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Le collège de l’Autorité nationale des jeux ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 49 et 56 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment le Titre II de son Livre III ;
Vu la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 modifiée relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, notamment le IV de son article 34 ;
Vu l’ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard ;
Vu le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l’Autorité nationale des jeux, notamment ses articles 6 à 10 ;
Vu l’arrêté du 9 avril 2021 définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs ;
Vu la décision n° 2022-013 du 20 janvier 2022 de l’Autorité nationale des jeux portant approbation du plan d’actions en vue de prévenir le jeu excessif ou pathologique et le jeu des mineurs pour 2022 de la société VIVARO LIMITED ;
Vu la communication n° 2022-C-001 du 17 février 2022 de l’Autorité nationale des jeux portant adoption de lignes directrices relatives aux contenus des communications commerciales des opérateurs de jeux d’argent et de hasard ;
Vu la communication n° 2022-C-002 du 17 février 2022 de l’Autorité nationale des jeux portant adoption de recommandations relatives aux communications commerciales des opérateurs de jeux agrées ou titulaires de droits exclusifs ;
Vu les demandes de la société VIVARO LIMITED du 24 janvier 2022, 26 janvier 2022 et 17 février 2022 tendant à l’approbation de sa stratégie promotionnelle pour l’année 2022 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après en avoir délibéré le 17 mars 2022,
Considérant ce qui suit : 1. L’article L. 320-2 du code de la sécurité intérieure dispose que les jeux d’argent et de hasard qui, à titre dérogatoire, sont autorisés en application de l’article L. 320-6 ne sont « ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ». Ainsi, l’exploitation de ces jeux, placée sous un régime de droits exclusifs ou d’agrément, fait l’objet d’un encadrement strict afin de prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public, particulièrement en matière de prévention contre l’assuétude au jeu et la protection des mineurs, contribuant ainsi à la préservation de l’objectif à valeur constitutionnelle du droit à la protection de la santé que garantit le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ces éléments ont justifié la mise en place d’une régulation exigeante de la publicité relative aux jeux d’argent. 2. Si la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 qui a ouvert le secteur des jeux d’argent et de hasard à la concurrence n’a pas exclu le droit pour les opérateurs légalement autorisés de promouvoir leur offre de jeux auprès du public, la lecture des travaux parlementaires montre que cette promotion devait seulement permettre de rendre publique l’offre de jeux légalement autorisée en la distinguant ainsi de l’offre de jeux illégale et elle n’avait pas vocation à servir d’instrument pour permettre aux opérateurs de jeux agréés de se livrer entre eux à une concurrence exacerbée, susceptible de conduire à une augmentation de la pression publicitaire et une intensification potentielle des pratiques de jeu.
3. Un développement excessif de la publicité serait d’ailleurs incompatible avec la raison impérieuse d’intérêt général tenant à la protection des consommateurs contre l’assuétude aux jeux d’argent et de hasard qui justifiait les restrictions apportées par le législateur français aux libertés d’établissement et de prestation de services, protégées respectivement par les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) indique en effet, selon une jurisprudence constante, qu’un Etat ne peut restreindre les libertés d’établissement et de prestation de services que s’il justifie de raisons impérieuses d’intérêt général, parmi lesquelles figurent en particulier la lutte contre la dépendance aux jeux d’argent et de hasard et la canalisation de l’offre de jeu dans un circuit contrôlé. L’Etat membre qui agit de la sorte doit toutefois mener une politique cohérente et systématique, ce qui implique qu’il exerce un contrôle continu et concret sur les opérateurs qu’il autorise à prester sur son territoire, en vérifiant que l’offre de jeux proposée par ces opérateurs, et la politique commerciale qui lui est adossée, ne soit pas à ce point attractive qu’elle revient, dans les faits, à empêcher la réalisation de l’objectif que l’Etat membre prétend poursuivre. C’est pourquoi il revient à l’Etat de veiller à ce que la stratégie promotionnelle de ces opérateurs auxquels il a délivré un agrément, pour dynamique qu’elle puisse être, ne suscite pas une pratique excessive des jeux d’argent ou du jeu des mineurs qu’elle doit par ailleurs contribuer à prévenir.
4. L’ordonnance du 2 octobre 2019 s’inscrit pleinement dans cette perspective de protection qu’elle vise à asseoir et renforcer. Ainsi, la politique de l’Etat en matière de jeux d’argent énoncée à l’article L. 320-3 du code de sécurité intérieure « a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin de [notamment] : 1° prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs (…) », les opérateurs étant tenus de concourir à la réalisation de celui-ci en application de l’article L. 320-4 du même code. L’objectif de prévention du jeu excessif ou pathologique et de protection des mineurs constitue désormais le premier des objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeux d’argent énoncé à l’article L. 320- 3 du code de sécurité intérieure, les opérateurs étant tenus de concourir à la réalisation de celui-ci en application de l’article L. 320-4 du même code. Plus spécifiquement, selon les dispositions du IV de l’article 34 de la loi du 12 mai 2010, les opérateurs titulaires de droits exclusifs et les opérateurs de jeux ou de paris en ligne soumettent, chaque année, à l’approbation de l’Autorité, dans des conditions fixées par le décret n°2020-1349 du 4 novembre 2020 susvisé, un document présentant leur stratégie promotionnelle sur tout support. Au terme de son examen, l’Autorité définit, le cas échéant, les conditions sous réserve desquelles la stratégie promotionnelle est approuvée et peut, par une décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs. Le non-respect de ces conditions peut conduire l’Autorité, le cas échéant, à saisir sa commission des sanctions sur le fondement de l’article 43 de la loi du 12 mai 2010 susvisée.
5. Il résulte de ces dispositions que l’Autorité doit s’assurer que la stratégie promotionnelle présentée chaque année par les opérateurs qu’elle a agréés permet de concilier, d’une part, leur objectif légitime de faire connaître leur offre de jeux au public et de se différencier de l’offre illégale, et, de l’autre, qu’elle n’excède pas ce qu’impose la satisfaction des objectifs légaux dont elle a la charge, en particulier celui visant à prévenir le jeu excessif ou pathologique et à protéger les mineurs.
6. En outre, l’approbation des stratégies promotionnelles pour 2022 intervient dans un contexte spécifique, marqué par la tenue de la Coupe du Monde de football en novembre prochain, qui constitue à la fois un événement de premier plan qui va structurer l’activité du marché des paris sportifs en 2022 et un point de vigilance majeur pour l’Autorité, compte tenu des excès qui ont pu être observés lors de l’Euro 2021 de football. Ces circonstances ont justifié, dans le prolongement de l’arrêté du 9 avril 2021 définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs susvisé, l’adoption par l’Autorité, le 17 février 2022, d’une part, de lignes directrices par lesquelles elle a livré son interprétation des dispositions du décret du 4 novembre 2020 relatives au contenu des communications commerciales en matière de jeux d’agent et, d’autre part, de recommandations proposant aux opérateurs des solutions concrètes et des bonnes pratiques afin de parvenir à une diminution de la pression publicitaire et de promouvoir une pratique récréative du jeu d’argent.
7. C’est à la lumière de l’ensemble de ces éléments qu’il incombe à l’Autorité d’examiner la demande d’approbation de la stratégie promotionnelle pour 2022 de la société VIVARO LIMITED.
8. En premier lieu, s’agissant de la protection des mineurs, l’Autorité relève que la stratégie promotionnelle de la société VIVARO LIMITED tend au ciblage des jeunes adultes. S’il n’est pas interdit par principe, un tel ciblage, même limité, peut susciter des interrogations dès lors que celui- ci vise une catégorie de la population qui présente un risque élevé de développer un jeu problématique. Surtout, cette focalisation s’avère d’autant plus préjudiciable que les jeunes adultes partagent souvent les mêmes centres d’intérêts, références culturelles et espaces de communication que les « mineurs adolescents », qui peuvent se voir ainsi directement et largement affectés par la stratégie promotionnelle de l’opérateur. A ce titre, la société VIVARO LIMITED doit veiller, pour l’ensemble de ses communications commerciales, à respecter les dispositions du D. 320-10 du code de la sécurité intérieure telles que l’Autorité les interprètent dans les lignes directrices susvisées.
