Convention collective Syntec : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04217

·

·

Convention collective Syntec : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04217

12 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG
21/04217

12/05/2023

ARRÊT N°229/2023

N° RG 21/04217 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONOF

CB/AR

Décision déférée du 27 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F20/00251)

MUNOZ P.

[W] [N]

C/

S.A.S. SECAFI

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 12 MAI 2023

à

Me Jean IGLESIS

Me Pauline CARRILLO

ccc à POLE EMPLOI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. SECAFI

prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 2]

Représentée par Me Fabrice PERRUCHOT de la SELEURL FABLOI, avocat au barreau de PARIS (plaidant) et par Me Pauline CARRILLO de la SELARL LP AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.BRISSET, présidente et A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [N] a été embauché selon contrat à durée indéterminée du 25 juillet 2007 par la SAS Secafi en qualité de responsable de mission confirmé, échelon 1, coefficient 310, statut cadre.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de responsable de mission confirmé 2, coefficient 370.

Le contrat de travail se référait à la convention collective des bureaux d’études dite Syntec. Les bulletins de paie font référence à celle des cabinets d’experts-comptables et des commissaires aux comptes.

La société Secafi emploie plus de 11 salariés.

Le 21 décembre 2018, M. [N] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 28 décembre 2018. Cet arrêt a été prolongé jusqu’au 26 avril 2019.

Le 22 mai 2019, il était à nouveau placé en arrêt de travail, cette fois au titre des conséquences d’un accident du travail, jusqu’au 31 mai 2019.

Le 1er juin 2019, il déclarait à la CPAM une nouvelle lésion. Son arrêt de travail était prolongé jusqu’au 30 juin 2019, puis sans interruption jusqu’au 28 août 2019.

Par décision du 13 août 2019, la CPAM refusait de prendre en charge cette nouvelle lésion.

Le 29 août 2019, lors de sa reprise, la médecine du travail le déclarait inapte à son poste de travail, renseignant les cas de dispense de recherche de reclassement.

Le 13 septembre 2019, la CPAM refusait de prendre en charge l’indemnisation temporaire.

Le 11 octobre 2019, la SAS Secafi consultait le comité social et économique.

Selon lettre du 18 octobre 2019, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 octobre 2019, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement selon lettre du 5 novembre 2019.

Le 18 février 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement et de condamner la société au paiement de diverses indemnités.

Par courrier du 19 mai 2020, M. [N] a adressé à la société une décision de la commission de recours amiable de la CPAM en date du 12 mars 2020, celle-ci annulant la décision de la CPAM du 13 septembre 2019 et acceptant de faire droit à la demande d’indemnisation temporaire d’inaptitude de M. [N].

Dans un courrier du 22 juillet 2020, la société Secafi a refusé de procéder au paiement d’une indemnité de préavis et de l’indemnité spéciale de licenciement.

Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil a :

– dit et jugé que le licenciement de M. [W] [N] pour inaptitude est fondé et que la commission de recours amiable de la CPAM a accepté de faire droit à la demande d’indemnisation temporaire d’inaptitude,

– condamné la SAS Secafi, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [N] la somme de :

– 20 166 euros nets au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– 19 144,92 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 914,49 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– débouté la société Secafi de sa demande de remboursement de la somme de 38 403,31 euros accordée par le bureau de conciliation et d’orientation du 13 octobre 2020,

– ordonné à la société Secafi la remise du certificat de travail, attestation pôle emploi et dernier bulletin de salaire, rectifiés à M. [N],

– dit et jugé que le surplus des demandes de M. [N] sont infondées,

– débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

– dit et jugé que ni la société Secafi ni M. [N] n’apportent d’élément probant concernant la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile mais que M. [N] a dû néanmoins engager des frais pour faire valoir ses droits,

– condamné la société Secafi, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [N] la somme de :

– 1 500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

Le 13 octobre 2021, M. [N] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

Dans ses dernières écritures en date du 24 mai 2022, auxquelles il est fait expressément référence, M. [N] demande à la cour de :

– recevoir M. [N] en son appel,

– réformer le jugement entrepris,

– annuler la sanction disciplinaire notifiée le 29 janvier 2019,

– juger que M. [N] a fait l’objet d’actes de harcèlement répétés ayant eu pour effet la dégradation de son état de santé,

– juger le manquement délibéré de l’employeur à son obligation de sécurité et de résultat,

– condamner en conséquence la société Secafi au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement,

– juger le lien de causalité existant entre l’inaptitude, le harcèlement subi et le manquement délibéré de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat par M. [N],

– annuler le licenciement de M. [N].

A titre subsidiaire:

– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

– condamner la société Secafi Alpha au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à titre subsidiaire, 70 191 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Secafi au paiement de la somme de 40 332 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– condamner la société Secafi au paiement de la somme de 19 227 euros au titre de l’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 922,70 euros au titre des congés payés y afférents,

– ordonner la délivrance du certificat de travail, attestation pôle emploi et dernier bulletin de salaire dans le sens de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

– condamner la société Secafi au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure.

