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SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 44 F-D
Pourvoi n° W 21-21.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023
M. [D] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 21-21.930 contre l’arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d’appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l’opposant à l’association Hôpital [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
L’association Hôpital [Adresse 3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [K], de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l’association Hôpital [Adresse 3], après débats en l’audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2021), M. [K] a été engagé le 11 juillet 2008 par l’association Hôpital [Adresse 3] en qualité d’ouvrier d’entretien, et exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien.
2. Il a été victime d’un accident du travail le 25 avril 2013.
3. Le 12 avril 2016, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste de travail.
4. Le salarié a été licencié le 10 mai 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier et le troisième moyens du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement sur le montant accordé au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 et que l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ; que dans ses conclusions d’appel, le salarié a relevé que le conseil de prud’hommes, tout en reconnaissant l’absence de cause réelle et sérieuse, a condamné l’employeur à lui verser 12 041,34 euros, soit six mois de salaire, et qu’il demandait donc à la cour d’appel de retenir le minimum applicable de douze mois ; qu’en confirmant le jugement sur le montant de l’indemnité retenue par les premiers juges, après avoir confirmé l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version alors en vigueur ».
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Selon ce texte, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du même code, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires.
8. Pour condamner l’employeur à payer au salarié la somme de 12 041,34 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt, après avoir constaté que l’employeur n’avait pas recueilli l’avis des délégués du personnel avant l’engagement de la procédure de licenciement, retient qu’en raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et en l’absence de renseignements certains sur la situation professionnelle postérieure à la rupture et actuelle de l’intéressé, il convient de confirmer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse retenue par les premiers juges.
9. En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu la somme de 2 006,89 euros au titre du salaire mensuel de référence, ce dont il résultait qu’elle avait alloué une indemnité d’un montant correspondant à six mois de salaires, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi principal n’emporte pas cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en causes.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne l’association Hôpital [Adresse 3] à payer à M. [K] la somme de 12 041,34 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;
Condamne l’association Hôpital [Adresse 3] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’association Hôpital [Adresse 3] et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [K], demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Monsieur [K] fait grief à l’arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, de l’AVOIR débouté de sa demande de nullité du licenciement et de ses réclamations subséquentes tendant à obtenir sa réintégration et le paiement d’un rappel de salaire de 2 006,89 euros pour chaque mois écoulé entre son licenciement et la date de sa réintégration ;
ALORS, D’UNE PART, QUE si le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3 ; que M. [K], qui s’était vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour une période allant du 1/05/2015 au 30/04/2017, a fait valoir dans ses écritures d’appel que l’association Hôpital [Adresse 3] disposait, légalement et aux termes de la convention collective applicable, de nombreux leviers spécifiques aux travailleurs handicapés (référent handicap, aides financières?) pour organiser sa formation, voire sa reconversion et, surtout, que le médecin du travail avait lui-même, dès le 4 mars 2016, indiqué à l’association la possibilité de formations spécifiques en coopération avec l’OETH, mais que l’association Hôpital [Adresse 3] s’y est toujours refusée ; que pour débouter M. [K] de sa demande de nullité, la cour d’appel a relevé que son licenciement étant intervenu après un avis d’inaptitude objectif, nécessaire et approprié du médecin du travail, il n’a revêtu aucun caractère discriminatoire et qu’une décision éventuellement contraire du Défenseur des droits ne lie pas le juge ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’association Hôpital [Adresse 3] n’a pas refusé de prendre les mesures appropriées, spécifiques aux travailleurs handicapés, que le médecin du travail lui a lui-même indiquées pour permettre à M. [K] de conserver un emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 5213-6 du code du travail en lien avec l’article L. 1133-3 du même Code ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; dans ses écritures, M. [K] a également fait valoir que son licenciement pour inaptitude était nul pour discrimination en raison de son état de santé, au motif que des postes étaient disponibles au reclassement, mais que l’employeur les a réservés aux salariés licenciés pour motif économique ; que pour juger que le licenciement de M. [K] n’était pas discriminatoire et donc pas nul, la cour d’appel a affirmé qu’il était intervenu après deux visites médicales à la suite desquelles le médecin du travail a, par un avis objectif, nécessaire et approprié, considéré que son état de santé le rendait inapte à l’exercice de ses fonctions d’électricien ; qu’en s’abstenant de répondre aux conclusions de M. [K], la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN (Subsidiaire) DE CASSATION
Monsieur [K] fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR jugé, sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il convenait de confirmer le montant retenu par les premiers juges, soit 12 041,34 euros ;
ALORS QUE, lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 et que l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ; que dans ses conclusions d’appel, M. [K] a relevé que le conseil de prud’homme, tout en reconnaissant l’absence de cause réelle et sérieuse, a condamné l’employeur à lui verser 12 041,34 euros, soit 6 mois de salaire, et qu’il demandait donc à la cour d’appel de retenir le minimum applicable de 12 mois ; qu’en confirmant le jugement sur le montant de l’indemnité retenue par les premiers juges, après avoir confirmé l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa version alors en vigueur.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Monsieur [K] fait grief à l’arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, de l’AVOIR débouté de sa demande de rappel au titre des congés payés de 490,73 euros en jugeant que plus aucune somme ne lui est due au titre des congés payés ;
ALORS QUE, les juges du fond ne sauraient méconnaître l’objet du litige tel qu’il a été déterminé par les parties ; que dans ses conclusions d’appel, M. [K] ne contestait pas avoir été payé du nombre de jours de congés payés qui lui était dû (58 jours au total), mais maintenait qu’une somme lui restait due, en raison de l’assiette de rémunération qui avait été retenue pour ce calcul, ce que confirme l’association Hôpital [Adresse 3] qui, dans ses conclusions, affirme que M. [K] se fonde sur son salaire moyen, alors que pour le calcul d’une telle indemnité, certaines sommes sont à exclure telles que les primes exceptionnelles (?) ; qu’en se contentant d’affirmer, pour débouter M. [K] de sa demande, qu’une erreur de calcul sur le nombre de jours en cause a été reconnue et qu’une régularisation est intervenue sur le nombre de jours, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour l’association Hôpital [Adresse 3], demanderesse au pourvoi incident
L’Association Hôpital [Adresse 3] fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir condamné l’Association Hôpital [Adresse 3] à payer à M. [K] les sommes de 12 041,34 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 194,51 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement et de 950 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à remettre des documents de fin de contrat conformes ;
Alors 1°) que si en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail, les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail exigent que l’avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l’absence de proposition de reclassement, ni de ce texte ni de l’article L 1226-12 du code du travail ; qu’il en résulte qu’il n’existe pas d’obligation de consulter les délégués du personnel en l’absence de proposition de reclassement faite au salarié ; qu’en l’espèce, en retenant que l’avis des délégués du personnel devait être recueilli par l’employeur, cependant que la consultation des délégués du personnel n’était pas nécessaire en l’absence de proposition de reclassement, la cour d’appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail ;
Alors 2°) et en tout état de cause, que si en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail, l’employeur doit consulter les délégués du personnel avant d’engager la procédure de licenciement, la circonstance qu’ils n’aient pas effectivement émis d’avis à cette date ne caractérise aucun manquement de l’employeur à ses obligations ; qu’il ressort de l’arrêt attaqué que le 12 avril 2016, M. [K] a été déclaré inapte par le médecin du travail à son poste, que les délégués du personnel réunis le 26 avril suivant « n’ont pas donné d’avis à cette date », qu’ils se sont réunis une seconde fois le 28 avril et que le 26 avril, l’association a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement ; qu’en retenant que « le recueil de l’avis des délégués du personnel n’a pas été antérieur à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement de telle sorte qu’il convient de considérer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 10, 2ème §), cependant que le souhait des délégués du personnel de ne pas émettre d’avis à la date de leur première consultation ni après celle-ci, ne rendait pas irrégulière la procédure, la cour d’appel a violé l’article L. 1226-10 du code du travail ;
Alors 3°) que le juge ne peut statuer par voie d’affirmation ; qu’en retenant, par motif éventuellement adopté du jugement, qu’aucun poste n’avait été proposé au salarié « alors même qu’il y avait plusieurs postes disponibles au sein de l’entreprise » (jugement p. 6), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.