Cour d’appel de Nîmes, 6 décembre 2022, 20/002361

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Cour d’appel de Nîmes, 6 décembre 2022, 20/002361
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT No

No RG 20/00236 – No Portalis DBVH-V-B7E-HTZG

EM/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
31 décembre 2019

RG :16/00707

[D]

C/

S.A.S. LES HALLES BLACHERE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [M] [D]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Localité 3]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

SAS LES HALLES BLACHERE
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre JAMMET de la SELARL PASCAL JAMMET DALMET, Plaidant, avocat au barreau de TARASCON
Représentée par Me Benjamin MINGUET, Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [M] [D] a été engagé par la Sas Les Halles Blachère à compter du 24 mai 2004, suivant contrat à durée déterminée en qualité d’employé commercial 2 caisse, niveau II A. La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Suivant un avenant du 25 août 2004, le contrat à durée déterminée a été renouvelé du 30 août 2004 au 11 septembre 2004 puis, par avenant du 24 novembre 2014 un contrat à durée indéterminée a été conclu entre M. [M] [D] et la Sas Les Halles Blachère avec effet au 28 novembre 2004.

Par un avenant du 04 septembre 2016, M. [M] [D] a été muté sur le magasin de [Localité 3] à compter du 18 septembre 2006.

Par un avenant du 01 mars 2007, M. [M] [D] a été nommé employé commercial 3 caisse, niveau IIIA et sa rémunération a été portée à 1 326,58 euros par mois.

A compter du 01 février 2015, sa durée de travail hebdomadaire a été fixée à 28,57 heures.

M. [M] [D] a été en arrêt de travail du 21 août 2015 au 29 février 2016.

A l’occasion de deux visites médicales des 02 mars et 31 mars 2016, le médecin du travail a déclaré M. [M] [D] “inapte à tous les postes de l’entreprise et du groupe. Pas de reclassement envisageable”.

M. [M] [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 avril 2016 en vue d’un éventuel licenciement auquel le salarié ne s’y est pas rendu, puis a été convoqué à un second entretien préalable fixé au 17 mai 2016.

Le 23 mai 2016, M. [M] [D] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Suivant requête reçue le 20 septembre 2016, M. [M] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de condamner la Sas Les Halles Blachère à lui payer diverses sommes indemnitaires et le paiement d’heures supplémentaires à chiffrer.

Par jugement du 24 juin 2019, le juge départiteur a ordonné la réouverture des débats et a ordonné à M. [M] [D] de produire à l’audience du 14 octobre 2019 sa carte d’identité afin de justifier de sa véritable identité.

Par jugement contradictoire du 31 décembre 2019, le juge départiteur du conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– constaté que selon la carte d’identité produite à l’audience du 14 octobre 2019, le requérant est identifié comme “M. [M] [D]”,
– constate que les écritures du requérant remises à l’audience du 14 octobre 2019 le désignent comme “M. [M] [D]”,
Par conséquent,
– soulève d’office le défaut d’intérêt à agir de M. [M] [D],
– déclare irrecevables les demandes de M. [M] [D] à l’encontre de la Sas Les Halles Blachères,
– dit n’y avoir lieu a application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné le requérant au paiement des entiers dépens.

Par acte du 20 janvier 2020, M. [M] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 24 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 septembre 2022 à 16 heures et fixé à examen l’affaire à l’audience du 04 octobre 2022 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 septembre 2022, M. [M] [D] demande à la cour de :

– recevoir son appel et le dire bien fondé,
En conséquence,
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes,
– juger qu’il a un intérêt à agir,

En conséquence,
– juger qu’il a été victime de faits de harcèlement moral au sein de la Sas Les Halles Blachère,
– juger que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité,

A titre principal,
– juger la nullité du licenciement intervenu en raison des faits de harcèlement moral commis par l’employeur selon l’article L. 1152-3 du code du travail,
– condamner la Sas Les Halles Blachère au paiement des sommes suivantes :
– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,
– 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité,
– 30 000 euros d’indemnité venant sanctionner le licenciement nul,
– 2 511,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis eu égard aux dispositions de la convention collective applicable à la relation contractuelle,
– 251,16 euros à titre de congés payés y afférents,

A titre subsidiaire,
– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité et en raison de la méconnaissance par l’employeur de son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement au sens de l’article L. 1226-2 du code du travail alors applicable,

En conséquence,
– condamner la Sas Les Halles Blachère au paiement des sommes suivantes:
– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,
– 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la méconnaissance par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat,
– 30 000 euros d’indemnité venant sanctionner le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 511,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis eu égard aux dispositions de la convention collective applicable à la relation contractuelle,
– 251,16 euros à titre de congés payés y afférents,

En tout état de cause,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

M. [M] [D] soutient que :

– il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur caractérisé par des agissements répétés de la part de son supérieur hiérachique qui se sont produits devant des clients et qui se sont manifestés par des pressions pour qu’il réalise des tâches dépassant largement le cadre de ses fonctions et ayant abouti à une dépression avec syndrome anxio-dépressif, que ces agissements ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail, une atteinte à ses droits et à sa dignité et une altération de sa santé physique ou mentale,
– l’employeur n’a pris aucune mesure pour mettre en lumière la situation dont il se plaignait et a nié cette situation,
– son licenciement pour inaptitude est la conséquence directe se ses arrêts maladies provoqués par l’état de dépression qui a été causé lui-même par les faits de harcèlement moral dont il a a été victime.

En l’état de ses dernières écritures contenant appel incident la Sas Les Halles Blachère conclut à la confirmation du jugement dont appel et demande à la cour de :

A titre principal,
– confirmer le jugement dont appel dans son intégralité,

A titre subsidiaire,
– dire et juger qu’il n’y a pas eu de harcèlement moral,
– dire et juger qu’elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement,
En conséquence,
– débouter M. [M] [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,
– condamner M. [M] [D] à lui payer en cause d’appel la somme de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La Sas Les Halles Blachère fait valoir que :

– M. [M] [D] ne l’a pas informé de difficultés en relation avec une situation de harcèlement moral, que les médecins que le salarié a consultés ne l’ont pas alertée sur une éventuelle dégradation de son état de santé en lien avec son activité professionnelle,
– elle a respecté son obligation de recherche sérieuse de reclassement et a été informée par le médecin du travail que tout reclassement du salarié était impossible, de sorte qu’elle ne lui avait pas proposé de poste.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur l’intérêt à agir de M. [M] [D] :

Il résulte des différents documents contractuels signés par la Sas Les Halles Blachère et des pièces de procédure, que le salarié a pour identité M. [M] [D], que la requête et les conclusions du salarié ont été rédigés pour le compte de M. [M] [D], que malgré les différences d’orthographe du nom propre qui n’ont pas pour effet cependant de modifier sa prononciation, il apparaît qu’il s’agit bien de la même personne née le [Date naissance 2] 1974, de nationalité française et domiciliée à [Adresse 6] correspondant à l’adresse figurant aussi bien sur les documents contractuels que sur la requête et les conclusions de première instance et d’appel.

Par ailleurs, il n’est pas discuté que la Sas Les Halles Blachère n’avait pas soulevé en première instance un quelconque problème d’identité du salarié requérant de sorte que c’est à tort que le juge départiteur a considéré, au seul vu des différences d’orthographe du prénom telles qu’elles ressortent des mentions figurant sur la carte nationale d’identité produite à l’audience, “[X] [D]”, que les demandes de M. [M] [D] étaient irrecevables après avoir soulevé d’office son défaut d’intérêt à agir.

En appel, la Sas Les Halles Blachère demande la confirmation du jugement entrepris sur ce point en soutenant qu’il existe une incertitude sur l’identité de l’appelant, et se contente de relever des différences d’orthographe du prénom du salarié, sans pour autant tirer les conséquences des éléments constants constitués des date et lieu de naissance ainsi que de l’adresse.

