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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 25 MAI 2022
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04706 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBT5D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2019F00410
APPELANT
Monsieur [B] [G]
né le 3 mai 1980 à (24100), de nationalité française
7 RUE JULES FERRY
91330 YERRES
Représenté par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119
Assisté par Me Guillaume POMIER ,avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMEE
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
19 rue du Louvre
75001 PARIS
Représentée par Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0133
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Marc BAILLY, président
Mme Florence BUTIN, Conseillère
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA,Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 mars 2020 monsieur [B] [G] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce d’Evry en date du 14 janvier 2020 qui rejetant ses propres prétentions à l’encontre de la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE ‘ tenant à un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et à la disproportion de son engagement de caution ‘ l’a condamné, en sa qualité de caution de la société LA BYERROISE, à payer à la banque la somme de 19 439,09 euros outre intérêts au taux de 4,70 % à compter du 16 avril 2019, sans capitalisation, ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 25 janvier 2022 les moyens et prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 février 2021 l’appelant
demande à la cour,
‘Vu l’article 1104 du code civil,
Vu les articles L. 332-1, L. 343-4 et L. 341-4 du code de la consommation,
Vu les pièces,’
de bien vouloir :
‘Déclarer monsieur [B] [G] recevable et bien fondé en ses prétentions et demandes,
Infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 14 janvier 2020 dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Juger que monsieur [B] [G] est une caution non avertie,
Juger que la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE n’a pas rempli son devoir de mise en garde vis-à-vis de monsieur [B] [G] en qualité de caution non avertie,
Juger que le cautionnement souscrit par monsieur [B] [G] en date du 7 janvier 2017 en garantie du prêt n° n°9862100 était disproportionné au regard des biens et revenus de la caution,
En conséquence,
Déclarer inopposable le cautionnement souscrit par monsieur [B] [G] en garantie du prêt de 25 000 euros accordé à la société LA BYERROISE,
Débouter la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE à payer à monsieur [B] [G] la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts,
Condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 4 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE en tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.’
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 avril 2021 l’intimé
demande à la cour,
‘Vu les articles 1342-1, 1905 et suivants, 2288 et suivants du code civil,
Vu l’article L. 332-1 du code de la consommation,
Vu l’article 1343-2 du code civil,’
de bien vouloir :
‘Confirmer le jugement rendu le 14 janvier 2020 par le tribunal de commerce d’Evry en ce qu’il a débouté monsieur [B] [G] de ses demandes,
Confirmer le jugement rendu le 14 janvier 2020 par le tribunal de commerce d’Evry en ce qu’il a condamné monsieur [B] [G] à payer à la CAISSE D’EPARGNE la somme de 19 439,09 euros, augmentée des intérêts au taux de 4,70 % à compter du 16 avril 2019,
Infirmer le jugement rendu le 14 janvier 2020 par le tribunal de commerce d’Evry en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de la CAISSE D’EPARGNE tendant à la capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau,
Dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
Débouter monsieur [B] [G] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamner [B] [G] à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner monsieur [B] [G] aux entiers dépens et autoriser maître [L] [M] à les recouvrer conformément à l’article 699 du code de procédure civile.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la disproportion
En droit (selon les dispositions de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
L’endettement s’apprécie donc, en premier lieu, au jour de l’engagement de caution, soit en l’espèce, au 7 janvier 2017, date du cautionnement solidaire de monsieur [G] en garantie du prêt de 25 000 euros consenti le même jour à la société LA BYERROISE par la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, destiné à l’acquisition de matériel à usage professionnel dans le cadre de la création d’un commerce de vente de bières à emporter.
Ce cautionnement a été donné à hauteur de la somme de 32 500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, pour la durée de 115 mois.
Il est de principe que la charge de la preuve de la disproportion incombe alors à la caution et non pas à la banque, et l’absence de fiche patrimoniale établie à l’initiative de la banque, ne dispense pas la caution de rapporter cette preuve.
La banque indique s’être en tout état de cause assurée des capacités financières de monsieur [G], sachant que ce dernier était propriétaire, avec son épouse, d’un bien immobilier situé à Yerres, dont l’acquisition courant 2013 au prix de 300 000 euros a été en partie financée par elle-même, la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, par le moyen d’un prêt de 152 134, 56 euros, le surplus faisant l’objet d’un apport personnel de monsieur et madame [G].
Monsieur [G] verse au débat, pour justifier de sa situation financière au temps de la signature de son engagement de caution, en particulier son avis d’imposition sur les revenus de l’année 2017, dont il ressort qu’il n’est pas imposable et a perçu des revenus pour un montant d’un peu moins de 13 000 euros, et le tableau d’amortissement de son prêt immobilier. Il fait état de sa situation familiale mais ne produit aucun justificatif concernant ses charges, de quelque nature qu’elles soient.
Sans contester la valeur de son bien, monsieur [G] fait valoir qu’étant détenu en indivision avec son épouse, avec laquelle il est marié sous le régime de la séparation de biens, ce patrimoine ne pourrait être aisément liquidé, une vente supposant l’accord de son épouse co-indivisaire qu’elle ne serait pas disposée à donner, ce bien constituant le domicile familial. Cette argumentation est parfaitement inopérante dans le cadre de l’appréciation de la proportionnalité de l’engagement de caution.
La banque n’a pas à rapporter la preuve du consentement de madame [G] à la vente de l’appartement de Yerres, et monsieur [G] n’est pas fondé à reprocher à l’intimé d’être ‘défaillant à établir la preuve que le patrimoine de monsieur [G] lui permettait de se porter caution (…)’.
