Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 22G
2e chambre 1re section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 DECEMBRE 2022
N° RG 21/04893 –
N° Portalis DBV3-V-B7F- UVQU
AFFAIRE :
[V] [L]
C/
[E] [F] divorcée [L]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Juillet 2021 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Cabinet :
N° RG : 18/00097
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le : 01.12.2022
à :
Me Hervé KEROUREDAN,
Me Claire RICARD,
TJ VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [V] [L]
né le 28 Juillet 1958 à [Localité 4]- ALLEMAGNE
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 11]
Représentant : Me Hervé KEROUREDAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011959 du 17/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 13])
APPELANT
****************
Madame [E] [F] divorcée [L]
née le 19 Septembre 1963 à [Localité 8] ([Localité 1])
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211524
Me DESJONQUERES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Dominique SALVARY, Président,
Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,
Madame Sophie MATHE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,
FAITS ET PROCEDURE,
Mme [E] [F], de nationalité française, et M. [U] [V] [L], de nationalité allemande, se sont mariés le 10 septembre 1994 à [Localité 8]-en-Lozère (48), sans contrat préalable.
Ils ont vécu en Grande-Bretagne et en France.
De cette union sont issues :
– [G], née le 18 janvier 1998, aujourd’hui majeure,
– [W], née le 10 février 2000, aujourd’hui majeure.
A la suite d’une requête en divorce déposée le 22 mai 2013 par Mme [F], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles, par une ordonnance de non-conciliation du 26 décembre 2013, a notamment :
– constaté la résidence séparée des époux,
– attribué à M. [L] la jouissance du domicile conjugal situé à [Localité 11] (92), à titre onéreux,
– attribué à l’époux la jouissance du véhicule Peugeot 307,
– donné acte à l’époux qu’il assumera le remboursement de l’emprunt immobilier afférent au bien de [Localité 11] (92),
– donné acte à l’épouse de ce qu’elle s’engage à rembourser le crédit à la consommation (113,64 euros par mois),
– constaté que les époux exerceront en commun l’autorité parentale à l’égard des enfants mineurs et leur a donné acte de leur accord sur la fixation de leur résidence chez la mère,
– dit que le droit de visite et d’hébergement du père s’exercera librement selon les modalités à convenir entre les parents et les enfants,
– fixé la contribution du père à l’entretien et l’éducation des enfants à la somme mensuelle de 600 euros, soit 300 euros par enfant.
A la suite de l’appel interjeté par M. [L], la cour d’appel de Versailles, par un arrêt infirmatif du 4 décembre 2014, a notamment :
– infirmé l’ordonnance de non-conciliation du 26 décembre 2013 quant à la contribution du père à l’entretien des enfants et quant à l’attribution de la jouissance du véhicule Peugeot 307, et statuant à nouveau a :
– condamné M. [L] à verser à Mme [F] une contribution de 600 euros par enfant pour l’entretien d'[G] et [H],
– dit que la jouissance du véhicule Peugeot 307 sera attribuée à l’épouse avec la remise du véhicule ou à défaut, sur justification de la vente, de la moitié du prix de vente de celui-ci,
– confirmé pour le surplus,
– dit que Mme [F] sera autorisée à superviser la vente de l’ancien domicile conjugal de [Localité 11] (92) pour laquelle elle pourra mandater plusieurs agences, M. [L] devant s’engager à laisser visiter ou à remettre un exemplaire des clés à l’épouse pour permettre les visites.
Par un arrêt du 24 février 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, précité, en ce qu’il a renvoyé les parties devant le juge du fond pour la détermination de leur régime matrimonial et attribué à l’épouse, à défaut de la remise du véhicule Peugeot 307, la moitié de son prix de vente. La Cour de cassation a notamment retenu qu’il entrait dans les pouvoirs du juge conciliateur de se prononcer sur le régime matrimonial des époux.
Les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Paris, laquelle n’a pas été saisie.
Par un jugement réputé contradictoire du 21 avril 2017, le tribunal de grande instance de Versailles a, notamment :
– prononcé le divorce de M. [L] et Mme [F],
– déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [F] relevant de la liquidation du régime matrimonial,
– rejeté sa demande en maintien de l’usage du nom marital.