9. Par ailleurs, le risque de jeu des mineurs, qui a été mis en évidence dans des proportions très préoccupantes par l’étude menée en 2021 par la Société d’entraide et d’action psychologique (SEDAP), se trouve accentué par le souhait de la société VIVARO LIMITED de conclure des partenariats avec de nouveaux influenceurs dans le cadre d’une stratégie de marketing digital très active visant les réseaux sociaux plébiscités par le jeune public. Aussi, il incombe à la société VIVARO LIMITED, dans le cadre du déploiement de sa stratégie promotionnelle, de limiter au maximum les communications commerciales qu’elle diffuse via les influenceurs et les réseaux sociaux lorsque ceux-ci présentent un risque spécifique d’exposition des mineurs.
10. En deuxième lieu, s’agissant de la prévention du jeu excessif, l’Autorité relève que, pour fidéliser sa clientèle existante et recruter de nouveaux joueurs, la société VIVARO LIMITED entend mobiliser une large gamme de techniques promotionnelles, marquée par le recours de plus en plus intensif au marketing digital et au ciblage publicitaire et qui, via la diffusion régulière de notifications commerciales et de gratifications financières, peut conduire à une stimulation importante des joueurs. Une telle stratégie apparait problématique en ce que, d’une part, elle tend à favoriser une intensification des pratiques de jeu et que, d’autre part, elle s’avère propice à vulnérabiliser davantage les consommateurs les plus fragiles, en particulier lorsqu’elle est liée à une offre de jeu présentant un risque élevé de jeu excessif. Aussi, l’Autorité demande à la société VIVARO LIMITED de limiter le recours à ces pratiques promotionnelles les plus incitatives.
11. En dernier lieu, s’agissant du risque global de pression publicitaire généré par la stratégie présentée, il ressort de l’instruction que la société VIVARO LIMITED entend conduire en 2022 une promotion ambitieuse de son offre, concentrée l’usage des leviers digitaux et assise sur un budget en forte augmentation. Une telle stratégie promotionnelle contribue à alimenter un risque d’intensification de la pression publicitaire, particulièrement à l’approche de la Coupe du Monde de football. Ce niveau de risque justifie qu’un point d’alerte soit adressé par l’Autorité à la société VIVARO LIMITED afin qu’elle s’attache à modérer sa politique promotionnelle.
12. Il résulte ainsi de ce qui précède qu’il n’y a lieu d’approuver la stratégie promotionnelle présentée par la société VIVARO LIMITED pour l’exercice 2022 que sous réserve des conditions prescrites aux articles 2 à 6 de la présente décision.
DÉCIDE :
Article 1er : L’Autorité nationale des jeux approuve la stratégie promotionnelle de la société VIVARO LIMITED pour l’année 2022, sous les conditions énoncées aux articles 2 à 6.
Article 2 : 2.1. La société VIVARO LIMITED s’assurera que le contenu de ses communications commerciales respecte les dispositions des articles D. 320-9 et D. 320-10 du code de la sécurité intérieure, telles qu’elles ont été interprétées par l’Autorité dans les lignes directrices susvisées du 17 février 2022. 2.2. En s’appuyant sur les orientations proposées par le cadre de référence susvisé du 9 avril 2021, la société VIVARO LIMITED évaluera avant la diffusion de toute campagne publicitaire d’envergure les risques qu’elle présente et prendra, le cas échéant, toute les mesures permettant de neutraliser ou réduire les risques ainsi identifiés. Cette analyse, dont l’opérateur devra pouvoir justifier de la réalisation auprès de l’Autorité, devra être effectuée au regard de critères objectifs et pertinents et sera complétée par une évaluation postérieure à la diffusion de la communication aux fins de mesurer son influence effective sur le public et en particulier sur les mineurs.
