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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No 1361
No RG 19/04324 – No Portalis DBVH-V-B7D-HRRY
LR/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ALES
10 octobre 2019
RG :18/00148
[W]
C/
S.A.S. TURINI AUTO
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALES en date du 10 Octobre 2019, No18/00148
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5] (34)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON
INTIMÉE :
SAS TURINI AUTO
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [E] [W] a été engagé à compter du 23 mai 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de mécanicien sur l’établissement d'[Localité 4], par la SAS Turini Auto qui exploite une concession automobile à [Localité 6] et à [Localité 4].
Après plusieurs arrêts de travail, faisant suite à une maladie professionnelle reconnue le 24 septembre 2014, M. [W] a été déclaré inapte définitivement à son poste de travail par le médecin du travail en date du 19 février 2018.
Le 2 mars 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Par courrier du 16 mars 2018, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 8 novembre 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès aux fins de voir requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner son employeur en paiement d’indemnités de rupture.
Par jugement contradictoire du 10 octobre 2019, le conseil de prud’hommes d’Alès a :
– constaté que la SAS Turini ne pouvait être tenue de consulter les délégués du personnel sur le reclassement de M. [E] [W] compte tenu du procès verbal de carence,
– dit et jugé que la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [E] [W] est parfaitement régulière,
En conséquence,
– débouté M. [E] [W] de sa demande de dommages et intérêts y afférent,
– constaté que la SAS Turini était exonérée de recherches de reclassement et qu’elle n’a donc commis aucune violation de son obligation de reclassement envers M. [E] [W],
– dit et jugé que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [E] [W] est parfaitement justifié,
En conséquence,
– débouté M. [E] [W] de sa demande de requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l’ensemble de ses demandes à ce titre,
– condamné M. [E] [W] à payer à la SAS Turini la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
– débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.
Par acte du 13 novembre 2019, M. [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 11 février 2020, M. [E] [W] demande à la cour de :
– recevoir son appel
– le dire bien fondé en la forme et au fond
En conséquence,
– réformer en tout point le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Alès en date du 10 octobre 2019
En conséquence,
– dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de recherches loyales et sérieuses de reclassement,
En conséquence,
– condamner la SAS Turini au paiement des sommes suivantes :
* 15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Turini à la somme de 2000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelant soutient que :
– la société Turini n’a pas respecté les dispositions protectrices des salariés victimes de maladie professionnelle, en ne procédant à aucune recherche loyale et sérieuse de reclassement. Par conséquent, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
– c’est à tort que le conseil de prud’hommes a retenu que la société Turini était exonérée de recherches de reclassement. La dispense de reclassement énoncée par le médecin du travail n’avait d’effet que pour l’établissement d'[Localité 4], l’employeur n’était donc nullement exonéré de recherches de reclassement sur tous les autres établissements, notamment celui de [Localité 6] sur lequel il existait incontestablement des solutions de reclassement.
– contrairement à ce que tente de faire croire l’employeur, il n’a pas refusé de reclassement sur [Localité 6] mais a tout simplement fait savoir qu’il n’était pas d’accord de se voir reclasser au sein d’une autre entreprise en dehors du département du Gard.
– son licenciement lui a causé un préjudice financier compte tenu de sa situation actuelle et un préjudice moral puisqu’il a été écarté du rang des effectifs de l’entreprise après sept ans d’ancienneté, sans aucun antécédent disciplinaire.
En l’état de ses dernières écritures du 28 avril 2020, la SAS Turini Auto demande à la cour de :
– confirmer en totalité le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 10 octobre 2019 et ainsi:
A titre principal :
– constater que le moyen d’appel relatif à la prétendue absence de régularité de la procédure de licenciement ne figure pas dans les conclusions de M. [W] ;
* et ainsi dire et juger que ce moyen d’appel a été abandonné par l’appelant et qu’il ne doit pas être évoqué devant la cour
– constater qu’elle était exonérée de recherches de reclassement et qu’elle n’a donc commis aucune violation de son obligation de reclassement envers M. [W] ;
* et ainsi, dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [W] est parfaitement justifié ;
* et par conséquent, débouter M. [W] de sa demande de requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de l’ensemble de ses demandes à ce titre
– et ainsi, débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire :
– constater qu’elle ne pouvait être tenue de consulter les délégués du personnel sur le reclassement de M. [W] compte tenu du procès verbal de carence aux élections professionnelles ;
* et ainsi, dire et juger que la procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [W] est parfaitement régulière
* et par conséquent, débouter M. [W] de sa demande de dommages et intérêts y afférent.
