Designer : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08725

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Designer : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08725
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08725 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOXS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juillet 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 15/10069

APPELANTE

SAS PARTOUCHE IMAGES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuelle FARTHOUAT – FALEK, avocat au barreau de PARIS, toque : G097

INTIME

Monsieur [R] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nathalie FRIED, avocat au barreau de PARIS, toque : E2049

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendi en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

La société Partouche Images est une société de production, éditions et diffusion de contenus sur les supports digitaux et télévisuels. Elle opérait essentiellement jusqu’en 2014 dans le secteur des jeux de hasard avec espérance de gains.

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2008, M. [R] [D] a été engagé en qualité de monteur par la société Partouche Images. En dernier lieu, le salaire mensuel moyen brut payé à M. [D], calculé sur la base des douze derniers mois, s’élevait à 3 172,40 euros bruts.

Les relations contractuelles ont été soumises à la convention collective Syntec.

La société a adressé le 24 mars 2015 au salarié un courrier l’informant des difficultés économiques qu’elle rencontrait avec notamment une baisse très significative de son activité entraînant une diminution de son chiffre d’affaires et des pertes importantes, la situation nécessitant une rationalisation de l’organisation. Elle ajoutait qu’une mesure de licenciement économique à son égard était envisagée compte tenu de l’éventualité de la suppression de son poste de travail. Elle le convoquait à un entretien le 2 avril 2015.

Au cours de l’entretien du 2 avril 2015, les documents afférents au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) étaient remis au salarié, le délai de réflexion de 21 jours calendaires à compter du 3 avril 2015 expirant le 24 avril 2015.

Le 7 avril 2015, le salarié a adhéré au dispositif.

Par courrier du 21 avril 2015, la société a informé M. [D], qu’appartenant au groupe Partouche, le dispositif du CSP lui avait été présenté par erreur puisqu’il était en réalité éligible au congé de reclassement et elle le convoquait pour un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé le 5 mai 2015.

Par courrier du 5 mai 2015, le salarié indiquait à la société que le 7 avril 2015 il lui avait remis son accord pour le CSP et que son contrat de travail était donc rompu depuis le 23 avril 2015.

Par courrier du 20 mai 2015, la société a proposé au salarié deux postes de reclassement.

Le 2 juin 2015, la société a adressé à M. [D] une lettre de licenciement pour motif économique mentionnant la possibilité de bénéficier d’un congé de reclassement.

Contestant son licenciement, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 10 août 2015 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Partouche Images au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 3 juillet 2019, le conseil de prud’hommes, dans sa formation de départage, a’:

– fixé le salaire de base à la somme de 3.172,40 euros’;

– condamné la société Partouche Images à payer à M. [D] les sommes suivantes’:

7.000 euros à titre de dommages et intérêts’;

30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

3.172 euros à titre d’indemnité au titre de l’article L. 1235-15 du code du travail’;

6.000 euros au titre des heures supplémentaires’et 600 euros au titre des congés payés afférents’;

9.517,20 euros au titre de la clause de non-concurrence;

– ordonné le remboursement par la société Partouche Images des indemnités versées par Pôle emploi au salarié licencié entre le jour du licenciement et le prononcé du jugement dans la limite de six mois’;

– rappelé qu’une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du conseil de prud’hommes de Paris au pôle emploi’;

– ordonné à la société Partouche Images de remettre à M. [D] les documents sociaux conformes à la présente décision’;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision’;

– dit que les intérêts dus pour une année entière porteront intérêt’;

– condamné la société Partouche Images au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes’;

– condamné la société Partouche Images aux dépens.

Le conseil a considéré que la société Partouche Images avait refusé d’exécuter ses obligations résultant de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, ce qui lui a causé un préjudice en ce qu’il n’a pas perçu de pôle emploi l’intégralité des allocations auxquelles il pouvait prétendre, et en ce qu’il n’a pu bénéficier des actions de formation proposées dans le cadre du CSP ; qu’en outre, il n’y avait pas lieu d’examiner la validité de la seconde procédure engagée le 21 avril 2015, le contrat de travail étant déjà rompu au 7 avril 2015 ; enfin que la société Partouche Images n’a pas justifié avoir recherché des solutions de reclassement de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le 31 juillet 2019, la société Partouche Images a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 avril 2020, la société Partouche Images demande à la cour de’:

– la recevoir en son appel ainsi qu’en ses écritures et l’y déclarer bien fondée’;

En conséquence,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [D] diverses sommes;

– infirmer le jugement en ce qu’il a’ordonné le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi au salarié, la remise des documents sociaux conformes à la décision, l’exécution provisoire de la décision’;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande subsidiaire de remboursement de la somme de 7.140,71 euros nets indument perçue à titre de préavis pendant trois mois’; de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

Statuant et jugeant à nouveau,

– A titre principal : débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes’;

– A titre subsidiaire, si la Cour venait à considérer que la rupture du contrat de travail de M. [D] est intervenue après la signature par ce dernier de son contrat de sécurisation professionnelle :

– ordonner à M. [D] de lui rembourser la somme de 7.140,71 euros nets, indument perçue à titre de préavis pendant trois mois’;

– ramener les demandes de M. [D] à de plus justes proportions et limiter en tout état de cause les éventuelles condamnations sur les postes suivants à’:

25.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

6.000 euros au titre des heures supplémentaires’et 600 euros au titre des congés payés afférents’;

En tout état de cause :

– condamner M. [D] à payer à la société la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner M. [D] aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 15 mars 2022, M. [D] demande à la cour de’:

– confirmer le jugement en ce qu’il a’jugé que la rupture du contrat de travail est intervenue à la date d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle au 7 avril 2015 avec une prise d’effet au 24 avril 2015 et en ce qu’il a condamné la société Partouche Images à lui payer une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à cause du refus de la société d’exécuter ses obligations résultant de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle’; jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse’; jugé la procédure de licenciement irrégulière au titre de l’article L. 1235-15 du code du travail’; condamné la société Partouche Images à lui payer des heures supplémentaires et les congés payés afférents’; condamné la société Partouche Images à lui payer l’indemnité contractuelle de non-concurrence’; dit que les intérêts dus pour une année entière porteront intérêts’; ordonné l’exécution provisoire de la décision’; condamné la société Partouche Images au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens’;

– le réformer pour le surplus’;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– fixer le salaire moyen brut de référence à la somme de 3.359,57 euros (moyenne des douze derniers mois de salaire en incluant le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires)’;

– condamner la société Partouche Images à lui verser les sommes suivantes’:

11.885,01 euros bruts au titre du rappel de salaires au titre des heures supplémentaires non payées et non récupérées sur la période de juillet 2012 à décembre 2014’et 1.188,50 euros bruts au titre des congés payés afférents’;

40.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement si cette demande était rejetée, dommages et intérêts pour le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement’;

561,51 euros bruts’au titre du complément d’indemnité compensatrice de préavis’et 56,15 euros bruts au titre des congés payés afférents’;

3.359,57 euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière (article L. 1235-15 du code du travail)’;

10.078,71 euros au titre de l’indemnité contractuelle de non-concurrence et 1.007,87 euros au titre des congés payés afférents’;

6.000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale du salarié’;

19.315 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour dissimulation de travail salarié’;

juger que les sommes demandées porteront intérêt au taux légal à compter de la demande’;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la demande au titre des heures supplémentaires :

– fixer le salaire moyen brut de référence à la somme de 3.172,40 euros ;

– condamner la société Partouche Images à lui verser les sommes suivantes’:

38.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement si cette demande était rejetée, dommages et intérêts pour le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement’;

3.172 euros au titre de l’indemnité pour procédure irrégulière,

9.517,20 euros au titre de l’indemnité contractuelle de non-concurrence’et 951,72 euros au titre des congés payés afférents’;

6.000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale du salarié’;

– juger que les sommes demandées porteront intérêt au taux légal à compter de la demande’;

En tout état de cause,

– ordonner à la société Partouche Images de lui remettre un bulletin de paie de solde de tout compte, une attestation employeur destinée à pôle emploi, un certificat de travail, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la Cour se réservant expressément la possibilité de liquider l’astreinte’;

– condamner la société Partouche Images à lui payer la somme de 2.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel’;

débouter la société Partouche Images de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 16 mars 2022.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

M. [D] soutient que pendant la période de juillet 2012 à décembre 2014, il a dû effectuer pour le compte de la société Partouche Images, de nombreuses heures de travail au-delà de 35 heures par semaine que son employeur ne lui a pas comptabilisées sur son bulletin de paie, ne lui a pas fait récupérer et ne lui a pas payées.

