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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 8
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
(n° 2023 / 1 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/13370 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CECFB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2021000242
APPELANTE
S.A.S. LA MAISON DE L’OPERA,
Enseigne : HOTEL FAVART, Société par actions simplifiée au capital de 37 000,00 euros immatriculée au RCS de Paris sous le n°524 457 900, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, assistée de Me Marie DAVY, KRAMER LEVIN LLP, avocat au barreau de Paris, toque K0065
INTIMÉE
S.A. AXA FRANCE IARD,
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 722 .05 7.4 60
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
ayant pour avocat plaidant, Me Thomas GARANDEAU, Cabinet HASCOET et ASSOCIES, toque P 0577, substitué à l’audience par Me Catherine Marie DUPUY, Cabinet H & A, avocat au barreau de Paris, toque P 0577
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. [B] [E] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*******
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS LA MAISON DE L’OPERA exploite l’hôtel LA MAISON FAVART situé [Adresse 5].
Elle a signé avec la société AXA France IARD (AXA), par l’intermédiaire du courtier cabinet l’EGlDE, un contrat d’assurance multirisque professionnelle n°3957638304 à effet du 1er mars 2012, composé de Conditions Générales, de Conditions Particulières et d’un intercalaire (MH 2013 dit ‘contrat ETOILE’).
L’activité déclarée lors de la souscription du contrat d’assurance est une activité d’hôtellerie.
La police comporte en ses conditions particulières et son intercalaire une garantie des pertes d’exploitation subies par l’assuré, mobilisable lorsque certaines conditions sont réunies.
Par une série de lois, décrets et arrêtés (applicables dès mi-mars 2020), des mesures ont été prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dans le cadre de l’urgence sanitaire.
Par courrier du 30 juin 2020, la société LA MAISON DE L’OPERA a adressé à AXA une déclaration de sinistre, à laquelle AXA n’a, par l’intermédiaire du courtier l’EGlDE, pas donné suite.
Le 9 septembre 2020, la société LA MAISON DE L’OPERA a vainement mis en demeure AXA de mobiliser la garantie pertes d’exploitation prévue par la police souscrite et de lui verser une provision.
C’est dans ces circonstances que la société LA MAISON DE L’OPERA, dûment autorisée pour ce faire, a, par acte d’huissier du29 décembre 2020, fait assigner AXA à bref délai devant le tribunal de commerce de PARIS aux fins notamment de condamnation à mobiliser la garantie pertes d’exploitation souscrite par son assuré dans les conditions de la police d’assurance et à lui verser la somme de 2.037.297,94 euros à parfaire au titre de la perte de marge brute subie par l’Hôtel la MAISON FAVART entre le 17 mars 2020 et le 31 décembre 2020, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à AXA France IARD.
Par jugement du 17 juin 2021, ledit tribunal a :
– débouté la SAS LA MAISON DE L’OPERA de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
-condamné la SAS LA MAISON DE L’OPERA aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,87 euros dont 11,60 euros de TVA,
– dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration électronique du 27 juillet 2021, enregistrée au greffe le 27 juillet 2021, la société LA MAISON DE L’OPERA a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières conclusions (n°4) notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, la société SAS LA MAISON DE L’OPERA demande à la cour au visa des articles 1103, 1104, et 1231-6 et 1190 et 1170 du code civil, et L. 113-1 du code des assurances demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :
1.
– juger que les conditions d’application de la garantie pertes d’exploitation subies en cas d’arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives et sanitaires et en cas de décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement, prévues aux conditions particulières d’AXA France Iard et à l’intercalaire MH 2013, composant la police d’assurance, sont en l’espèce réunies ;
– juger qu’AXA France Iard est tenue de garantir la SAS LA MAISON DE L’OPERA des pertes d’exploitation qu’elle a subies à raison de l’arrêt d’activité et de la fermeture de l’hôtel la Maison Favart provoqués par les décisions prises par les autorités administratives pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 ;
En conséquence, condamner AXA France Iard à mobiliser la garantie pertes d’exploitation souscrite par son assuré, la SAS LA MAISON DE L’OPERA dans les conditions de la police d’assurance ;
En tout état de cause, juger que les conditions d’application de la garantie pertes d’exploitation subies en cas de fermeture administrative prévue aux conditions générales de la police d’assurance sont réunies pour les activités de débits de boisson et Spa de la Maison Favart, qui ont subi des fermetures administratives ;
2.