Il s’en déduit qu’en application de l’article 31 du code de procédure civile, contrairement à ce que prétendent le juge départiteur et la Sas Les Halles Blachère, M. [M] [D] justifie d’un intérêt à agir contre la société qui a prononcé son licenciement dont il conteste le bien fondé et à l’encontre de laquelle il sollicite le paiement de diverses indemnités.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Sur la demande relative au harcèlement :

L’article L1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [M] [D] prétend avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur en raison de :

– réprimandes et critiques formulées par M. [C] [P], responsable du magasin de [Localité 3] où il travaillait, et ce, de façon répétée, lesquelles ont été génératrices d’humiliations et d’une perte de confiance en soi,
– la réalisation de tâches dépassant largement le cadre de ses fonctions pour lesquelles il n’était pas rémunéré ni qualifié ; sur ce point, M. [M] [D] verse aux débats une main courante rédigée à sa demande le 15 février 2016 : “je suis actuellement en arrêt de travail…je reçois continuellement des appels provenant du…m’informant de déclenchement d’alarme au magasin Provence Halles de [Localité 3]…mon interlocuteur …prétend avoir eu mon numéro de téléphone par le responsable de mon magasin. Je dois passer au Prud’hommes le 19/02/2016 suite à un litige avec mon employeur. Je vais demander à la société de télésurveillance de cesser de m’appeler” et un courrier rédigé par l’appelant daté du 17 février 2016 dont le destinataire n’est pas précisé, dans lequel M. [M] [D] se plaint de recevoir des appels téléphoniques de la société Astel télésurveillance depuis 3 ans et demi, de n’avoir signé aucun engagement pour des astreintes indiquant que cette responsabilité incombait au responsable ou de son adjoint ; M. [M] [D] produit par ailleurs des captures de son téléphone portable qui démontrent qu’il a reçu des appels d’un numéro correspondant à la société Astel Télésurveillance en septembre 2015 et le 14 février 2016,
– du non-respect des horaires fixés contractuellement de 06h30-10h30 à 14h30-19h30, précisant que M. [C] [P] lui imposait souvent de venir le matin plus tôt et le soir jusqu’à 20h et produit à cet effet les tableaux de ses horaires de travail courant 2012, 2013 et 2014 et des heures effectuées au-delà de ses horaires de travail contractuels qui n’auraient pas été rémunérées.

M. [M] [D] soutient enfin que les faits de harcèlement commis par son employeur sont à l’origine d’une dégradation de son état de santé et produit en ce sens plusieurs avis d’arrêt de travail initial et de prolongation du 21 août 2015, des 04 et 28 septembre 2015, du 02 octobre 2015 qui mentionnent “dépression réactionnelle”, du 20 octobre 2015 “dépression”, du 01 décembre 2015 “état anxio-dépressif réactionnel, sorties nécessaires au traitement”.
Les éléments ainsi présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La Sas Les Halles Blachère conteste avoir commis des faits de harcèlement moral.
S’agissant des premiers griefs, si les attestations produites par le salarié font état du comportement agressif, irrespectueux et impoli à l’égard du salarié pouvant s’apparenter parfois à des réprimandes ou des brimades comme l’indiquent M. [Z] [W], M. [G] [B] ou M. [U] [J], par contre elles sont insuffisamment circonstanciées et précises pour établir une récurrence; [V] [I], un client, fait référence à “un jour d’août 2015” sans autre précision au cours duquel il a assisté à une violente dispute entre M. [M] [D] et M. [C] [P], M. [T] [S], une cliente, indique avoir assisté en 2015 à une scène qui l’avait choquée, il s’agissait de remontrances de M. [C] [P] à l’égard de M. [M] [D] ; quant à l’attestation de Mme [L] [A], conseillère de M. [M] [D] lors de son entretien préalable du 17 mai 2016, elle indique que le salarié a informé son employeur du harcèlement qu’il subissait de la part de M. [C] [P], sans mentionner d’événements auxquels elle aurait assisté.
S’agissant des tâches non contractuelles qui auraient été imposées au salarié, il ressort des différents avenants de son contrat de travail que les parties ont produits aux débats, que certains d’entre eux ont eu pour effet de modifier ses fonctions puisqu’ils établissent que le salarié a été amené à exercer le poste de manager de magasin et de pilote frais niveau IV A, pendant l’absence de salariés de 2005 jusqu’en décembre 2014.
Or, cette modification impliquait incontestablement que M. [M] [D] soit avisé des déclenchements d’alarme du magasin dès lors que ces fonctions comportaient celle notamment d’être en relation avec les “partenaires” dont la société en charge de la sécurité du magasin, l’article 14 de la convention collective applicable que la société verse aux débats définissant le poste de pilote frais comme étant celui qui est à “même de suppléer son supérieur hiérarchique en cas d’absence occasionnelle de celui-ci”.
En tout état de cause, force est de constater que les appels téléphoniques n’émanent pas directement de l’employeur et qu’il n’est pas établi que ce dernier aurait demandé expressément à la société de surveillance de procéder à ces appels notamment pendant la période de congé maladie de M. [M] [D] ; enfin, celui-ci soutient avoir exercé les fonctions d’agent de sécurité mais ne justifie pas s’être déplacé au magasin en raison d’un déclenchement d’alarme ; les déclarations de Mme [L] [A] sur les appels nocturnes réceptionnés par M. [M] [D] pour des vols ne sont étayés par aucun élément objectif,
Concernant les horaires de travail, outre le fait que le salarié ne fait pas état de l’accord d’entreprise de modulation du temps de travail du 18 juin 1999 que la société produit aux débats et qui prévoit notamment que la durée hebdomadaire du travail peut varier de plus ou moins 4 heures autour de l’horaire moyen de référence, il apparaît, à l’examen des fiches produites par M. [M] [D] que celui-ci a commencé sa journée de travail à 06h à 5 reprises (18 et 19 décembre 2012, 05 octobre 2012, une fois au cours de la semaine du 25/30 août 2014 et de la semaine du 18/23 août 2014), qu’il n’a jamais travaillé jusqu’à 20h, tout au plus quelques fois à 19h45, que souvent il débutait sa journée de travail à 07h et la terminait à 19h30 ou avant cette heure.
Sur ce point, la Sas Les Halles Blachère verse aux débats plusieurs documents intitulés “édition des compteurs” de 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 sur lesquels sont mentionnés le nombre d’heures travaillées, le nombre d’heures supplémentaires et le solde “compteur” pour chaque semaine, desquels il ressort qu’à compter du mois de mai pour la période considérée, le compteur de M. [M] [D] était déficitaire. Le planning de la semaine 24 de l’année 2015 que la société verse également aux débats démontre par ailleurs que le salarié était en récupération.
Il n’est donc pas établi que M. [M] [D] aurait effectué des heures supplémentaires non rémunérées.
Enfin, s’agissant de la cause de la dégradation de son état de santé, si les pièces médicales que le salarié a produites démontrent incontestablement une dégradation de son état de santé à compter du 21 août 2015, elles ne permettent pas à elles seules d’établir qu’elle est corrélée à une détérioration de ses conditions de travail.
Les fiches de visite médicale établies par le médecin du travail le 02 mars 2016 à l’occasion de la reprise du travail qui mentionnent “inapte à tous les postes de l’entreprise. Apte à un autre” puis le 31 mars 2016 à la demande du médecin “inapte à tous les postes de l’entreprise et du groupe. Pas de reclassement envisageable” ne permettent pas non plus, contrairement à ce que prétend le salarié, d’établir un lien entre son inaptitude et des faits allégués de harcèlement, ces fiches ayant pour seul objet de constater l’impossibilité pour le salarié de poursuivre son activité professionnelle.
Il en est de même des prescriptions médicales et du justificatif relatif à un suivi au centre médico-psychologique de [Localité 3] depuis le 10 septembre 2015 qui mettent seulement en évidence la mise en place d’un traitement médicamenteux pour des troubles anxieux et dépressifs, et ce d’autant plus que la société intimée justifie que le salarié l’avait sollicitée par un courrier du 02 décembre 2014 afin de “passer à un contrat de 30 heures dès que possible” en raison d’un problème de santé de sa mère, expliquant qu’il devait souvent la conduire à des rendez-vous médicaux et s’occuper de “diverses tâches” la concernant.
Il s’en déduit qu’il n’est pas établi que M. [M] [D] aurait été victime d’un harcèlement de la part de la Sas Les Halles Blachère, de sorte qu’il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande relative au manquement de la Sas Les Halles Blachère à son obligation de sécurité :

L’article L4121-1 du code du travail dispose dans sa version applicable que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1o Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2o Des actions d’information et de formation ;
3o La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L4121-2 du même code dispose dans sa version applicable, que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1o Eviter les risques ;
2o Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3o Combattre les risques à la source ;
4o Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5o Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6o Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7o Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L1152-2
8o Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9o Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En l’espèce, M. [M] [D] soutient que les alertes qu’il avait adressées à son employeur sont restées sans effet ce qui caractérise un manquement à son obligation de sécurité à l’origine de son inaptitude.

