Designer : 16 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/02923

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Designer : 16 novembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/02923
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2023

N° 2023/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/02923 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVEB

[Z] [T]

C/

Société [E] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

16 NOVEMBRE 2023

à :

Me Patrick GIOVANNANGELI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Hélène ABOUDARAM-

COHEN, avocat au barreau D’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 28 Janvier 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00106.

APPELANT

Monsieur [Z] [T]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002579 du 21/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Patrick GIOVANNANGELI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Christophe PETIT, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Monsieur [P] [E], demeurant [Adresse 3] – France

représentée par Me Hélène ABOUDARAM-COHEN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant requête du 18 octobre 2017 enregistrée le 20 octobre suivant, M. [Z] [T] a saisi le conseil des prud’hommes de Draguignan à l’encontre de [E] [P] travaux agricoles et forestiers pour voir reconnaître le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités, rappels de salaires et dommages et intérêts.

Suivant ordonnance du 20 février 2018, le conseil des prud’hommes de Draguignan s’est dessaisi au profit du conseil des prud’hommes de Grasse.

Suivant jugement du 28 janvier 2020, le conseil des prud’hommes de Grasse a :

– débouté M. [Z] [T] de toutes ses demandes concernant le contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2015 au 6 avril 2016,

– ordonné à la société [E] [P] travaux agricoles et forestiers, en la personne de son responsable légal en exercice, à remettre à M. [Z] [T] le bulletin de salaire du 17 au 30 novembre 2015 et l’attestation Pôle Emploi rectifiée,

– débouté M. [Z] [T] de sa demande de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [E] [P] travaux agricoles et forestiers de sa demande de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire,

– condamné la société [E] [P] travaux agricoles et forestiers aux entiers dépens.

****

Le salarié a interjeté appel de la décision susvisée suivant déclaration enregistrée le 25 février 2020 ; cette procédure a été enregistrée sous le R.G. n°20-2897.

****

Une nouvelle déclaration d’appel à la diligence du salarié a été enregistrée le 26 février 2020 ; cette procédure a été enregistrée sous le R.G. n°20-2923.

****

Suivant ordonnance du président de chambre du 12 mars 2020, la jonction des procédures R.G. n°20-2897 et 20-2923 a été ordonnée sous le n°20-2923.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 25 août 2023 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [Z] [T] demande à la cour de :

‘ Déclarer l’appel recevable et bien fondé

Réformer la décision susvisée en l’ensemble de ses dispositions.

Statuant à nouveau

Dire et juger que les parties se trouvaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée à défaut pour Monsieur [P] [E] de produire le contrat de travail à durée déterminée qui aurait été régularisé par Monsieur [Z] [T].

Dire et juger que les relations contractuelles entre les parties ont duré du 1er janvier 2015 au 30 mars 2016 ou à titre subsidiaire du 1er octobre 2015 au 30 mars 2016.

Dire et juger abusive la rupture du contrat de travail de Monsieur [Z] [T], en l’absence du respect de la procédure de licenciement et en l’absence de notification de lettre de licenciement,

Par voie de conséquence.

Condamner Monsieur [P] [E] à payer à Monsieur [Z] [T] les sommes suivantes :

– 2520 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement.

– 5040 € à titre d’indemnité de préavis.

– 15120 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

– 3182 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés du 1er janvier 2015 au 9 avril 2016.

– 8506 € au titre des salaires impayés.

Condamner Monsieur [P] [E] à remettre Monsieur [Z] [T] sous astreinte de 25 € par jour de retard dans les quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir les documents suivants :

– certificat de travail rectifié mentionnant la période du 1er janvier 2015 au 30 mars 2016 ou à titre subsidiaire du 1er octobre 2015 au 30 mars 2016.

– attestation Pôle Emploi rectifiée.

– bulletins de salaire du 1er janvier 2015 au mois de mars 2016 ou à titre subsidiaire du 1er octobre 2015 au 30 mars 2016.

Débouter Monsieur [P] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner Monsieur [P] [E] à payer à Monsieur [Z] [T] une indemnité d’un montant de 2000 € au titre des dispositions l’article 700 du CPC.

Condamner Monsieur [P] [E] aux entiers dépens.’

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 27 septembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [P] [E] exerçant une activité de travaux agricoles et travaux forestiers demande à la cour de :

‘ – REVOQUER l’Ordonnance de clôture en date du 28 mars 2023.