Il précise qu’aucune convention de forfait n’a été signée entre les parties, que ses horaires de travail habituels tels qu’imposés par son employeur dès son embauche et hors heures supplémentaires étaient les suivants : 10h00/18h00 avec 1 heure de pause déjeuner du lundi au vendredi, soit 35 heures par semaine et qu’il a ainsi travaillé, en plus de ses horaires de travail habituels :

– sur la période de juillet 2012 à janvier 2013, trois soirs par semaine en moyenne sur une plage horaire allant de 22h00 à 2h00 du matin en qualité de réalisateur sur des émissions en direct tournées pour le compte de la société aux studios AB de la plaine Saint Denis,

– de février 2013 à juillet 2013 un soir par semaine, de 22h00 à 02h00, en qualité de réalisateur sur des émissions en direct tournées pour le compte de la société aux studios AB de la plaine Saint Denis,

– puis d’avril 2013 à décembre 2014 en travaillant comme monteur pour l’émission « la main gagnante » de 18h00 à 21h30.

La société conteste la réalisation d’heures supplémentaires et fait valoir que M. [D] était rémunéré pour effectuer 39 heures hebdomadaires de travail, ainsi qu’il ressort de la note sur l’organisation de travail applicable au sein de la société mais qu’il ne réalisait en réalité que 35 heures tout en bénéficiant de jours de RTT.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

L’article 6 du contrat de travail stipule que M. [D] percevra une rétribution mensuelle composée :

– d’une rémunération « forfaitaire » brute fixe

– d’une partie variable intitulée « bonus mensuel ».

Ainsi, il ressort des pièces contractuelles que les parties n’ont pas conclu de convention de forfait annuel en heures ou en jours. De même, la seule fixation d’une ‘rémunération forfaitaire’ avec la mention que ‘cette rémunération a été fixée en raison des fonctions du salarié. Elle tient compte des dépassements horaires inhérents aux attributions du salarié’, sans détermination d’un nombre d’heures supplémentaires incluses dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait qui ne se présume pas. De même, la note de service sur l’organisation du temps de travail en date du 5 septembre 2014 qui évoque une durée de travail de 39 heures par semaine adressée par l’employeur ne constitue pas plus une convention de forfait.

Par ailleurs, les bulletins de paie de M. [D] pour les années 2008, 2009, 2010 établis par l’employeur indiquent un horaire de travail de 151,67 heures par mois, comme l’attestation employeur destinée à pôle emploi qui indique que le salarié était employé pour une durée de travail de 35 heures par semaine. Si à compter de février 2010, l’employeur a fait apparaître la mention « forfait » sur les bulletins de paie, aucune conséquence ne peut en être tirée quant à l’existence d’un accord des parties sur un salaire forfaitaire comprenant des heures supplémentaires.

Ainsi, M. [D] est bien fondé à réclamer le paiement des heures travaillées au-delà de 35 heures par semaine.

Au soutien de ses affirmations quant à son temps de travail, M. [D] verse aux débats les pièces suivantes :

– un tableau récapitulant les heures de travail alléguées depuis le 2 juillet 2012 jusqu’au 31 décembre 2014, précisant pour chaque jour l’heure de début et de fin de travail, les heures travaillées par jour (déduction d’une heure pour le déjeuner) et par semaine, outre les heures supplémentaires alléguées,

– cinq attestations de salariés qui mentionnent ses horaires tardifs sur cette période :

M. [Y] [B], directeur artistique, indique que M. [D] a travaillé en moyenne trois soirs par semaine (y compris les week-ends) sur une plage horaire allant de 22 heures à 2h00 du matin, durant la période de juillet 2012 à janvier 2013, en qualité de réalisateur sur des émissions en direct tournées aux studios AB de la plaine St Denis ; qu’il a poursuivi ce travail, dans les mêmes conditions, à raison d’un soir par semaine, de février 2013 à juillet 2013 ; qu’il a enfin travaillé en tant que monteur pour l’émission « la main gagnante » (diffusée dans les casinos Partouche) tous les jeudi soir, de 18h00 à 21h30, d’avril 2013 à décembre 2014 ;

