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ARRÊT N°22/ 533
PC
N° RG 21/01022 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FR7H
[K]
[Y]
[K]
C/
[A]
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2022
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE SAINT DENIS en date du 16 mars 2021 suivant déclaration d’appel en date du 10 juin 2021 RG n° 19/00499
APPELANTS :
Monsieur [L] [K]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Lénaïg LABOURÉ de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Madame [X] [N] [Y] épouse [K]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentant : Me Lénaïg LABOURÉ de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Madame [F] [S] [D] [K]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Lénaïg LABOURÉ de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/4734 du 12/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis
INTIMÉ :
Monsieur [U] [A]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Florian RATINAUD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 14 acril 2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Septembre 2022 devant , qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2022 prorogé le 25 novembre 2022.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère
Qui en ont délibéré
greffier lors de l’audience : madame veronique fontaine
greffier lors du delibere : madame marina boyer
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 25 Novembre 2022.
* * * * *
LA COUR :
EXPOSE DU LITIGE :
M. [A] [U] a conclu le 1er août 1994 un bail commercial avec M. [K] [L] et Mme [K] [Y] [X] [S] [W], portant sur un terrain sis à la [Localité 8], cadastré cadastrale AW [Cadastre 5] et [Cadastre 6]. Ce bail a été renouvelé le 1er septembre 2003 et le 4 juillet 2012.
M. [A] [U] [J] exploite l’activité de vente de véhicules d’occasion.
Par acte de donation du 13 août 2014 mentionnant l’existence du bail commercial, M. [K] [L] et Mme [K] [Y] [X] [S] [W] ont cédé à leur fille Mme [K] [F] la parcelle AW [Cadastre 6] sur laquelle elle a décidé d’y faire édifier une maison.
Reprochant à son bailleur la violation des dispositions du bail et revendiquant vainement la restitution des lieux loués, Monsieur [A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint Denis, Monsieur [K] [L], Mme [K] [Y] [X] [S] [W] et Mme [K] [F], par actes d’huissier délivrés le 22 novembre 2018, aux fins de voir sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
ENJOINDRE à Mme [K] [F] de faire cesser le trouble de jouissance en libérant de toute occupation les lieux loués, sous astreinte ;
CONDAMNER Mme [K] [F] à lui payer la somme de 25.935 euros en réparation de son préjudice pour trouble de jouissance ;
A titre subsidiaire,
PRONONCER la résolution du bail commercial aux torts de Mme [K] [F] ;
CONDAMNER Mme [K] [F] à lui payer la somme de 170.000€ à titre de dommages et intérêts ;
A titre très subsidiaire,
DESIGNER tel expert qui lui plaira avec pour mission de procéder à l’évaluation de son fonds de commerce et du préjudice subi du fait de la résolution du bail ;
En tout état de cause,
DECLARER opposable le jugement à intervenir à M. [K] [L] et Mme [K] [Y] [X] [S] [W] en leur qualité de co-bailleurs ;
CONDAMNER Mme [K] [F] à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du CPC outre les dépens.
Par jugement 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :
DIT que Mme [K] [F] devra faire cesser le trouble de jouissance en libérant de toute occupation la parcelle AW [Cadastre 6], sous astreinte de 100€ par jour de retard, qui commencera à courir passé le délai d’un mois compter de la signification de la décision ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
DECLARE ce jugement opposable à M. [K] [L] et Mme [K] [Y] [X] [S] [W] en leur qualité de co-bailleurs ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du CPC ;
CONDAMNE Mme [K] [F] aux dépens qui seront recouvrés dans le cadre de l’aide juridictionnelle.
Monsieur Georges [K], Madame [X] [K] [Y] et Madame [F] [K] ont interjeté appel du jugement selon déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 10 juin 2021.
L’affaire a été renvoyée à la mise en état selon ordonnance du 11 juin 2021.
Les appelants ont déposé leurs premières conclusions par RPVA le 25 août 2021.
Monsieur [U] [A] a déposé ses premières conclusions d’intimé et d’appel incident par RPVA le 25 novembre 2021.
La clôture de l’instruction est intervenue le 14 avril 2022.
