Cour d’appel de Basse-Terre, 19 septembre 2022, 21/004221

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Cour d’appel de Basse-Terre, 19 septembre 2022, 21/004221
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VS/GB

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 132 DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

AFFAIRE No RG 21/00422 – No Portalis DBV7-V-B7F-DJ2Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de BASSE-TERRE du 25 février 2021 – Section Commerce –

APPELANTE

S.A.R.L. TNN INDUSTRIEL
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE & CESAR (Toque 2), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

Madame [W] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par M. [U] (défenseur syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le Goff, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Madame Gaëlle Buseine, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 19 septembre 2022.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [M] [W] a été embauchée par la SARL Tout Net Nettoyage (TNN) par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2015 en qualité d’agent de service de qualification professionnelle, avec reprise de son ancienneté.

Par avis du 2 mai 2019, le médecin du travail déclarait Mme [M] inapte au travail et précisait que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre du 17 mai 2019, l’employeur convoquait Mme [M] à un entretien préalable à son éventuel licenciement, fixé le 4 juin 2019.

Par courrier du 3 juillet 2019, l’employeur notifiait à la salariée son licenciement pour inaptitude médicale.

Mme [M] saisissait le 3 octobre 2019 le conseil de prud’hommes de Basse-Terre aux fins d’obtenir le versement de diverses indemnités liées à l’exécution et la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 25 février 2021, le conseil de prud’hommes de Basse-Terre a :
– condamné la société TNN Industriel, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [M] la somme de 1000 euros au titre de l’indemnité pour non respect de la procédure de consultation des représentants du personnel,
– dit n’y avoir lieu de verser la somme de 500 euros à Mme [M] [W] en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [M] [W] du surplus de ses demandes et conclusions.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 avril 2021, la SARL TNN industriel formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 31 mars 2021.

Par ordonnance du 28 avril 2022, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et renvoyé la cause à l’audience du 23 mai 2022 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, régulièrement notifiées à Mme [M], la SARL TNN Industriel demande à la cour de :
– la déclarer recevable en son appel,
En conséquence,
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Mme [M] [W] du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
– juger régulier et bien fondé le licenciement querellé,
– débouter Mme [M] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la même aux entiers dépens, outre la somme de 1500 euros à titre de frais irrépétibles.

La société TNN Industriel soutient que :
– la procédure de licenciement a parfaitement été respectée,
– le licenciement est justifié au regard de l’avis d’inaptitude médicale, de la dispense de l’obligation de reclassement, de l’exclusion de l’obligation légale de consultation des représentants du personnel et de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement,
– la juridiction n’est pas compétente pour statuer sur la demande de versement d’une somme au titre de la faute inexcusable,
– elle s’est acquittée de certaines sommes qu’elle reconnaissait devoir à la salariée.

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 6 avril 2022 à la SARL TNN Industriel, Mme [M] demande à la cour de :
– juger irrégulier le licenciement en ce qu’il y a eu délit d’entrave,
– condamner la société TNN Industriel, pour faute inexcusable, dont l’indemnité correspondante est de 20908,45 euros,
– condamner la société TNN Industriel à payer le reliquat des congés payés, soit 548,91 euros,
– condamner la société TNN Industriel à payer le reliquat de la prime de fin d’année, soit 869,41 euros,
– débouter la société TNN Industriel de toutes ses demandes,
– condamner la société TNN Industriel à payer 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] expose que :
– les représentants du personnel n’ont pas été consultés préalablement à sa reprise du travail,
– ce manquement caractérise la faute inexcusable de l’employeur,
– le principe de non-discrimination ne peut aboutir à la priver d’une partie de l’indemnité de licenciement,
– ses demandes de paiement d’un reliquat d’indemnité et de prime sont justifiées.

MOTIFS :

Sur l’indemnité pour faute inexcusable :

Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, lequel ne pourra dépasser la réparation forfaitaire prévue par le régime spécial des accidents du travail qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé du licenciement ainsi que la réparation du préjudice qu’il a causé à la salariée.

En l’espèce, Mme [M] sollicite en cause d’appel le versement d’une somme de 20908,45 euros pour faute inexcusable, tout en justifiant son calcul par l’octroi d’une indemnité de licenciement qu’elle estime devoir être doublée.
Dans ses écritures, Mme [M] énonce les principes suivant lesquels le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, ainsi que la responsabilité de l’employeur en cas de faute inexcusable.

Il résulte des éléments repris ci-dessus que Mme [M] sollicite le versement du double de l’indemnité de licenciement, en considération de l’inaptitude médicalement constatée à l’origine de son licenciement, point sur lequel les parties s’accordent.

Il ressort de l’extrait du livre de paie, versé par la société TNN Industriel aux débats, que Mme [M] a perçu la somme de 11303,81 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

Dès lors, Mme [M] est seulement fondée à solliciter le versement de la somme de 9604,64 euros, dont il résulte des pièces du dossier et des mentions figurant dans le jugement déféré, qu’elle a été remplie de ses droits par la remise d’un chèque de 10308,67 euros.

La cour observe que Mme [M] ne justifie pas d’une discrimination qui aurait pu influer sur le versement de l’indemnité de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] de la demande afférente au versement d’un reliquat d’indemnité de licenciement.

Sur l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement :

Il résulte de l’article L. 1226-2 du code du travail, que lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

Selon l’article L. 1226-2 -1, alinéas 2 et 3 du code du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Il s’ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter le comité social et économique.

Il résulte des pièces du dossier que le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude en date du 2 mai 2019, établi dans le cadre d’une visite de reprise, précisant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, en visant les articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail.

Dès lors que l’avis du médecin du travail mentionnait expressément que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur n’était pas tenu de consulter les représentants du personnel.

Si Mme [M] se prévaut également d’un délit d’entrave, les pièces du dossier ne permettent pas de l’établir.

Dans ces conditions, il y a lieu d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé là la salariée une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et de débouter Mme [M] de sa demande formulée à ce titre.

Sur l’indemnité de congés payés :

Les parties s’accordent sur le fait que Mme [M] a droit au paiement d’un reliquat de congés payés d’un montant de 986,75 euros.

Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l’extrait du livre de paie mentionnant le paiement de la somme de 437,84 euros à ce titre et du chèque précité de 10308,67 euros, que Mme [M] a été remplie de ses droits.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la prime de fin d’année :

Il résulte des termes de l’article 9 du contrat de travail de Mme [M], en date du 1er février 2015, que la prime de fin d’année est versée prorata temporis.

Il n’est ni allégué, ni établi par les pièces du dossier qu’une autre disposition, notamment de nature conventionnelle, prévoirait un régime plus favorable.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que l’employeur justifie être redevable de la somme de 155,12 euros à ce titre, en considération des périodes d’absence de la salariée et du règlement de 47,18 euros figurant sur l’extrait du livre de paye.

La cour constate que la salariée a également été remplie de ses droits, la somme précitée étant incluse dans le règlement par chèque d’un montant de 10308,67 euros.

Il convient de débouter Mme [M] de sa demande présentée à ce titre.

Sur les autres demandes :

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 25 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Basse-Terre entre Mme [M] [W] et la SARL Tout Net Nettoyage, sauf en ce qu’il a condamné la SARL Tout Net Nettoyage à verser à Mme [M] [W] la somme de 1000 euros au titre de l’indemnité pour non respect de la procédure de consultation des représentants du personnel,

Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Déboute Mme [M] [W] de sa demande tendant au versement d’une indemnité au titre de l’irrégularité de la consultation des représentants du personnel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Le greffier, La présidente,


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