En tout état de cause :

IN LIMINE LITIS :

‘ CONSTATER qu’aucun acte interruptif de péremption n’est intervenu dans un délai de deux ans à compter de la notification des conclusions d’intimé le 21 août 2020 ;

‘ PRONONCER, en conséquence, la péremption de l’instance

A titre subsidiaire sur le fond :

‘ DEBOUTER Monsieur [T] de toutes ses demandes fines et conclusions.

‘ CONFIRMER le jugement entrepris.

A titre infiniment subsidiaire :

‘ ORDONNER une expertise graphologique de la signature figurant sur le document « contrat de travail à durée indéterminée »

‘ DESIGNER tel Expert en graphologie qu’il plaira à la juridiction de céans, avec pour missions :

‘ après s’être fait remettre le document litigieux et tous documents de comparaison utiles, comme écrits et signés anciens et contemporains de la signature du document litigieux,

‘ d’examiner la signature figurant sur le document litigieux de dire, en s’appuyant sur des observations et sur les éléments de comparaison pertinents, si elle est de la main de Monsieur [E]

A titre incident :

‘ INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à la société [E] [P] TRAVAUX AGRICOLES ET FORESTIERS, en la personne de son responsable légal en exercice, à remettre à Monsieur [Z] [T] le bulletin de salaire du 17 au 30 novembre 2015 et l’attestation Pôle Emploi rectifiée.

En tout état de cause :

‘ CONDAMNER Monsieur [T] à payer à Monsieur [E] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ LE CONDAMNER aux entiers dépens.’

Après révocation de l’ordonnance de clôture du 28 août 2023, la clôture de la procédure a été fixée au 27 septembre 2023.

Lors de l’audience du 27 septembre 2023, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l’intervention volontaire de M. [E] exerçant son activité en nom propre ; les parties ont indiqué ne pas formuler d’observation sur ce point.

Suivant message notifié par le réseau privé virtuel des avocats le 5 octobre 2023, la cour a demandé aux parties de présenter leurs observations par note en délibéré déposée avant le 13 octobre 2023 sur le moyen soulevé d’office tenant à l’irrecevabilité de la demande de péremption présentée devant la cour et non le conseiller chargé de la mise en état, en application des articles 789 et 907 du code de procédure civile.

Les parties ont fait parvenir leurs observations suivant messages notifiés les 6 et 9 octobre 2023 par le réseau privé virtuel des avocats.

MOTIFS :

1- Sur l’intervention volontaire de M. [E] exerçant une activité de travaux agricoles et travaux forestiers :

L’article 329 du code de procédure civile dispose que l’intervention volontaire est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.

Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

En l’espèce, le jugement querellé a été rendu à l’encontre de la société [E] [P] travaux agricoles et forestiers, et M. [T] a visé la ‘société [E]’ sur la déclaration d’appel du 26 février 2020.

Il ressort toutefois des écritures des parties qu’une telle société, non constituée en cause d’appel, n’a pas d’existence légale, alors que des conclusions d’intimé ont été déposées par M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers conformément à l’extrait Kbis versé au débat.

Dans ces conditions, il convient de constater d’une part que la société [E] n’a pas d’existence légale et, en l’absence d’observations des parties sur ce point, de déclarer recevable l’intervention volontaire de M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers.

2- Sur la recevabilité de la demande de péremption de l’instance :

M. [T] affirme que la demande de péremption d’instance présentée par l’intimé est irrecevable au visa de l’article 789 du code de procédure civile.

En réponse, [P] [E] exerçant une activité de travaux agricoles et travaux forestiers écarte toute péremption de l’instance au visa de l’article 799 du code de procédure civile, au motif que le conseiller de la mise en état était dessaisi depuis le 12 septembre 2023, date prévue pour le dépôt des dossiers de plaidoiries.

Il sollicite la réouverture des débats avec un renvoi devant le conseiller de la mise en état.

Au terme de l’article 789 1° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les incidents mettant fin à l’instance.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

En application de l’article 799 du même code, le juge de la mise en état demeure saisi jusqu’à l’ouverture des débats lorsque l’affaire est renvoyée pour être plaidée devant la juridiction ou jusqu’à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience.

Ces dispositions sont applicables devant la cour d’appel en vertu de l’article 907 du code de procédure civile.

En l’espèce, au terme de l’ordonnance de clôture du 28 août 2023, l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 27 septembre 2023, les parties étant par ailleurs invitées à déposer leurs dossiers 15 jours avant l’audience conformément à l’article 912 du code de procédure civile.