Mme [N], intermittente du spectacle entre 2008 et 2014 mentionne les mêmes horaires et ajoute qu’en plus de ces émissions live, il était réalisateur d’émissions enregistrées la journée aux locaux de Partouche Images ;

M. [C], graphiste/web designer jusqu’en janvier 2014, ajoute qu’il était souvent appelé, dans de très courts délais, à remplacer un membre de l’équipe pour une émission, en semaine comme le week-end ;

Mme [G], responsable service clients puis chargé de production entre septembre 2007 et novembre 2014 et Mme [X] [E], employée, faisaient les mêmes constats ;

– un courriel du 11 octobre 2013 dans lequel sa collègue [K] [N] confirme à M. [D] qu’il fera la réalisation des lives le dimanche 20 octobre à partir de 21h15, ce mail étant adressé en copie à M. [U], directeur de la production ;

– deux feuilles de service pour des tournages les 16 septembre et 15 octobre 2013 d’émissions préenregistrées pour le site Internet Partouche.Be, sur lesquelles est indiquée une fin de tournage à 19h30 ;

– un courriel du 3 mars 2014 relatif à la « Main gagnante » qui confirme que M. [D] travaillait tous les jeudis soirs.

Ainsi, M. [D] présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Si la société critique les éléments de preuve avancés par le salarié, force est de constater qu’elle ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail, ni susceptible de justifier des horaires accomplis.

La société ne peut être suivie lorsqu’elle indique qu’elle ne demandait pas à M. [D] d’effectuer des heures supplémentaires puisqu’il ressort des témoignages susvisés que les horaires effectués par le salarié étaient connus du personnel, notamment du directeur artistique. En outre les missions spécifiques confiées à des heures tardives au salarié étaient connues de l’employeur qui, même de façon implicite, acceptait ainsi la réalisation d’heures supplémentaires pour les accomplir.

De même, si le salarié ne conteste pas avoir bénéficié de journées de RTT qu’il a d’ailleurs mentionnées dans son décompte, la société ne produit aucun récapitulatif permettant de conclure que les heures effectuées au delà de 35 heures par semaine étaient toutes compensées par des jours de RTT. La société fait également état de 7 jours de récupération attribués du 20 au 28 octobre 2014, mais le salarié fait valoir à juste titre que le document produit sur ce point ne mentionne pas que cette demande a été acceptée.

En revanche, la société produit un courriel de M. [U], supérieur de M. [D], du 13 octobre 2017, confirmé par une attestation postérieure, qui indique que ‘systématiquement le salarié récupérait, dès le lendemain matin, ses heures lorsqu’il finissait plus tard que d’habitude et que cela se produisait notamment pour la production de l’émission ‘la main gagnante qu’il montait le jeudi entre 18 et 21 heures. Le vendredi il rattrapait ses heures et venait aux alentours de midi’.

De même, la société produit plusieurs mails de M. [I] [V], directeur de la société adressés à plusieurs salariés, dont M. [D], dans lesquels il constatait notamment les 4 décembre 2012, 29 mai 2013, 30 juin 2014 et 19 septembre 2014 des arrivées tardives le matin au delà de l’heure convenue de 10 heures (‘entre 10 :25 et 10 :45 voire plus tard’).

Au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour, il apparaît que le salarié a effectivement exécuté des heures supplémentaires, mais dans une proportion bien moindre que ce qu’il affirme et c’est par une juste appréciation des éléments produits que le conseil a fixé la créance en résultant à la somme de 6 000 euros bruts, outre 600 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Au vu de la créance allouée, il n’apparaît pas que M. [D] ait dépassé le contingent annuel de 130 heures sur la période considérée et sa demande à ce titre sera donc rejetée.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Ainsi, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

M. [D] fait valoir qu’il a travaillé pour la société un nombre important d’heures supplémentaires qui ne sont pas mentionnées sur ses bulletins de paie alors qu’elle connaissait leur réalisation, rappelant qu’il s’agissait d’une petite société employant moins de 20 salariés.

L’employeur soutient que l’intention de dissimuler n’est pas prouvée par le salarié.

Le seul fait de ne pas mentionner sur les fiches de paie toutes les heures travaillées ou de ne pas avoir payé toutes ces heures est insuffisant à caractériser l’intention de dissimulation de l’employeur.

