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SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 janvier 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 12 F-D
Pourvoi n° F 21-15.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 JANVIER 2023
Mme [V] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-15.315 contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d’appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Novatec Guadeloupe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [F], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Novatec Guadeloupe, après débats en l’audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 janvier 2021), Mme [F] a été engagée par la société Novatec Guadeloupe le 17 août 2015, en qualité de responsable d’agence.
2. Elle a été convoquée le 4 octobre 2016 à un entretien préalable en vue d’un licenciement économique, fixé au 14 octobre, au cours duquel lui a été proposé un contrat de sécurisation professionnelle, qu’elle a accepté le 15 octobre 2016.
3. Par lettre du 24 octobre 2016, la société lui a notifié les motifs économiques de son licenciement en lui rappelant que la rupture de son contrat de travail interviendrait le 4 novembre 2016 à l’issue du délai de réflexion.
4. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes dues au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier, cinquième et sixième moyens, ci-après annexés
5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de la débouter de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, alors « que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que le seul refus du salarié de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l’employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société Novatec Guadeloupe avait informé par écrit la salariée du motif économique à l’origine de la procédure de licenciement avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le 15 octobre 2016, la cour d’appel s’est bornée à constater que la lettre de convocation à entretien préalable en date du 4 octobre 2016 indiquait à la salariée « nous avons le regret de vous informer que notre société envisage de rompre votre contrat de travail pour motif économique » sans préciser lequel et qu’aux termes de son attestation du 23 août 2017, M. [U] [I], responsable administratif et financier, exposait que « lors de l’entretien préalable au licenciement de Mme [F] du vendredi 14 octobre 2016, j’ai remis à M. [T] le compte d’exploitation de l’agence Novatec Guadeloupe, permettant de justifier le manque de rentabilité de celle-ci, afin qu’il soit soumis à Mme [F]. Après cet entretien, je me suis rendue dans la salle de réunion où s’étaient rencontrés Mme [F] son conseiller et M. [T], j’y ai retrouvé le document sur la table, il n’avait pas été récupéré. Je l’ai donc glissé dans le dossier de la salariée » ; que la cour d’appel a par ailleurs relevé qu’il résultait de la lettre notifiant au salarié son licenciement économique en date du 24 octobre 2016 qu’« au cours de votre entretien préalable, qui s’est déroulé le 14/10/2016, nous vous avons exposé les difficultés et la situation économique de l’agence justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui, que nous vous avons remis par écrit (?). En outre, lors de votre entretien préalable, nous vous avons informée des motifs économiques justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui que nous vous avons remis par écrit, accompagné de la documentation relative au dispositif du CSP que nous avait transmis Pôle emploi » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que la salariée s’était vu remettre un document écrit exposant le motif économique précis ayant conduit à la rupture de son contrat de travail avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-16, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code travail et des articles L. 1233-66 et L. 1233-67, dans leur rédaction modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dudit code. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail :
7. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L’employeur est en conséquence tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.
8. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes subséquentes, l’arrêt retient que l’employeur a rappelé à la salariée dans son courrier de notification du licenciement pour motif économique du 24 octobre 2016 que : “Au cours de votre entretien préalable, qui s’est déroulé le 14/10/2016, nous vous avons exposé les difficultés et la situation économique de l’agence justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui, que nous vous avons remis par écrit. En outre, lors de votre entretien préalable, nous vous avons informée des motifs économiques justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui que nous vous avons remis par écrit, accompagné de la documentation relative au dispositif du CSP que nous avait transmis Pôle emploi. (…)”
9. Il ajoute que si le représentant syndical ayant assisté la salariée au cours de l’entretien préalable, témoignait que le gérant de la société ne lui avait remis aucun document exposant les motifs de son licenciement, en revanche le responsable administratif et financier, attestait que lors de l’entretien préalable au licenciement économique, elle avait remis au gérant le compte d’exploitation de l’agence Novatec Guadeloupe, permettant de justifier le manque de rentabilité de celle-ci, afin qu’il fût soumis à la salariée et, qu’après cet entretien, elle avait récupéré ce document dans la salle de réunion et l’avais glissé dans le dossier de la salariée.
10. Il conclut que, de l’ensemble de ces éléments, il résulte que la société a informé par écrit la salariée, au moyen de la lettre de convocation à entretien préalable et du document remis par le responsable administratif et financier, du motif économique à l’origine de la procédure de licenciement et cela, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture n’avait été remis ou adressé à la salariée au cours de la procédure de licenciement et que le motif économique n’avait été porté à sa connaissance qu’après l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 15 octobre 2016, le compte d’exploitation remis par le responsable administratif et financier au gérant de la société ne permettant pas de justifier de l’information personnelle de la salariée, ce dont elle aurait dû déduire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
12. La cassation prononcée n’emporte pas cassation du chef de dispositif de l’arrêt déboutant la salariée de sa demande d’indemnité pour préjudice distinct de celui résultant de la perte d’emploi, justifié par d’autres motifs vainement critiqués par le cinquième moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, déboute Mme [F] de ses demandes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité compensatrice de préavis et dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 18 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Basse-Terre autrement composée ;
Condamne la société Novatec Guadeloupe aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Novatec Guadeloupe et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [F]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée d’AVOIR confirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 11 juillet 2018 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire fondée sur l’application de la convention collective et au titre du statut de cadre,
ALORS QUE le salarié est fondé à réclamer la classification conventionnelle correspondant aux fonctions qui lui sont contractuellement confiées ; qu’en l’espèce, la société Novatec Guadeloupe ne contestait pas que les fonctions confiées à la salariée et effectivement exercées par celle-ci correspondaient à celles énoncées dans la fiche de poste jointe en annexe à son contrat de travail ; qu’en vertu de ladite fiche de poste, le « responsable d’agence » était défini comme étant « responsable d’un objectif de vente à atteindre par une parfaite maîtrise des techniques commerciales et marketing et une connaissance approfondie des produits et services (passés, existants et futurs) de Nivatec » ; que « demand[ant] une grande autonomie dans l’organisation du travail et la planification des déplacements », ce poste impliquait notamment des missions d’ « encadrement et de management » (« encadrement de 5 personnes au maximum ») à savoir « former, encadrer et assister les technico commerciaux sous sa responsabilité », « assurer le transfert de tous les prospects/comptes d’anciens technico-commerciaux sur les nouveaux », « développer les compétences et de savoir-faire des technico commerciaux sous sa responsabilité », ces missions devant être menées dans le cadre d’une « démarche proactive et (avec) une forte réactivité » ; qu’au vu des missions ainsi décrites, la salariée, qui bénéficiait contractuellement « du statut d’employé », sollicitait la position 3.2, statut cadre, coefficient hiérarchique 210 de l’annexe II de la classification des cadres, celle-ci concernant les salariés « ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, des initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature » ; que pour écarter une telle demande, la cour d’appel a relevé, par motifs propres, que la salariée se contentait de produire aux débats des éléments insuffisants, à savoir son contrat de travail et un extrait de la convention collective applicable et, par motifs adoptés, que la salariée avait un statut d’employé au sein de la société Novatec comme le démontrait son contrat sans modification de celui-ci par le biais d’un avenant ; qu’en statuant ainsi, sans concrètement rechercher si les fonctions visées par la fiche de poste annexée au contrat de travail, dont l’effectivité n’était pas contestée, correspondaient à la classification conventionnelle revendiquée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, devenu les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour préjudice distinct de celui de la perte de son emploi,
1°) ALORS QUE lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que le seul refus du salarié de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l’employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société Novatec Guadeloupe avait informé par écrit la salariée du motif économique à l’origine de la procédure de licenciement avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le 15 octobre 2016, la cour d’appel s’est bornée à constater que la lettre de convocation à entretien préalable en date du 4 octobre 2016 indiquait à la salariée « nous avons le regret de vous informer que notre société envisage de rompre votre contrat de travail pour motif économique » sans préciser lequel (cf. production n° 7) et qu’aux termes de son attestation du 23 août 2017, M. [U] [I], responsable administratif et financier, exposait que « lors de l’entretien préalable au licenciement de Mme [F] du vendredi 14 octobre 2016, j’ai remis à M. [T] le compte d’exploitation de l’agence Novatec Guadeloupe, permettant de justifier le manque de rentabilité de celle-ci, afin qu’il soit soumis à Mme [F]. Après cet entretien, je me suis rendue dans la salle de réunion où s’étaient rencontrés Mme [F] son conseiller et M. [T], j’y ai retrouvé le document sur la table, il n’avait pas été récupéré. Je l’ai donc glissé dans le dossier de la salariée » (cf. production n° 8) ; que la cour d’appel a par ailleurs relevé qu’il résultait de la lettre notifiant au salarié son licenciement économique en date du 24 octobre 2016 qu’« au cours de votre entretien préalable, qui s’est déroulé le 14/10/2016, nous vous avons exposé les difficultés et la situation économique de l’agence justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui, que nous vous avons remis par écrit (?). En outre, lors de votre entretien préalable, nous vous avons informée des motifs économiques justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui que nous vous avons remis par écrit, accompagné de la documentation relative au dispositif du CSP que nous avait transmis Pôle emploi » (cf. production n° 9) ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que la salariée s’était vu remettre un document écrit exposant le motif économique précis ayant conduit à la rupture de son contrat de travail avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-16, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code travail et des articles L. 1233-66 et L. 1233-67, dans leur rédaction modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dudit code ;
2°) ALORS à tout le moins QUE nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société Novatec avait informé par écrit la salariée du motif économique à l’origine de la procédure de licenciement avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, le 15 octobre 2016, la cour d’appel a visé, outre l’attestation de Mme [U] [I], « responsable administratif et financier », les termes de la lettre de licenciement du 24 octobre 2016 dont il ressortait qu’ « au cours de votre entretien préalable, qui s’est déroulé le 14/10/2016, nous vous avons exposé les difficultés et la situation économique de l’agence justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui, que nous vous avons remis par écrit (?). En outre, lors de votre entretien préalable, nous vous avons informée des motifs économiques justifiant la suppression de votre poste, avec chiffres à l’appui que nous vous avons remis par écrit, accompagné de la documentation relative au dispositif du CSP que nous avait transmis Pôle emploi » ; qu’en statuant ainsi, sur la base d’éléments rédigés par l’employeur lui-même ou de personnes assimilées à celui-ci, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour préjudice distinct de celui de la perte de son emploi,
1°) ALORS QUE la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ; qu’il importe peu que ce contrôle soit assuré par une personne physique en qualité de dirigeant de sociétés ; qu’en l’espèce, la salariée faisait valoir, preuves à l’appui (cf. production n° 10 à 15), que les sociétés Novatec Guadeloupe, Novatec SARL (Martinique), Novatec Guyane, Payoffice et Novacorp (Puteaux) avait toutes un même gérant, M. [T] ; qu’il était par ailleurs constant que ce dernier, actionnaire unique de la société Novatec SARL (Martinique), détenait 75% des parts sociales de la société Novatec Guadeloupe, le restant étant détenu par la société Novatec SARL (Martinique), ainsi que la totalité des parts sociales des autres sociétés ; que la salariée en déduisait que la société Novatec SARL (Martinique) avait, à tout le moins indirectement, par l’intermédiaire de son gérant, le pouvoir de nommer la totalité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de la société Novatec Guadeloupe ; qu’en se bornant à retenir, pour limiter son appréciation du motif économique de licenciement à la seule société Novatec Guadeloupe et son secteur d’activité, qu’aucune société dominante ne pouvait être identifiée sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il ne se déduisait pas du fait que M. [T], gérant de la société employeur, était dirigeant et actionnaire majoritaire voire unique de plusieurs autres sociétés, que les conditions du contrôle effectif exigées par l’article L. 2331-1 du code du travail étaient réunies, la cour d’appel a privé sa décision de base égale au regard de l’article L. 2331-1 du code du travail, des articles L. 233-1 et L. 233-16 du code de commerce, dans leur rédaction modifiée par l’ordonnance n° 2015-900 du 23 juillet 2015, et de l’article L. 233-3 dudit code, dans sa version modifiée par l’ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015 ;
2°) ALORS à tout le moins QUE le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions (cf. p. 10 à 12), la salariée faisait valoir que les éléments produits par l’employeur afin d’établir le motif économique allégué étaient parcellaires, celuici s’étant sciemment abstenu, dans une logique de dissimulation, de produire la totalité de son compte de résultat ou de son bilan c’est-à-dire la liasse fiscale complète, les annexes à celle-ci, le détail des comptes actifs-passifs, le compte de résultat et le détail des comptes de charges et de produits ; qu’en se fondant sur les éléments comptables produits par l’employeur, pour retenir que la société Novatec justifiait d’une menace pesant en 2016 sur sa compétitivité, sans répondre au moyen des conclusions de la salariée pris du caractère volontairement incomplet de ces éléments rendant impossible toute vérification de la situation comptable réelle de l’entreprise au jour du licenciement, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour préjudice distinct de celui de la perte de son emploi,
1°) ALORS QUE l’employeur est tenu avant tout licenciement économique, d’une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettant d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d’autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure ; qu’en l’espèce, pour dire que la société Novatec Guadeloupe avait respecté son obligation de reclassement, la cour d’appel s’est bornée à relever, d’une part, qu’en l’absence de réponse au courrier lui proposant deux offres de reclassement, la salariée était réputée avoir refusé lesdites offres sans identifier auprès de son employeur un poste qu’elle aurait souhaité occuper et, d’autre part, que le poste d’assistante de gestion, pourvu par recrutement le 3 octobre 2016, n’étaient pas équivalent à celui occupé par la salariée ; qu’en statuant ainsi, sans faire ressortir que l’intégralité des postes disponibles compatibles avec la qualification de la salariée avaient été recherchés et lui avaient été proposés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
2°) ALORS QUE l’employeur est tenu avant tout licenciement économique, d’une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettant d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, d’autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d’une catégorie inférieure ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté qu’un poste d’assistante de gestion avait été pourvu, par un recrutement externe, le 3 octobre 2016, dans le contexte immédiat du licenciement ; qu’en se bornant à relever, pour écarter tout manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, que ce poste qui consistait essentiellement en des fonctions d’assistanat auprès des équipes commerciales et techniques n’était pas équivalent à celui de responsable d’agence qui avait pour mission principale de vendre et promouvoir les produits et services de la société auprès de la clientèle, sans rechercher si, quoique non équivalent, le poste d’assistante de gestion n’était pas d’un niveau inférieur à celui de responsable d’agence de sorte qu’il aurait dû être proposé en priorité à la salariée dont le licenciement était envisagé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée de l’AVOIR déboutée de sa demande d’indemnité pour préjudice distinct de celui de la perte de son emploi,
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, la salariée qui, au titre des circonstances vexatoires ayant entouré son licenciement, prétendait avoir été harcelée téléphoniquement par son employeur, produisait un courrier qu’elle avait été amenée à adresser à ce dernier, sous pli recommandé, le 15 novembre 2016, pour dénoncer les manoeuvres d’intimidation dont elle était l’objet, son employeur lui ayant téléphoné le 28 octobre 2016 à 14h06 d’une part pour s’enquérir sur son souhait de l’ « emmerder » et lui déclarer que si tel était le cas il lui « trouver[ait] une faute pour [la] licencier pour faute », d’autre part pour l’ « insult[er] grossièrement » et la « menac[er] », en déversant un « flot de menaces et d’injures » (« vous m’avez alors dit : que si je voulais faire « chier », j’allais voir comment vous seriez capable de me faire « chier » aussi », « je sais qui vous conseille, vous vous êtes fait influencée mais je sais qui c’est et je vais les « niquer » lui et sa femme », « vous et [P] c’est pareil je me débarrasserai de vous ») et de troisième part pour la sommer de lui « envoyer un mail avant ce soir où [elle] stipul[erait] [s’]être trompée et ne rien réclamer et qu’à défaut, [il lui] trouver[ait] des fautes pour un licenciement où [elle] serai[t] perdante » et « qu’il ne fallait pas qu[‘elle] ignore [sa] capacité de nuisance si [elle] continuai[t] à [le] faire chier » ; que ce courrier relatait ensuite que, lasse de ces insultes, la salariée avait « raccroché deux fois (?) mais [son employeur] av[ait] continué à [la] harceler téléphoniquement en [la] rappelant à deux reprises » et que « ce n’est qu’à 14h23 qu [‘elle avait] réussi à mettre fin à [leur] « conversation » en [lui] demandant de ne pas [l’]insulter et qu[‘elle] ne prendrai[t] plus [ses]appels en raison de [ses] propos menaçants et orduriers » (cf. production n° 16) ; qu’en affirmant, pour débouter la salariée de sa demande relative aux circonstances brutales ayant entouré la rupture, que la salariée ne produisait aucun élément de nature à démontrer les intimidations dont elle se déclarait victime, sans viser, ni analyser, serait-ce sommairement le courrier précité, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts en raison du caractère vexatoire de son licenciement ; qu’en l’espèce, il ressortait de l’attestation de M. [Y] que Mme [F] avait été, avant son licenciement, « mise à l’écart », qu’elle s’était vu « retir[er] son bureau » et avait été « retirée de la boucle des mails commerciaux » ; qu’en jugeant que le licenciement de la salariée n’avait pas été prononcé de manière brutale et vexatoire, faute pour M. [Y] de mentionner explicitement un allègement de missions au bénéfice de l’assistante de gestion, sans rechercher si les déclarations de ce dernier évoquant une mise à l’écart de la salariée à qui le bureau et l’accès automatique à certains mails avaient été retirés ne démontraient pas, en soi, le caractère vexatoire de son licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240 du code civil.
SIXIEME MOYEN DE CASSATION
Mme [V] [F] fait grief à la décision attaquée d’AVOIR confirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 11 juillet 2018 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour remise tardive de ses documents de fin de contrat et du bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle,
ALORS QUE si le contenu d’un envoi sous pli recommandé est présumé être celui annoncé par l’expéditeur, c’est à défaut de preuve contraire ; qu’en l’espèce, pour retenir que la société Novatec avait tenté à plusieurs reprises de remettre à la salariée ses documents de fin de contrat ainsi que son bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d’appel s’est bornée à relever que par courrier du 24 octobre 2016 avisé et non réclamé par la salariée l’employeur lui avait adressé la notification de son licenciement accompagné du bulletin d’acceptation et du récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle, que par courrier recommandé du 7 novembre 2016, réceptionné par la salariée le 14 novembre suivant, la société avait transmis à la salariée ses documents de fin de contrat, que par courrier recommandé du 25 novembre 2016, qui indiquait être « doublé par mail et lettre simple », la société Novatec avait adressé une nouvelle fois à la salariée la notification de son licenciement ainsi que le bulletin d’acceptation, et du récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur ayant précisé à la salariée, par mail du 29 novembre 2016, les différentes tentatives de remise de son bulletin d’acceptation ; qu’en se fondant sur ces éléments, sans examiner les multiples relances de la salariée tendant à obtenir communication des documents litigieux (pas moins de six entre le 18 novembre et le 21 décembre 2016) lesquelles n’auraient eu aucune utilité si lesdits documents lui avaient été effectivement adressés au plus tard le 7 novembre (cf. production n° 20), peu important la circonstance que les services de Pôle Emploi ait été en grève jusqu’au 18 novembre 2016, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.