A la suite d’une assignation délivrée le 14 novembre 2017 par Mme [F], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles, par un jugement du 15 juillet 2021, a, notamment :
– déclaré recevable l’action de Mme [F],
– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux existant entre Mme [F] et M. [L],
– désigné, pour y procéder aux opérations de partage, Maître [M] [K], notaire à [Localité 13] (78),
– commis le magistrat coordonnateur du pôle famille de ce tribunal, ou son délégataire, pour surveiller les opérations, statuer sur les difficultés et faire rapport au tribunal en cas de désaccords persistants des parties,
– dit que le délai d’un an prévu à l’article 1368 du code de procédure civile commencera à courir à compter de la décision,
– dit que la loi applicable au régime matrimonial sera la loi anglaise entre le 10 septembre 1994 et le 29 août 2010 et la loi française à compter du 29 août 2010,
– rejeté la demande de licitation du bien immobilier indivis,
– dit que M. [L] sera redevable d’une indemnité d’occupation à compter du mois d’août 2011, jusqu’au jour du partage ou libération effective des lieux,
– renvoyé les parties devant le notaire pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– dit que les dépens seront partagés par moitié,
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire.
Par une déclaration du 27 juillet 2021, M. [L] a fait appel de cette décision en ce qu’elle :
– a déclaré recevable l’action de Mme [F],
– a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux existant entre Mme [F] et lui-même et désigné Maître [K], notaire, pour y procéder avec mission d’usage,
– a dit que la loi applicable au régime matrimonial sera la loi anglaise entre le 10 septembre 1994 et le 29 août 2010 et la loi française à compter du 29 août 2010,
– a dit qu’il sera redevable d’une indemnité d’occupation à compter du mois d’août 2011 jusqu’au jour du partage ou libération effective des lieux,
– a renvoyé les parties devant le notaire pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation,
– l’a débouté de ses demandes plus amples ou contraires,
– a dit que les dépens seront partagés par moitié.
Dans ses dernières conclusions du 25 avril 2022, M. [L] demande à la cour de :
In limine litis,
Vu les articles 542 et 954 du CPC,
Vu les conclusions de Madame [F] du 25 janvier 2022,
– Se déclarer non saisie de l’appel incident de Madame [F] tendant à la vente sur licitation du bien immobilier,
– Déclarer Monsieur [L] recevable et fondé en son appel,
Y faisant droit,
– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant rejeté la demande de licitation de Madame [F],
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Vu l’article 1360 du CPC,
– Déclarer Madame [F] irrecevable en son action pour défaut de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable,
– L’en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Sur la loi applicable au régime matrimonial,
Vu la Convention de la Haye du 14 mars 1978,
– Dire que le bien immobilier situé [Adresse 12] demeure soumis au régime anglais de la séparation de biens postérieurement au 29 août 2010,
En toute hypothèse,
Vu l’article 122 du CPC,
– Déclarer Madame [F] tant irrecevable que mal fondée en sa demande de fixation d’indemnité d’occupation à la charge de Monsieur [L],
– Renvoyer les parties à procéder amiablement aux opérations de liquidation de leurs intérêts patrimoniaux devant la SCP [P], Bigot, [X], [Y], [N], notaires à Rueil-Malmaison aux fins de convocation des parties pour finalisation de l’acte de partage amiable,
– Dire et juger que les frais de partage seront à la charge exclusive de Madame [F],
– Condamner Madame [F] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 17 juin 2022, Mme [F] demande à la cour de :
– DEBOUTER Monsieur [L] de ses demandes,
– CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions à l’exception de celle concernant la demande de licitation et de fixation de la valeur locative du bien immobilier,
Ainsi :
– ORDONNER la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux subsistant après divorce de Madame [F] et Monsieur [L],
– JUGER que deux périodes à considérer :
* Dans un premier temps, le régime de séparation de biens entre le 10 septembre 1994 et le 29 août 2010 au titre de la loi anglaise,
* Dans un second temps, le régime de communauté réduite aux acquêts à partir du 31 mai 2010 au titre de la loi française,
– DESIGNER préalablement à l’ouverture des opérations de liquidation compte et partage d’indivision existant entre les parties tel notaire qu’il plaira au Tribunal à l’effet d’y procéder,
– DEBOUTER Monsieur [L] de sa demande de désignation de la SCP GUILBERT, BIGOT, GAILLOT, [Y], [N], notaires à Rueil Malmaison,
– DESIGNER tel juge commissaire qu’il plaira à l’effet de faire rapport en cas de difficultés,
STATUER à nouveau et :
– JUGER qu’il sera procédé à la vente sur licitation et partage du bien immobilier commun situé à [Adresse 12]) sur la base d’un 1.086.000 euros,
– FIXER la valeur locative du bien immobilier à 3669 €,
– FIXER l’indemnité d’occupation due par Monsieur [L] à Madame [F], à la somme mensuelle d’a minima 1.848 euros à compter du mois d’aout 2011, et jusqu’au partage définitif et la libération des lieux,
– CONDAMNER Monsieur [L] aux entiers dépens,
– CONDAMNER Monsieur [L] au paiement d’une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du NCPC.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2022.
