmation de droit.
La SAS Dégriff’Auto expose que, Mme [U] se plaignant d’un manque de puissance du moteur, elle a immédiatement récupéré le véhicule et procédé à des vérifications dans le cadre de la garantie contractuelle de trois mois avant de le lui rendre : alors qu’il ne présentait aucun dysfonctionnement, l’intimée a sollicité la résolution de la vente.
Elle fait valoir en substance que, dans l’assignation, Mme [U] restait évasive sur les dysfonctionnements dénoncés et qu’elle ne procède que par affirmation : aucun élément ne vient démontrer que perdurent des anomalies après son intervention.
Le vendeur rappelle que le véhicule litigieux était d’occasion et avait parcouru 202 200 km : le contrôle technique n’a relevé que quelques défaillances mineures.
Enfin, il n’est pas justifié d’un préjudice de jouissance.
En ses dernières conclusions reçues le 24 septembre 2021, Mme [U] prie la cour, vu l’article 1641 du Code Civil et l’article 145 du Code de procédure civile, de :
– confirmer le jugement rendu en date du 15 juin 2021 dans toutes ses dispositions,
– si la cour l’estimait nécessaire, ordonner une expertise,
– designer pour ce faire tel expert qu’il plaira pour y procéder, avec mission de :
1- Examiner, en présente des parties, le véhicule de marque Citroën, modèle Grand C4 Picasso, année 2007, immatriculé [Immatriculation 3],
2- Dire si les désordres décrits dans l’assignation ou tout autre document de renvoi existent et rechercher tous éléments motivés permettant de dire :
a. Si ces défauts rendent le véhicule impropre à son utilisation et s’ils existaient, à tout le moins en germe, antérieurement à la vente,
b. Ou, dans quelle mesure ces défauts diminuent cet usage au sens de l’article 1641 du code civil (les évaluer par rapport au prix d’achat),
3- Dans l’affirmative, les décrire et rechercher tous éléments motivés permettant de déterminer leur origine,
4- Evaluer le coût des travaux nécessaires pour y remédier et leur durée d’exécution
5- Rechercher et évaluer tous éléments permettant de dire si des préjudices autres, notamment d’immobilisation et de jouissance, ont été subis par M. [D],
6- Répondre à tous dires des parties, auxquels seront communiqués avant d’émettre son avis, soit une note de synthèse soit un pré rapport, comportent toutes informations nécessaires relatives notamment au devis et proposition chiffrée,
En tout état de cause,
– condamner la SARL Dégriff’Auto au paiement de la somme 3000 € en application de l’art 700 du Code de Procédure civile et de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle ainsi qu’aux entiers dépens jusqu’à parfaite exécution de l’arrêt.
Mme [U] déclare que :
. dès le 24 août 2020, le véhicule dysfonctionnait : le moteur semblait manquer de puissance au point de donner des à-coups de ‘brou-brouter’, lui donnant l’impression qu’il risquait de s’arrêter : elle l’a ramené immédiatement à la SARL Dégriff’Auto qui le lui a rendu après réparation le 27 août,
. le 29 août, le véhicule s’est arrêté, la SARL Dégriff’Auto l’a récupéré et lorsqu’elle le lui a rendu le 4 septembre 2020, il présentait les mêmes à-coups,
. le vendeur a tenté une troisième fois de le réparer, en vain, mais a refusé d’annuler la vente comme elle le demandait.
Elle souligne que l’appelante ne conteste pas les dysfonctionnements du véhicule et que celui-ci était garanti 3 mois.
L’intimée précise qu’elle l’avait acheté dans le cadre d’un nouvel emploi à temps partiel démarré en septembre, un sacrifice financier au regard de ses revenus limités et de ses charges de famille, et sollicite la somme de 3000 euros au titre du préjudice de jouissance.
Au visa de l’article 145 du code de procédure civile, si la cour l’estimait utile, Mme [U] est bien fondée à solliciter l’instauration préalable d’une expertise judiciaire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les vices cachés
L’article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Cette garantie légale est encourue de plein droit, sans faute, dès lors qu’il est établi par l’acquéreur que la chose présente un ou des défauts à la fois cachés, existant au moment de la vente, rendant le véhicule impropre à sa destination.
Il appartient donc à l’acquéreur d’établir l’existence d’un vice inhérent à la chose vendue, son caractère occulte et son antériorité à la vente, le vendeur n’étant pas tenu des vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même. Et, s’agissant d’un acquéreur profane, il est uniquement exigé la diligence que l’on peut attendre de tout acheteur normalement avisé.
Le vice de la chose s’entend de toute défectuosité qui empêche la chose de rendre pleinement les services que l’on en attend. Il réside dans le mauvais état ou le mauvais fonctionnement de la chose, l’impossibilité de s’en servir dans des conditions satisfaisantes, les conséquences nuisibles produites à l’occasion d’une utilisation normale. Il faut que la qualité faisant défaut soit une des principales que l’on reconnaît à la chose.
