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8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°258
N° RG 19/03054 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-PYCQ
M. [E] [F]
C/
SAS GREEN SAILS
Infirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Février 2022
En présence de Madame [R] [D], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [E] [F]
né le 14 Novembre 1980 à VILLEFRANCHE SUR SAONE (69)
demeurant B 206, Les Marines La Falaise, Fort Bloqué
56520 GUIDEL
Ayant Me Nathalie PEDELUCQ de la SELARL SELARL PEDELUCQ, Avocat au Barreau de LORIENT, pour postulant et représenté à l’audience par Me Philippe BERRY, Avocat plaidant du Barreau de PARIS
INTIMÉE :
La SAS GREEN SAILS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
Presqu’île de Keroman – Base des sous marins
56100 LORIENT
Représentée par Me Hassiba JEFFROY de la SELARL SELARL HASSIBA JEFFROY, Avocat au Barreau de LORIENT
M. [E] [F] a été embauché le 4 avril 2016 par la SAS GREEN SAILS qui a pour activité la production et la commercialisation de bagagerie, d’éléments de décoration et autres objets, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de ‘designer / développeur produits’, statut cadre, niveau IV de la Convention collective des industries de la maroquinerie, articles de voyage, chasse sellerie, bracelet en cuir.
Le 20 mars 2017, M. [E] [F] a fait l’objet d’un entretien annuel d’évaluation le 21 mars 2017.
Le 22 mars 2017, M. [E] [F] a reçu en main propre une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 mars 2017, date à laquelle il a reçu une lettre, annulant la convocation du 22 mars et fixant l’un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique au 3 avril 2017.
Le 25 avril 2017, M. [E] [F] s’est vu notifier son licenciement économique par lettre recommandée avec accusé de réception, indiquant notamment que son poste était supprimé.
Le 19 février 2018, M. [E] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Lorient aux fins de :
‘ Dire que son licenciement pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS GREEN SAILS à verser à M. [E] [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine :
– 15.318,06 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € au titre du préjudice moral et professionnel,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Ordonner l’exécution provisoire.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 9 mai 2019 par M. [E] [F] contre le jugement du 11 avril 2019 notifié le 15 avril 2019, par lequel le conseil de prud’hommes de Lorient a :
‘ Jugé le licenciement de M. [E] [F] pour raison économique justifié,
‘ Débouté M. [E] [F] de l’ensemble des demandes, fins et conclusions,
‘ Condamné M. [E] [F] à régler à la SAS GREEN SAILS la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Dit que les entiers dépens seront supportés par M. [E] [F].
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 22 janvier 2020, suivant lesquelles M. [E] [F] demande à la cour de :
‘ Constater le détournement du motif économique de licenciement invoqué par la SAS GREEN SAILS, en lieu et place d’un motif personnel à l’encontre de M. [E] [F],
‘ Infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
‘ Dire son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
‘ Condamner la SAS GREEN SAILS au versement des sommes suivantes :
– 15.318,06 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € au titre du préjudice moral et professionnel,
En toutes hypothèses,
‘ Condamner la SAS GREEN SAILS au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
‘ Dire que les intérêts au taux légal courront à compter de l’introduction de l’instance,
‘ Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 octobre 2019, suivant lesquelles la SAS GREEN SAILS demande à la cour de :
A titre principal,
‘ Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
‘ Débouter M. [E] [F] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
‘ Condamner M. [E] [F] à verser à la SAS GREEN SAILS la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
A titre subsidiaire,
‘ Réduire dans de notables proportions le quantum des demandes formulées par M. [E] [F], en limitant son montant à la somme de 5.107,02 € correspondant à 2 mois de salaire,
En tout état de cause,
‘ Condamner M. [E] [F] à verser à la SAS GREEN SAILS la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien fondé du licenciement pour motif économique :
M. [E] [F] soutient que son licenciement ne repose pas sur un motif économique mais en réalité sur un motif personnel qui en est la cause déterminante, tenant au fait qu’à partir du moment où il a demandé à travailler au moins 24 h correspondant au minimum légal pour un temps partiel, il a fait l’objet d’une succession de reproches sur la qualité de son travail, sur son comportement et sur le rapport entre son salaire et sa prestation.
M. [E] [F] ajoute qu’après avoir été convoqué du jour au lendemain pour un entretien professionnel, il a fait l’objet de reproches professionnels à caractère personnel et a été convoqué initialement pour licenciement dont le motif personnel n’était pas précisé puis reconvoqué pour motif économique.