La procédure sans audience envisagée par l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire n’a donc nullement été mise en oeuvre, et le conseiller chargé de la mise en état est demeuré seul compétent jusqu’à l’ouverture des débats pour trancher la question de la péremption d’instance, s’agissant d’une procédure plaidée à l’audience.

Or M. [T] a saisi la cour d’une demande de péremption de l’instance au terme de ses conclusions notifiées le 13 septembre 2023, soit avant l’ouverture des débats et le dessaisissement du conseiller chargé de la mise en état.

Dans ces conditions, la demande sera déclarée irrecevable.

3 – Sur la qualification du contrat de travail :

3-1 : Sur la nature du contrat de travail :

M. [T] estime que l’employeur ne démontre pas l’existence d’un faux et soutient que les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée. Il souligne que la partie intimée ne verse aucun élément objectif au soutien de ses allégations relatives à la rédaction des contrats de travail par son expert-comptable.

Il relève une similitude entre la signature de l’employeur apposée sur le contrat de travail et celles figurant sur l’attestation Pôle emploi et le procès-verbal de gendarmerie versé au débat, et s’étonne de l’absence de dépôt de plainte pour faux et usage de faux alors qu’une telle plainte a été déposée pour le vol du chéquier et du tampon.

Il fait valoir qu’aucun contrat de travail à durée déterminée ne figure dans son dossier alors qu’un tel contrat nécessite obligatoirement un écrit, et reproche aux premiers juges de ne pas avoir tiré les conséquences de leur analyse en retenant l’existence d’un contrat à durée déterminée en l’absence de contrat écrit.

L’appelant affirme que des incohérences sur ses fiches de salaire démontrent qu’il a commencé à travailler pour M. [E] avant le 17 novembre 2015.

En réponse, la partie intimée précise n’embaucher que des saisonniers en fonction des contrats obtenus et soutient que la copie de contrat produite par l’appelant est un faux comportant de nombreuses anomalies telles que l’absence de paraphe et de signature sur l’ensemble des pages, sa signature grossièrement imitée et la production deux fois du texte ‘bon pour accord’ écrites avec le même stylo et la même calligraphie.

Elle souligne que la déclaration d’embauche n’est intervenue que le 16 novembre 2015 pour une embauche au lendemain, alors que M. [T] ne démontrerait pas avoir été présent sur les chantiers dès le 1er janvier 2015. Elle ajoute que si tel avait été le cas, la déclaration d’embauche aurait été émise courant décembre 2014 avec un en-tête conforme à son employeur et non une société qui n’existe pas.

La partie intimée affirme par ailleurs que ses contrats de travail sont rédigés par un expert-comptable et non criblés des erreurs qu’il énumère

Elle indique avoir déposé plainte pour vol d’un chéquier et du tampon encreur et affirme que le contrat produit par M. [T] a été signé par ce dernier, le tampon ayant également été apposé par le salarié.

L’article L.1242-12 du code du travail dispose en son premier alinéa que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l’espèce, la discussion porte uniquement sur la nature du contrat de travail, la relation de travail n’étant par ailleurs pas remise en cause et résultant au surplus de l’analyse des pièces versées au débat.

Si la copie du contrat de travail produite par le salarié est contestée dans son authenticité par l’employeur, il sera observé, à l’instar de M. [T], que ce dernier ne verse nullement le contrat de travail à durée déterminée allégué.

Dans ces conditions, le contrat est à durée indéterminée.

Les parties s’opposent toutefois sur la date de prise d’effet du contrat.

3-2 : Sur la durée du contrat de travail :

Au soutien de sa demande, M. [T] verse au débat une copie de contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er janvier 2015 ainsi qu’une attestation sur l’honneur et le procès-verbal de son audition du 18 août 2016.

L’employeur produit pour sa part la déclaration préalable à l’embauche du 16 novembre 2015, l’attestation employeur destinée à Pôle emploi, le certificat de travail de fin de contrat et le procès-verbal de son audition du 9 avril 2016.

A l’instar de l’employeur, il convient de relever que l’exemplaire du contrat de travail produit en copie vise la ‘société [E] [P] travaux agricoles et forestiers’ qui n’a pas d’existence légale, dès lors que M. [E] exerce son activité en nom propre depuis le 12 janvier 2012 ainsi que cela résulte de l’extrait Kbis versé au débat.

