Cour d’appel de Basse-Terre, 5 décembre 2022, 21/002441

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Cour d’appel de Basse-Terre, 5 décembre 2022, 21/002441
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VS/RLG

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 187 DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00244 – No Portalis DBV7-V-B7F-DJI5

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de POINTE A PITRE du 3 février 2021 – Section Activités Diverses –

APPELANTE

S.A.R.L. FIDUCIAIRE CARAIBE D’EXPERTISE COMPTABLE FICARE C COMPTABLE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Hugues JOACHIM de la SELARL J – F – M, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 34)

INTIMÉE

Madame [K] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Nicolas DESIREE (Toque 3), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 3 octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie Josée Bolnet, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 décembre 2022

GREFFIER Lors des débats : MmeValérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du code de procédure civile.Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
*********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [K] [L] a été embauchée par la SARL FICAREC par contrat à durée indéterminée à compter du 01/09/1998 en qualité de comptable.

Le 18/06/2019, le docteur [U] a déclaré Mme [K] [L] inapte avec la mention suivante : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé».

La SARL FICAREC adressait à Mme [K] [L] le 04 Juillet 2019 une convocation à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 15 juillet 2019.

Mme [L] informait la SARL FICAREC par lettre du 06 juillet 2019, qu’elle ne se présenterait pas à cet entretien pour des raisons de santé et invitait son employeur à poursuivre la procédure de licenciement.

Suivant lettre du 17 Juillet 2019, la société FICAREC adressait donc à Mme [L] une lettre de licenciement pour inaptitude en présence d’une dispense de reclassement.

Par requête du 06 décembre 2019, Mme [K] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre afin d’obtenir la condamnation de la SARL FICAREC au paiement des sommes suivantes :
– 22.464,42 euros à titre d’indemnité spéciale de licenciement
– 50,00 euros à titre d’astreintes journalières pour l’attestation pôle emploi
– 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Par jugement du 3 février 2021,le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :
– constaté que Mme [K] [L] a été victime d’un accident du travail
– condamné la société FICAREC à payer à Mme [K] [L] la somme de 16 954,80 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;
– ordonné à la société FICAREC de remettre à Mme [K] [L] l’attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– condamné la société FICAREC à payer à Mme [K] [L] la somme de 300 euros au titre de l’article l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 1er mars 2021, la société FICAREC a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 22 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a dit n’y avoir lieu d’ordonner la radiation de l’affaire et dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance principale.

Les parties ont conclu au fond et l’ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2022, la SARL FICAREC demande à la cour de :
– Constater que Mme [L] n’a jamais subi un quelconque harcèlement moral.
– Dire et Juger que le licenciement pour inaptitude définitive au poste et dispense de reclassement dans un emploi de Mme [L] est régulier, parfaitement fondé et n’a pas une origine professionnelle
En conséquence, Infirmer le Jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Pointe-à-Pitre prononcé le 03 Février 2021 en ce qu’il :
– Déclare recevable la requête de Mme [L] [K].
– Constate que Mme [L] [K] a bien été victime d’un accident du travail.
– Condamne la société FICAREC en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [L] [K] la somme de 16.954,80 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement.
– Condamne la société FICAREC en la personne de son représentant légal, à remettre à Mme [L] l’attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour à compter du jugement à intervenir.
– Condamne la société FICAREC en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [L] [K] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Déboute la FICAREC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Statuant à nouveau,
– Débouter Mme [L] [K] de toutes ses demandes
– Condamner la même à payer à la concluante la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL FICAREC expose, en substance, que :
– Mme [V], une collègue de Mme [L] a déclaré pour elle, ainsi que pour deux de ses collègues, un accident du travail le 17 Juillet 2018 qui aurait eu lieu le 11 juillet 2018 dans les locaux de la société FICAREC ; cette déclaration d’accident du travail a été faite sans que l’employeur en soit informé ;cette déclaration d’accident du travail découle d’une altercation à laquelle Mme [K] [L] a assisté ;
– le certificat médical initial de Mme [K] [L] ne remplit pas les critères de l’article L441-6 du code de la sécurité sociale ;
– Mme [L] dans une lettre adressée à son employeur indique que son inaptitude est professionnelle mais pas physique. En pièce n 2, elle communique son dossier médical, le motif de son entrée au CHU est « trauma poignet DT en poussant quelqu’un au travail » Il y a donc contradiction ; en outre, il convient de constater que si « l’accident » s’est déroulé le 11 juillet 2018, le certificat de travail initial d’accident du travail est établi le 17 juillet 2018 soit 6 jours plus tard. Le 17 juillet 2018 soit 6 jours après son prétendu « choc post traumatique » dont elle se prétend victime, Mme [L] a participé à une formation financée par son employeur d’une durée de 4 heures réalisée par Auditec Guadeloupe ;
– le Tribunal judiciaire pôle social de Pointe-à-Pitre a, suivant jugement du 15 Décembre 2020, jugé que l’accident du travail déclaré par Mme [L] n’était pas opposable à la société FICAREC ;
– Mme [L] reconnaît que c’est à tort que le docteur [D] a utilisé le mot de harcèlement moral ;
– le docteur [U], médecin du travail a prononcé une inaptitude définitive non professionnelle de Mme [L], le 18 Juin 2019 ;
– la seule et unique lésion constatée après l’incident du 11 juillet 2018 est un oedème sur la main n’ayant entraîné aucune ITT ; en conséquence, l’inaptitude déclarée par le médecin du travail ne résulte manifestement pas de ce simple oedème sans gravité ;
– la Cour de Cassation juge que dès lors que l’employeur n’avait pas connaissance de l’origine professionnelle de l’inaptitude à la date du licenciement, le salarié ne peut invoquer la violation des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail ;
– elle n’avait aucune raison de faire le lien entre l’inaptitude de Mme [L] et un accident du travail déclaré par une autre salariée alors que suite à l’incident du 11 juillet Mme [L] ne souffrait que d’un simple oedème à la main n’ayant entraîné aucune incapacité de travail ;
– l’ordonnance de mise en état rendue le 22.11.2021 constate que tous les documents de fin de contrat ont été remis à Mme [L] et ont été établis régulièrement et que les condamnations prononcées par le conseil des prud’hommes ont été intégralement payées.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2021, Mme [K] [L] demande à la cour de :
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre du 05 février 2021 RG n 19/00468 ayant :
– constaté qu’elle a été victime d’un accident du travail ;
– condamné la société FICAREC à lui payer la somme de 16 954,80 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement ;
– ordonné à la société FICAREC de lui remettre l’attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– condamné la société FICAREC à lui payer la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;
– débouté la société FICAREC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Y ajoutant ;
CONDAMNER la SARL FICAREC à lui payer la somme de 5.509 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
CONDAMNER la SARL FICAREC à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la SARL FICAREC aux entiers dépens de l’instance.