Par une note en délibéré du 18 novembre 2022, la cour a sollicité les observations des parties sur la rédaction du dispositif des conclusions de Mme [F] qui ne sollicite ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement (articles 542 et 954 du code de procédure civile, 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n°18-23.626, publié).
L’avocat de Mme [F] a répondu le 20 novembre suivant.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu’aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir
L’article 1360 du code de procédure civile dispose :
A peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Le juge aux affaires familiales a retenu la recevabilité de l’action en partage engagée par Mme [F] qui a entrepris de multiples démarches afin de vendre l’ancien domicile conjugal, en vain.
M. [L] conteste cette décision en soulignant que Mme [F] n’a entrepris aucune démarche amiable, qu’elle a rejeté sa proposition fondée sur un projet d’état liquidatif établi le 8 avril 2014 par un notaire qu’il avait mandaté.
Mme [F] sollicite la confirmation du jugement en soulignant que tout partage amiable a été impossible en raison de la résistance de M. [L], opposé à la vente de l’ancien domicile conjugal.
Il convient de relever que chaque partie a engagé des démarches pour parvenir à une solution amiable. Toutefois, tant Mme [F] que M. [L] n’ont pas évolué de leur position initiale de sorte que le partage judiciaire est en l’espèce, la seule solution envisageable.
Il demeure que des démarches amiables ont bien été entreprises (mandat de vente confié à une agence immobilière, projet d’état liquidatif établi par un notaire en 2014), qu’elles ont échoué. Ainsi, l’action en partage de Mme [F] est recevable.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur l’étendue de l’appel incident
M. [L] soutient que par son appel incident irrégulier, selon lui, Mme [F] n’a pas saisi la cour de la question de la licitation de l’ancien domicile conjugal.
Il ajoute que Mme [F] est irrecevable à demander la fixation d’une indemnité d’occupation.
Par une note en délibéré, la cour a soulevé la question suivante :
La cour souhaite recevoir vos observations sur la rédaction du dispositif des conclusions de Mme [F] qui ne sollicite ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement (articles 542 et 954 du code de procédure civile, 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n°18-23.626, publié).
Mme [F] répond que ses conclusions, parvenues dans les délais prévus par le code de procédure civile, sont recevables. Elle ajoute qu’une demande de confirmation du jugement “à l’exception de” est une expression suffisamment claire sur le sens de sa prétention.
Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsqu’une partie ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.
Il a été décidé que cette interprétation formulée par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n°18-23.626, publié) était d’application immédiate à compter de cette date.
En l’espèce, la déclaration d’appel a été reçue le 27 juillet 2021. L’interprétation de la règle précitée est donc applicable.
Dans le dispositif de premières conclusions du 25 janvier 2022, Mme [F] ne demande ni l’infirmation, ni l’annulation du jugement. Il en est de même dans ses dernières conclusions du 17 juin 2022.
Elle demande toutefois :
– CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions à l’exception de celle concernant la demande de licitation et de fixation de la valeur locative du bien immobilier,
Ainsi : (…)
STATUER à nouveau et :
– JUGER qu’il sera procédé à la vente sur licitation et partage du bien immobilier commun situé à [Adresse 12]) sur la base d’un 1.086.000 euros,
– FIXER la valeur locative du bien immobilier à 3669 €,
– FIXER l’indemnité d’occupation due par Monsieur [L] à Madame [F], à la somme mensuelle d’a minima 1.848 euros à compter du mois d’aout 2011, et jusqu’au partage définitif et la libération des lieux.