Cette copie comporte par ailleurs de nombreuses maladresses de rédaction, notamment dans le paragraphe relatif à la période d’essai et aux horaires de travail.

En effet, l’article 4 relatif à la période d’essai mentionne que le ‘présent contrat est conclu pour une durée indéterminée à compter du 01/01/2015 au 05/01/2015, 8h00mn heures’ avant d’évoquer une période d’essai de 5 jours, tandis que l’article 13 relatif aux horaires de travail dispose que le vendredi, le salarié travaillera de 8 heures à 17 heures ‘puis de 13 heures à 17 heures’.

En outre, le contrat vise, en page 2, une déclaration préalable à l’embauche effectuée à l’U.R.S.S.A.F. de [Localité 2] le 28 décembre 2014 alors qu’il n’est pas contesté que ladite déclaration doit être opérée auprès des services de la M.S.A. et non de l’U.R.S.S.A.F., conformément au document produit par l’employeur.

La déclaration ainsi visée n’est, en tout état de cause, pas versée au débat.

Le taux horaire est par ailleurs fixé à la somme de 18 euros, soit largement au dessus du salaire minimum, et ne correspond aucunement au taux horaire de 9,61 euros mentionné sur les fiches de paie versées au débat et non contesté par le salarié puisque sa demande au titre des salaires impayés est fondée sur un tel montant.

Enfin, l’employeur verse aux débats plusieurs extraits de sa signature apposée sur différents documents tels que sa pièce d’identité, son contrat de bail et ses procès-verbaux d’audition pour contester l’authenticité de la signature reproduite sur la copie du contrat de travail.

La cour dispose dès lors de suffisamment d’éléments pour procéder à une vérification d’écriture, sans qu’il ne soit besoin de recourir à une expertise graphologique ; la demande subsidiaire présentée à ce titre sera par conséquent rejetée.

Si les exemplaires de signature ainsi versés ne sont pas strictement identiques, il sera observé que lorsqu’elle est présente, la boucle intérieure est systématiquement de forme ovale aplatie comme la boucle extérieure, et non ovale arrondie comme cela figure sur le contrat de travail.

Surtout, les mentions ‘Bon pour accord’ et ‘lu et approuvé’ apposées sur la copie du contrat au nom du salarié d’une part et de l’employeur d’autre part présentent des similitudes très importantes permettant d’établir qu’une seule personne en est à l’origine.

Ainsi, pour les caractères les plus manifestes, les lettres ‘A, C, C et D’ du mot accord sont écrites en lettres majuscules alors que les lettres ‘o, r’ et le reste de la phrase figurent en écriture manuscrite.

Il en est de même pour les lettres ‘A, P, P’ des mots ‘approuvé’ alors que le reste du mot et de la phrase sont écrits de manière manuscrite.

En outre, les formes et orientations de lettres sont strictement identiques.

M. [E] justifie enfin l’apposition du tampon de son exploitation par la production d’un dépôt de plainte du 25 mai 2016 pour le vol de son tampon encreur.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la copie du contrat de travail versée au débat par M. [T] est dénuée de force probante.

Par suite, l’attestation non datée versée aux débats par l’appelant en pièce 3, dont l’authenticité est elle-aussi contestée par l’intimé, est également dénuée de force probante dès lors qu’elle comporte une incohérence sur la volonté de l’employeur de payer par chèque un salarié en situation d’interdiction bancaire et qu’elle vise un contrat à durée indéterminée dont M. [E] n’a jamais fait état dans l’ensemble des documents relatifs à la relation de travail (déclaration préalable à l’embauche, attestation Pôle emploi et certificat de travail).

La date d’embauche au 1er janvier 2015 ou subsidiairement au 1er octobre 2015 n’est corroborée par aucun autre élément, tel que des bulletins de salaire émis pour les mois en cause ou attestations de collègues.

S’il est exact que les bulletins de salaire des mois de décembre 2015 et janvier 2016 révèlent une incohérence sur le nombre de congés payés acquis et suggèrent une embauche au 1er octobre 2015, ces mêmes documents mentionnent expressément une ancienneté de ‘2″ puis de ‘3″ incompatible avec une telle embauche.

Eu égard à la contradiction intrinsèque desdits bulletins de salaire, il convient de déterminer la date d’embauche au regard des autres éléments objectifs versés au débat.

M. [E] produit ainsi une déclaration préalable à l’embauche adressée à la M.S.A. le 16 novembre 2017 pour une embauche à compter du lendemain.

Il ne sera en revanche pas tenu compte de l’attestation employeur destinée à Pôle emploi faisant état d’un début de contrat de travail au 17 novembre 2015 et du certificat de travail dressé le 31 mars 2016 mentionnant la même date dès lors qu’aucune mention ne permet d’établir que l’attestation destinée à Pôle emploi a été enregistrée par ledit organisme et que le certificat de travail comporte la seule signature de M. [E], qui ne peut se procurer de preuve à lui-même.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, et notamment de la déclaration préalable à l’embauche et de l’absence de bulletin de salaire pour la période antérieure, la cour dit que le contrat de travail à durée indéterminée de M. [T] a pris effet à compter du 17 novembre 2015.

Dès lors qu’il n’est pas contesté que la relation contractuelle a pris fin au 30 mars 2016, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée s’analyse à cette date comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4 – Sur le non-respect de la procédure de licenciement :

M. [T] relève que les relations contractuelles ont pris fin sans qu’il ne soit convoqué à un entretien préalable.

Au terme de l’article L.1235-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au 30 mars 2016, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En application de cette disposition, l’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la rupture du contrat ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [T] ne peut prétendre à une indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement.

Il sera par conséquent débouté de sa demande sur ce fondement.

5- Sur l’indemnité de préavis :

L’article L.1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprisse entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois ;

3° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2°et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Au terme de l’article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L’indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l’indemnité de licenciement et avec l’indemnité prévue à l’article L.1235-2.

En l’espèce, la relation de travail a débuté le 17 novembre 2015 pour prendre fin le 30 mars 2016; le salarié bénéficie donc d’une ancienneté de 4 mois et 13 jours.

M. [T] ne peut dès lors pas prétendre à l’indemnité légale de préavis évoquée ci-dessus.

Dès lors qu’il ne vise par ailleurs aucune convention collective pour prétendre à une indemnité conventionnelle de licenciement, il sera débouté de sa demande au titre de l’indemnité de préavis.

6 – Sur l’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail :

En l’espèce, le salarié dispose d’une ancienneté inférieure à deux ans puisqu’il a été engagé à compter du 17 novembre 2015 et que le contrat de travail a été rompu le 30 mars 2016.

Dans ces conditions, il peut prétendre, en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, à une indemnité calculée en fonction du préjudice qu’il subit du fait de la perte de son emploi, qu’il convient de fixer à la somme de 1 500 euros.

7 – Sur les salaires impayés :

M. [T] affirme qu’au regard des chèques déposés par ses soins après remise de son employeur, M. [E] lui reste redevable de la somme totale de 8 506 euros au titre des salaires, ladite somme correspondant au montant des chèques ayant reçu opposition.

A défaut, il estime que la somme totale de 8 799,80 euros doit lui être allouée sur la base des bulletins de salaire versés au débat, en l’absence de preuve de règlement effectué par l’employeur durant l’exécution du contrat de travail.

En réponse, la partie intimée précise que la fiche de paie du mois de novembre 2015 n’a pas été éditée car M. [T] n’aurait pas travaillé.

Elle ajoute que M. [T] a tiré plusieurs chèques émis à son ordre tant sur le compte professionnel que le compte personnel de M. [E], pour un montant total de 12 402,33 euros sur le mois de février 2016 et de 12 351,43 euros pour le mois de mars 2016, soit 24 753 euros au total.

Un chèque de 2 600 euros aurait par ailleurs été établi à l’ordre de Mme [Y], sans que M. [E] ne connaisse cette personne.

L’employeur conteste la signature figurant sur l’ensemble de ces chèques et indique avoir déposé plainte contre M. [T] pour le vol desdits chèques.

Il calcule qu’en l’état des oppositions, M. [T], qui a finalement clôturé son compte, a conservé par devers lui une somme de 8 046,92 euros.

En premier lieu, il sera observé qu’au terme du dispositif de ses écritures -qui seul saisit la cour en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile-, M. [T] sollicite le paiement de la seule somme de 8 506 euros au titre des salaires impayés ; la cour n’est donc saisie d’une demande en paiement qu’à hauteur de ce montant.

En application de l’article L.3123-6 du code du travail, l’absence de contrat de travail écrit fait présumer que celui-ci a été conclu à temps complet.

S’agissant d’une présomption simple, l’employeur peut apporter la preuve contraire en prouvant la durée exacte de travail mensuelle et sa répartition et en démontrant que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 1353 et L.3243-3 du code du travail que, nonobstant la délivrance d’une fiche de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables.

