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N° RG 19/00170 – N° Portalis DBVM-V-B7D-J2N2
C6
N° Minute :
copie certifiée conforme délivrée
aux avocats le :
Copie Exécutoire délivrée
le :
aux parties (notifiée par LRAR)
aux avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MARDI 10 JANVIER 2023
APPEL
Jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Bourgoin Jallieu, décision attaquée en date du 29 novembre 2018, enregistrée sous le n° 16/00179 suivant déclaration d’appel du 10 janvier 2019
APPELANTE :
Mme [Z] [X] divorcée [C]
née le 10 Novembre 1949 à [Localité 18] (TUNISIE)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par Me Patrice GIROUD de la SCP GIROUD STAUFFERT-GIROUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [F] [C]
né le 18 Mai 1968 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]/ FRANCE
représenté par Me Jean-Michel DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [W] [C] épouse [M]
née le 01 Juin 1967 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 11] / FRANCE
représentée par Me Jean Michel DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE
Mme [J] [A] épouse [C]
née le 17 Novembre 1958 à [Localité 23] (TUNISIE)
[Adresse 5]
[Localité 8]
non représentée
Mme [H] [C] épouse [U]
sous tutelle de L’ATMP [Adresse 2]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 11]
représentée par Me France MILLIET de la SCP MILLIET, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/004567 du 06/06/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)
Mme [T] [C]
[Adresse 22]
[Localité 1]
non représentée
M. [L] [C]
[Adresse 13]
[Localité 12]
non représenté
Mme [Y] [C] épouse [I]
[Adresse 9]
[Localité 15]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,
DEBATS :
A l’audience publique du 27 septembre 2022,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Mme MC Ollierou greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [Z] [X] et M. [P] [C] se sont mariés le 9 août 1971 devant l’officier d’état civil de [Localité 18] (Tunisie).
Par arrêt du 9 juin 2009, la cour d’appel de Grenoble a prononcé leur divorce et a notamment fixé à 25.000 euros le montant de la prestation compensatoire devant être versée par l’époux.
[P] [C] est décédé le 27 octobre 2014.
Une tentative de règlement amiable de la succession est intervenue le 20 mai 2016 à l’étude de Maître [B], notaire au [Localité 17], mais aucun accord n’a été formalisé.
Par actes d’huissier des 19, 22, 25, 29 février et 21 mars 2016, Mme [Z] [X] a fait assigner Mme [T] [C], M. [L] [C], Mme [Y] [C], Mme [W] [C], Mme [H] [C], représentée par l’association ATMP, M. [F] [C] devant le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu aux fins d’ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [P] [C], d’inscrire au passif de la succession le montant de la prestation compensatoire et de commettre Maître [B] pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage.
Par jugement réputé contradictoire du 29 novembre 2018, le juge aux affaires familiales de Bourgoin-Jallieu a principalement :
– dit la juridiction française compétente,
– dit que le régime légal applicable est celui de la communauté réduite aux acquêts,
– dit que le bien immobilier situé à [Localité 18] était un bien propre de [P] [C],
– renvoyé les parties devant Maître [B], pour finaliser les opérations de partage,
– dit n’y avoir lieu à mesure d’expertise,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– dit n’y avoir lieu à l’application de1’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Le 10 janvier 2019, Mme [Z] [X] a interjeté appel du jugement, en ce qui concerne la qualification de bien propre de [P] [C] du bien situé à [Localité 18], ainsi que le rappel de la loi tunisienne pour le bien situé à [Localité 21].
Par ses dernières conclusions notifiées le 5 mai 2020, Mme [Z] [X] demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a dit que le bien de [Localité 18] était un bien propre de [P] [C],
– dire qu’il s’agit d’un bien de communauté,
– réformer le jugement en ce qu’il a dit que le bien de [Localité 21] était un bien de communauté en raison d’une non-contestation,
– dire et juger qu’il s’agit effectivement d’un bien de communauté en raison des dispositions légales applicables en Tunisie,
– condamner solidairement M. [F] [C], Mme [W] [C] et Mme [J] [A] à payer à Mme [Z] [X] 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2019, Mme [H] [C] demande à la cour de :
– ordonner qu’il soit procédé au opérations de liquidation partage de la communauté ayant existé entre M. [C] et Mme [X] ainsi qu’à la succession de [P] [C],
– designer Maître [B] et renvoyer les parties par devant lui afin de procéder au partage successoral et communautaire,
– dire n’y avoir lieu à expertise,
– statuer ce que de droit pour les dépens.
Par arrêt du 6 août 2021, la Cour a réouvert les débats, en sursoyant à statuer sur les demandes, dans l’attente de la décision au fond, en faisant injonction aux parties de :
– conclure sur la compétence des juridictions françaises et la loi applicable au litige s’agissant de la succession, en tenant compte de la date du décès et du lieu d’implantation des immeubles ;
– pour Mme [X], produire la copie des pages de son passeport ou visa correspondant à son arrivée en France, outre les actes de naissance de ses enfants ;
– pour l’ensemble des parties, produire la copie des livrets de famille correspondant aux trois unions successives de [P] [C] ainsi que son acte de mariage avec Mme [J] [A].
