Designer : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00386

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Designer : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00386
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ARRET N° 22/514

BUL/CRG

COUR D’APPEL DE BESANCON

ARRET DU 16 DECEMBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 04 Novembre 2022

N° de rôle : N° RG 22/00386 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EPP7

S/appel d’une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE LONS LE SAUNIER

en date du 16 février 2022

code affaire : 89A

A.T.M.P. : demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. et/ou contestation relative au taux d’incapacité

APPELANTE

S.A.S. [4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fabrice ROLAND, avocat au barreau de JURA

INTIMEE

Caisse CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

dispensée de comparaître, en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Madame Catherine RIDE-GAULTIER, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 16 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [M], salariée de la société [4] depuis le 3 janvier 2005, en qualité de designer – directrice artistique, a déclaré le 17 décembre 2015 une maladie professionnelle, fondé sur un certificat médical établi le 27 novembre précédent faisant état d’un ‘syndrome anxio-dépressif lié au travail – ‘Burn out’, auprès de la Caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 3] (ci-après CPAM).

La CPAM a notifié le 15 octobre 2018 à la société [4] la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie professionnelle ainsi déclarée.

Mme [O] [M] a été déclarée consolidée par le médecin conseil de la caisse le 16 octobre 2019 et la CPAM a notifié, par courrier du 26 novembre 2019, à la Société [4], le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) fixé à 30%.

Le 21 janvier 2020, l’employeur a contesté ce taux devant la Commission médicale de recours amiable, laquelle lors de sa séance du 22 juillet 2020 a confirmé le taux ainsi attribué par la caisse.

Suivant requête sous pli recommandé expédié le 18 décembre 2020, la Société [4] a alors saisi le tribunal judiciaire de Lons le Saunier et désigné le docteur

[D] [B] comme étant son médecin conseil.

Après un jugement avant dire droit du 28 avril 2021 disant que le docteur [Y] devra s’adjoindre un sapiteur psychiatre afin d’élaborer son rapport médical, ce tribunal a, par jugement du 16 février 2022 :

– déclaré le recours recevable

– confirmé la décision de la Commission de recours amiable de la CPAM du 22 juillet 2020

– dit qu’à la date du 16 octobre 2019, Mme [O] [M] justifiait d’un taux d’IPP médical de 20% opposable à la société [4]

– dit qu’à la date du 16 octobre 2019, Mme [O] [M] justifiait d’un taux professionnel de 10% opposable à la société [4]

– dit en conséquence qu’à la date du 16 octobre 2019 Mme [O] [M] justifiait d’un taux d’IPP tous barèmes confondus de 30% opposable à la société [4]

– condamné la société [4] aux dépens

Par déclaration du 4 mars 2022, la société [4] a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses écrits, visés le 11 juillet 2022, elle demande à la cour de :

I/ Sur le taux médical

A titre principal :

– juger qu’à l’égard de la Société [4], le taux médical de 20% doit être réévalué et réduit à un taux de 0% dans les rapports CPAM/employeur

– Ordonner l’exécution provisoire

A titre subsidiaire :

– prendre acte du taux fixé par le médecin conseil fixant le taux à 20 %

II/ Sur le taux socio-professionnel

– juger que le taux socio professionnel de 10% n’est pas justifié et qu’en tout état de cause la CPAM n’en rapporte pas la preuve

– juger par conséquent qu’à l’égard de la Société [4], le taux socio professionnel de 10% doit être réévalué et réduit à un taux de 0 % dans les rapports CPAM/employeur

– condamner la CPAM aux entiers dépens d’instance

Aux termes de ses écrits visés le 17 octobre 2022, la CPAM conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, aux rejet des prétentions de l’appelante et à sa condamnation aux éventuels dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, auxquelles l’appelante s’est rapportées lors de l’audience de plaidoirie du 4 novembre 2022, la CPAM ayant sollicité pour sa part sa dispense de comparution, en application des articles 946 et 446-1 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l’article L.434- 2 du code de la sécurité sociale le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Ce barème indicatif, annexé à l’article R.434- 32 du code de la sécurité sociale, précise notamment que ‘les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical. Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico- social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale (…) On peut être ainsi amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel (…).’ ;

I – Sur le taux d’IPP médical

Pour fixer à 20% à la date de la consolidation, le 16 octobre 2019, le taux d’IPP médical de Mme [O] [M], les premiers juges se sont essentiellement appuyés sur l’appréciation du médecin consultant et sur celle du sapiteur psychiatre qu’il s’était adjoint.