En outre, en l’occurrence, force est de constater que ce n’est qu’après la rupture du contrat que le salarié a réclamé le paiement d’heures supplémentaires et que bénéficiant de jours de RTT, la société a ainsi tenu compte de certains dépassements d’horaire même si leur volume est contesté.

Il en découle que l’intention de dissimuler n’est pas établie et que la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

La société soutient qu’en application de l’article L.1233-71 du code du travail qui prévoit que les entreprises de plus de 1000 salariés, ou les entreprises appartenant à un groupe employant plus de 1000 salariés, doivent proposer aux salariés licenciés pour motif économique, un congé de reclassement, elle avait l’obligation de proposer un tel congé à M. [D] puisqu’elle appartient au Groupe Partouche, employant plus de 1000 salariés. Elle considère donc que c’est par erreur qu’elle a proposé au salarié de conclure un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et qu’avant même l’issue du délai de réflexion, elle avait retiré cette proposition de CSP pour y substituer celle d’un congé de reclassement, la seule lettre de licenciement envoyée par courrier du 2 juin 2015, faisant référence à de dernier dispositif.

Le salarié rétorque que la rupture du contrat de travail est intervenue à la date de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 7 avril 2015 avec une prise d’effet au 24 avril 2015 et que dès lors l’employeur ne pouvait pas engager une nouvelle procédure de licenciement postérieurement au 7 avril 2015.

Il résulte des articles L. 1233-65 et suivants du code du travail que le contrat de sécurisation professionnelle a pour objet l’organisation et le déroulement d’un parcours de retour à l’emploi, le cas échéant au moyen d’une reconversion ou d’une création ou reprise d’entreprise, que la remise du dossier de contrat de sécurisation professionnelle fait courir le délai de réflexion de 21 jours accordé au salarié pendant lequel il peut soit accepter, soit refuser le CSP et que ‘l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail’ (article L. 1233-67 du code du travail dans sa rédaction en vigueur en mars 2015).

Il n’est pas contesté que le 2 avril 2015, lors de l’entretien préalable à un licenciement pour motif économique, la société a proposé à M. [D] de conclure un contrat de sécurisation professionnelle.

Il ressort de l’examen de ce contrat que le récépissé du document de présentation a été signé par le salarié le 2 avril 2015 et que le ‘bulletin d’acceptation du contrat’ a été signé par le salarié le 7 avril 2015, le tampon de la société avec une signature figurant également dans ce ‘volet 1″, ainsi que la date de la fin du délai de réflexion fixée au 23 avril 2015.

Ainsi, en application de l’article L. 1233-67 du code du travail, l’adhésion du salarié au contrat

de sécurisation professionnelle a emporté rupture du contrat de travail, même si les effets sont reportés à la fin du délai de réflexion de 21 jours. En outre, il n’y a pas eu d’accord entre M. [D] et la société pour revenir sur le contrat de sécurisation professionnelle proposé et accepté.

En conséquence, l’acceptation par le salarié le 7 avril 2015 du contrat de sécurisation professionnelle, fût-ce-t-il proposé par erreur, a emporté rupture du contrat de travail avec un terme reporté au 24 avril 2015 et la seconde procédure de licenciement diligentée postérieurement est donc sans effet.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur la rupture du contrat pour motif économique

Sur le bien fondé de la rupture

M. [D] fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de motif économique, de l’absence de suppression de son poste de ‘Responsable Production Vidéo et Antenne’ qu’il occupait depuis 2012 et du manquement de son employeur à son obligation de reclassement.

La société considère au contraire que le motif économique est établi et qu’elle a respecté son obligation de reclassement.

A titre liminaire, il est constant que l’adhésion au dispositif de convention de sécurisation professionnelle est une modalité du licenciement économique qui ne modifie pas la cause économique de la rupture et dont le salarié conserve la faculté de contester la réalité, comme de se prévaloir d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

Par ailleurs, l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle par un salarié inéligible à ce dispositif ne rend pas, en elle même, la rupture du contrat sans cause réelle et sérieuse.

Seront donc examinées les règles afférentes au licenciement économique.

L’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que ‘constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques’.

Par ailleurs, l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que ‘le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises’.

Le reclassement doit être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé et il incombe à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement et qu’un reclassement est impossible. La méconnaissance par l’employeur de son obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Dans son courrier du 24 mars 2015, la société indiquait à M. [D] avoir ‘recherché, préalablement à l’envoi du présent courrier, tant en interne qu’auprès des sociétés membres du groupe des solutions de reclassement sans parvenir à ce jour à en identifier une susceptible de vous convenir’.

Or, ce n’est que le 20 mai 2015 que deux postes ont été proposés au salarié soit postérieurement à la rupture du contrat.

De même, alors que la société soutient dans ses conclusions que cette recherche s’est avérée vaine dès lors qu’il n’existait plus de postes disponibles adapté aux compétences du salarié en son sein et qu’aucune des filiales sollicitées ne disposait de poste correspondant aux qualifications spécifiques, certaines des sociétés interrogées disposant d’emplois vacants ouverts au recrutement mais sans être « équivalent » à celui du salarié, force est de constater qu’aucune pièce n’est produite sur ces affirmations.

En effet, le salarié fait valoir pertinemment que la société n’a pas produit aux débats son livre d’entrée et de sortie du personnel, malgré la sommation de communiquer qui lui a été adressée en ce sens le 20 septembre 2017 et si dans ses conclusions, la société affirme avoir versé aux débats un extrait de son registre d’entrées et sorties du personnel ‘permettant de constater qu’il n’existait pas de poste équivalent’, cette pièce en réalité non produite ne figure pas sur la liste des pièces communiquées.

La société ne justifie pas plus de son interrogation des autres sociétés composant le groupe Partouche qui selon ses propres affirmations employait plus de 1 000 salariés et des éventuelles réponses qu’elle évoque dans ses écritures.

Force est donc de constater le manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement et que dès lors la rupture du contrat de travail doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires

A la date de la rupture de son contrat de travail le 24 avril 2015, M. [D] avait 6 ans et neuf mois d’ancienneté dans une entreprise employant plus de 11 salariés, comme mentionné sur l’attestation Pôle emploi.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose que ‘si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois’.

Ainsi, le barème cité par la société concerne les licenciements prononcés à compter du 24 septembre 2017 par application de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 et n’est donc pas applicable au présent litige.

M. [D] fait valoir qu’il a toujours travaillé avec diligence pour la société Partouche Images et qu’il a subi un préjudice professionnel, matériel et moral considérable du fait de la rupture de son contrat de travail. Il expose que malgré ses recherches d’emploi dont il justifie, il a été pendant plus de deux ans au chômage, période pendant laquelle il n’a perçu que les allocations chômage (1 576,50 euros par mois sur les attestations délivrées par Pôle emploi) pour un montant très inférieur au salaire brut de base qu’il percevait (3 172,40 euros bruts).

Compte tenu du salaire moyen brut du salarié de 3 172,40 euros, de la réintégration des heures supplémentaires retenues, de son âge et de son ancienneté lors de la rupture et des pièces produites sur sa situation, c’est par une juste appréciation du préjudice que les premiers juges ont alloué 30 000 euros au titre de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité de préavis

La société demande le remboursement du préavis qu’elle a réglé à la suite du licenciement notifié le 2 juin 2015 au motif que le salarié adhérant au contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas de l’indemnité compensatrice de préavis.

Toutefois, comme soulevé par le salarié, cette demande n’est pas fondée puisque, d’une part, la société n’a versé aucune somme à Pôle emploi correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis, le salarié n’étant pas éligible à ce contrat de sécurisation professionnelle et, d’autre part, d’une façon plus générale, en l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents.

En conséquence, la société sera déboutée de sa demande de remboursement de l’indemnité compensatrice de préavis versée dans le cadre de la seconde procédure de licenciement et eu égard au rappel de salaire alloué au titre des heures supplémentaires, il y a lieu de condamner la société à verser au salarié un solde à ce titre de 336 euros bruts et les congés payés afférents.

Sur l’irrégularité de procédure

M. [D] fait valoir également que la société employait plus de 11 salariés, qu’elle avait donc l’obligation d’organiser des élections de représentants du personnel en application des articles L. 2312-1 et L. 2312-2 du code du travail, ce qu’elle n’a pas fait et qu’ainsi au visa de l’article L1235-15 qui dispose qu’est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d’entreprise ou les délégués du personnel n’ont pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi, il est bien fondé à obtenir des dommages et intérêts.

Toutefois, il résulte des dispositions de l’article L. 1235-2 du code du travail applicable au litige que le juge ne peut sanctionner les irrégularités de procédure que s’il considère que le licenciement est motivé par une cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, les irrégularités de procédure ne sont pas sanctionnées, seule étant due l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dommages intérêts

M. [D] fait également valoir qu’après avoir adressé à son employeur le bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle et la demande d’allocation de sécurisation dûment complétée et signée, la société aurait dû communiquer à Pôle emploi au plus tard à la date de la rupture du contrat de travail les pièces nécessaires à l’examen de ses droits et qu’elle aurait également dû payer à Pôle emploi une indemnité équivalente au préavis afin de contribuer au financement de ce contrat. Il considère que la carence de son employeur lui a causé un préjudice puisqu’il a été privé d’un accompagnement pour un retour à l’emploi et des allocations de sécurisation professionnelle versée pendant 12 mois et égale à 75% du salaire journalier de référence, la différence avec l’allocation d’aide à retour à l’emploi qu’il a perçu étant de 960 euros par mois.

La société considère que l’absence de bénéfice du CSP n’a causé aucun préjudice à M. [D] dans la mesure où il ne pouvait légalement pas bénéficier de cette procédure, mais était soumis aux dispositions relatives au licenciement économique avec proposition de congé de reclassement ; que par ailleurs son préjudice éventuel ne résulte que de son refus délibéré de bénéficier du dispositif du congé de reclassement qu’elle lui a proposé.

Il ressort des développements qui précédent que du fait de l’erreur commise par la société, la rupture du contrat de travail du salarié ne lui a pas permis de bénéficier d’un accompagnement ni au titre du contrat de sécurisation professionnelle, ni au titre du congé de reclassement proposé après la rupture du contrat.

Le préjudice causé par le manquement de la société, qui reconnaît avoir présenté un dispositif auquel le salarié n’était pas éligible, lui a effectivement causé un préjudice justement évalué par les premiers juges.

Sur la clause de non concurrence

M. [D] fait valoir que la société ne l’a pas libéré de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail et aurait donc dû dès la cessation du contrat de travail lui régler l’indemnité contractuelle de non-concurrence. Il précise qu’il n’a pas retrouvé de travail pendant plus de deux ans suivant la rupture de son contrat de travail et qu’il a ainsi respecté son obligation.

La société conteste devoir une somme à ce titre et rétorque que M. [D] ne s’est jamais senti entravé par les effets de cette clause puisqu’il a recherché un poste de travail dans des domaines similaires et auprès de partenaires du groupe, en adressant sa candidature à Canal + et à TF1, en février 2016, soit pendant une période à laquelle il était encore tenu par la clause de non concurrence.

L’article 13 du contrat de travail de M. [D] prévoyait ‘qu’en cas de rupture du contrat pour quelque cause, motif et forme que ce soit, Monsieur [D] s’engageait à :

– ne pas se faire engager par les clients de la société avec lesquels il aura été mis en rapport dans le cadre de ses activités, pour l’exercice de fonctions analogues à celles qui lui sont confiées au terme du présent contrat ;

– ne pas directement ou indirectement, exercer d’activité professionnelle salariée ou indépendante, avec des personnes morales ou physiques ayant été, au cours des douze mois précédant la rupture de son contrat de travail en lien professionnel, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit avec la société’.

Cette interdiction était limitée à une période de 12 mois à compter du jour de la cessation effective du contrat et couvre la totalité du territoire français. En contrepartie, la société s’engageait à verser au salarié une indemnité de non -concurrence égale à trois mois de salaire brut, correspondant exclusivement à la rémunération fixe du salarié, répartie mensuellement sur une période semestrielle. Enfin, le contrat de travail prévoyait également que ‘la société pourra cependant décider unilatéralement de libérer Monsieur [R] [D] de l’interdiction de concurrence et par là même, se dégager du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation’.

Le contrat de travail conclu entre M. [D] et la société a été rompu en 2015 avec une fin de contrat de travail au 24 avril 2015.

Il n’est ni allégué ni justifié que la société aurait libéré le salarié de l’interdiction de concurrence et il est établi que la société n’a pas versé l’indemnité de non concurrence.

Sur le respect par le salarié de son obligation, le fait de solliciter un emploi similaire auprès d’une société concurrente ne caractérise pas, à lui seul, une violation de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail.