En ce qui concerne le motif économique, M. [E] [F] estime qu’il n’y a pas eu de suppression de poste dès lors qu’il a été remplacé par sa collaboratrice Mme [V] au poste de designer, qu’il ne peut être tiré argument de l’attestation de la déléguée du personnel concernant les difficultés de la société dès lors que les délégués du personnel n’ont pas été consultés sur le projet de licenciement qui a été annoncé avant qu’il ne soit effectif, que les difficultés économiques de l’entreprise ne sont ni avérées ni vérifiables à la date du licenciement, que les critères d’ordre des licenciements n’ont pas été respectés.
La SAS GREEN SAILS conteste le fait que le licenciement de M. [E] [F] serait en réalité un licenciement pour motif personnel, qu’il ne peut être soutenu qu’il serait en lien avec sa demande dès lors que les échanges antérieurs à son embauche démontrent que les conditions contractuelles ont été fixées par lui pour lui permettre de poursuivre son activité indépendante, en ne travaillant que sur trois jours, qu’il ne peut se prévaloir des reproches faits lors de l’entretien d’évaluation alors qu’il en a été formulé dès septembre 2016 et pendant la période d’essai et qu’il ne formule aucune demande de rappel de salaire, que le blocage de sa boîte aux lettres électronique est imputable à un prestataire.
La SAS GREEN SAILS entend en outre faire valoir que la lettre de licenciement atteste des difficultés économiques de l’entreprise et de la nécessité de supprimer le poste de M. [E] [F] et que M. [E] [F] étant le seul de sa catégorie, il n’y avait pas d’ordre des licenciements à respecter, ni s’agissant d’un licenciement d’un seul salarié pour motif économique, de délégués du personnel à consulter, que la délégué du personnel atteste de sa connaissance des difficultés économiques à la clôture au 31 décembre 2016, identifié en mars 2017, qu’il ne peut alléguer de l’absence de suppression de son poste, Mlle [V] étant toujours Designer junior, qu’il n’a jamais été convoqué pour motif personnel, le report s’imposant du fait des erreurs tenant à l’absence de motif et au non respect du délai de 5jours et de mention de l’assistance par un délégué.
En application de l’article L1233-3 du code du travail, est constitutif d’un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; lorsqu’une entreprise fait partie d’un groupe, les difficultés économiques de l’employeur doivent s’apprécier tant au sein de la société, qu’au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d’activité, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ;
Une réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l’emploi du salarié licencié ;
La sauvegarde de compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats, et dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de celle-ci ne représente pas une cause économique de licenciement ;
Par application de l’article L1233-4 du même code, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises;
Le reclassement doit en outre être recherché avant la décision de licenciement, au sein de la société comme au sein des sociétés du groupe entre lesquelles la permutabilité du personnel est possible, et l’employeur doit s’expliquer sur la permutabilité et ses éventuelles limites, au regard des activités, ou de l’organisation, ou du lieu d’exploitation; dans le cadre de cette obligation, il appartient encore à l’employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher effectivement s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles ; il ne peut notamment se borner à recenser dans le cadre du plan social les emplois disponibles au sein de la société et dans les entreprises du groupe ;
Le fait que le salarié estime que la cause véritable de son licenciement est un motif inhérent à la personne du salarié, impose toutefois au juge de vérifier que les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne pouvaient fonder le licenciement.
La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige et qui lie le juge, est ainsi motivée :
‘Monsieur,
Suite de l’entretien préalable du 3 Avril 2017, nous sommes amenés à vous notifier votre licenciement pour motif économique et de supprimer votre poste pour les motifs économiques suivants :
La SAS GREEN SAILS a été créée en Janvier 2010.
Nous avons démarré notre activité avec un faible effectif, dans de petits ateliers installés près du port de pêche. La progression rapide de notre chiffre d’affaires nous a amené à accroître nos effectifs.
En 2013, nous avons alors décidé de développer notre réseau de distribution par la création de boutiques.
Les nombreuses embauches ont été réalisées en 2015 et 2016 pour accompagner sa croissance de l’entreprise, notamment le développement de notre réseau de distribution (création de 6 boutiques). Nous vous avons d’ailleurs recruté en Avril 2016 dans cette dynamique prometteuse.
Notre budget prévisionnel 2016 était basé à 3,5M€ de chiffre d’affaires.
Or, celui-ci est nettement en dessous de nos projections, le chiffre d’affaires réalisé en 2016 ressort à 2,3 M€, soit 1,2 M€ de moins que le prévisionnel.
Même si on observe une hausse du chiffre d’affaires d’environ 15% par rapport à l’année précédente, cette progression doit être relativisée au regard du contexte favorable du Vendée Globe, événement exceptionnel et de la baisse significative du taux de marge brute qui baisse de 13 points (lié à l’échec du développement des ventes boutiques et donc du changement de réseau de distribution avec des marges réduites). La hausse du chiffre accompagnée de la forte baisse de la marge brute, génère une marge très insuffisante pour absorber la hausse des charges externes et des charges du personnel.
Le développement de notre réseau par l’ouverture de nouveaux points de vente s’avère donc être un échec. Sur les 6 boutiques créées, 3 se sont révélées économiquement non viables et ont été fermées, une 4ème sera fermée fin Août 2017.
Ainsi au titre de l’exercice clos en Décembre 2016, notre perte d’exploitation s’é1ève à – 443.447 €, après un résultat négatif de 221.966 € dégagé au cours de l’exercice précédent.
La situation est d’autant plus préoccupante que nous constatons une dégradation significative de nos capitaux propres :
– 2.108.187 € en 2015,
– 1.660.461 € en 2016
La forte dégradation de nos fonds propres impacte également directement la trésorerie de la société. En effet, la trésorerie de la société a diminué de 1 138 k€ sur la seule année 2016.
En moins de 2 ans, la trésorerie a chuté de près de 2 M €.
Pour préserver la trésorerie de l’entreprise, nous avons pris d’ores et déjà les mesures suivantes :
a/ Fermeture de boutiques ;
b/ Baisse des coûts de production sur 15% des produits ;
c/ Renégociation des prêts bancaire pour réduire nos mensualités
d/ Non remplacement suite à des départs de salariés e/ Ecoulement du stock (près de 1,1 M€ de valorisation) meilleure gestion des commandes avec un passage en just in time.
f/ Transfert du process de production de Lorient dans un nouveau local afin d’optimiser la productivité (nouveau process, nouveaux flux, sur un unique niveau)
Ces démarches n’ont malheureusement pas été suffisantes pour redresser la situation économique de l’entreprise.
Nous sommes donc contraints de modifier notre modèle économique pour faire face à nos difficultés économiques.
Ainsi notre projet initial d’ouverture de 25 boutiques d’ici à 2020 est abandonné.
Nous avons décidé de nous recentrer sur 2, 3, voire 4 flag ship dans des lieux stratégiques (grandes villes à forte image nautique au bord de la mer : Lorient, Vannes, St Malo, La Rochelle par ex)
Suite à cette nouvelle organisation et compte tenu des difficultés économiques rencontrées, nous avons donc décidé de réorganiser notre structure en 2017, pour assurer la pérennité de l’entreprise.
Nous considérons que le maintien du poste de responsable de design/développement produits ne se justifie plus compte tenu de notre décision de revoir notre modèle économique et l’abandon de notre projet d’ouverture de 20 boutiques en lien avec la création de votre poste.
Ce contexte entraîne donc la suppression de votre poste.
Etant seul dans votre catégorie professionnelle, vous êtes désigné comme personnel licenciable, nous conduisant à envisager la rupture de votre contrat de travail.
A ce jour, les recherches de reclassement menées ne nous ont pas permis d’aboutir à identifier une solution de reclassement, à l’exception d’un contrat saisonnier pour occuper le poste de vendeur sur la boutique de la BAULE, qui sera fermée à la fin de saison.
Nous vous avons proposé ce poste pour lequel nous avons reçu aucun retour de votre part dans le délai imparti.
Malgré les démarches effectuées, nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune possibilité de reclassement.
Au cours de l’entretien préalable qui s’est tenu le 3 Avril 2017, nous vous avons proposé de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle et vous avons remis, à cet effet, une notice d’information ainsi qu’un bulletin d’acceptation.
Le délai de réflexion dont vous disposiez pour adhérer à la convention de sécurisation professionnelle est expiré.
La durée de votre préavis est de 3 mois. Il débutera à la date de la première présentation de la présente lettre. Nous vous dispensons d’exécuter votre préavis lequel vous sera néanmoins payé. Vous percevrez donc aux échéances normales de paie, pendant cette période, l’indemnité compensatrice correspondante.
En l’espèce pour justifier du motif économique du licenciement, l’employeur produit au débat les bilans comptables des années 2015 et 2016 avec la référence à l’année N-1 pour chacun des exercices.
Il résulte de l’examen des documents produits que l’actif du bilan de l’exercice 2015 présente par rapport à l’exercice N-1 un accroissement des matières premières et approvisionnement de 36,60% à hauteur de 409.026 €, des produits intermédiaires finis de 5,12 % à hauteur de 299.860 €, de créances clients de 24,55% à hauteur de 129.835 €, d’autres créances de 101,61% à hauteur de 177.125 € et de charges d’avances constatées de 60,65% à hauteur de 40.525 €.