Il sera donc simplement tenu compte de la valeur nette de ce bien, et comme le fait observer la banque, au vu du tableau d’amortissement, cette valeur était au 7 janvier 2017 d’environ 163 000 euros, et monsieur [G] étant propriétaire du bien à hauteur de la moitié, ses droits immobiliers étaient donc plus ou moins de 81 500 euros, et suffisaient à eux seuls à couvrir l’intégralité de l’engagement de caution dont on rappellera qu’il a été donné dans la limite de 32 500 euros.
Au vu de ces éléments, et monsieur [G] échouant dans la démonstration de la disproportion manifeste qu’il invoque, la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE peut donc se prévaloir du cautionnement donné à son profit le 7 janvier 2017 en garantie du contrat de prêt qu’elle a consenti à la société LA BYERROISE.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde
L’obligation de mise en garde que la banque doit à une caution profane recouvre le devoir de se renseigner sur la capacité financière de la caution, et le devoir d’accorder un crédit adapté aux facultés contributives de l’emprunteur.
Monsieur [G] sollicite l’octroi de la somme de 1 euro symbolique et développe abondamment sur sa qualité de caution profane. Il souligne que le prêt de 25 000 euros est inadapté en ce que la banque l’a octroyé sans attendre l’établissement des comptes sociaux de la société LA BYERROISE et sans le mettre en garde sur le risque d’endettement de la société nouvellement constituée.
La banque soutient qu’au contraire monsieur [G] avait la qualité de caution avertie de sorte que la banque n’était tenue à son égard d’aucune obligation de mise en garde.
Monsieur [G], designer graphiste de profession, et qui au jour de la signature de son cautionnement n’avait tout au plus que deux mois d’expérience en matière de gérance d’entreprise, qui plus est une société par actions simplifiée à associé unique d’un capital social de 1 500 euros, ne saurait être considéré comme ‘un professionnel averti’ contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.
Ceci étant, en l’absence de disproportion de l’engagement de caution la banque n’était tenue d’aucune obligation de mise en garde particulière à l’égard de la caution, fût-elle profane, sur un risque d’endettement personnel excessif.
Par ailleurs, monsieur [G] allègue que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard de la caution profane dès lors que l’opération financée est vouée à l’échec dès son lancement. Il déplore une situation déficitaire dès les deux premiers mois de l’activité (novembre et décembre 2016) qui aurait dû interdire à la banque de lui accorder le prêt litigieux, et surtout de solliciter son cautionnement, mais aussi des pertes qui n’ont fait que s’aggraver au cours des deux exercices suivants, démontrant ainsi, notamment, que l’entreprise était structurellement déficitaire.
Il est pourtant établi que le prêt consenti le 7 janvier 2017, absolument nécessaire au développement de l’activité qui, des propres déclarations de monsieur [G], était juste débutante, était d’un montant limité de 25 000 euros et générait des mensualités qui n’était que de 323,22 euros, pour un prêt entrant en amortissement le 25 mai 2017 (après une période de différé de 3 mois). De ces seuls constats, il apparaît que monsieur [G] échoue à démontrer que ce prêt aurait été consenti fautivement.
En outre, la procédure de liquidation judiciaire de la société LA BYERROISE a été ouverte par jugement du tribunal de commerce d’Evry le 11 février 2019, soit 25 mois après le cautionnement querellé du 7 janvier 2017. Si le tribunal a anticipé au 1er juillet 2018 la date de cessation des paiements, il ressort de la déclaration de créance de la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE que les échéances du prêt litigieux ont été honorées, hormis celle du 25 janvier 2019.
Par ailleurs, monsieur [G] confesse des erreurs de gestion (pratique de prix trop bas générant une marge commerciale insuffisante, puis poursuite de l’exploitation pendant 12 mois alors que l’état de cessation de paiement était caractérisé) qui sont autant d’événements postérieurs à l’octroi du prêt litigieux, et auxquels la banque est totalement étrangère.
Ainsi, monsieur [G] ne fait aucune démonstration de ce que le crédit octroyé était excessif, ce qui est la condition sine qua non et préalable de la mise en oeuvre de la responsabilité du banquier, monsieur [G] se contentant d’affirmer que l’activité a toujours été déficitaire, sans pour autant rapporter la preuve de ce que la banque avait connaissance d’une situation vouée à l’échec, dès l’octroi du crédit.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce monsieur [G] a été débouté de sa demande indemnitaire pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Sur la capitalisation des intérêts
Le tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, dont les conditions légales ne sont pas remplies.
Selon l’article 1343-2 du code civil :’Les intérêts échus, dus au moins pour
une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le
précise’.
Pour produire eux-mêmes intérêt, il n’est pas nécessaire que les intérêts échus des capitaux soient dus au moins pour une année entière au moment où le juge statue, il suffit que la capitalisation soit ordonnée pour intervenir dès lors que les conditions posées par l’article précité seront remplies.
L’application de ces dispositions est de droit, sauf si la loi en dispose autrement ce qui ne correspond pas au cas d’espèce.
En conséquence il y a lieu d’infirmer le jugement déféré sur ce point, et d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Monsieur [G], qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de l’intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
sauf en ce que le tribunal a débouté la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE de sa demande de capitalisation des intérêts,
et statuant à nouveau du chef infirmé,
DIT que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Et y ajoutant :
CONDAMNE monsieur [B] [G] à payer à la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
DÉBOUTE monsieur [B] [G] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE monsieur [B] [G] aux entiers dépens d’appel et admet Maître Michèle SOLA avocat au Barreau de Paris au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT