Décision 63-342/343/345 AN – 09 juillet 1963 – A.N., Réunion (2ème circ.) – Rejet

·

·

Décision 63-342/343/345 AN – 09 juillet 1963 – A.N., Réunion (2ème circ.) – Rejet
Ce point juridique est utile ?

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel,

Vu l’article 59 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l’ordonnance du 13 octobre 1958 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale ;

Vu le Code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Vu : 1° la requête présentée par le sieur Paul Benard, demeurant à Saint-Paul (Réunion), ladite requête enregistrée le 16 mai 1963 à la préfecture de la Réunion et tendant à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 5 mai 1963 dans la 2e circonscription de ce département pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;

2° la requête présentée par le sieur Bruny Payet, demeurant à Saint-Denis (Réunion), 76, rue du Maréchal-Leclerc, ladite requête enregistrée comme ci-dessus le 16 mai 1963 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel

statuer sur les mêmes opérations électorales ;

3° la requête présentée par le sieur Pajany, ladite requête enregistrée au secrétariat du Conseil constitutionnel le 27 mai 1963 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil statuer sur les mêmes opérations électorales ;

Vu les observations en défense présentées pour le sieur Marcel Vauthier, député, lesdites observations enregistrées le 18 juin 1963 au secrétariat du Conseil constitutionnel ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que les requêtes susvisées des sieurs Benard, Payet et Pajany sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

Sur la requête du sieur Pajany :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel “l’élection d’un député ou d’un sénateur peut être contestée devant le Conseil constitutionnel durant les dix jours qui suivent la proclamation des résultats du scrutin” ; qu’en vertu de l’article 34 de la même ordonnance “le Conseil constitutionnel ne peut être saisi que par une requête écrite adressée au secrétariat général du Conseil, au préfet ou au chef du territoire” ;

3. Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier que la proclamation des résultats du scrutin du 5 mai 1963 pour l’élection d’un député dans la 2e circonscription de la Réunion a été faite le 6 mai 1963 ; qu’ainsi le délai de dix jours fixé à l’article 33 sus-rappelé de l’ordonnance du 7 novembre 1958 a expiré le 16 mai 1963, à minuit ;

4. Considérant que la requête du sieur Pajany, directement adressée au Conseil constitutionnel, n’a été enregistrée au secrétariat dudit Conseil que le 27 mai 1963, soit après l’expiration du délai ci-dessus mentionné, que, dès lors, elle n’est pas recevable ;

Sur les requêtes des sieurs Benard et Payet :

Sur les griefs tirés des irrégularités qui auraient été commises dans l’établissement des listes électorales et dans les opérations préparatoires au scrutin :

5. Considérant que le sieur Payet soutient que de nombreux électeurs auraient été irrégulièrement écartés des listes électorales alors que d’autres électeurs auraient, au contraire, bénéficié d’inscriptions multiples ; que, d’une part, il appartenait aux électeurs qui estimaient avoir été omis ou rayés à tort des listes électorales de présenter, dans les conditions prévues aux articles 25 à 39 du Code électoral, une réclamation à la commission municipale et, le cas échéant, au juge d’instance ; qu’il n’est pas établi que les intéressés aient usé de cette faculté ; que, d’autre part, il ne ressort pas des pièces versées au dossier, ni que des électeurs aient été irrégulièrement exclus des listes, ni que d’autres électeurs aient émis plusieurs votes à la faveur d’une inscription sur plusieurs listes ;

6. Considérant que la création, la suppression ou le déplacement de bureaux de vote a pu créer un trouble dans l’esprit de certains électeurs ou éloigner parfois le lieu de vote de leur résidence, mais qu’il n’est pas établi que ces mesures administratives aient eu pour but ou pour effet d’influencer le résultat de l’élection ;

7. Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à l’Administration l’obligation de procéder à une nouvelle distribution de cartes d’électeur ; qu’il n’est établi ni que, sur la présentation de leur ancienne carte, des électeurs aient été empêchés de voter, ni que la délivrance des attestations d’inscription sur les listes électorales, prescrite par l’autorité préfectorale en vue de permettre à des électeurs inscrits sur les listes et ayant perdu leur carte de participer à la consultation électorale, ait été refusée à des personnes qui pouvaient y prétendre ;

8. Considérant, enfin, que, si le sieur Payet soutient que des cartes électorales auraient été délivrées au nom d’électeurs décédés et que des attestations d’inscription sur les listes électorales auraient été remises à des personnes non inscrites sur les listes ou déjà pourvues de leur carte d’électeur, il n’est pas établi que des votes aient été émis irrégulièrement sur la présentation de tels documents ;

Sur les griefs tirés de pressions et d’actes de violence exercés au cours de la campagne électorale et le jour du scrutin :

9. Considérant qu’il ressort du dossier que dans certaines localités les opérations

électorales ont été accompagnées de menaces et d’actes de violence émanant notamment de groupes d’individus en vue soit de troubler des réunions électorales, soit d’empêcher des électeurs de participer à la consultation, soit d’inviter d’autres électeurs à voter pour un candidat déterminé ; que, si répréhensibles qu’ils soient, ces procédés, qui ont, d’ailleurs, été utilisés par des partisans des divers candidats en présence, n’ont pu avoir pour effet de modifier le résultat d’ensemble du scrutin ;

Sur les griefs tirés d’irrégularités commises au cours du déroulement du scrutin et des opérations de dépouillement :

10. Considérant que les requérants relèvent que dans de nombreuses localités les assesseurs et délégués désignés par eux auraient été irrégulièrement expulsés ou contraints sous la menace de signer les procès-verbaux des opérations électorales et que, dès lors, le scrutin et le dépouillement des votes n’auraient pas présenté les garanties de sincérité requises ;

11. Considérant que ces allégations, qui reposent sur les seules attestations de certains assesseurs et des délégués des requérants et n’ont d’ailleurs donné lieu à aucune réclamation portée aux procès-verbaux, ne sont pas établies ; qu’il résulte, au contraire, des pièces du dossier, d’une part, que dans la plupart des bureaux de vote cités par eux lesdits assesseurs et délégués n’ont pas été expulsés, mais ne se sont pas présentés ou ont quitté librement le bureau ; d’autre part, que si, dans quelques bureaux, des mesures d’expulsion sont intervenues sur réquisition régulière du président, ces mesures ont été motivées par des incidents suscités par les personnes qui en ont été l’objet ;

12. Considérant que, si les requérants soutiennent que des bulletins auraient été frauduleusement introduits dans l’urne dans le 1er bureau de Saint-Deu et dans le 2e bureau de Saint-Paul et déposés sur les tables de dépouillement dans le 6e bureau de cette dernière localité, l’existence de ces fraudes, qui n’ont fait l’objet d’aucune protestation au procès-verbal, ne saurait être regardée comme établie ; que, contrairement aux allégations des sieurs Benard et Payet, formulées sur la foi de renseignements erronés publiés par un organe de presse local, il résulte du procès-verbal des opérations électorales du 2e bureau de Saint-Paul que ces candidats ont obtenu un nombre total de voix supérieur au nombre des suffrages qui se sont portés sur le sieur Vauthier ;

13. Considérant, enfin, que les autres irrégularités invoquées, notamment celles résultant de ce que des électeurs auraient été invités à ne prendre que les bulletins libellés au nom du candidat proclamé élu ou se seraient abstenus de passer par l’isoloir, de ce que des scrutateurs auraient été écartés des opérations de dépouillement et de ce que, dans deux bureaux de vote, il aurait été omis de décompter les enveloppes trouvées dans l’urne et les émargements, même en tenant pour établies certaines d’entre elles, n’ont pu exercer une influence déterminante sur le résultat de l’élection, alors surtout que ces faits n’ont pas été commis au seul avantage de la candidature du sieur Vauthier;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’annulation de l’élection contestée ;

Décide :

Article premier :

Les requêtes susvisées des sieurs Benard, Payet et Pajany sont rejetées.

Article 2 :

La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juillet 1963.

ECLI:FR:CC:1963:63.342.AN


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x