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Texte intégral
Le Conseil constitutionnel,
Vu l’article 59 de la Constitution ;
Vu l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu la requête présentée par le sieur Vergès, demeurant 87, rue Pasteur, à Saint-Denis (la Réunion), ladite requête enregistrée le 16 mai 1963 à la préfecture de la Réunion et tendant à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 5 mai 1963 dans la 1er circonscription du département de la Réunion pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par le sieur Debré, député, lesdites observations enregistrées le 27 juin 1963 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu les procès-verbaux de l’élection ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur les griefs tirés de ce que des irrégularités auraient été commises dans l’établissement des listes électorales et dans le déroulement des opérations préparatoires au scrutin.
1. Considérant que le sieur Vergès soutient que de nombreux électeurs auraient été irrégulièrement écartés des listes électorales alors que d’autres électeurs auraient, au contraire, bénéficié d’inscriptions multiples ; que, d’une part, il appartenait aux électeurs qui estimaient avoir été omis ou rayés à tort des listes électorales de présenter, dans les conditions prévues aux articles 25 à 39 du Code électoral, une réclamation à la commission municipale et, le cas échéant, au juge d’instance ; qu’il n’est pas établi que les intéressés aient usé de cette faculté ; que, d’autre part, il ne ressort des pièces versées au dossier ni que des électeurs aient été irrégulièrement exclus des listes, ni que d’autres électeurs aient émis plusieurs votes à la faveur d’une inscription sur plusieurs listes ;
2. Considérant que la création, la suppression ou le déplacement de bureaux de vote a pu créer un trouble dans l’esprit de certains électeurs ou éloigner parfois le lieu de vote de leur résidence, mais qu’il n’est pas établi que ces mesures administratives aient eu pour but ou pour effet d’influencer le résultat de l’élection ;
3. Considérant que, d’une part, aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à l’Administration l’obligation de procéder à une nouvelle révision des listes électorales non plus qu’à une nouvelle distribution de cartes d’électeur ; que, d’autre part, il n’est établi ni que, sur la présentation de leur ancienne carte, des électeurs aient été empêchés de voter, ni que la délivrance des attestations d’inscription sur les listes électorales, prescrites par les services préfectoraux, en vue de permettre à des électeurs inscrits sur les listes et ayant perdu leur carte de participer à la consultation électorale, ait été refusée à des personnes qui pouvaient y prétendre ;
Sur les griefs tirés de ce que des pressions et des menaces auraient été faites sur les électeurs au cours de la campagne électorale et le jour du scrutin :
4. Considérant que le requérant soutient que le personnel de certaines entreprises aurait été invité à se rendre à une réunion électorale du sieur Debré et que certains fonctionnaires auraient été l’objet de pressions analogues ; que ces faits, à les supposer établis, n’ont pu, en raison du nombre limité d’électeurs qu’ils concernent, exercer une influence déterminante sur les résultats du scrutin ;
5. Considérant que, dans un communiqué remis à la presse, l’évêque de Saint-Denis-de-la-Réunion a déclaré qu’un catholique ne pouvait appuyer de son vote la doctrine communiste ; que cette déclaration, intervenue en réponse à l’interprétation donnée par le sieur Vergès d’une précédente lettre pastorale de l’évêque condamnant la fraude électorale, n’a pas, dans les circonstances de l’affaire, présenté le caractère d’une manoeuvre de nature à entraîner l’annulation de la consultation ;
6. Considérant que les autorités .préfectorales ne doivent pas prendre part aux campagnes électorales ; qu’en l’espèce, les interventions du Préfet de la Réunion si répréhensibles qu’aient été certaines d’entre elles, n’ont pu avoir une influence suffisante sur la consultation pour en modifier le résultat, en raison de l’écart considérable séparant les nombres de voix respectivement recueillies par chacun des deux candidats en présence ;
Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin :
7. Considérant que les griefs invoqués par le requérant et tirés de ce que diverse irrégularités auraient été commises au cours du scrutin et lors du dépouillement des bulletins ne sauraient être retenus ; qu’en effet, lesdites irrégularités, qui ne sont pas mentionnées dans les procès-verbaux, ne résultent que des seules attestations d’assesseurs appartenant au même parti que le sieur Vergès et des délégués de celui-ci ainsi que de relations faites par des journalistes qui ont reconnu eux-mêmes n’avoir pas été témoins des faits rapportés ;
8. Considérant enfin que la circonstance que le pourcentage des votants ait été supérieur à celui des précédentes consultations ne saurait en aucune façon constituer une présomption de fraude ; que le fait que le sieur Debré a recueilli un nombre de voix très important ne saurait davantage, à lui seul, faire présumer l’existence d’irrégularités dans le déroulement du scrutin ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée du sieur Vergès est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juillet 1963.
ECLI:FR:CC:1963:63.341.AN