L’examen de l’exercice 2016, montre que l’actif du bilan de l’exercice 2016 présente par rapport à l’exercice N-1un accroissement du fonds commercial (droit au bail) de 178.693€, des autres immobilisations corporelles de 180,15% à hauteur de 279.932 €, des matières premières et approvisionnement de 10,64 % à hauteur de 452.550 €, des produits intermédiaires finis de 118,56 % à hauteur de 647.717 €, de créances clients de 23,23% à hauteur de 159.993 €, d’autres créances de 19,18% à hauteur de 211.093 € et de charges d’avances constatées de 23,63% à hauteur de 50.100 €.
Sur les deux exercices, alors que les produits d’exploitation sont en croissance constante (1.788.326 € en 2014 ; 2.014.064€ en 2015 et 2.701.888 € en 2016), on constate en 2016 une hausse de la production stockée à hauteur de 347.857 €, des achats de matière première et autres approvisionnements en progression de plus de 95% à hauteur de 589.630 € ainsi que d’autres achats et charges externes en hausse de 24,91% à hauteur de 1.615.465 € et une croissance des salaires, traitements et charges sociales afférentes respectivement de 35,22% à hauteur de 685.592 € et de 67,03 % à hauteur de 157.807 €, à l’égard desquels l’employeur ne développe aucune explication.
Dans ces conditions et en l’absence des rapports de présentation de ces bilans et des rapports du commissaire aux comptes, l’examen de ces bilans qui ne peut se limiter à celui du résultat d’exploitation, même en hausse ainsi que le reconnaît l’employeur, a fortiori compte tenu des indicateurs desdits bilans ci-dessus relevés, la réalité des difficultés économiques invoquées qui doivent être appréciées à la date du licenciement, ne ressortent pas de l’évidence, a fortiori dès lors que la fermeture de quatre des six boutiques de l’entreprise était déjà effective à la date du licenciement ainsi que cela résulte de l’article promotionnel du 27 avril 2017 intitulé ‘727 Sailbags change de cap et repart de l’avant’, le changement de stratégie et l’investissement concernant les nouveaux locaux de la société ne pouvant en soi caractériser les difficultés économiques alléguées.
En toute hypothèse, le fait que le budget 2016 soit en dessous du budget prévisionnel fixé à 3,5M€ de chiffre d’affaires ne peut caractériser les difficultés économiques invoquées.
Il ressort des développements qui précèdent qu’à défaut de reposer sur un motif économique avéré, que c’est à juste titre que le salarié fait valoir qu’en réalité son licenciement est fondé sur un motif personnel tenant à la fois au conflit concernant le volume horaire de son travail, son refus d’accepter un passage à plein temps en qualité de technico-commercial et l’insatisfaction de son employeur à l’égard de sa production ainsi que cela ressort des pièces produites, peu important que l’employeur ait pu formuler des critiques sur son travail ou celui de son équipe dès la période d’essai, en l’absence de réclamation du salarié à cette période.
Par ailleurs, l’employeur qui ne produit pas son propre compte tenu de l’entretien d’évaluation du 20 mars 2017 ne peut utilement invoquer le compte rendu au demeurant exhaustif de cet entretien établi par M. [E] [F], pour dénier au motif du licenciement son caractère personnel. Il est tout aussi vain de soutenir à cette fin que la durée du temps de travail du salarié avait été fixée à 19h50 à la demande de ce dernier pour lui permettre de poursuivre d’autres activités.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [E] [F] .
===
Sur les conséquences de la rupture :
Tant dans la présentation de ses prétentions que dans les termes du dispositif de ses écritures, M. [E] [F] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser 15.318,06 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et 5.000 € au titre du préjudice moral et professionnel, l’employeur se bornant à solliciter la réduction de ses prétentions.
Or, non seulement l’indemnisation des conséquences de la rupture abusive intègre la réparation des préjudices moral et matériel dont il est justifié, sauf à démontrer l’existence d’un préjudice moral distinct résultant des circonstances du licenciement mais il ressort des motifs des écritures de M. [E] [F] qu’aucun argument spécifique n’est développé permettant de distinguer les deux préjudices dont il est demandé réparation, la seule production d’un état des montants des billets de train entre Quimperlé et Paris ne pouvant en tenir lieu.
Compte tenu de ce qui précède et de la perte d’une ancienneté d’un an pour un salarié âgé de 37 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-5 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 10.000 € net à titre de dommages-intérêts ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
DÉCLARE abusive la rupture du contrat de travail de M. [E] [F],
CONDAMNE la SAS GREEN SAILS à payer à M. [E] [F] 10.000 € net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
CONDAMNE la SAS GREEN SAILS à payer à M. [E] [F] 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS GREEN SAILS de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la SAS GREEN SAILS aux entiers dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.