Le courrier de M. [M] [D] daté du 28 août 2015 et rédigé à l’attention du directeur des ressources humaines de la Sas Les Halles Blachère, dont il n’est pas établi qu’il ait été effectivement envoyé, dans lequel il expose ses mauvaises relations de travail – il fait référence à des invectives verbales de M. [C] [P] “ça fait six mois que tu dors dans le magasin” , à des tâches qui lui auraient été imposées alors qu’elles ne correspondaient pas à son poste de travail, à des horaires de travail non respectés – a fait l’objet d’une réponse de l’employeur ; en effet, il est mentionné dans un courrier du 25 novembre 2015 adressé à M. [M] [D], que la direction a diligenté une enquête interne auprès de son manager de secteur pour vérifier le bien fondé de ses allégations et que ses conclusions n’ont pas permis de conforter ses dires puisqu’il est indiqué que les échanges avec sa hiérarchie ont été qualifiés de respectueux.

M. [M] [D] ne justifie pas non plus avoir envoyé de façon effective un courrier daté du 17 février 2016 dont le nom du destinataire n’est pas non plus mentionné.

Force est de constater que M. [M] [D] ne rapporte pas la preuve que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne réagissant pas aux deux alertes qu’il lui aurait adressées concernant une supposée dégradation de ses relations de travail.

M. [M] [D] sera donc débouté de ce chef demande.

Sur le licenciement :

– sur la demande de nullité du licenciement :

Dans la mesure où le harcèlement moral n’est pas établi, la demande de M. [M] [D] tendant à prononcer la nullité de son licenciement en application de l’article L1152-3 du code du travail n’est pas fondée.

M. [M] [D] sera donc débouté de ses demandes formées à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de licenciement nul.

– sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

L’article L1226-2 du code du travail dipose dans sa version applicable, que lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

La loi no 2015-994 du 15 août 2015 et la loi no 2016-1088 du 8 août 2016 ont, pour la première, modifié les cas dans lesquels l’employeur peut licencier un salarié déclaré inapte consécutivement à un accident du travail ou une maladie professionnelle et pour la seconde, unifié le régime de la recherche de reclassement qu’il s’agisse d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle ou un accident du travail ou non.

L’employeur est dispensé de toute recherche de reclassement lorsque l’avis médical comporte une mention expresse déclarant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l’espèce, M. [M] [D] soutient que la Sas Les Halles Blachère n’a pas procédé à une recherche loyale et sérieuse de son reclassement de sorte que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Après un avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 31 mars 2016 qui a conclu à “inapte à tous les postes de l’entreprise et du groupe. Pas de reclassement envisageable”, la Sas Les Halles Blachère justifie avoir sollicité l’avis du médecin du travail le 06 avril 2016 sur la possibilité de reclassement de M. [M] [D] au poste de vendeur ou de préparateur dans un boulangerie de l’enseigne “Marie Blachère” qui est une entité commerciale avec qui elle a des liens commerciaux étroits.

Dans un courrier du 11 avril 2016, le médecin du travail a confirmé les termes de son certificat médical qui mentionnait qu’il n’y a pas de reclassement possible et que le poste proposé n’est pas à même de changer sa décision.

Il s’en déduit que la Sas Les Halles Blachère n’était pas tenue de proposer un poste en reclassement à M. [M] [D] que ce soit dans la société ou au sein du groupe auquel elle appartient.

La demande de M. [M] [D] tendant à juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement n’est donc pas fondée et sera donc rejetée.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 31 décembre 2019,

Dit et juge que M. [M] [D] a un intérêt à agir,

Déboute M. [M] [D] de l’intégralité de ses prétentions,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [M] [D] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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