– constater que la société a respecté son obligation de recherches de reclassement mais qu’aille se trouvait dans l’impossibilité totale de reclasser M. [W] ;
* et ainsi, dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [W] est parfaitement justifier ;
* et par conséquent, débouter M. [W] de sa demande de requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de l’ensemble de ses demandes à ce titre.
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que les indemnités demandées par M. [W] sont totalement disproportionnées et que celui-ci ne démontre aucun préjudice
* et ainsi, réduire la demande de dommages et intérêts de M. [W] à de substantielles proportions ;
* et par conséquent, débouter M. [W] de l’ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause :
– condamner reconventionnellement M. [W] à la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’intimée fait valoir que :
– alors que M. [W] a interjeté appel du jugement sur la question de la régularité de la procédure de licenciement, il ne formule aucune demande relative à ce moyen d’appel, ni dans le développement de ses conclusions, ni dans le par ces motifs. À titre subsidiaire, la procédure de licenciement pour inaptitude est parfaitement régulière compte tenu du procès verbal de carence aux élections des délégués du personnel.
– elle n’a commis aucun manquement à son obligation de reclassement puisque:
* l’avis d’inaptitude de M. [W] mentionnait clairement ” l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi”,
* il n’existait aucune possibilité de reclassement dans la mesure où elle ne dispose que de deux établissements et M. [W] a refusé un reclassement sur un autre établissement que celui dans lequel il travaillait,
* elle ne pouvait pas non plus réaliser de recherche de reclassement sur le site d'[Localité 4] compte tenu de l’importance des restrictions médicales émises par le médecin du travail.
– en outre, M. [W] ne dispose d’aucune formation ou expérience professionnelle qui aurait pu lui permettre d’être reclassé sur un poste de type administratif ou sur un poste de commercial.
– M. [W] ne justifie aucunement d’un quelconque préjudice subi au titre de la rupture de son contrat de travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 19 mai 2022 , le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 septembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience 22 septembre 2022.
MOTIFS
M. [E] [W], qui sollicite la réformation du jugement « en tout point », ne développe cependant aucun moyen concernant la consultation des délégués du personnel , de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il n’a pas retenu d’irrégularité de la procédure à cet égard.
La présente cour n’a donc qu’à examiner la question du reclassement.
Aux termes de l’article L. 1226-10 du code du travail, en vigueur depuis le 1er janvier 2018 :
« Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
L’article L. 1226-12 du même code dispose que « Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Dans l’avis d’inaptitude du 19 février 2018, le médecin du travail a coché la case « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
S’il s’agit d’un cas de dispense de l’obligation de reclassement au sens de l’article L. 1226-12 du code du travail, il convient cependant de tenir compte des « conclusions et indications relatives au reclassement » formulées juste après par le médecin du travail, en ces termes :
« inapte : l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi – article R4624 – 42 du CT
uniquement sur le site d'[Localité 4] de l’entreprise Turini, cette inaptitude est posée dans le cadre de la MP 57A (formulaire ITI remis au salarié ce jour, pour information le médecin du travail émet uniquement un lien d’efficience entre la MP et l’avis d’inaptitude et non pas un lien direct et certain), inaptitude posée en une fois dans le cadre de la loi d’août 2016 et à la suite de l’échange avec l’employeur, l’étude des conditions de travail et l’étude de poste sur le site d'[Localité 4] le 09/01/2018, cette inaptitude dans ce cadre exonère l’employeur de toute recherche de reclassement et/ou aménagement de poste uniquement sur le site d'[Localité 4] de l’entreprise Turini. Les capacités restantes du salarié sont: pas de port de charges de plus de 15 à 20 kg, pas de port de charges répété, pas d’élévation de l’épaule droite de plus de 70 à 90o. »
Contrairement à ce que prétend l’intimée, le médecin du travail pouvait limiter la dispense de l’obligation de recherche de reclassement à un seul des deux sites de la société, étant relevé qu’il n’avait procédé qu’à la seule étude du poste et des conditions de travail dans l’établissement d'[Localité 4] et non dans celui de [Localité 6].
Manifestement donc, au regard des mentions précises de l’avis d’inaptitude, la dispense de reclassement n’avait d’effet que pour l’établissement d'[Localité 4].
Or, il existait en l’espèce des solutions de reclassement envisageables sur l’établissement de [Localité 6].
En effet, le 23 janvier 2018, le docteur [C] [K], médecin du travail, indiquait «Suite à la réunion pluridisciplinaire SAMETH 30/EMPLOYEUR/SALARIE/MEDECIN DU TRAVAIL du 09/01/2018 au sujet de l’étude de l’aménagement de poste de votre salarié M. [W] [E] dans le cadre de sa maladie professionnelle 57 A, un poste aménagé sur [Localité 6] avait été éventuellement identifié. Dans le cadre réglementaire d’une recherche active de la part de l’employeur au maximum de ses possibilités et de la MP 57A, nous sommes dans l’attente de la fiche de poste de cette éventuelle poste identifié afin que la SAMETH 30, Madame [V] [I] et moi-même puissions effectuer l’étude de poste sur le site Turini de [Localité 6] afin d’évaluer la faisabilité de ce reclassement et les différentes aides techniques et financières que nous pourrions mettre en place, aides liées à ce maintien dans l’emploi de votre salarié.»
Par courriel du 25 janvier 2018, l’employeur répondait en ces termes : «comme évoqué lors de notre entretien téléphonique du lundi 15 janvier, nous ne sommes pas en mesure de répondre favorablement à cette étude de poste puisqu’il s’avère qu’après concertation avec notre chef d’atelier, et contrairement à ce que nous avions pu imaginer dans un premier temps, il n’existe actuellement aucun besoin de recrutement sur l’atelier de [Localité 6]. En l’absence de tout poste disponible, cette piste devient donc sans objet. »
Or, étant rappelé qu’en matière de reclassement la charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement incombe à l’employeur qui doit mettre en oeuvre une recherche loyale et personnalisée, ce seul courrier est tout à fait insuffisant pour justifier de l’absence de poste disponible ou de possibilités d’aménagement de poste, ainsi par exemple par une permutation de salariés. L’employeur aurait dû donner suite à la proposition du médecin du travail d’effectuer une étude de poste sur l’établissement de [Localité 6].
La SAS Turini fait valoir que son obligation de reclassement se limitait aux emplois disponibles dans l’entreprise et compatibles avec l’état de santé et les préconisations du médecin du travail, qu’elle ne pouvait imposer à un autre salarié une modification de son contrat ou encore créer un nouveau poste.
Il lui appartenait toutefois de produire aux débats les éléments informant la cour de la composition du personnel de la concession automobile de [Localité 6]. Or, elle ne produit que la liste des entrées/sorties du 1er janvier au 31 mars 2018 faisant mention de l’entrée d’un vendeur, M. [H] [U]. Cette pièce ne justifie nullement de l’absence de poste disponible comme elle le prétend. Aucune indication n’est fournie sur le reste du personnel en atelier ou en magasin. Par ailleurs, si le curriculum vitae de M. [E] [W] mentionne essentiellement une expérience professionnelle de mécanicien, il est également fait état de formations en matière d’accueil clientèle et de facturations ainsi que de connaissances en informatique.
Enfin, s’il ressort du « questionnaire à remettre au salarié déclaré inapte » signé le 26 février 2018 que M. [E] [W] a coché la case « non » après la mention « accepteriez-vous un reclassement sur un autre établissement que celui dans lequel vous travaillez actuellement ? », dans un courrier daté du même jour, il indiquait clairement qu’un reclassement sur [Localité 6] serait le plus adapté.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que l’employeur a manqué à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Le licenciement doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
M. [E] [W] sollicite une indemnisation sur le fondement de l’article 1226-15 du code du travail, de sorte qu’il ne peut lui être opposé le barème prévu à l’article 1235-3 du même code.
Aux termes de l’article L. 1226-15 du code du travail, en vigueur depuis le 24 septembre 2017, « Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l’article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement, prévues à l’article L. 1226-14.
Lorsqu’un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l’article L. 1235-2 en cas d’inobservation de la procédure de licenciement. »
M. [E] [W] a donc droit, en application de l’article L. 1235-3-1, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, soit 1650 euros X 6 = 9900 euros.
M. [E] [W] indique être actuellement sans emploi et percevoir les indemnités chômage. Il ne fournit toutefois aucun document sur sa situation actuelle. Agé de 50 ans, il avait sept ans d’ancienneté au moment du licenciement. Sans aucun antécédent disciplinaire, il a été licencié au terme d’une procédure expéditive.
La cour estime ainsi que le salarié sera justement indemnisé par l’allocation d’une somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera donc ici infirmé.
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SAS Turini auto et il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] [W] les frais irrépétibles exposés en appel. Il lui sera accordé la somme réclamée de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
– Infirme le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes d’Alès, sauf en ce qui concerne l’absence de méconnaissance de l’obligation de consulter les délégués du personnel,
– Et statuant à nouveau sur les autres chefs,
– Dit que le licenciement de M. [E] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de recherches loyales et sérieuses de reclassement,
– Condamne la SAS Turini auto à payer à M. [E] [W] la somme de 11 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Rejette le surplus des demandes,
– Condamne la SAS Turini auto à payer à M. [E] [W] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la SAS Turini auto aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,