Designer : 19 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02129

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Designer : 19 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/02129
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C9

N° RG 20/02129

N° Portalis DBVM-V-B7E-KPIR

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 MAI 2022

Appel d’une décision (N° RG 17/00373)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 juin 2020

suivant déclaration d’appel du 15 juillet 2020

APPELANTE :

SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

35 rue Joseph Monier

92506 RUEIL MALMAISON

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur [I] [H]

né le 16 février 1966 à CHAMBÉRY (73000)

de nationalité Française

15 avenue Dugueyt Jouvin

38500 VOIRON

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 mars 2022,

Monsieur BLANC, Conseiller, chargé du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [I] [H] est titulaire d’un brevet et d’un baccalauréat professionnel, d’un CAP Dessin Construction Electrique et d’un CAP Electromécanique.

Monsieur [I] [H] a débuté sa carrière au sein de la société MERLIN GERIN, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE, le 1er septembre 1982 (intégration du centre de formation).

Il a été embauché par la société MERLIN GERIN en contrat à durée déterminée emploi adaptation du 1er septembre 1984 au 31 août 1985 en qualité d’électro-mécanicien, OP1, niveau II échelon 2 coefficient 180 de la convention collective des métaux de l’Isère.

Puis, après l’obtention de son CAP de dessinateur en construction électrique, Monsieur [I] [H] a été embauché en CDI à compter du 1er septembre 1985.

Il est affecté au Bureau d’études de l’établissement de Grenoble en qualité de Technicien depuis 1990.

En parallèle de ses fonctions, Monsieur [I] [H] a adhéré au syndicat CGT SCHNEIDER ELECTRIC en 2006 et il est encore aujourd’hui titulaire de mandats sous l’étiquette de cette organisation syndicale. Il a occupé différents mandats de représentant du personnel.

Monsieur [I] [H] a évolué au sein de la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE’:

-1984 : 180 niveau II échelon 2

-1987 : 215 niveau 111 échelon 1

-1989 : 225 niveau 111 échelon 2

-1994 : 240 niveau III échelon 3

A partir de 2010, Monsieur [I] [H] est resté au coefficient 285.

A l’occasion d’une rencontre avec les représentants du personnel en date du 21 juin 2016, le délégué syndical central CGT, Monsieur [E] [O], a formulé une demande de changement de coefficient et d’augmentation individuelle pour Monsieur [I] [H]. Cela a été refusé par la direction au motif que le salarié a bénéficié d’augmentations individuelles et que son dernier changement de positionnement est trop récent.

Jusqu’au mois d’avril 2017, Monsieur [H] a donc occupé les fonctions de Technicien, niveau IV, échelon 3 coefficient 285 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne. Puis à compter du 1er avril 2017, Monsieur [H] a été promu au niveau V, échelon 1, coefficient 305.

Dans le cadre de la campagne 2017 de révision salariale, Monsieur [H] a bénéficié d’une augmentation de sa rémunération.

Considérant que cette augmentation individuelle ne répare pas le préjudice subi et ne porte toujours pas son salaire au niveau de ceux de ses collègues en situation comparable et que cette différence de traitement est due à son appartenance syndicale, Monsieur [I] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble le 3 mai 2017.

Suivant jugement en date du 12 juin 2020, le conseil de prud’hommes de GRENOBLE a :

DIT que Monsieur [I] [H] est victime d’une discrimination en raison de son appartenance syndicale,

ORDONNE à la SAS SCHNEIDER ELECTRIC France de positionner, avec effet rétroactif au 1er avril 2019, le niveau hiérarchique de Monsieur [I] [H] au niveau V, échelon 1, coefficient 305, groupe de poste 15 et de réévaluer à compter de cette même date sa rémunération brute de base à hauteur de 3 178,53 € (hors prime d’ancienneté).

ORDONNE en outre à la SAS SCHNEIDER ELECTRIC France de remettre à Monsieur [I] [H] les bulletins de paie correspondant rectifiés à compter d’avril 2019, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

SE RÉSERVE expressément le pouvoir de liquider cette astreinte.

CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC France à verser à Monsieur [I] [H] :

-25 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination,

-1 200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

ORDONNE l’exécution provisoire de l’intégralité de la présente décision.

DÉBOUTE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC France de sa demande reconventionnelle.

CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC France aux dépens.

La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 18 juin 2020 par M. [I] [H] et le 23 juin 2020 par la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE.

Appel de la décision a été interjeté par’la SAS SCHNEIDER ELETRIC FRANCE par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 15 juillet 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2022, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE sollicite de la cour de’:

REFORMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

Dit que Monsieur [I] [H] est victime d’une discrimination en raison de son appartenance syndicale,

Ordonné à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de positionner avec effet rétroactif au 1 er avril 2019 le niveau hiérarchique de Monsieur [I] [H] au niveau 5, échelon 1, coefficient 305, groupe de poste 15, et de réévaluer à compter de cette même date sa rémunération brute de base à hauteur de 3.178,53 € (hors prime d’ancienneté),

Ordonné en outre à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de remettre à Monsieur [I] [H] les bulletins de paie correspondant rectifiés à compter d’avril 2019, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

S’est réservé expressément le pouvoir de liquider cette astreinte,

Condamné la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à verser à Monsieur [I] [H] :

-25.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination,

-1.200 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité de la décision,

Débouté la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de ses demandes reconventionnelles ;

Condamné la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE aux dépens.

Et statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que Monsieur [H] ne présente aucun élément laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale dont il a été ou serait victime,

DIRE ET JUGER que la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE démontre que la situation de Monsieur [H] est objectivement justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination,

En conséquence,

DIRE ET JUGER qu’aucune discrimination syndicale n’est caractérisée,

DEBOUTER Monsieur [H] de l’intégralité de ses demandes,

CONDAMNER Monsieur [H] à verser à la société SCHNEIDER ELECTRIC France la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2022, M. [I] [H] sollicite de la cour de’:

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à juger que les augmentations salariales intervenues depuis le 1 er avril 2019 devront s’ajouter au salaire fixé au 1 er avril 2019 à la somme de 3178,53 € brut.

Débouter la société SCHNEIDER ELECTRIC de l’intégralité de ses demandes.

Condamner la société SCHNEIDER ELECTRIC à régler à Monsieur [I] [H] la somme de 4000€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la discrimination syndicale :

Il résulte de l’article 1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L’article L 2141-5 du même code dans sa version antérieure au 19 août 2015 prévoit qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Le même article tel que issu de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 dispose que :

Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Un accord détermine les mesures à mettre en ‘uvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.

Au début de son mandat, le représentant du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d’un mandat syndical bénéficie, à sa demande, d’un entretien individuel avec son employeur portant sur les modalités pratiques d’exercice de son mandat au sein de l’entreprise au regard de son emploi. Il peut se faire accompagner par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Cet entretien ne se substitue pas à l’entretien professionnel mentionné à l’article L. 6315-1.

Lorsque l’entretien professionnel est réalisé au terme d’un mandat de représentant du personnel titulaire ou d’un mandat syndical et que le titulaire du mandat dispose d’heures de délégation sur l’année représentant au moins 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement, l’entretien permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise.

L’article L2141-5-1 du code du travail créé par la loi n°2015-994 du 17 août 2015 énonce que :

En l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariés mentionnés aux 1° à 7° de l’article L. 2411-1 et aux articles L. 2142-1-1 et L. 2411-2 au moins aussi favorables que celles mentionnées au présent article, ces salariés, lorsque le nombre d’heures de délégation dont ils disposent sur l’année dépasse 30 % de la durée de travail fixée dans leur contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement, bénéficient d’une évolution de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, au moins égale, sur l’ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l’entreprise.

L’article L2141-8 du même code prévoit que :

Les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d’ordre public.

Toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.

L’article L 1134-1 du code du travail tel qu’issu de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 et ensuite modifié à plusieurs reprises prévoit que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

L’appréciation des éléments doit être globale de sorte que les éléments produits par le salarié ne doivent pas être analysés isolément les uns des autres.