– juger qu’en application des modalités de calcul prévues au contrat d’assurance et des données comptables contenues dans le rapport du commissaire aux comptes de la SAS LA MAISON DE L’OPERA, la perte de marge brute subie par l’hôtel LA MAISON FAVART s’élève du 17 mars 2020, date du sinistre et arrêtée provisoirement au 30 avril 2021, à la somme de 2 499 254 euros à parfaire ;
– condamner AXA France Iard à payer à LA MAISON DE L’OPERA la somme de 2 499 254 euros, à parfaire, au titre de la perte de marge brute subie par l’hôtel LA MAISON FAVART entre le 17 mars 2020 et le 30 avril 2021, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à AXA France Iard le 9 septembre 2020 ;
– surseoir à statuer sur les pertes d’exploitation subies par la SAS LA MAISON DE L’OPERA, postérieurement au 30 avril 2021, dans l’attente que ses pertes d’exploitation soient consolidées ;
En tant que de besoin,
-désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :
. se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par la SAS LA MAISON DE L’OPERA et son expert-comptable accompagnée de ses bilans et compte d’exploitation sur les trois dernières années ;
. entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties, un calendrier possible de la suite des opérations ;
. examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance et subies par la SAS LA MAISON DE L’OPERA en particulier au titre de l’évènement garanti « arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires à l’exclusion des événements consécutifs au fait volontaire de l’assuré’ et ‘décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement’ et s’agissant des seules activités de débit de boissons et Spa, au titre de l’évènement garanti ‘fermeture administrative’, pendant la période d’indemnisation au sens de la police d’assurance ;
. déterminer le montant des pertes d’exploitation subies par la SAS LA MAISON DE L’OPÉRA consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute calculée conformément aux stipulations de la police d’assurance et en tenant compte de la tendance générale de l’évolution de l’entreprise et des facteurs extérieurs et intérieurs ;
– fixer comme il plaira à la cour la provision à valoir sur la rémunération de l’expert et dire que la provision est mise à la charge d’AXA qui devra la consigner dans les 15 jours de la demande qui lui en sera faite par le greffier de la cour ;
– dire que l’expert devra débuter les opérations d’expertise à compter de la notification de la consignation de la provision qui lui en aura été faite ;
– dire que, préalablement au dépôt de son rapport, l’expert transmettra aux parties et au juge chargé du contrôle de l’exécution des mesures d’instruction, un pré-rapport permettant aux parties de faire valoir leurs derniers dires, sans que le délai imparti par l’expert aux parties pour ce faire puisse excéder une durée de 15 jours ;
– dire que l’expert dressera de ses opérations un rapport qu’il devra déposer au greffe de la cour dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle aura été consignée la provision ordonnée par la présente décision ;
– dans ce cas et dans l’attente de l’issue de l’expertise, condamner AXA à payer à la SAS LA MAISON DE L’OPÉRA une somme de 749.776 euros, à titre de provision à valoir sur l’indemnisation des pertes d’exploitations qui lui est due ;
3. En tout état de cause,
– débouter AXA France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– débouter AXA France de sa demande de condamnation de la SAS LA MAISON DE L’OPERA au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
– condamner AXA France Iard à payer à la société à la SAS LA MAISON DE L’OPÉRA la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions (n°4) notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société AXA France IARD demande à la cour au visa des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances, de :
– confirmer le jugement du 17 juin 2021 du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il :
. déboute la SAS LA MAISON DE L’OPERA de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
. déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
. condamne la SAS LA MAISON DE L’OPERA aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,87 euros dont 11,60 euros de TVA,
– par conséquent, DEBOUTER la société LA MAISON DE L’OPERA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées contre elle ;
– A titre subsidiaire, si la cour estime l’appel bien-fondé :
. déclarer que les conditions de la garantie de la société AXA France IARD ne sont en l’espèce pas remplies ;
. débouter la société LA MAISON DE L’OPERA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions formées contre elle ;
A titre plus subsidiaire :
– déclarer que la société LA MAISON DE L’OPERA ne rapporte pas la preuve du montant réclamé ;
– débouter la société LA MAISON DE L’OPERA de toute demande d’indemnisation ou de provision ;
– designer un expert avec pour mission de chiffrer le montant des pertes d’exploitation garanties, aux frais de la société LA MAISON DE L’OPERA, en précisant :
– que la période d’indemnisation garantie devra être limitée à la période allant :
. du 15 mars 2020 au 11 mai 2020 ;
. du 30 novembre 2020 au 19 mai 2021 ;
– que le calcul de la perte de marge subie devra être limité aux seules activités ayant fait l’objet d’un arrêt du fait de mesures administratives et tenir compte de ‘la tendance générale de l’évolution d’entreprise’ au regard des comptes arrêtés pour les exercices antérieurs à l’exercice en cause ;
– qu’il convient de retrancher de la perte de marge subie les ‘montants de charges constitutives de la marge brute que l’entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre,
pendant la période d’indemnisation’ ;
– qu’enfin, la perte de marge brute devra être déterminée en tenant compte ‘des facteurs extérieurs et intérieurs susceptibles d’avoir eu, indépendamment de ce sinistre, une influence sur son activité et ses résultats’;
– que le montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’Assurée devra être déterminé et pris en compte.
– débouter la société LA MAISON DE L’OPERA du surplus de ses demandes ;
En tout état de cause :
– débouter la société LA MAISON DE L’OPERA de toutes demandes contraires au présent
dispositif ;
– condamner la société LA MAISON DE L’OPERA à payer à AXA France IARD la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 octobre 2022.
Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société LA MAISON DE L’OPERA sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation, en exposant en substance que :
– la société AXA doit être condamnée à la garantir des pertes d’exploitation qu’elle a subies à raison de l’arrêt total, partiel, puis de nouveau total d’activité et de la fermeture de l’hôtel la MAISON FAVART, arrêts provoqués par les décisions/mesures administratives et sanitaires prises par les autorités administratives françaises mais aussi européennes et hors union européennes, pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, dès lors que les conditions d’application de la garantie pertes d’exploitation subies en cas ‘d’arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives et sanitaires’, et en cas de ‘ décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement’, prévues aux conditions particulières d’AXA France Iard et à l’intercalaire MH 2013, composant la police d’assurance, sont en l’espèce réunies parce que sa clientèle est principalement professionnelle et internationale ;
– en tout état de cause, les conditions d’application de la garantie pertes d’exploitation subies en cas de ‘fermeture administrative’ prévue aux conditions générales de la police d’assurance sont réunies pour les activités de débits de boisson et de SPA de la MAISON FAVART, dès lors qu’elles ont fait l’objet de fermetures administratives ;
– le tribunal de commerce de Paris a commis une erreur de droit et de fait en se livrant à une interprétation, de surcroît erronée et en sa défaveur, des clauses de garantie qui sont parfaitement claires, en indiquant que la condition de la survenance de l’évènement garanti dans les locaux n’est pas remplie, alors que l’interruption de l’activité, qui ouvre droit à garantie, est incontestablement survenue dans les locaux de l’assuré et qu’aucune stipulation contractuelle n’impose que le fait à l’origine de la décision provoquant l’arrêt de l’activité ou la fermeture survienne dans les locaux, pas plus que le fait à l’origine de la carence fournisseur ou client ; le tribunal n’a en outre pas répondu à son argumentation;
– la clause d’exclusion figurant dans les conditions générales de la société AXA qu’elle lui oppose à titre subsidiaire n’est pas applicable et de surcroît a été jugée nulle ;
– elle est ainsi fondée à réclamer la somme provisoire de 2.499.254 euros au titre de la perte de marge brute subie entre le 17 mars 2020 et le 30 avril 2021, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à la société AXA le 9 septembre 2020, ainsi que le sursis à statuer sur les pertes d’exploitation subies postérieurement au 30 avril 2021, dans l’attente de leur consolidation ; à défaut, elle sollicite une expertise et dans l’attente, une provision de 749.776 euros à valoir sur l’indemnisation des pertes d’exploitation subies.
La société AXA réplique en substance que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, dès lors qu’il a, à juste titre, débouté la société LA MAISON DE L’OPERA de l’ensemble de ses demandes, et elle fait valoir en substance que :
– s’agissant de l’activité hôtelière, l’appelante ne rapporte pas la preuve que les conditions d’application de la garantie sont réunies, d’une part, parce que la condition expresse concernant la survenance d’un évènement garanti ‘dans les locaux’ de l’assuré, exigée tant dans les conditions particulières que dans l’intercalaire, pour pouvoir mettre en jeu la garantie pertes d’exploitation, n’est pas remplie et, d’autre part et en tout état de cause, parce qu’il n’est pas justifié d’un ‘arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires’ ou d’une ‘décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement’ au sens du contrat, permettant de mettre en oeuvre la garantie ;
– s’agissant de l’activité de bar et de SPA, la société LA MAISON DE L’OPERA ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle exploite un bar ou un SPA ; elle ne démontre pas davantage qu’il s’agit d’activités garanties, seule l’activité d’hôtellerie lui ayant été déclarée ; au surplus, le room service restait autorisé, de sorte que l’activité de bar dédiée aux clients de l’hôtel a toujours été autorisée et pouvait juridiquement être maintenue, selon des modalités adaptées (service en chambre et non ‘au bar’), et l’appelante ne démontre pas que l’activité de SPA était une activité autonome de l’établissement générant un chiffre d’affaires propre ;
– elle est en tant que de besoin fondée à opposer la clause d’exclusion stipulée dans les conditions générales, qui est dépourvue d’ambiguïté et n’emporte pas d’interprétation, étant observé que l’assurée est un professionnel et était bien en mesure de comprendre la clause au moment de la souscription ou d’indiquer si il était nécessaire de la lui expliquer;
– à titre très subsidiaire, le montant de l’indemnité réclamée n’est pas fondé.
1) Sur la mobilisation de la garantie pertes d’exploitation
Vu les articles 1134 et 1315 du code civil, dans leur rédaction ici applicable, antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article L. 112-2 du code des assurances ;
Il résulte de ces textes qu’il appartient à l’assuré de justifier des conditions de la mise en jeu de la garantie et que la compagnie d’assurance qui entend opposer une clause d’exclusion de garantie doit démontrer qu’elle a été portée à la connaissance de l’assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut antérieurement à la réalisation du sinistre.
En matière d’assurance, il appartient à l’assuré qui sollicite l’application de la garantie d’établir que le sinistre répond aux conditions de cette garantie, et à l’assureur qui invoque une cause d’exclusion de garantie d’établir que le sinistre répond aux conditions de l’exclusion.
En l’espèce, comme rappelé ci-dessus, le contrat conclu à effet du 1er mars 2012, est composé des conditions générales AXA portant la référence 953951 A 0209, des conditions particulières en date du 1er mars 2012 et de l’intercalaire dénommé ‘MULTIRISQUES DE L’HÔTELLERIE contrat ‘ETOILE’ L’ASSUREUR DE VOTRE PROFESSION Dommages aux biens Pertes d’exploitation Responsabilité civile’, référence M 2013 du courtier L’EGIDE.
Une garantie des pertes d’exploitation est stipulée dans les conditions particulières, en page 5, dans les termes suivants :
‘Cette garantie permet à l’entreprise assurée de se prémunir contre la perte du Chiffre d’Affaires résultant d’une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d’un évènement garanti, survenant dans les locaux et pour les activités désignées sur la première page de ce projet pendant la période d’indemnisation et de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation’.
Sont notamment considérés comme des événements garantis, dans ces mêmes conditions particulières :
– ‘Arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires, à l’exclusion des événements consécutifs au fait volontaire de l’assuré’.
Ce premier évènement est invoqué par la société pour bénéficier de la garantie, au titre de son activité d’hôtellerie.
Il est stipulé en page 33 de l’intercalaire, au ‘chapitre VIII PERTES D’EXPLOITATION’ que ‘Nous garantissons l’entreprise assurée contre la perte du Chiffre d’Affaires résultant d’une interruption totale ou partielle de ses activités à la suite d’un évènement garanti tels que dénommé ci-dessous, survenant dans les locaux et pour les activités désignées aux Conditions Particulières pendant la période d’indemnisation et de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation’.
Sont notamment considérés comme des événements garantis, dans cet intercalaire, les événements suivants :
– ‘Arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires, résultant des autorités sanitaires de mise en quarantaine suite à un commencement de maladie infectieuse, contagieuse ou d’empoisonnement causé par la consommation sur place ou extérieure d’aliments ou de boissons fournies dans les locaux assurés,
– une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement à condition que cette fermeture ne soit pas d’ordre pénal’.
Seul ce second évènement est au cas d’espèce invoqué pour l’activité d’hôtellerie, au côté de l’événement ‘arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires à l’exclusion des événements consécutifs au fait volontaire de l’assuré’ stipulé dans les conditions particulières.
A) sur la mise en jeu de la garantie au profit de l’hôtel
S’agissant tout d’abord de la survenance dans les locaux, prévue dans la clause générale concernant la garantie pertes d’exploitation figurant en termes quasi-identiques en page 5 des conditions particulières et en page 33 de l’intercalaire, le tribunal a considéré que ‘les décisions administratives prises tant par les autorités françaises, européennes et hors européennes de restriction de circulation prise en considération par la société LA MAISON DE L’OPERA pour justifier sa demande d’indemnisation ne trouvent pas leur origine dans un fait survenu dans les locaux de l’assurée et que cette condition posée par la police d’assurance multirisques pour l’indemnisation des pertes d’exploitation n’est donc pas remplie’ et il a, en conséquence, débouté la société LA MAISON DE L’OPERA de toutes ses demandes.
Cependant, contrairement à ce que soutient AXA, cette clause générale sur ‘la perte du chiffre d’affaires résultant d’une interruption totale ou partielle de ses activités [par l’entreprise assurée] à la suite d’un évènement garanti (…), survenant dans les locaux et pour les activités désignées aux conditions particulières, pendant la période d’indemnisation’ doit s’entendre, compte tenu de la ponctuation de la phrase marquée par une virgule entre ‘évènement garanti’ et ‘survenant’ et de la cohérence entre cette disposition et les événements qu’elle énonce ensuite, en ce sens que ce n’est pas l’évènement garanti qui survient dans les locaux mais l’interruption de l’activité qui survient dans les locaux du fait d’un évènement garanti tel que ceux énoncés ensuite et qui peuvent être extérieurs aux locaux tels que ‘tempête (‘), décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement’.
S’agissant de l’évènement concernant l’arrêt d’activité totale ou partielle du fait de mesures administratives, sanitaires ou judiciaires, stipulé dans les conditions particulières, c’est en revanche à bon droit qu’AXA fait valoir que la garantie ne trouve pas à s’appliquer.
Aucun des textes pris pour faire face à l’épidémie de Covid-19 qu’invoque la société LA MAISON DE L’OPERA, au soutien de sa prétention n’est de nature à faire prospérer sa demande dans le cadre de la présente garantie.
En effet, contrairement à ce que soutient la société LA MAISON DE L’OPERA, les ‘mesures administratives, sanitaires’ prises pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, ayant eu pour effet l’arrêt d’activité totale ou partielle, au sens de la clause invoquée, ne sont pas le fait, c’est à dire ne résultent pas, ‘de mesures administratives’ comme exigée par cette clause, mais d’un choix volontaire de l’assuré, ce que la clause exclue expréssement du champ d’application de la garantie (‘à l’exclusion des événements consécutifs au fait volontaire de l’assuré’).
S’agissant de l’évènement garanti consistant en la fermeture de l’établissement provoquée par une décision des autorités administratives (hors le cas d’ordre pénal), exigé pour la mise en jeu de la clause stipulée en page 33 de l’intercalaire, c’est également à bon droit que la société AXA fait valoir qu’elle ne peut trouver application au cas d’espèce dès lors que les décisions invoquées non seulement n’imposaient pas la fermeture des hôtels, mais ne sauraient l’avoir provoquée, ces établissements relevant de la catégorie 0 au sens de l’article GN1 de l’arrêté du 25 juin 1980, pouvant toujours accueillir du public, de sorte que des établissements hôteliers sont restés ouverts, en dépit des circonstances sanitaires, des mesures restreignant les déplacements jugés ‘essentiels’ sur le territoire national et des restrictions de circulation transfrontalières, notamment pour les touristes résidant hors du territoire de l’Union européenne.
En effet, l’activité hôtelière de la société appelante n’a pas été interrompue ‘par une décision des autorités administratives provoquant la fermeture de l’établissement’ dès lors que les hôtels étaient expressément exclus du champ d’application des établissements qui ne pouvaient plus accueillir du public, mais par une décision prise par l’exploitant lui-même, pour des motifs provenant de sa propre appréciation de la situation engendrée par l’épidémie.
L’interprétation donnée par l’appelante du terme ‘provoquant’ la fermeture de l’établissement (au sens de causer de manière indirecte même si la décision des autorités administratives ne l’a pas imposée) afin de justifier que la garantie s’applique à sa décision de fermer son établissement, décision qu’elle a prise pour des motifs économiques comme elle le reconnaît, ne peut être retenue.
Cette lecture de la clause de garantie constitue en réalité une dénaturation de ses termes qui aboutit à garantir les conséquences d’un choix volontaire et non juridiquement obligatoire de l’assuré.
Le contrat d’assurance étant un contrat aléatoire par nature, l’existence d’une décision des autorités administratives prononçant la fermeture de l’établissement assuré est une condition indispensable à la préservation de son caractère aléatoire. A défaut, l’assuré aurait la maîtrise de la survenance du sinistre, puisqu’il lui reviendrait de déterminer s’il ferme ou non son établissement.
Dès lors, il convient d’approuver la compagnie AXA en ce qu’elle estime que la mobilisation de la garantie ne peut laisser de marge d’appréciation à la volonté de l’assuré, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens soutenus à titre subsidiaire concernant la clause d’exclusion stipulée en page 38 des conditions générales d’AXA.
B) sur la mobilisation de la garantie au profit du bar et du SPA
La garantie est étendue en pages 38 à 40 des conditions générales, aux pertes d’exploitation consécutives aux fermetures administratives suivantes :
‘- fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement , par décision administrative par suite de maladies contagieuses, meurtres, suicides, épidémies, intoxications ;
– fermeture des accès par une autorité administrative compétente ayant comme conséquence l’impossibilité pour les clients d’arriver ou de repartir de l’établissement’.
S’agissant tout d’abord de l’absence de preuve de l’exploitation de l’activité de bar, comme le fait valoir AXA, la cour estime que ce moyen est certes soutenu pour la première fois en cause d’appel mais qu’il respecte le principe de concentration des moyens édicté à l’article 563 du code de procédure civile dès lors qu’il vise à justifier en appel une des prétentions soumises au premier juge, tendant au débouté du demandeur quant à la mise en jeu de la garantie sollicitée et à l’indemnisation du préjudice invoqué.
Or, contrairement à ce que prétend la société LA MAISON DE L’OPERA, ni le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels exercice clos au 31 décembre 2019, ni l’attestation du commissaire aux comptes du 22 septembre 2020 qu’elle produits, ne ventilent le chiffre d’affaires entre l’hôtel et le bar.
Aucune autre pièce notamment fiscale ou du type licence de débit de boissons, ne vient démontrer l’existence d’une activité de bar exploitée par la SAS LA MAISON DE L’OPERA.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des moyens soutenus concernant le bar, notamment l’absence de déclaration de cette activité lors de la souscription du contrat, la société LA MAISON DE L’OPERA doit être déboutée sur ce point.
S’agissant du SPA, il est mentionné en page 2 des conditions particulières, au côté de la piscine, de la salle de fitness et de ‘salle de réunions’, que l’établissement assuré comporte.
Cependant, la société LA MAISON DE L’OPERA ne démontre ni ne soutient d’ailleurs qu’il s’agit d’une activité autonome de l’établissement générant un chiffre d’affaires propre, exploitée par elle, non réservée aux clients de l’hôtels, alors que ce point est contesté par AXA qui soutient qu’il s’agit d’une activité accessoire proposée aux clients de l’hôtel.
La société LA MAISON DE L’OPERA doit être également déboutée sur ce point.
L’examen des moyens concernant la clause d’exclusion invoquée à titre subsidiaire est dès lors sans objet.
2) Sur les autres demandes
Compte tenu de l’issue du litige, l’examen des moyens concernant le calcul des pertes d’exploitation, de la demande de sursis à statuer et de la demande subsidiaire d’expertise, est sans objet.
Partie perdante, la SAS LA MAISON DE L’OPERA sera condamnée aux dépens. Pour des motifs d’équité, il ne sera pas fait application en cause d’appel de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société AXA France Iard, qui sera, tout comme la SAS LA MAISON DE L’OPERA, déboutée de sa demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme le jugement par des motifs en partie substitués, en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS LA MAISON DE L’OPERA aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS LA MAISON DE L’OPERA et la société AXA FRANCE IARD de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE