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SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 28 septembre 2022
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 998 F-D
Pourvoi n° V 20-21.166
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
1°/ La société Groupe [P], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ la société MA, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° V 20-21.166 contre l’arrêt rendu le 17 juin 2020 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [X] [F], épouse [G], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Groupe [P] et MA, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [F], après débats en l’audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 17 juin 2020), Mme [F], épouse [G] (la salariée), salariée de la société MA, a vu son contrat de travail rompu pour motif économique le 14 octobre 2013, après la mise en place en juin 2013 d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sein de l’unité économique et sociale [P], composée de dix-sept sociétés dont la société mère est la société Groupe [P].
2. Contestant le bien-fondé de la rupture, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation de son préjudice d’anxiété à l’encontre de la société MA et la société Groupe [P] (les sociétés) invoquant la qualité de coemployeur de cette dernière.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les sociétés font grief à l’arrêt de les déclarer coemployeurs, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de les condamner in solidum à payer à la salariée des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation du préjudice d’anxiété, alors « que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ; qu’en affirmant qu’il existait une immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [P] dans les affaires la société MA justifiant qu’il lui soit attribué la qualité de coemployeur dès lors que la société Groupe [P] était l’unique associé de la société MA, que les différents services de direction et administratifs de cette dernière étaient délégués aux sociétés Groupe [P] et [P] logistique qui lui dispensaient des prestations de service, que la direction des ressources humaines de la filiale était assurée par la société Groupe [P] qui avait élaboré le plan de restructuration et le plan de sauvegarde de l’emploi, que les propositions de reclassement avaient été adressées par la direction des ressources humaines du Groupe [P], qu’aucun cadre de la société MA n’était en charge de la gestion économique et sociale de l’entreprise, sans toutefois caractériser que cette immixtion conduisait à la perte totale d’autonomie d’action de la société MA, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1221-1 du code du travail :
5. Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
6. Pour déclarer la société Groupe [P] coemployeur avec la société MA, les condamner in solidum au paiement à la salariée de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation du préjudice d’anxiété, ordonner le remboursement in solidum par elles aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées, l’arrêt retient que la société Groupe [P] détient directement ou indirectement 100 % des titres de chacune de ses filiales, dont la société MA, laquelle a pour unique associée la société Groupe [P] et qu’il existe une concentration des pouvoirs de direction entre les différentes sociétés du Groupe [P], chacune étant dirigée soit par M. [U] [P] soit par M. [T] [P], la société MA étant dirigée par la société Groupe [P], laquelle a pour président du conseil de surveillance M. [T] [P] et pour président du directoire M. [U] [P].
7. Il ajoute que les services de direction et administratifs dits de « support » sont centralisés pour les sociétés du groupe : direction commune, DRH centralisée (recrutement, formalisation des contrats, formation professionnelle des salariés), direction financière commune, système administratif et informatique commun, service de communication centralisé, services juridique et comptable centralisés (gestion des salaires, règlements intérieurs des sociétés, participation aux réunions des instances représentatives). Il relève que la note d’information du projet de réorganisation du Groupe [P] remis aux membres du comité central d’entreprise le 15 mars 2013 précise à cet égard que le groupe comporte un pôle d’activité « support », composé des sociétés Groupe [P] et [P] logistique qui dispensent aux autres sociétés du Groupe des prestations de services de type administratif pour la première et logistique pour la seconde.
8. Il retient également que le projet de restructuration dénommé « projet R2015 » a été élaboré par la direction générale du Groupe [P], tandis que le plan de sauvegarde de l’emploi l’a été au niveau de l’UES [P].
9. Il souligne enfin que toute la procédure de reclassement, de proposition d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, de licenciement de même que la délivrance des certificats de travail ont tous été adressés aux salariés par la directrice des ressources humaines du Groupe [P], dont il n’est ni démontré ni même soutenu qu’elle est salariée de la société MA
10. Il conclut que si l’intervention du groupe dans l’accompagnement du PSE ne caractérise pas nécessairement une situation de coemploi, en revanche, l’immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [P] dans les affaires de sa filiale est démontrée par la direction et la gestion du personnel qui sont assurés par la société mère, laquelle a de ce fait la qualité d’employeur, sa filiale, la société MA, ne se comportant plus comme le véritable employeur à l’égard de ses salariés.