En matière de vente de véhicules d’occasion, le vice de la chose est apprécié plus sévèrement, tenant compte de l’âge et/ou du kilométrage et du prix, la destination d’un véhicule et les exigences de l’acquéreur variant nécessairement avec ces paramètres.
En application des articles 1643 à 1646 du même code, le vendeur profane qui ne connaissait pas les vices de la chose vendue est tenu uniquement à la restitution du prix de vente, en tout ou partie selon la gravité des vices et le choix de l’acquéreur de conserver ou non la chose, et au remboursement des frais occasionnés par la vente en cas de résolution, tandis que celui qui en avait connaissance s’expose également au paiement de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice causé à l’acquéreur. En revanche, le vendeur professionnel est présumé connaître les vices.
Au cas d’espèce, Mme [U] se plaint d’un moteur qui semble manquer de puissance au point de donner des à-coups de ‘brou-brouter’, voire de s’arrêter. Et contrairement à ce qu’elle écrit, la SARL Dégriff’Auto ne reconnaît pas l’existence de tels désordres : il lui incombe donc d’en rapporter la preuve.
Au soutien de sa demande de résolution de la vente, la propriétaire produit une seule pièce relative au fonctionnement du véhicule acquis le 21 août 2020 : il s’agit des nombreux SMS qu’elle a adressés à un interlocuteur désigné sous le nom de Picasso 2007 entre le 22 août et le 26 septembre, auxquels Picasso 2007 n’a répondu que succinctement.
Il en ressort que :
. Mme [U] s’est d’abord plainte d’une différence entre le kilométrage annoncé et celui affiché par la voiture,
. le 26 août, elle a réclamé les clés de sécurité pour pouvoir changer un pneu : Picasso 2007 répond qu’il arrive,
. le 27 août, elle demande de ‘corriger tous les bugs’, sans préciser ou détailler ses doléances : son interlocuteur lui rappelle l’adresse du garage, pour récupérer le véhicule en fin de journée,
. le 4 septembre, elle écrit qu’un mois après son achat, elle ‘ne peux pas dire qu’elle en profite’, sans pour autant décrire les difficultés rencontrées : Picasso 2007 l’invite à passer au garage pour voir le responsable, ‘on vous trouve une solution’,
. et le 22 septembre, elle indique que ‘la voiture a commencé à faire de même’, avant de dire le 26 septembre que la voiture est inutile, et l’interlocuteur a alors tenté de la joindre au téléphone, en vain.
Outre qu’il s’agit là presqu’exclusivement des déclarations de Mme [U], leur lecture ne permet même pas de comprendre en quoi consistent les ‘bugs’ ou le comportement réitéré du véhicule dont elle se plaint.
En l’absence de tout autre élément, témoignage d’un tiers ou attestation d’un garage, il est impossible tant d’identifier le désordre que d’en appréhender la portée.
Au surplus, même en admettant qu’il s’agisse de l’apparent manque de puissance du moteur donnant des à-coups ou ‘brou-broutant’ allégué ensuite dans l’assignation introductive d’instance du 27 octobre 2020, la seule pièce produite, ces SMS, ne contient aucun élément sur la gravité d’un tel dysfonctionnement en dehors des affirmations lapidaires de la propriétaire sur l’inutilité du véhicule.
Mme [U] propose en dernier lieu la désignation d’un expert, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, lequel ne concerne que les pouvoirs du juge des référés ou des requêtes.
Hors ce cadre procédural, l’article 146 précise qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
Or, en l’espèce, la propriétaire ne produit aucun élément susceptible d’étayer ses dires alors qu’il lui était loisible de demander un examen du véhicule à un professionnel : elle n’établit même pas l’existence du désordre allégué qui pourrait justifier une mesure d’instruction sur d’éventuelles caractéristiques de vice caché.
Dans ces conditions, il ne saurait être suppléé par la désignation d’un expert à sa carence dans l’administration d’une preuve pourtant accessible.
Mme [U] échoue donc à rapporter la preuve de ce que ses doléances quant au fonctionnement du véhicule acquis auprès de la la SARL Dégriff’Auto caractérisent le défaut caché et antérieur à la vente qui rend la chose vendue impropre à l’usage auquel on la destine, ou en diminue tellement l’usage qu’elle ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, si elle les avait connus, exigé par l’article 1641 du code civil.
Dès lors, sa demande de résolution de la vente sur le fondement de l’article 1644 du code civil ne peut prospérer, non plus que sa demande de dommages et intérêts au visa de l’article 1645.
La décision déférée doit en conséquence être infirmée en ses dispositions frappées d’appel.
Sur les frais et dépens
Mme [U] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Gilles Sorel en application de l’article 699 du code de procédure civile .
Aucune considération tirée de l’équité ou de la situation économique des parties ne commande toutefois l’octroi d’indemnités à la SARL Dégriff’Auto sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [B] [U] de toutes ses demandes,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [B] [U] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Gilles Sorel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL A. MAFFRE