Mme [X] a versé aux débats en cause d’appel les pièces supplémentaires suivantes :
– la copie du livret de famille,
– les passeports ancien et actuel,
– une fiche familiale d’état civil,
– une carte d’immatriculation et d’affiliation à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère du 21/06/1973 ainsi qu’une carte de groupe sanguin mentionnant un prélèvement du 26/01/1972.
Par conclusions du 12/09/2022, M. [F] [C] et Mme [W] [M] née [C], demandent à la Cour de :
– réformer la décision entreprise ;
– dire que les époux [C]/[X] se sont mariés sous le régime matrimonial légal tunisien de la séparation des biens ;
– dire que l’ensemble immobilier de [Localité 18] appartenait exclusivement au mari ;
– dire que l’immeuble sis à [Localité 21] appartenait aux époux indivisément entre eux, à concurrence de moitié chacun ;
– dire que la loi tunisienne sera exclusivement applicable à ces immeubles sis en Tunisie et que les demandes formées à leur égard relèvent de la compétence excluvive des juridictions tunisiennes ;
– subsidiairement, si la cour devait dire que les époux [C]-[X] étaient mariés sous le régime légal français de communauté réduite aux acquêts, confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le bien immobilier sis à [Localité 18] (Tunisie) était un propre de [P] [C] et celui sis à [Localité 21] (Tunisie), un bien commun ;
– en tout état de cause, ordonner une expertise des biens sis en France afin de déterminer leur valeur à la date la plus proche du partage, fixer leur mise à prix en cas de licitation et les indemnités qui seraient dues par tout co-indivisaire qui aurait bénéficié de l’occupation exclusive de l’un d’eux, établir un compte d’indivision ;
– dire que les frais d’expertise seront pris en charge par les co-indivisaires en proportion de leurs droits successoraux respectifs ;
– renvoyer les parties par devant le notaire liquidateur désigné pour qu’il soit procédé aux opérations de liquidation et partage ;
– débouter Mme [X] de toutes autres demandes et la condamner au paiement de 5.000 euros au titre des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence des juridictions françaises
La succession a été ouverte le 27 octobre 2014.
Le règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 ne s’applique pas, puisque concernant les successions ouvertes à compter du 17 août 2015.
Dès lors, il convient d’appliquer les règles du droit international privé français, avec un morcellement entre une succession mobilière unique, régie par la loi du domicile du défunt, et autant de successions immobilières qu’il y a d’États sur le territoire desquels sont situés les immeubles successoraux.
Le juge français étant incompétent pour statuer sur les immeuble situés hors de France, les parties seront renvoyées à mieux se pourvoir.
Par ailleurs, aux termes de l’article 8 du code de droit international privé tunisien, ‘les juridictions tunisiennes ont l’exclusivité de compétence : (..)
2 – Si elle est relative à un immeuble situé en Tunisie’, l’article 11 ajoutant que ‘ l’exequatur n’est pas accordé aux décisions judiciaires étrangères si l’objet du litige relève de la compétence exclusive des tribunaux tunisiens’.
Dès lors, la loi tunisienne n’a pas prévu de renvoi à la loi française.
Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.
Sur le régime matrimonial applicable
Les époux [X]/[C] se sont mariés en Tunisie le 09/08/1971. Ils sont venus rapidement en France, comme celà ressort du document attestant d’une analyse sanguine concernant Mme [X] pratiquée en janvier 2012, l’intéressée étant par ailleurs affiliée à la caisse primaire d’assurance maladie dès l’année suivante. Les époux avaient ainsi, lors de leur mariage, l’intention de s’installer en France.
De plus, le couple a eu très rapidement un enfant, [Y] [C], née le 12/06/1972, puis [L] [C], né le 13/01/1975 et [T] [C], né le 22/09/1980, les trois enfants étant tous nés en Isère. C’est donc la France qui a été le lieu choisi pour leur premier établissement.
Dans ces conditions, c’est exactement que le premier juge a considéré que le régime matrimonial des époux était celui, français, de la communauté réduite aux acquêts, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Sur l’expertise des biens immobiliers situés en France
Les biens à partager doivent être évalués à une date la plus proche du partage. Pour solliciter une expertise, M. [F] [C] et Mme [M] font valoir que les biens en cause, à savoir un chalet sis à [Localité 16] et un appartement de deux pièces à [Localité 6], ont fait l’objet d’un avis de valeur ancien, du 09/12/2014.
Toutefois, cette attestation très circonstanciée, propose aussi une valeur locative, et si elle retient des valorisations faibles, c’est en raison du mauvais état des biens en cause. Dès lors, c’est exactement que le premier juge a rejeté cette demande, expliquant que le marché immobilier dans la région n’avait pas évolué depuis 2014.
Sur les frais irrépétibles
Au vu de la situation financière modeste de l’appelante, l’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt de défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Réforme le jugement déféré en ce qu’il a dit la juridiction française compétente concernant les biens immobiliers situés en Tunisie et qu’il a statué sur le bien de [Localité 18] (Tunisie) et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Renvoie les parties à mieux se pourvoir concernant les immeubles sis à [Localité 18] et [Localité 21] (Tunisie) ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage;
PRONONÇÉ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
SIGNÉ par la présidente Anne Barruol et par la greffière M.C. Ollierou, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
M.C. OLLIEROU, A. BARRUOL