Ainsi, le fait que M. [D] ait adressé en février 2016 à TF1 et à Canal Plus une candidature ne constitue pas une violation de sa clause de non-concurrence en l’absence d’engagement consécutif par ces deux sociétés, étant en outre relevé que l’employeur ne justifie pas qu’elles aient eu avec lui des liens professionnels.

La société, sur laquelle repose la charge de la preuve, ne démontre pas la violation par M. [D] de l’obligation de non concurrence contractuelle. Il est donc bien fondé à solliciter le règlement de l’indemnité afférente.

Compte tenu du rappel de salaire alloué, il sera fait droit à la demande à hauteur de la somme de 9 852 euros et les congés payés afférents, puisque cette indemnité a la nature d’un salaire et ouvre donc droit au paiement de congés payés.

Sur l’obligation de sécurité

M. [D] soutient que la société n’a pas respecté son obligation de sécurité, ce qui lui a causé un préjudice personnel et moral. Il expose que la société par l’intermédiaire de son représentant légal, M. [V], a exercé sur lui en avril 2015 des pressions répétées afin de le contraindre à signer une transaction, ces pressions consistant en des convocations à plusieurs entretiens et des appels téléphoniques répétés sur son téléphone portable alors même qu’il avait été placé en arrêt maladie, ces faits ayant généré un syndrome anxio-dépressif réactionnel constaté par son médecin traitant et des arrêts de travail.

La société conteste tout manquement sur ce point et rétorque que c’est le salarié qui avait sollicité un entretien pour évoquer une transaction.

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs conformément à l’article L 4121-1 du Code du travail.

Tenu d’une obligation de sécurité à l’égard des travailleurs dans l’entreprise, il doit en assurer l’effectivité.

En premier lieu, si l’existence de discussions entre les parties, notamment lors d’un entretien le 10 avril 2015, au sujet d’une éventuelle rupture conventionnelle est établie et évoquée dans le courrier de la société adressé à M. [D] le 15 mai 2015, il n’est pas justifié de ‘convocations’ à des entretiens répétés au sujet d’une transaction.

En second lieu, les deux SMS versés au débat datant des 14 et 17 avril 2015 ne révèlent aucune pression exercées sur le salarié et demandent seulement à l’intéressé de rappeler M. [V].

Ainsi, les seules affirmations du salarié dans son courrier du 5 mai 2015 selon lesquelles son employeur a insisté pour qu’il signe une rupture conventionnelle, sous la menace de le priver de ses droits ne sont pas corroborées par un élément objectif.

Enfin les arrêts de travail délivrés au salarié entre le 11 et le 18 avril 2015, puis à compter du 25 avril 2015, s’ils mentionnent ‘surmenage, syndrome anxieux ou anxio dépressif réactionnel’ ne permettent pas d’en imputer la cause à un comportement de l’employeur.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

L’employeur, qui succombe, doit supporter les dépens d’appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera donc alloué la somme de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société Partouche Images à payer à M. [D] les sommes suivantes’:

7.000 euros à titre de dommages et intérêts,

30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

6.000 euros au titre des heures supplémentaires’et 600 euros au titre des congés payés afférents,

– ordonné le remboursement par la société Partouche Images des indemnités versées par Pôle emploi au salarié licencié entre le jour du licenciement et le prononcé du jugement dans la limite de six mois,

– rejeté la demande pour travail dissimulé et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

– rejeté la demande de remboursement de la somme de 7.140,71 euros nets :

– rappelé qu’une copie certifiée conforme du jugement est adressée par le secrétariat du conseil de prud’hommes de Paris au pôle emploi,

– condamné la société Partouche Images au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Partouche Images aux dépens ;

L’INFIRME sur le surplus, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Partouche Images à payer à M. [D] les sommes suivantes’:

336 euros bruts’au titre du complément d’indemnité compensatrice de préavis’et 33,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

9.852 euros au titre de la clause de non-concurrence et 985,20 euros au titre des congés payés afférents,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande d’indemnité au titre de l’article L. 1235-15 du code du travail’;

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE à la société Partouche Images de remettre à M. [D] un bulletin de paie récapitulatif, un solde de tout compte, une attestation employeur destinée à pôle emploi, un certificat de travail, conformes à la décision, dans les trente jours suivant la notification de l’arrêt’;

REJETTE la demande d’astreinte ;

CONDAMNE la société aux entiers dépens.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

 


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