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SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 novembre 2022
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1167 F-D
Pourvoi n° V 21-16.041
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022
M. [W] [M], domicilié [Adresse 1], [Localité 4], a formé le pourvoi n° V 21-16.041 contre l’arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d’appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l’opposant à l’association Initiative Pyrénées, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [M], de la SCP Boullez, avocat de l’association Initiative Pyrénées, après débats en l’audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 4 mars 2021), M. [M] a été engagé, à compter du 9 octobre 2006, en qualité de directeur général, par le Comité départemental de développement économique (CDDE) des Hautes-Pyrénées, structure créée par le conseil général des Hautes-Pyrénées, devenu l’association Initiative Pyrénées.
2. Par lettre du 2 décembre 2016, il a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement et informé des motifs économiques à l’origine de cette rupture. Après qu’il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé, le contrat de travail a été rompu le 23 décembre 2016.
3. Il a saisi la juridiction prud’homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de le débouter de l’ensemble de ses demandes, alors « que seule une cessation complète et définitive de l’activité de l’employeur peut constituer par elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier ; qu’une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la cessation d’une des activités de l’entreprise résulte de la décision d’un tiers ou de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle ; que, pour dire le licenciement pour motif économique du salarié justifié, la cour d’appel a retenu que “la cessation par le CDDE de son activité de développement économique qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement” ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’elle constatait que le CDDE avait pris, le 6 avril 2017, le nom d’Initiative Pyrénées, que l’entreprise avait conservé neuf salariés et que celle-ci avait assumé la poursuite de certaines missions jusqu’alors accomplies par le CDDE, ce dont il résultait que “la suppression de l’activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure” ne constituait pas une cessation complète de l’activité de l’employeur, de sorte que le motif économique de licenciement invoqué par l’employeur n’était pas caractérisé, la cour d’appel, qui n’a par ailleurs nullement caractérisé l’existence de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a violé l’article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause :
5. Selon ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à la cessation d’activité de l’entreprise. Seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute de ce dernier. Une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
6. Pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse
l’arrêt retient que l’employeur, qui ne pouvait plus légalement poursuivre ses activités dans le domaine du développement économique départemental à compter du 1er janvier 2017, a pris le nom d’Initiative Pyrénées avec pour objet le pilotage de la plate-forme d’initiative locale, anciennement Initiative Bigorre, que la poursuite de certaines des missions accomplies jusqu’alors par le CDDE n’est pas de nature à remettre en question la suppression de l’activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure. Elle a ensuite retenu que la cessation par le CDDE de son activité de développement économique, qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général, constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement.
7. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que la cessation d’activité n’était que partielle, peu important que cette cessation résultât de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 mars 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;
Condamne l’association Initiative Pyrénées aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’association Initiative Pyrénées et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [M]
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
M. [W] [M] fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que son licenciement est fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et de l’AVOIR débouté de l’ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE la lettre accompagnant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle doit préciser les raisons économiques du licenciement ; qu’à défaut, la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse ; qu’en déboutant M. [M] de l’ensemble de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, cependant qu’elle constatait que « la lettre d’énonciation des motifs de licenciement remise le 2 décembre 2016 à M. [M] au moment de la présentation du CSP, mentionne : « Nous envisageons de rompre votre contrat de travail pour les motifs économiques suivants : Suite à la loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, les activités du CDDE dans le domaine du développement économique département ne pourront plus être maintenues et seront transférées à la région. De ce fait, les financements correspondants accordés précédemment au CDDE ne pourront plus être poursuivis à compter du 1er janvier 2017 par le Conseil Départemental. Cette suppression d’activité implique donc la suppression de votre poste de Directeur Général du CDDE. A ce titre, la continuation de l’exécution de votre contrat de travail au sein du CDDE deviendra donc impossible après la date du 31 décembre 2016. C’est dans ce contexte que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement pour motif économique dans le cadre de la suppression de votre poste de travail lié à la suppression de l’activité du développement économique départemental du CDDE (?) » », ce dont il résultait que la lettre accompagnant la proposition du contrat de sécurisation professionnelle ne visait pas l’un des motifs économiques prévus par l’article L. 1233-3 du code du travail et ne répondait pas aux exigences de motivation de l’article L. 1233-16 du code du travail, la cour d’appel a violé ces textes, le premier en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le second en sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE seule une cessation complète et définitive de l’activité de l’employeur peut constituer par elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier ; qu’une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que la cessation d’une des activités de l’entreprise résulte de la décision d’un tiers ou de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle ; que, pour dire le licenciement pour motif économique de M. [M] justifié, la cour d’appel a retenu que « la cessation par le CCDE de son activité de développement économique qui a rendu impossible le maintien du poste de directeur général constitue un motif économique réel et sérieux de licenciement » ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’elle constatait que le CDDE avait pris, le 6 avril 2017, le nom d’Initiative Pyrénées, que l’entreprise avait conservé neuf salariés et que celle-ci avait assumé la poursuite de certaines missions jusqu’alors accomplies par le CDDE, ce dont il résultait que « la suppression de l’activité principale de développement économique antérieurement exercée par la structure » ne constituait pas une cessation complète de l’activité de l’employeur, de sorte que le motif économique de licenciement invoqué par l’employeur n’était pas caractérisé, la cour d’appel, qui n’a par ailleurs nullement caractérisé l’existence de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a violé l’article L. 1233-3 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
3°) ALORS, plus subsidiairement, QUE l’employeur doit proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé tous les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut, d’une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l’intéressé de les refuser ; que, pour dire que l’employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d’appel a retenu que « le salarié qui avait un projet précis de création d’entreprise qu’il a d’ailleurs mené à terme, ne souhaitait aucun reclassement en externe, de sorte que l’employeur n’a pas manqué à son obligation en ne lui soumettant pas avant la rupture du contrat de travail une autre proposition que celle qu’il avait déclinée » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, cependant qu’il appartenait à l’employeur, quel que fût le souhait exprimé par le salarié, de lui proposer tous les postes de reclassement disponibles, la cour d’appel – qui n’a constaté que l’employeur se trouvait dans l’impossibilité de lui en proposer, en l’absence d’emploi disponible – a violé l’article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
4°) ALORS, très subsidiairement, QUE, pour statuer comme elle l’a fait, la cour d’appel a retenu, d’une part, que le procès-verbal du conseil d’administration du CDDE du 9 novembre 2016 indiquait que « [U] [F] et [W] [M] ont souhaité faire des choix personnels différents (?) [W] [M] souhaite à ce stade adresser ses remerciements aux élus du département (?) puis il donne quelques détails au sujet du projet scientifique et industriel qu’il envisage de développer à titre personnel dans les Hautes-Pyrénées », d’autre part, que « le salarié a effectivement créé une Sasu Le Divin, installée à Bagnères-de-Bigorre et spécialisée dans l’ingénierie et les services techniques, ce qu’il a confirmé par mail du 12 octobre 2016 à la directrice des services du Conseil départemental » ; qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la volonté de M. [M] de refuser tous postes de reclassement, notamment auprès de l’agence régionale Madeeli dont il était constant qu’elle s’était engagée à reprendre l’ensemble des salariés du CDDE concernés par un licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que des articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
5°) ALORS, plus subsidiairement encore, QU’en l’espèce, il résulte des écritures d’appel prises par l’association Initiative Pyrénées et du bordereau des pièces annexé à celles-ci que l’employeur n’a, ni invoqué, ni produit une proposition de reclassement adressée personnellement à M. [M] (cf. conclusions d’appel pp. 20 et 21) ; que, pour débouter le salarié de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que « l’employeur n’a pas manqué à son obligation en ne lui soumettant pas avant la rupture du contrat de travail une autre proposition que celle qu’il avait déclinée » ; qu’en statuant ainsi, sans préciser sur quel élément elle fondait sa prétendue constatation que l’employeur aurait adressé au salarié une proposition de reclassement, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
6°) ET ALORS, infiniment subsidiairement, QU’il appartient à l’employeur de proposer au salarié menacé de licenciement pour motif économique, de manière écrite et personnalisée, les emplois disponibles en rapport avec ses compétences, au besoin en lui faisant bénéficier d’une formation d’adaptation ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans constater que la proposition de reclassement était écrite et personnalisée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ainsi que des articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail en leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.