* * * * *
Aux termes de leurs conclusions d’appelant N° 2, déposées le 16 février 2022, Monsieur et Madame [K] et leur fille [F] (la famille [K]) demandent à la cour de :
INFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint Denis en ce qu’il a:
-Dit que Madame [K] [F] devra faire cesser le trouble de jouissance en libérant de toute occupation la parcelle AW[Cadastre 6], sous astreinte de 100€ par jour de retard et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens ;
– Débouté les époux [K] de leur demande de résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur [U] [A] ;
– Débouté les époux [K] de leur demande de condamnation de Monsieur [U] [A] à leur verser la somme de 14.000 € au titre des loyers impayés ;
– Débouté les époux [K] de leur demande de condamnation de Monsieur [U] [A] à leur verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
-Débouté les époux [K] de leur demande de condamnation de Monsieur [U] [A] à leur verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Et statuant à nouveau :
JUGER IRRECEVABLE Monsieur [U] [A] en ses demandes ;
PRONONCER la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Monsieur [U] [A] ;
ORDONNER l’expulsion de Monsieur [A] et la libération des lieux ;
CONDAMNER Monsieur [U] [A] à verser à Monsieur [L] [K], Madame [X] [K] et [F] [K] au total la somme de 24.850 au titre des loyers impayés (somme arrêtée au 1er décembre 2021 à parfaire au jour de la décision) ;
CONDAMNER Monsieur [U] [A] à verser à Monsieur [L] [K] et Madame [X] [K] la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
CONDAMNER Monsieur [U] [A] à verser à Monsieur [L] [K] et Madame [X] [K] la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance, outre la somme de 1.500,00 euros au titre de l’instance d’appel ;
CONDAMNER Monsieur [U] [A] aux entiers dépens ;
CONFIRMER le jugement pour le surplus.
* * * * *
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives avec appel incident déposées le 31 mars 2022, Monsieur [U] [A] demande à la cour de :
Vu les articles 1147, 1184, 1723 et 1719 du code civil,
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
DECLARER Madame [X] [K], Madame [F] [K] et Monsieur [L] [K] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en DEBOUTER ;
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a:
– Dit que Mme [K] [F] devra faire cesser le trouble de jouissance en libérant de toute occupation la parcelle AW [Cadastre 6], sous astreinte de 100 € par jour de retard, qui commencera à courir passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision ;
– Déclaré le jugement opposable à Monsieur [K] [L] et Mme [K] [X] [S] [W] en leur qualité de co-bailleurs ;
– Débouté les époux [K] et Madame [F] [K] de toutes leurs demandes;
DECLARER Monsieur [U] [J] [A] recevable et bien fondé en son appel incident ;
A titre principal,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Débouté Monsieur [U] [J] [A] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance ;
Evoquant l’affaire au fond :
CONDAMNER Madame [F] [K] à payer à Monsieur [A] la somme de 65 208 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Monsieur
[A] du fait du trouble de jouissance ;
A titre subsidiaire,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Débouté Monsieur [U] [J] [A] de sa demande de voir prononcer la résolution, à la date du 31 décembre 2015 ou à défaut à toute autre date, du bail commercial renouvelé le 4 juillet 2012 aux torts exclusifs de Madame [F] [K] et condamner Madame [F] [K] à payer à Monsieur [A] la somme de 170 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– Débouté Monsieur [U] [J] [A], de sa demande très subsidiaire tendant à voir DESIGNER tel expert qui lui plaira avec pour mission de : (‘)
‘ procéder à l’évaluation, à la date de la résiliation judiciaire, du fonds de commerce, comprenant entre autres éléments la valeur du droit au bail, de Monsieur [A] et du préjudice subi du fait de la résolution du bail commercial ;
– Débouté Monsieur [U] [J] [A] de sa demande à voir condamner, Madame [F] [K] à payer à Monsieur [A] la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Débouté Monsieur [U] [J] [A] de sa demande à voir condamner Madame [F] [K] aux entiers dépens ;
Evoquant l’affaire au fond :
PRONONCER la résolution, à la date du 31 décembre 2015 ou à défaut à toute autre date, du bail commercial renouvelé le 4 juillet 2012 aux torts exclusifs de Madame [F] [K];
CONDAMNER Madame [F] [K] à payer à Monsieur [A] la somme de 170 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DESIGNER tel expert qui lui plaira avec pour mission de : (‘)
‘ procéder à l’évaluation, à la date de la résiliation judiciaire, du fonds de commerce, comprenant entre autres éléments la valeur du droit au bail, de Monsieur [A] et du préjudice subi du fait de la résolution du bail commercial ;
En tout état de cause,
DECLARER l’arrêt à intervenir opposable Monsieur [K] [L] et Mme [K]
[X] [S] [W] ;
CONDAMNER Madame [X] [K], Madame [F] [K] et Monsieur Georges-
[S] [K] à payer la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [X] [K], Madame [F] [K] et Monsieur Georges-
[S] [K] aux entiers dépens.