Mme [K] [L] expose, en substance, que :
– elle a été victime d’un accident du travail survenu le 11 juillet 2018, reconnu comme tel par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe ;
– elle s’est rendue le jour même aux urgences ;
– en suite de cet accident du travail elle a été placée en arrêt maladie puis le médecin du travail
a constaté son inaptitude ;
– ayant été licenciée pour inaptitude d’origine professionnelle, elle est en droit d’obtenir le paiement de l’indemnité spéciale ;
– la SARL FICAREC ayant manqué à son obligation de reclassement, doit lui verser une indemnité compensatrice de préavis.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude de Mme [K] [L]

Il ressort des pièces du dossier qu’une altercation a éclaté le 11 juillet 2018 entre M [E] [R], dirigeant de l’entreprise, et Mme [G] [T], salariée ; que d’autres salariés sont intervenus pour s’interposer entre les deux protagonistes, dont Mme [K] [L] (attestations de MM [F] et [W]) ; que lors de ces événements, Mme [K] [L] a été blessée au poignet (documents médicaux du service des urgences et certificats médicaux des docteurs [J] et [A]).

En suite de cet incident, Mme [K] [L] a été placée en arrêt-maladie pour syndrome de stress post-traumatique à compter du 17 juillet 2018 ainsi qu’il ressort des certificats d’arrêt de travail des 17 juillet 2018, 24 août 2018, 17 novembre 2018 et 17 mai 2019 et des certificats médicaux délivrés par le docteur [O] [J] les 14 novembre 2018 et 16 janvier 2019, et le docteur [B] [A] le14 mai 2019.

Le 18 juin 2019, le docteur [P] [U], médecin du travail, a émis un avis d’inaptitude au bénéfice de Mme [K] [L] indiquant que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », sans préciser si cette inaptitude était d’origine professionnelle ou non professionnelle.

Toutefois, le docteur [P] [U], médecin du travail, a rempli concomitamment pour Mme [K] [L] une demande d’indemnité temporaire d’inaptitude précisant que son avis d’inaptitude était « susceptible d’être en lien avec l’accident de travail ou la maladie professionnelle en date du 11 juillet 2018. ».

Il s’en déduit que l’inaptitude de Mme [K] [L] est d’origine professionnelle.

II / Sur l’indemnité spéciale de licenciement

L’article L1226-14 du code du travail dispose que « La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9. ».

En l’espèce, la SARL FICAREC ne peut valablement soutenir qu’elle ignorait l’origine professionnelle de l’inaptitude de Mme [L] lorsqu’elle l’a licenciée le 17 juillet 2019, alors que dès le 16 août 2018 la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe l’avait avisée de la déclaration accident du travail, que le 8 novembre 2018 elle avait saisi la commission de recours amiable de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe en contestation de la qualification de cet accident survenu le 11 juillet 2018, que cet accident s’était produit en présence de M [E] [R] dirigeant de l’entreprise, et que Mme [L], placée en arrêt de travail quelques jours après les faits, n’avait ensuite jamais repris son poste au sein de la société.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnité spéciale à hauteur de 16 954,80 euros.

III / Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Mme [K] [L] fait valoir que si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d’une indemnité pour un préavis qu’il est dans l’impossibilité physique d’exécuter en raison d’une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement consécutive à l’inaptitude.

Il convient cependant de rappeler que l’avis d’inaptitude du 18/06/2019 précise que : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ce qui permettait à la SARL FICAREC de licencier Mme [K] [L] sans recherche de reclassement, conformément aux dispositions de l’article L.1226-12 du code du travail.

Il n’y a donc pas lieu de requalifier le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [K] [L] ne peut donc qu’être déboutée de sa demande de paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.

IV / Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient, autant que de besoin, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande.

V/ Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL FICAREC à payer à Mme [K] [L] la somme de 300 euros pour ses frais irrépétibles en 1ère instance.

Il convient d’y ajouter la somme de 1200 euros pour ses frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre en date du 3 févier 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL FICAREC à payer à Mme [K] [L] la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL FICAREC aux entiers dépens ;

Rejette le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Le greffier, La présidente,


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