En l’espèce, Monsieur [H] n’établit pas matériellement les éléments de fait suivants :

– sous la réserve de la question du code travail (job code) et du groupe de poste pour laquelle est objectivée une différence, le salarié n’est pas fondé à se comparer stricto sensu dans son évolution de carrière, soit dans une approche dynamique dans le temps, à trois autres salariés ([P], [K] et un salarié présenté comme anonyme mais s’avérant être Monsieur [X] [F] d’après le rapprochement fait par l’employeur dans ses conclusions, en page n°23/28 et [K]) eu égard à l’écart significatif d’ancienneté entre eux, Monsieur [H] ayant une ancienneté remontant à 1982 alors que les trois autres salariés sont entrés dans l’entreprise entre 1973 et 1978.

En revanche, Monsieur [H] établit la matérialité des éléments de fait suivants :

– il a été délégué du personnel suppléant du 1er avril 2006 au 31 décembre 2010, puis représentant au CHSCT du 14 avril 2006 au 26 novembre 2007 et à compter du 14 avril 2008. Il a ensuite été délégué du personnel à compter du 1er mars 2015, membre titulaire du comité d’entreprise du 1er janvier 2011 au 28 février 2015 et représentant syndical au comité d’entreprise depuis le 20 novembre 2016

– alors qu’il avait accédé au niveau IV, échelon 3 coefficient 285 groupe de poste 14 à compter du 1er novembre 2010, il n’a évolué niveau V, échelon 1, coefficient 305, groupe de poste 15, qu’à compter du 1er avril 2017 et bénéficié d’une augmentation individuelle de salaire basée sur sa performance corrélative qu’après une enquête de son syndicat CGT sur la situation des représentants exerçant des mandats sous son étiquette dans l’entreprise et une vaine demande formulée en ce sens, au cours de l’année 2016, dans le cadre de l’avenant n°6 à la convention d’entreprise, eu égard au fait que Monsieur [H] avait des mandats correspondant à un pourcentage compris entre 25 et 50 % de son temps de travail, étant cependant relevé que la promotion a précédé et non suivi la saisine de la juridiction prud’homale du 3 mai 2017. L’employeur s’était initialement opposé à la demande du salarié, formulée par l’entremise de son syndicat au motif, selon la réponse fournie le 18 juillet 2016 par la direction des ressources humaines, que le changement de coefficient de Monsieur [I] [H] restait récent et qu’il avait bénéficié d’augmentations individuelles régulières

– il bénéficiait de bonnes évaluations annuelles, ayant depuis 2012 été considéré par son supérieur hiérarchique comme ayant atteint les objectifs fixés et a été jugé performant à partir de 2016

– il est objectivé, par les déclarations qu’il a faites à son syndicat lors de l’étude précitée, corroborées par les éléments fournis par l’employeur, que parmi les trois salariés occupant le même poste dans son service, [P], [F] et lui-même, il était le seul à être, avant le 1er avril 2017, coefficient 285 groupe 14, quoiqu’avec le même code de travail (DPT3). La lecture des évaluations annuelles du salarié montre qu’il a accédé à ce code de travail correspondant à l’emploi de customer project designer en 2015, alors qu’il était auparavant DAT3 application designer. Il est resté avec cet intitulé et ce code de poste en 2016 et a, de nouveau, eu un code job DAT3 en 2018 avec un intitulé de poste d’application designer

– il apparaît que la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE a opposé des contraintes techniques, qu’elle n’a fait qu’alléger sans véritablement en justifier, à une demande expresse formulée par le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, pour ne pas la satisfaire, visant à constituer un panel de comparaison avec des salariés partageant avec Monsieur [H] une ancienneté et des fonctions similaires, dans un courrier communiqué aux premiers juges le 14 février 2020.