11. En se déterminant ainsi, quand la centralisation de services supports et la gestion des ressources humaines au moment de la procédure collective ne pouvaient caractériser une situation de coemploi, sans rechercher si la filiale ne disposait pas du pouvoir réel de conduire ses affaires dans le domaine de la gestion économique et sociale et si la société mère avait capté ses prérogatives attachées à sa condition d’employeur et ainsi caractériser une immixtion permanente de la société Groupe [P] dans la gestion économique et sociale de la société employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à verser à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété, alors « qu’en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu’en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que la salariée avait été exposée personnellement à son poste de travail à des poussières d’amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l’origine d’un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l’amiante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
13. La salariée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que les employeurs n’avaient jamais contesté leur exposition à l’amiante décelée sur le site de [Localité 3] où elle était affectée.
14. Cependant, il résulte de la lecture des conclusions des sociétés qu’elles ne contestaient pas que la salariée ait jamais été exposée à l’amiante mais précisaient qu’elle ne l’avait jamais été à des taux pouvant mettre en danger sa sécurité et sa santé au travail.
15. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 4121-1 dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, L. 4121-2 dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
16. En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
17. Le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété subi résultant de ce risque.
18. Pour condamner in solidum les sociétés à payer aux salariées une indemnité en réparation de leur préjudice d’anxiété, l’arrêt retient, concernant le site « Les Pins », qu’en 2008, un rapport de l’APAVE faisait état de la présence de plaques en amiante dégradées dans les faux plafonds d’un entrepôt du site, qu’en 2011, l’APAVE signalait que les résultats d’empoussièrement ne montraient pas de présence d’amiante qu’en 2012, un nouveau rapport de l’APAVE soulignait que « les niveaux d’empoussièrement en fibres d’amiante mesurées étaient inférieurs au seuil de référence de 5 fibres/litres d’air et que les travaux préconisés par l’inspecteur du travail et l’APAVE n’avaient pas été réalisés. »
19. Il ajoute concernant le site « [Localité 5] » qu’en 2008, un rapport de l’APAVE faisait état de la « présence d’amiante dans les dalles de sol et dans la colle, dans le local DP étage, le local de stockage matière première, au rez-de-chaussée, dans la salle de restaurant (dalle de sol et poteaux coffrage perdu), dans le mur extérieur bâtiment C2, le rez-de-chaussée bâtiment C2 (notamment sur des dalles de sol) », que dans ce rapport, un état dégradé de ces plaques n’était noté que pour « des dalles de sol noires prélèvement n° 10 dans les locaux produits finis et quai expédition » et « des dalles de sol gris clair prélèvement n° 4 dans le bureau stockage matière première au 1er étage », qu’en 2012, l’inspection du travail notait « la présence d’amiante dans les dalles (et/ou colle) de sol », des « sols détériorés et la circulation quotidienne des salariés et matériels mécaniques, l’amiante friable qui permettait l’émission de fibres dans l’atmosphère », qu’à l’occasion de trois rapports de 2013, il avait été mesuré un niveau inférieur à la valeur limite d’exposition professionnelle.
20. Il souligne également concernant les deux sites, qu’alors que le CHSCT et les organisations syndicales avaient alerté l’employeur et que l’inspection du travail avait préconisé la réalisation de travaux, l’employeur n’avait pas exécuté dans les délais impartis les travaux nécessaires pour prévenir le risque d’exposition et que malgré les rapports et contrôles, ainsi que les alertes, aucune mesure n’avait été prise hormis la fermeture tardive des sites concernés, qu’il importe peu à cet égard que les taux d’amiante relevés n’aient pas excédé la valeur limite d’exposition professionnelle, dès lors d’une part, que les conditions dans lesquelles les mesures ont été effectuées, en dehors de la présence des salariés, ne permettent pas d’en assurer la totale fiabilité, et que, d’autre part, l’exposition des salariés à l’amiante est avérée, seul l’empoussièrement à un taux élevé n’étant pas établi.
21. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, une exposition personnelle de la salariée, à des poussières d’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquence de la cassation
22. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l’arrêt fondant la décision de condamner la société MA, en sa qualité d’employeur, au paiement de sommes, la cassation ne peut s’étendre à cette disposition de l’arrêt qui n’est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l’arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare la société Groupe [P] et la société MA coemployeurs de Mme [F], condamne la société Groupe [P] à payer in solidum avec la société MA à Mme [F], épouse [G], une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme en réparation du préjudice d’anxiété, ordonne à la société Groupe [P] le remboursement in solidum avec la société MA aux organismes concernés des indemnités de chômage versées le cas échéant à la salariée, condamne la société MA à payer à Mme [F], épouse [G], une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d’anxiété, l’arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ;
Remet sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne Mme [F], épouse [G], aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Groupe [P], la société MA
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Groupe [P] et MA font grief à l’arrêt confirmatif attaqué de les AVOIR déclarées coemployeurs, d’AVOIR dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de les AVOIR par conséquent condamnées in solidum à payer à la salariée des sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en réparation du préjudice d’anxiété ainsi que de leur AVOIR ordonné le remboursement in solidum des indemnités de chômage.
ALORS QUE hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ; qu’en affirmant qu’il existait une immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [P] dans les affaires la société MA justifiant qu’il lui soit attribué la qualité de coemployeur dès lors que la société Groupe [P] était l’unique associé de la société MA, que les différents services de direction et administratifs de cette dernière étaient délégués aux sociétés Groupe [P] et [P] Logistique qui lui dispensaient des prestations de service, que la direction des ressources humaines de la filiale était assurée par la société Groupe [P] qui avait élaboré le plan de restructuration et le plan de sauvegarde de l’emploi, que les propositions de reclassement avaient été adressées par la direction des ressources humaines du groupe [P], qu’aucun cadre de la société MA n’était en charge de la gestion économique et sociale de l’entreprise, sans toutefois caractériser que cette immixtion conduisait à la perte totale d’autonomie d’action de la société MA, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Groupe [P] et MA font grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de les AVOIR condamnées in solidum à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de leur AVOIR ordonné le remboursement in solidum des indemnités de chômage.
1° ALORS QUE l’employeur doit rechercher s’il existe des possibilités de reclassement et proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles, de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin une formation d’adaptation ; qu’il n’est pas tenu de proposer des postes disponibles de catégorie supérieure nécessitant que soit assurée une formation initiale faisant défaut aux salariés concernés ; qu’en reprochant aux coemployeurs d’avoir adressé à la salariée une liste non individualisée et imprécise de postes disponibles nécessitant un niveau de compétence et d’expérience ne pouvant être acquis dans un délai raisonnable, quand ces postes ne relevaient pas de l’obligation de reclassement, la cour d’appel a violé l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.
2° ALORS QUE les sociétés exposantes faisaient valoir qu’elles avaient joint à titre seulement informatif une liste des postes disponibles de catégorie supérieure en annexe de la proposition de reclassement individualisée, pour le cas où les salariés auraient omis de signaler qu’ils détenaient une compétence leur permettant d’occuper l’un de ces postes (v. conclusions des exposantes, para. II, A, 2, b) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
3° ALORS QUE ne caractérise pas un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement d’un salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé, le juge qui se contente de relever que les postes disponibles non proposés relevaient de la même catégorie que celui précédemment occupé, sans établir au surplus que ces postes ne requéraient aucune formation complémentaire ou nécessitaient une simple formation d’adaptation ; qu’en reprochant à l’employeur de ne pas avoir proposé à la salariée tous les postes disponibles au niveau du groupe relevant de la même catégorie que celle des salariés dont le licenciement était envisagé, sans caractériser que ces postes ne nécessitaient aucune formation complémentaire ou, à tout le moins, requéraient une simple formation d’adaptation et qu’ils étaient de surcroît compatibles avec les préconisations du médecin du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.
4° ALORS QUE le jugement doit être motivé ; qu’en affirmant qu’il existait au sein du groupe des postes disponibles de même catégorie ou de catégorie inférieure qui n’avaient pas été proposés aux salariés de manière individuelle, sans préciser sur quelle pièce elle se fondait pour procéder à une telle affirmation, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
5° ALORS QUE l’employeur doit rechercher s’il existe des possibilités de reclassement et proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles, de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin une formation d’adaptation ; qu’en reprochant aux sociétés Groupe [P] et MA de ne pas avoir proposé à la salariée les postes de magasinier à Saint-Martin-au-Laert et à Maleville, tout en affirmant que la proposition de reclassement sur le poste de magasinier à Fougères n’était pas compatible avec les restrictions posées par la médecine du travail et n’aurait pas dû être adressée à la salariée, la cour d’appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé l’article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Groupe [P] et MA font grief à l’arrêt infirmatif attaqué de les AVOIR condamnées in solidum à verser à la salariée une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’anxiété.
ALORS QUE en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ; qu’en se prononçant par des motifs généraux insuffisants à établir que la salariée avait été exposée personnellement à son poste de travail à des poussières d’amiante au sein des sites Les Pins ou Moulin de Canteret et que cette exposition personnelle était à l’origine d’un risque élevé de développer une pathologie grave liée à l’amiante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.