* * * * *
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par les appelants :
Les appelants soutiennent que Monsieur [A] est irrecevable à agir pour défaut d’intérêt car celui-ci ne peut invoquer un trouble de jouissance qu’au regard de son activité commerciale. Mais l’intimé avait cessé son activité depuis plus de deux ans lorsqu’il a saisi le tribunal de grande instance.
Monsieur [A] réplique que ce moyen est inopérant car le bénéfice du statut des baux commerciaux n’est pas conditionné par une inscription au RCS.
Ceci étant exposé,
Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.
Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention.
L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l’espèce, indépendamment du succès ou de l’échec de son action, Monsieur [A] bénéficiait bien d’un bail commercial conclu avec Monsieur et Madame [K] depuis 1994 sur les deux parcelles cadastrées Section AW N° [Cadastre 5] et N° [Cadastre 6].
En l’absence de résiliation ou d’expiration de ce bail, Monsieur [A] dispose bien de l’intérêt à agir en cette qualité dès lors qu’il fait valoir que son droit de preneur a été violé.
La fin de non-recevoir titrée du défaut d’intérêt à agir de l’intimé doit être rejeté et le jugement confirmé de chef.
Sur le contenu du bail litigieux :
Les appelants versent aux débats le contrat de bail du 1er août 1994 ainsi que les renouvellements du 1er septembre 2003 et du 4 juillet 2012.
Du premier bail, il ressort que les parcelles cadastrées Section AW N° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] ont bien été données en location à Monsieur [U] [A]. Il a été renouvelé le 1er septembre 2003 pour les mêmes parcelles puis à nouveau pour la période allant du 4 juillet 2012 au 3 juillet 2021.
La nature commerciale du bail, soumis d’abord au Décret du 30 septembre 1953 puis aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce n’est pas contestée par les parties.
La pièce versée aux débats relative au renouvellement du bail de 2003 stipule manuscritement qu’il s’agit d’un bail « tous commerces ».
Sur la construction d’une maison par Madame [F] [K] :
Madame [F] [K] est donataire de la parcelle AW n° [Cadastre 6] en vertu de l’acte dressé le 13 août 2014.
Cet acte précise qu’en qualité de propriétaire, elle en aura la jouissance et percevra les loyers versés par le locataire actuel, Monsieur [A] (Page 3 de la pièce N° 3 des appelants).
Pourtant, tel que cela est constaté par un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 22 août 2016, il est incontesté que Madame [F] [K] a fait édifier une maison d’habitation qu’elle occupe sur la parcelle Section AW N° [Cadastre 6], donnée à bail à Monsieur [A].
Sur les conséquences de cette construction sur la parcelle donnée à bail :
Les membres de la famille [K] ont déclaré à l’huissier instrumentaire, le 22 août 2016, que Monsieur [A] n’a jamais fait part de son désaccord ou de son opposition concernant la construction de cette maison sur la parcelle AW [Cadastre 6].
Ils affirment que cette construction n’a aucune incidence sur l’exploitation de l’activité de Monsieur [A] alors que son activité se limitait à l’entreposage de quelques véhicules.
En outre, ils soutiennent que la seconde parcelle AW [Cadastre 4] est totalement en friche en restant parfaitement accessible à Monsieur [A].
Enfin, ils font valoir que l’activité que Monsieur [A] exerçait sur le terrain des consorts [K] (ce dernier ayant par ailleurs d’autres activités) s’est réduite à peau de chagrin, au fur et à mesure des années, n’utilisant en réalité la parcelle que pour entreposer quelques bennes. Le bénéfice de l’activité étant résiduel depuis quelques années, Monsieur [A] avait d’ailleurs fait radier son entreprise le 15 septembre 2016, après une cessation d’activité au 31 décembre 2015. (Pièce 2)
Monsieur [A] réplique que cet argument est inopérant dans la mesure où il est de jurisprudence constante que la condition d’inscription au RCS n’est une condition du bénéfice du statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail (Civ. 3e, 1er oct. 1997, Bull. civ. III, no 179) et l’indemnité d’éviction liée au refus de renouvellement.