Ces éléments pris dans leur globalité permettent de présumer l’existence d’une discrimination syndicale prohibée puisqu’il est mis en évidence que, de manière concomitante à une vaine tentative de voir évoluer le coefficient du salarié, à laquelle l’employeur s’était opposé eu égard à la dernière promotion présentée comme récente, la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE a changé de position moins d’un an après, peu de temps avant que la présente procédure contentieuse ne soit initiée et en ce que Monsieur [H] établit qu’il était le seul des trois salariés occupant le même poste dans son service à avoir un coefficient 285 et à appartenir au groupe 14 avant l’évolution décidée par l’employeur, à compter du 1er avril 2017 et que l’employeur a refusé de fournir les éléments visant à constituer un panel de comparaison à la demande expresse des premiers juges après avoir critiqué celui dont se prévalait le salarié.

La société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE ne fournit pas suffisamment de justifications étrangères à toute discrimination syndicale prohibée en ce que :

– si elle met en avant la plus grande ancienneté des deux autres collègues de travail du service occupant le même poste que Monsieur [H], à savoir Messieurs [P] et [F], et produit des éléments relatifs aux compétences spécifiques développées par Monsieur [P], sans verser, en revanche, aux débats les mêmes documents concernant les compétences et qualifications de Monsieur [F], elle ne fournit pas une explication légitime au fait que la revendication de Monsieur [H], au cours de l’année 2016, d’être classé coefficient 305 n’avait pas été satisfaite au motif allégué que sa précédente évolution était relativement récente, quoiqu’elle datait déjà de 2010, et qu’il avait bénéficié d’augmentations individuelles de salaire alors qu’elle a, ensuite, développé une toute autre raison dans le cadre du présent contentieux pour expliciter sa décision d’accorder, finalement, cette évolution de coefficient moins d’un an après, qui aurait tenu au fait que le passage à un coefficient supérieur a été conditionné au fait que Monsieur [H] était, entre temps, passé dans ses évaluations de «’maitrisant son poste’» à «’performant’» en 2016.

Cette justification revendiquée par l’employeur, outre qu’elle diffère de celle qui a été donnée au salarié quelques mois auparavant, relative à la durée moyenne dans un coefficient, ne saurait résulter de la seule attestation du supérieur hiérarchique de Monsieur [H], Monsieur [T], et de la présentation synthétique, sur une page, du système de classification/qualification/rémunération dans l’entreprise dès lors que rien ne permet d’expliquer que Monsieur [H], ayant intégré le service de contrôle commande en 2008/2009 et l’équipe de Monsieur [T] en 2012, ne soit pas passé au groupe 15 lorsqu’il est arrivé dans le service au niveau accueil coefficient 285 (en équivalence) pour évoluer coefficient 305 lorsqu’il a été jugé comme maîtrisant le poste ; ce qui était d’ores et déjà le cas dans ses évaluations annuelles antérieures à l’année 2016, à tout le moins depuis 2012.

Aucun éclairage légitime n’est fourni par l’employeur au fait que trois salariés occupant le même poste puissent être pour deux d’entre eux dans le groupe 15 alors que Monsieur [H] restait dans le groupe 14.

Ainsi, la différence entre les groupes 14 et 15 ne saurait reposer à la lecture des pièces produites sur l’évolution de l’intitulé et du code de poste du salarié à partir de 2012 puisque Monsieur [H] s’est de nouveau vu affecter, comme Monsieur [P], un code job DAT3 en 2018 lorsque leur intitulé de poste a changé, étant relevé que la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE ne verse aux débats aucun document utile permettant à la juridiction d’avoir une connaissance certaine des postes composant chacun des groupes de postes.

Les développements de l’employeur sur l’évolution de la rémunération de Monsieur [H] par rapport aux autres salariés de l’entreprise avec une ancienneté équivalente, outre qu’il n’est pas fourni les justificatifs correspondants, ainsi qu’en comparaison à Monsieur [P], ayant davantage d’ancienneté, sont inopérants à expliquer cette situation dès lors que le classement initial de Monsieur [H] dans le groupe 15, d’après les caractéristiques du poste occupé dans le service, était de nature à lui permettre de connaître une évolution plus rapide de son coefficient au vu de ses évaluations annuelles depuis 2012, puisqu’il remplissait de manière continue les objectifs fixés dès cette année et a été considéré par son supérieur hiérarchique comme performant à compter de l’année 2016 ; ce qui a, certes, permis une évolution de son coefficient mais moins rapide que s’il avait tout de suite intégré le groupe 15 à son arrivée dans l’équipe de contrôle commande.