Article 3 : La société VIVARO LIMITED, qui est tenue de faire obstacle à la participation de mineurs aux jeux d’argent et de hasard, doit veiller à limiter au maximum l’exposition de ce public à ses communications commerciales. Pour ce faire, la société VIVARO LIMITED restreint drastiquement les communications commerciales qu’elle diffuse via les influenceurs et les réseaux sociaux disposant d’une audience principalement composée de personnes mineures (Snapchat, TikTok).
Conformément à la décision n° 2022-013 du 20 janvier 2022 portant approbation de son plan d’actions en vue de prévenir le jeu excessif ou pathologique pour 2022, la société VIVARO LIMITED devra ainsi mettre en place toute mesure adéquate pour prévenir le jeu des mineurs, en s’appuyant par exemple sur les mesures de restriction d’accès aux communications commerciales proposées au II.3 des recommandations de l’Autorité susvisées.
Article 4 : S’agissant plus spécifiquement des influenceurs et ambassadeurs, elle est invitée à se référer au II.2 des mêmes recommandations, qui suggère aux opérateurs de veiller à ce que leurs influenceurs ou ambassadeurs n’aient pas une forte popularité auprès des mineurs et plus précisément qu’ils ne disposent pas d’une audience supérieure ou égale à 16 % dans la tranche d’âge des 13-17 ans, quel que soit le support médiatique concerné.
Article 5 : 5.1. La société VIVARO LIMITED veille à adopter un usage modéré des outils promotionnels les plus attractifs, notamment ceux fondés sur le marketing direct et le ciblage publicitaire. A ce titre, elle est invitée sur ce point à se référer au II.1 des recommandations de l’Autorité susvisées et à limiter le nombre de communications commerciales par jour et par support envoyées aux utilisateurs (par site internet, par plateforme sociale et par moteur de recherche). Par ailleurs, la société VIVARO LIMITED doit prévenir l’exposition à ces mécanismes des joueurs qu’elle identifie, en application de la décision n°2022-013 du 20 janvier 2022 susvisée, comme potentiellement excessifs ou pathologiques et les exclure, comme elle s’y engage, de la liste de diffusion des communications commerciales qui leur sont adressées (tel que les courriers électroniques, les notifications sur les applications de jeu, les SMS ou les appels téléphoniques). 5.2. Il incombe à la société VIVARO LIMITED de veiller, d’une part, à ce que les gratifications financières qu’elle propose pour recruter ou fidéliser les joueurs demeurent modérées, loyales et compréhensibles par le public et, d’autre part, à ne pas octroyer ces gratifications aux joueurs qu’elle identifie comme potentiellement excessifs ou pathologiques. Elle porte, à ce titre, une attention particulière lorsque ces gratifications s’adressent aux joueurs dont les pratiques de jeu sont les plus intensives en termes de fréquence et de dépenses de jeu, afin d’éviter de favoriser un basculement vers un jeu excessif ou pathologique. La société VIVARO LIMITED est invitée sur ce point à se référer aux recommandations qui seront prochainement adoptées par l’Autorité en matière de gratifications financières.
Article 6 : Dans le cas où la société VIVARO LIMITED souhaiterait modifier sa stratégie promotionnelle en cours d’année, elle en informera l’Autorité selon les mêmes modalités que celles prévues par le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 susvisé et au plus tard deux mois avant la mise en œuvre des actions ou mesures correspondant à cette modification. L’Autorité se prononcera sur la modification projetée dans les deux mois suivant la réception de cette information.
Article 7 : Le directeur général de l’Autorité nationale des jeux est chargé de l’exécution de la présente décision qui sera notifiée à la société VIVARO LIMITED et publiée sur le site Internet de l’Autorité.
Fait à Paris, le 17 mars 2022.
La Présidente de l’Autorité nationale des jeux
Isabelle FALQUE-PIERROTIN