Pour combattre l’appréciation des premiers juges et obtenir la fixation à 0 du taux d’IPP médical, l’appelante se prévaut d’un rapport du docteur [D] [B] du 4 mars 2021, soit antérieur à la désignation par jugement avant dire droit du 28 avril 2021 du docteur [W] [C] comme sapiteur psychiatre, qui estimait alors, au vu des éléments soumis à son examen, qu”il est impossible d’identifier une symptomatologie séquellaire c’est à dire en relation directe et certaine avec la pathologie hors tableau objet du rapport (syndrome anxio-dépressif) et de proposer un taux d’incapacité’.

A titre subsidiaire, elle s’en remet néanmoins à l’appréciation du médecin conseil de la caisse s’agissant d’un taux d’IPP fixé à 20%.

Il résulte du rapport du docteur [W] [C], qu’il constate au vu des éléments médicaux communiqués, un syndrome anxio-dépressif sévère en lien avec le travail évoluant depuis 2012 traité durant trois ans par [E], et dont les séquelles sont la perte de l’élan vital et un état dépressif sévère. Il est relevé que la salariée ‘s’épuise vite, ne peux pas travailler comme avant, n’a plus d’énergie, n’a plus de plaisir à créer, travaille comme un automate’.

Ce médecin estime que l’état dépressif résistant justifie la fixation d’un taux d’incapacité de droit commun de 20%.

Or, à la lecture de l’analyse sur pièces du docteur [D] [B], il ressort qu’en l’état de ses constatations il lui était impossible de proposer un taux d’incapacité et qu’il précisait : ‘il est impératif que le médecin conseil, comme il en a la possibilité, demande un avis spécialisé (sapiteur psychiatre) avant la fixation du taux d’incapacité’.

La cour relève qu’un tel sapiteur a été désigné, qu’il propose un taux d’incapacité médicale de 20% et qu’au vu de ses conclusions l’appelante n’a pas communiqué de nouvel élément d’ordre médical propre à mettre en cause l’analyse de ce psychiatre et ne propose d’ailleurs dans ses écrits aucun développement pour en contester la validité ou la pertinence.

Dans ces circonstances, il convient de confirmer la décision entreprise qui a fixé à 20% le taux d’IPP opposable à l’appelante.

II – Sur le taux socio-professionnel

S’agissant du taux socio-professionnel, l’appelante fait le reproche aux premiers juges de l’avoir fixé à 10% et rappelle que cette fixation doit reposer sur des éléments objectifs et concrets, lesquels font défaut puisque la salariée, dont il est seulement indiqué qu’elle a créé une auto-entreprise en 2017, aurait parfaitement pu retrouver un emploi aux conditions pécuniaires plus favorables.

Elle fait en outre observer que la jurisprudence prohibe la double indemnisation et qu’un licenciement pour inaptitude ne suffit pas à justifier l’attribution d’un taux socio-professionnel dès lors qu’il est versé au salarié une indemnité doublée et qu’il peut percevoir des indemnités équivalentes à celle de son salaire voire retrouver un emploi avec salaire équivalent ou supérieur.

Elle demande par conséquent à la cour de ramener ce taux à 0%.

La CPAM rétorque que tant son médecin-conseil que la Commission de recours amiable ont estimé à 30% le taux d’IPP de Mme [O] [M] sans distinction entre l’incapacité médicale et le taux socio-professionnel, dès lors que le barème indicatif intègre la notion de retentissement professionnel et qu’il n’est pas tenu d’opérer une telle distinction.