En d’autres termes, à l’analyse de la pièce n°1, à suivre les explications de la société, le fait que Monsieur [H] qui était groupe 14 jusqu’au 1er avril 2017 soit jugé «’performant’» à compter de l’année 2016 aurait, tout au plus, légitimé son passage au coefficient 305 compte tenu de la reconnaissance de sa qualité de spécialiste mais ne permet absolument pas de comprendre son changement corrélatif de groupe de postes, pourtant attesté par l’employeur dans ses conclusions d’appel (page 3/28 ultime paragraphe).

Son absence d’appartenance antérieure au groupe 15, comme ses deux autres collègues du service, a donc indéniablement ralenti sa progression de carrière et n’est pas justifiée par l’employeur par des éléments étrangers à toute discrimination syndicale.

Il s’ensuit qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que Monsieur [I] [H] a été victime d’une discrimination syndicale en raison de son appartenance syndicale.

S’agissant de l’indemnisation du préjudice subi, si Monsieur [H] a incontestablement subi à la fois un préjudice moral et un préjudice financier significatif à raison d’un ralentissement injustifié de carrière eu égard à un sous-positionnement dans un groupe de poste l’ayant empêché de prétendre à des changements plus rapides de coefficient avec, nécessairement, des répercutions défavorables lorsqu’il a bénéficié d’augmentations individuelles de salaire, le jugement entrepris ne saurait être confirmé en ce qu’il a ordonné à l’employeur de positionner Monsieur [I] [H] avec effet rétroactif au 1er avril 2019 niveau V, échelon 1, coefficient 305, groupe 15, alors même que l’employeur lui a reconnu ce niveau, cet échelon et ce coefficient dès le 1er avril 2017.

Par ailleurs, dès lors qu’il a été jugé que Messieurs [H] et [P] n’étaient pas dans la même situation au regard de leur évolution de carrière, la cour d’appel n’ayant retenu une situation comparable qu’au regard du groupe et de l’intitulé de poste d’après la classification interne des postes dans l’entreprise, il ne saurait être fait droit à sa demande de réévaluation salariale d’après la rémunération de cet autre salarié.

Pour autant, tenant compte du caractère significatif du ralentissement de carrière pendant plusieurs années alors que, de l’aveu même de l’employeur, Monsieur [H] donnait satisfaction dans son travail et de la dimension à la fois financière et morale du préjudice, il y a lieu par infirmation du jugement entrepris, de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à payer à Monsieur [I] [H] la somme de 18 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Le surplus de la demande de ce chef est rejeté.

Sur les demandes accessoires :

L’équité commande de confirmer l’indemnité de procédure de 1 200 euros allouée par les premiers juges à Monsieur [I] [H] et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1 000 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

– ordonné à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de positionner avec effet rétroactif au 1er avril 2019 le niveau hiérarchique de Monsieur [I] [H] au niveau 5, échelon 1, coefficient 305, groupe de poste 15, et de réévaluer à compter de cette même date sa rémunération brute de base à hauteur de 3 178,53 € (hors prime d’ancienneté),

– ordonné en outre à la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE de remettre à Monsieur [I] [H] les bulletins de paie correspondant rectifiés à compter d’avril 2019, sous astreinte de 100€ par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la notification du jugement,

– s’est réservé expressément le pouvoir de liquider cette astreinte,

– condamné la société SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à verser à Monsieur [I] [H] la somme de 25 000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à payer à Monsieur [I] [H] la somme de 18 000 euros (dix-huit mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale prohibée

DEBOUTE Monsieur [I] [H] du surplus de sa demande indemnitaire ainsi que de sa demande de repositionnement

CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE à payer à Monsieur [I] [H] une indemnité complémentaire de procédure de 1 000 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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