Il rappelle que son action vise à obtenir, sur le fondement des dispositions du code civil, soit la cessation du trouble de jouissance, soit la résiliation du bail aux torts du bailleur et les dommages-intérêts subséquents. Il plaide que sa demande tendant à la résiliation aux torts du bailleur ne saurait pas plus l’être dans la mesure où ce sont précisément les agissements du bailleur, constitutifs d’un grave trouble de jouissance et d’une atteinte à la consistance de la chose louée, qui sont à l’origine de la cessation d’activité du preneur dans les locaux loués.
Ceci étant exposé,
Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations.
Il est donc certain que la nouvelle bailleresse, Madame [F] [K], devenue propriétaire de la parcelle AW n° [Cadastre 6], ne pouvait pas édifier une construction sur le fonds donné à bail à Monsieur [A] depuis plus de 20 ans.
La cour, adoptant les motifs du premier juge sur ce point, considère que cette intervention de la bailleresse sur le fonds donné à bail à Monsieur [A] constitue une violation de l’obligation contractuelle essentielle mise à la charge de la bailleresse.
Le moyen selon lequel Monsieur [A] aurait été radié du registre du commerce et des sociétés est inopérant en l’absence d’une action préalable en résiliation du bail par Madame [F] [K] qui a laissé se poursuivre le contrat tout en s’abstenant de le respecter.
Surabondamment, la cessation d’activité par Monsieur [A] est intervenue au 31 décembre 2015. Madame [F] [K] disposait donc d’un temps suffisant pour agir contre le preneur si elle estimait qu’il existait des motifs de reprise de sa parcelle avant d’édifier sa construction.
En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a ordonné à Madame [F] [K] de faire cesser le trouble de jouissance subi par le preneur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification de la décision.
Néanmoins, il sera ajouté à la décision d’astreinte provisoire qu’elle ne courra que pendant un délai de six mois.
Sur la demande de résiliation du bail aux torts du preneur :
Les appelants sollicitent la résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur [U] [A].
Ils font valoir que Monsieur [A] a cessé de payer les loyers à partir du 1er janvier 2016, sans entreprendre la moindre démarche pour être autorisé à en suspendre le paiement. Les appelants prétendent que Monsieur [A] n’a jamais réalisé d’actes manifestant sans équivoque une quelconque volonté de renoncer à la poursuite du paiement des loyers, ou à solliciter la résiliation judiciaire du bail en raison de ce manquement.
Monsieur [A] répond que l’arrêt du paiement des loyers, le 1er janvier 2016, est postérieur et consécutif à l’atteinte au trouble de jouissance dont il a été victime en 2015.
Il fait valoir que le trouble de jouissance affectait principalement la parcelle AW [Cadastre 6] mais affectait également la parcelle AW [Cadastre 5] puisque Madame [F] [K] emprunte la parcelle
AW [Cadastre 5] pour se rendre chez elle. L’arrêt de paiement de loyer est intervenu après les envois de lettres de mise en demeure (Pièce n° 6) et l’absence de réponse de la part des co-bailleurs.
Ceci étant exposé,
Selon les dispositions de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.
L’article 1184 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur et applicable à la cause, prévoit que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Monsieur [A] démontre par la production de son courrier RAR daté du 21 novembre 2015 (Pièce N° 6) qu’il a écrit à Monsieur et Madame [K] en ces termes :
« Comme je vous l’ai indiqué lors de nos divers entretiens, j’ai constaté le non-respect de mon bail commercial concernant le terrain de 1590 m² situés à la [Localité 8] section cadastral AW [Cadastre 5] et [Cadastre 6] depuis février 2015. Ce présent bail est consenti et accepté pour une durée de 3 ‘ 6 ‘ 9 ans, soit du 4 juillet 2012 au 3 juillet 2021 et pour exercer tout type de commerce.
En effet, le bailleur ne peut pas pénétrer dans les lieux loués. Il ne peut pas garder un double des clés. Toute infraction serait considérée comme une violation de domicile.
Or, votre fille occupe les lieux depuis une quinzaine de jours suite à une construction d’une maison. Cela a été fait sans mon accord sur ledit terrain. Cela engendre depuis le début d’année une baisse de 90 % de mon chiffre d’affaires et une difficulté d’accès sur l’ensemble du terrain.