Elle estime fondée son appréciation du taux global à 30%, dont 10% au titre du taux socio-professionnel, au regard du barème indicatif qui prévoit un taux oscillant entre 20 et 40% pour un ‘syndrome névrotique anxieux, hypocondriaque, cénesthopatique, obsessionnel caractérisé, s’accompagnant d’un retentissement plus ou moins important sur l’activité professionnelle de l’intéressé’.

Il doit être rappelé qu’il incombe au juge de prendre en compte, au titre de l’incidence professionnelle, les éléments constitutifs d’un retentissement sur la qualification ou l’aptitude professionnelle du salarié consécutifs aux séquelles médicales constatées au jour de la consolidation.

Si la fixation du taux d’IPP n’a pas pour objet d’attribuer à l’assuré un revenu de remplacement compensant intégralement la perte de salaire liée aux séquelles de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle il n’en demeure pas moins qu’il incombe à la cour de rechercher l’incidence de la maladie professionnelle dont a été victime Mme [O] [M] sur sa vie professionnelle (Cass. Civ. II 4 avril 2019 n° 18-12.766).

Au cas particulier, Mme [O] [M] a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude le 7 janvier 2017, fondé sur une inaptitude professionnelle retenue par le docteur [P] [H] le 27 novembre 2015 en ces termes : ‘inaptitude danger immédiat, Mme [M] est définitivement inapte à son poste de travail ainsi qu’à tous postes existant dans la structure. Compte tenu qu’un maintien à ce poste entraîne un danger immédiat pour sa santé il ne sera pas procédé au deuxième examen prévu à l’article R.4624-31 du CT. L’origine de l’inaptitude, l’organisation du travail, la taille de la structure de l’établissement, l’organigramme actuel ne permettant pas de proposer des mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste’.

Il est évoqué dans le rapport médical d’évaluation de la caisse signé le 15 octobre 2019 par le docteur [F] [T] que la salariée ‘a crée une auto-entreprise en 2017 mais n’a pratiquement pas de revenus’, qu’elle s’isole, rencontre seulement ses clients mais n’arrive pas à se projeter et utilise le moins possible la voiture, qu’elle s’épuise vite, n’a plus d’énergie ni de plaisir à créer, que si ses insomnies sont moins fréquentes, elle demeurent, sa situation actuelle lui permettant dans ce cas de récupérer pendant la journée ce qu’elle ne pourrait faire en cas de rythme imposé. Il ajoute que Mme [O] [M] n’a plus confiance dans les employeurs de peur d’être encore utilisée et se résigne à postuler.

Âgée de 44 ans à la date de la consolidation, il est suffisamment établi qu’au delà même de la mesure de licenciement, qui a fait suite à son inaptitude professionnelle, Mme [O] [M] subit un retentissement socio-professionnel distinct de l’indemnisation dont elle a pu bénéficier à l’occasion de son congédiement, caractérisé par l’incidence de sa maladie professionnelle sur sa capacité à développer à nouveau des ressorts indispensables à son métier de designer, tels que la créativité, la concentration, l’inspiration, l’ouverture vers les autres, de sorte que, venant en complément de l’IPP médicale, la fixation d’un taux socio-professionnel de 10%, au regard du barème précité apparaît parfaitement fondée.

Il résulte des développements qui précèdent que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a fixé à 10% le taux socio-professionnel et, par voie de conséquence à 30% le taux d’IPP global opposable à l’appelante.

III- Sur les demandes accessoires

La présente décision n’étant pas susceptible de recours suspensif, il doit être considéré que la demande figurant aux écritures de l’appelante, tendant à voir ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, résulte d’une erreur de plume et qu’elle est en tout état de cause sans objet.

L’issue du litige à hauteur de cour justifie que les dépens d’appel soient supportés par l’appelante, le jugement étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a mis à sa charge les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

CONDAMNE la SAS [4] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le seize décembre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Catherine RIDE-GAULTIER,Greffière.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

 


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