L’usage des termes “confirmer à l’exception de” suivi des dispositions du jugement critiquées et accompagnées de demandes relatives à la licitation d’un immeuble et à la fixation d’une indemnité d’occupation signifie clairement que Mme [F] demande l’infirmation du jugement sur deux questions particulières, qu’elle énumère, et exprime deux prétentions précises.
Il convient donc de retenir que l’appel incident de Mme [F] porte sur la question de la licitation de l’immeuble indivis et sur la fixation du montant de l’indemnité d’occupation.
Sur la loi applicable au régime matrimonial
Faisant application de la Convention de [Localité 6] du 14 mars 1978, le juge aux affaires familiales a retenu que la loi anglaise était applicable au régime matrimonial des époux entre le 10 septembre 1994 et le 29 août 2010, puis la loi française à partir du 29 août 2010.
M. [L] conteste cette décision et soutient que le régime anglais de séparation de biens s’applique après le 29 août 2010. Il estime que les époux, après les premières années de mariage passées en Grande-Bretagne, se sont installés en France en septembre 2001.
Il ajoute que l’épouse a quitté le domicile conjugal au mois de mai 2011 de sorte qu’il s’est passé moins de 10 ans de vie commune entre le retour en France et le départ de l’épouse. Il en déduit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 7 de la Convention de [Localité 6] du 14 mars 1978 prévoyant une modification automatique du régime matrimonial.
Mme [F] demande la confirmation du jugement. Elle souligne que les époux se sont installés en France au mois de mai 2000, un appartement a été loué à [Localité 9] puis les époux ont acquis en août 2000 la maison de [Localité 11].
Le débat opposant les parties devant la cour ne concerne que la question de la modification automatique de leur régime matrimonial, en application de l’article 7 de la Convention de [Localité 6] du 14 mars 1978, qui dispose :
La loi compétente en vertu des dispositions de la Convention demeure applicable aussi longtemps que les époux n’en ont désigné aucune autre et même s’ils changent de nationalité ou de résidence habituelle.
Toutefois, si les époux n’ont ni désigné la loi applicable, ni fait de contrat de mariage, la loi interne de l’Etat où ils ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable, aux lieu et place de celle à laquelle leur régime matrimonial était antérieurement soumis :
1. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si la nationalité de cet Etat est leur nationalité commune, ou dès qu’ils acquièrent cette nationalité, ou
2. lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans, ou
3. à partir du moment où ils y fixent leur résidence habituelle, si le régime matrimonial était soumis à la loi de l’Etat de la nationalité commune uniquement en vertu de l’article 4, alinéa 2, chiffre 3.
Les parties conviennent que depuis leur mariage, les époux étaient soumis au régime matrimonial de droit anglais pour avoir fixé leur première résidence habituelle après leur union à [Localité 7] (Angleterre, Grande-Bretagne).
La cour rappelle que s’il n’existe pas en droit anglais de concept précis de régime matrimonial, il est admis que le principe essentiel est celui de la séparation de biens absolue. Chaque époux conserve la propriété de ses biens possédés avant le mariage ou acquis pendant le mariage et a la totale gestion, administration et disposition de ses biens.
Afin de déterminer si ce régime matrimonial a été automatiquement modifié après l’installation des époux en France, il convient de trancher trois questions de fait :
– la date à laquelle les époux se sont installés en France,
– la date à laquelle la résidence habituelle commune des époux a cessé en France,
– la durée de la vie commune en France (plus ou mois de 10 ans).
A l’appui de son analyse, M. [L] produit :
– un avis d’imposition pour la taxe foncière 2001 de l’immeuble de [Localité 11] : ce document a été édité le 24 août 2001 et a été adressé aux époux à leur adresse de [Localité 7],
– le curriculum vita de Mme [F] mentionnant un emploi en 2001 à [Localité 7], une autre version de ce document indique un emploi en 2001 et 2002 à [Localité 10] (pièces 29 et 33),
– un relevé de l’assurance retraite selon lequel M. [L] a travaillé pour la société […] du 5 juin au 31 décembre 2000.
Pour sa part, Mme [F] produit les éléments suivants :
– le témoignage de Mme [S] qui relate un retour en France de Mme [F] au printemps 2000, avant l’installation de la famille dans la maison de [Localité 11],
– le témoignage de M. [A] [F], son frère, qui mentionne une installation de la famille dans la maison de [Localité 11] à l’automne 2000,
– les témoignages de ses soeurs, qui mentionnent un retour au mois de mai 2000 et au printemps 2000,
– une attestation de la caisse d’allocations familiales mentionnant le versement de prestations à partir du mois de juillet 2000,
– la déclaration de revenus de l’année 2000, signée des deux époux, mentionnant comme adresse au 1er janvier 2001 celle de [Localité 11], et un déménagement au cours de l’année 2000 (adresse précédente à [Localité 7]),
– des relevés bancaires de juillet à décembre 2000, au nom de Mme [F] domiciliée à [Localité 9], mentionnant des achats et des retraits d’espèces en France,
– le carnet de santé [H] mentionnant des vaccinations en France au mois de mai 2000,
– le carnet de santé d'[G] mentionnant un vaccin en France au mois de juin 2000,
– une lettre de la société […] confirmant l’engagement de M. [L] selon un contrat de travail à durée indéterminée, à [Localité 10] La Défense, à partir du 5 juin 2000.
Il résulte de l’analyse de l’ensemble de ces documents que la famille est rentrée en France au printemps 2000, qu’elle s’est d’abord installée dans un appartement de [Localité 9] avant de faire l’acquisition de l’immeuble de [Localité 11] au mois d’août 2000.
Au regard des éléments produits et de leurs dates convergentes, il convient de retenir le 1er juin 2000 comme date d’installation des époux en France.
M. [L] soutient que Mme [F] a quitté le domicile conjugal au mois de mai 2010 et a ainsi mis fin à la vie commune en France.
A l’appui de son affirmation il produit des factures d’électricité des années 2013 et 2014 au nom de Mme [F] à son adresse de [Localité 5].
Ces documents ne démontrent toutefois pas que l’abonnement aurait été souscrit au mois de mai 2011 comme il l’affirme.
Mme [F] ne produit aucun élément relatif à la date de son départ du domicile conjugal et indique qu’elle a quitté son époux au mois d’août 2011.
Cette date de séparation figure dans l’assignation en divorce de l’épouse, délivrée le 26 février 2015.
Les décisions judiciaires relatives au divorce des époux ne mentionnent pas de date de séparation.
Il convient donc de retenir cette date de séparation, de sorte que plus de 10 années se sont écoulées entre l’installation des époux en France (1er juin 2000) et la séparation du couple (août 2011).
En application du texte précité, le régime matrimonial des époux est devenu la communauté légale française à partir du 1er juin 2010.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
Sur la demande de licitation de l’immeuble indivis
Selon le projet d’état liquidatif établi le 8 avril 2014, l’immeuble de [Localité 11] a été acquis par les époux en indivision, le 29 août 2000, chaque époux disposant d’une moitié indivise de la propriété.
A cette époque, les époux étaient soumis au régime matrimonial anglais de séparation stricte des biens.
Le juge aux affaires familiales a relevé la mauvaise foi de M. [L] qui se maintient dans les lieux sans rembourser l’emprunt immobilier en cours, qui fait obstruction à toute vente amiable, tout en affirmant vouloir conserver le bien.
La demande de licitation a été rejetée au motif qu’il n’existe pas d’état liquidatif, que M. [L] affirme vouloir conserver le bien et qu’il n’y a pas d’estimation récente.
M. [L] demande la confirmation de cette décision et Mme [F] son infirmation, elle sollicite la licitation de l’immeuble indivis “sur la base de 1 086 000 euros”.
L’article 1686 du code civil dispose :
Si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ;
Ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s’en trouve quelques-uns qu’aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre,
La vente s’en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires.
L’article 1377 du code de procédure civile ajoute :
Le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.
La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 et, pour les meubles, dans les formes prévues aux articles R. 221-33 à R. 221-38 et R. 221-39 du code des procédures civiles d’exécution.
En l’espèce, les parties ne produisent ni l’acte d’acquisition de l’immeuble, qui comprend une description de celui-ci, ni description de l’immeuble, ni évaluation récente.
Mme [F] produit un commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 22 novembre 2021 à la demande de la société Crédit Logement, visant l’immeuble indivis de [Localité 11]. Les suites de cette procédure sont inconnues de la cour.
De plus, comme l’a exactement relevé le juge aux affaires familiales, les parties ne produisent aucune évaluation récente de l’immeuble.
Enfin, M. [L] affirme qu’il souhaite conserver l’immeuble indivis, mais n’exprime aucune demande d’attribution préférentielle.
Il sera donc sursis à statuer sur la demande de licitation de l’immeuble et il sera enjoint aux parties de produire les pièces nécessaires à la décision de la cour.
Sur la demande de fixation du montant de l’indemnité d’occupation
L’article 815-9 du code civil dispose :
Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Le juge aux affaires familiales a renvoyé les parties devant le notaire afin que celui-ci détermine le montant de l’indemnité d’occupation mise à la charge de M. [L].
Toutefois, en procédant ainsi, le juge aux affaires familiales a délégué ses pouvoirs au notaire, en méconnaissance de l’article 4 du code civil.
En appel, M. [L] soutient que Mme [F] n’est pas recevable à demander une indemnité d’occupation puisque le jugement de divorce, qui a autorité de chose jugée sur ce point, a rejeté la prétention à ce titre.
Toutefois, contrairement à ce que soutient M. [L], le jugement de divorce du 21 avril 2017 n’a pas rejeté la demande d’indemnité d’occupation de Mme [F] mais l’a déclarée irrecevable et a renvoyé les parties vers une liquidation amiable de leur régime matrimonial.
Dès lors, la demande de Mme [F], exprimée au cours de la nouvelle instance en partage judiciaire des intérêts patrimoniaux des anciens époux est recevable.
M. [L] soutient qu’il n’est pas redevable d’une indemnité d’occupation puisque son épouse a quitté le domicile conjugal de son propre chef et qu’il a remboursé l’emprunt immobilier jusqu’en avril 2014.
Il convient toutefois de relever que le principe d’une indemnité d’occupation ne peut plus être remis en cause, l’ordonnance de non-conciliation du 26 décembre 2013 ayant attribué à M. [L] la jouissance du domicile conjugal de [Localité 11] à titre onéreux et le fait que M. [L] indique avoir assumé l’emprunt immobilier étant sans effet sur l’indemnité d’occupation dont il est redevable à l’égard de l’indivision.
Le débat ne concerne donc plus que le montant de cette indemnité.
La cour relève qu’aucune partie ne produit d’évaluation récente de la valeur locative de l’immeuble indivis. Il y a donc lieu d’ordonner une réouverture des débats pour éclairer la cour sur ce point, afin qu’elle tranche cette question dans une décision postérieure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt avant dire droit, contradictoire rendu en dernier ressort,
CONFIRME le jugement prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles le 15 juillet 2021, sauf au titre de la nature du régime matrimonial des époux, de la licitation de l’immeuble indivis et de l’indemnité d’occupation,
Statuant à nouveau,
DIT qu’entre le 10 septembre 1994 et le 31 mai 2010, M. [L] et Mme [F] étaient mariés sous le régime matrimonial anglais de la séparation de biens absolue,
DIT qu’à partir du 1er juin 2010, M. [L] et Mme [F] étaient mariés sous le régime matrimonial de la communauté légale française,
Avant dire-droit sur la demande de licitation et sur le montant de l’indemnité d’occupation,
ORDONNE la communication, par la partie la plus diligente, des pièces suivantes :
– l’acte d’acquisition de l’immeuble indivis de [Adresse 12],
– la description de l’immeuble indivis de [Adresse 12],
– au moins trois évaluations, par des agences immobilières locales, de la valeur vénale et de la valeur locative de l’immeuble indivis de [Localité 11],
– les pièces relatives à la procédure de saisie visant l’immeuble indivis de [Localité 11],
RENVOIE les parties à l’audience de mise en état du 31 janvier 2023 pour la production des pièces sollicitées par la cour et pour leurs conclusions ne portant que sur la demande de licitation de l’immeuble indivis et le montant de l’indemnité d’occupation,
RESERVE les autres demandes des parties,
RESERVE les dépens.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,