De plus j’ai constaté des visites de tierces personnes, qui informe aujourd’hui qu’ils ont signé un contrat de location sur une partie du terrain que je loue déjà avec vous.
Je vous demanderai donc d’effectuer les réparations nécessaires afin que je récupère l’entière possession du terrain comme prévu dans le bail commercial dans les plus brefs délais puisque ces dommages empêchent une occupation normale du terrain est donc le bon déroulement de mon activité commerciale.
Faute de réponse dans les sept jours à compter de la première présentation de ce courrier je me verrais contraint de saisir le tribunal d’instance à qui je demanderai également des dommages et intérêts pour réparer ce préjudice. »
Ce courrier semble avoir été renouvelé le 31 novembre 2015 (sic) et en tout cas reçu le 2 décembre 2015 par les destinataires.
Le 13 janvier 2016, le preneur adressé un nouveau courrier aux appelants dont l’objet est la demande de réparation. Selon cette missive, le preneur réitéré ses griefs.
Face à ces réclamations, les membres de la famille [K], devenus bailleurs distincts des deux parcelles louées à Monsieur [A], ne justifient d’aucune réaction avant leur demande reconventionnelle en résiliation de bail.
Ainsi, si Monsieur [A] ne pouvait pas suspendre le paiement des loyers sans autorisation préalable, tant que ses bailleurs ne répondaient pas à ses réclamations en vertu d’une exception d’inexécution et en l’absence d’un commandement de payer les loyers dus depuis le 1er janvier 2016, il est fondé à se prévaloir d’une exception d’inexécution en défense aux demandes des Consorts [K].
D’ailleurs, sa demande subsidiaire portait bien sur la résiliation du bail aux torts exclusifs de Madame [F] [K] outre sa condamnation à lui payer la somme de 170.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il n’y a pas lieu de statuer sur cette prétention puisqu’elle est subsidiaire à la demande principale de cessation du trouble de jouissance.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande d’indemnisation du trouble de jouissance par Monsieur [A] :
Monsieur [A] soutient qu’il a subi un préjudice important puisqu’il n’a pas pu exercer son activité depuis la construction de ladite maison sur la parcelle louée. Il affirme que ce préjudice peut être évalué au regard du bénéfice généré sur les trois années précédant la construction de la maison (pièce n° 10, soit 13.983 euros pour l’exercice 2012, 5.076 euros pour l’exercice 2013, 7.611 euros pour l’exercice 2014.
Les intimés à l’appel incident plaident que Monsieur [A] ne produit aucun élément financier ni comptable sur son activité en 2015, alors même qu’il prétend avoir subi un préjudice financier sur son activité commerciale à compter de l’édification de la maison en février 2015.
Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe aux parties de prouver les faits qu’ils allèguent.
En l’espèce, Monsieur [A] ne produit que sa déclaration de revenus professionnels des années 2012 à 2014 mais pas celle de 2015 et 2016 ni celle de 2017.
Ce fait est parfaitement corroboré par la radiation de son activité au 31 décembre 2015, résultant des informations publiées au RCS.
Au surplus, le constat d’huissier qu’il a fait réaliser le 22 août 2016 présente bien un terrain en friche avec deux véhicules entreposés dans les hautes herbes, permettant de douter de la réalité de son activité commerciale et de ressources provenant de cette occupation.
Ainsi, Monsieur [A] échoue à démontrer l’existence d’un préjudice indemnisable en réparation de son préjudice de jouissance.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de préjudice moral des appelants :
Outre le fait que la cour fait remarquer qu’n préjudice moral est un préjudice personnel qui ne peut être évaluer collectivement comme le sollicitent les appelants, ceux-ci se bornent à invoquer leur esprit de conciliation, leur bonne foi, la modestie du montant du loyer, l’abandon matériel de la parcelle par le preneur, sa parfaite information de la donation à leur fille, l’absence de réserve pendant la construction de la maison édifiée par Madame [T] [K].
Toutefois, ces éléments ne constituent pas la preuve de la réalité du préjudice moral allégué.
En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a débouté les membres de la famille [K] de leur demande à ce titre.
Sur les autres demandes :
Le premier juge a justement débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Ces prétentions en appel seront aussi rejetées.
Il est aussi juste de condamner seulement Madame [F] [K] aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, en matière civile par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT que l’astreinte provisoire courra pendant six mois ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [F] [K] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Marina BOYER greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE signé LE PRÉSIDENT