En l’espèce, la cour a jugé ci-dessus que le contrat à durée indéterminée a été exécuté entre le 17 novembre 2015 et le 30 mars 2016.

Si l’employeur soutient que M. [T] n’a pas travaillé au cours du mois de novembre 2015, il ne produit aucun élément à l’appui de ses déclarations, contestées par le salarié.

En outre, si les bulletins de salaire ne font état que de 21 heures rémunérées chaque mois, aucun temps partiel n’est visé puisque lesdits bulletins mentionnent une durée mensuelle de travail de 151,67 heures et 130,67 heures d’absence.

Il s’ensuit qu’en l’absence de contrat écrit et de preuve contraire, M. [T] est présumé avoir travaillé à temps complet, moyennant le versement d’un salaire mensuel de 1 466,65 euros (soit 151,67 x 9,67).

Il peut dès lors prétendre au paiement de la somme totale de 6 551,04 euros (soit 1 466,65 x 4 + 1 466,65/30 x 14).

En dépit de l’absence de production d’élément comptable par l’employeur pour justifier du paiement du salaire dû à M. [T], il résulte tant des déclarations des parties que des pièces versées au débat que le salarié a encaissé ou tenté d’encaisser, au cours des mois de février et mars 2016, divers chèques tirés sur le compte de l’employeur pour un montant total non contesté de 24 753 euros -les copies de chèques produites partiellement au débat représentant la somme totale de 22 463,76 euros.

Sans se prononcer sur l’existence d’un vol desdits chèques par M. [T], et eu égard aux procédures d’opposition intentées par M. [E] auprès des établissements bancaires, la cour relève après analyse des pièces versées aux débats et des déclarations des parties que le salarié a d’ores et déjà perçu la somme totale de 8 046,92 euros en paiement des salaires.

Cette somme étant supérieure dans son montant aux salaires que M. [T] aurait dû percevoir au titre du contrat de travail en cause, il sera débouté de sa demande en paiement sur ce fondement.

Il sera observé à cet effet que dès lors qu’il résulte de ses propres déclarations qu’il a, de son propre chef, renseigné les montants des chèques qui lui auraient été remis par l’employeur, M. [T] ne peut se prévaloir d’une créance salariale supérieure à la somme de 6 551,04 euros au seul motif que les chèques ayant reçu opposition représentent une somme totale de 8 506 euros.

8 – Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

M. [T] indique n’avoir jamais bénéficié de congés payés.

Conformément à l’article L.3141-24 du code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue, soit la somme de 655,10 euros.

La cour relève toutefois que M. [T] a d’ores et déjà perçu la somme de 8 046,92 euros grâce à l’encaissement de chèques qui lui auraient été remis par son employeur mais dont il a lui-même renseigné les montants.

Eu égard à l’absence d’explication du salarié quant à la différence existant avec le montant des salaires qu’il aurait dû percevoir au titre du contrat de travail, et dès lors que la somme effectivement reçue est supérieure au montant des salaires et congés payés auxquels M. [T] pouvait prétendre, la demande en paiement au titre des congés payés sera rejetée.

9 – Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d’ordonner à M. [P] [E] exerçant une activité de travaux agricoles et travaux forestiers de remettre à M. [T] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai de deux mois à compter de son prononcé.

La demande au titre de l’astreinte est rejetée.

10 – Sur les autres demandes :

Eu égard à la présente décision, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

En outre, il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elles seront donc déboutées de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Vue la révocation de l’ordonnance de clôture du 28 août 2023,

Relève que la société [E] n’a pas d’existence légale,

Déclare recevable l’intervention volontaire de M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers,

Déclare irrecevable la demande de péremption de l’instance présentée devant la cour par M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers,

Infirme la décision entreprise en toutes les dispositions qui lui sont soumises,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la relation contractuelle entre M. [Z] [T] et M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers s’est inscrite dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 17 novembre 2015 au 30 mars 2016,

Déboute M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers de sa demande d’expertise graphologique,

Condamne M. [P] [E] exerçant en nom propre une activité de travaux agricoles et travaux forestiers à payer à M. [Z] [T] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [Z] [T] de ses autres demandes indemnitaires,

Ordonne à M. [P] [E] exerçant une activité de travaux agricoles et travaux forestiers de remettre à M. [Z] [T] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de son prononcé,

Déboute M. [Z] [T] de la demande visant à assortir cette condamnation d’une astreinte,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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