Il soutient que le dossier s’inscrit dans le contexte d’une relation de travail dégradée par une crise interne ayant généré une surcharge de travail. Il ajoute qu’alors qu’il tentait de sauver ce qui pouvait l’être auprès d’un client important, il a été brusquement mis à l’écart et a fait l’objet de sanctions injustifiées. Il invoque une dégradation corrélative de son état de santé et considère que ces agissements caractérisent un harcèlement moral ou à tout le moins un manquement à l’obligation de sécurité. Il en déduit un licenciement nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières écritures en date du 7 mars 2022, auxquelles il est fait expressément référence, la société Secafi demande à la cour de :

– accueillir l’appel incident de la société Secafi.

A titre principal:

– juger qu’aucun harcèlement moral ne peut être reproché à la société Secafi,

– juger que la société Secafi n’a pas manqué à son obligation de sécurité,

– juger que le licenciement pour inaptitude de M. [N] ne résulte pas d’un harcèlement moral,

– juger que le licenciement pour inaptitude de M. [N] est fondé,

– juger que la sanction disciplinaire notifiée à M. [N] le 29 janvier 2019 est justifiée.

En conséquence:

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 27 septembre 2021 en ce qu’il a :

– débouté M. [N] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,

– débouté M. [N] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 27 septembre 2021 en ce qu’il a :

– condamné la société Secafi à verser à M. [N] :

– 20 166 euros nets au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– 19 144,92 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 914,49 euros bruts au titre des congés payés y afférent,

– débouté la société Secafi de sa demande d’annulation de l’ordonnance du Bureau de conciliation et d’orientation en date du 13 octobre 2020, et de remboursement de la somme de 38 403,31 euros par M. [N],

– débouté la société Secafi de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau:

– débouter M. [N] de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– débouter M. [N] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférent,

– annuler l’ordonnance du bureau de conciliation et d’orientation en date du 13 octobre 2020 et condamner M. [N] à rembourser à la société Secafi la somme de 38 403,31 euros.

A titre subsidiaire:

– limiter le montant total des dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse à la somme de 24 906 euros.

En tout état de cause:

– condamner M. [N] à rembourser à la société Secafi la somme indûment perçue de 1 681,75 euros au titre d’un trop-versé par la société Secafi,

– condamner M. [N] à verser à la société Secafi la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste tout harcèlement moral alors en outre que le contexte invoqué par le salarié ne le concernait pas. Elle estime que l’intervention du salarié auprès du client Safran était fautive. Elle conteste toute surcharge de travail alors que c’est le management de M. [N] qui était en cause ainsi que toute mise à l’écart. Elle soutient que la sanction du 28 janvier 2019 ne constituait pas un avertissement mais une mutation disciplinaire soumise à avenant lequel a été signé, alors que la procédure était régulière. Elle estime en conséquence que l’inaptitude était d’origine non professionnelle et qu’elle pouvait s’en prévaloir, sans avoir à appliquer les règles relatives à une inaptitude consécutive à un accident du travail.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 21 mars 2023.

Au regard de la discordances des écritures des parties sur la convention collective applicable, elles ont été autorisées à s’expliquer sur ce point par note en délibéré à huit jours.

La société Secafi a adressé une note en délibéré le 12 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des éléments produits en délibéré par la société Secafi que suite à un accord de substitution c’est bien la convention collective des experts-comptables et commissaires aux comptes qui est applicable.

Sur la sanction disciplinaire du 29 janvier 2019,

Le dispositif des écritures qui saisit la cour demande l’annulation d’une sanction du 29 janvier 2019, les motifs faisant référence à une sanction du 28 janvier 2019, étant constant qu’il existe une seule sanction objet du litige.

Selon lettre datée du 28 janvier 2019, l’employeur a infligé à M. [N] une sanction disciplinaire. Il ne s’agissait pas, contrairement aux mentions figurant dans les motifs des écritures de l’appelant, d’un avertissement mais d’une mutation disciplinaire. M. [N] a certes signé l’avenant présenté en exécution de cette sanction. Cependant, c’est à tort que l’employeur soutient que cette acceptation le priverait de la faculté de discuter de la régularité de la procédure et du bien fondé de la sanction.

La procédure disciplinaire faisait suite à un courrier électronique adressé par M. [N] le 23 novembre 2018 à des représentants du groupe Safran, client de la société Secafi, et portant sur le renouvellement du mandat. La société Secafi a considéré que le contenu de ce courrier relevait d’une faute.

Il ne peut pas être considéré que la décision de l’employeur du 30 novembre 2018, visant à décharger M. [N] de ce compte procède d’une sanction disciplinaire, puisqu’il s’agissait du simple exercice du pouvoir de direction sur l’attribution des missions. En revanche, indépendamment à ce stade de l’appréciation du caractère fautif du courrier électronique, il existe bien une difficulté majeure quant à la régularité de la procédure suivie.

Alors que M. [N] fait valoir que la sanction lui a été notifiée plus d’un mois après l’entretien au mépris de l’article L.1332-2 du code du travail, l’employeur se prévaut d’un délai expirant un samedi.

Il convient en premier lieu de reprendre l’ensemble de la procédure. La seule lettre de convocation à entretien préalable dont il soit justifié est produite par M. [N]. Elle est datée du 27 novembre 2018 et portait sur un entretien préalable au licenciement dont la date était fixée au 6 décembre 2018. Ainsi, contrairement aux énonciations de l’employeur cet entretien ne peut être qualifié d’informel et il s’inscrivait au contraire dans une procédure. Aucune lettre de convocation n’est produite pour l’entretien du 26 décembre 2018. Il n’est pas contesté qu’il a eu lieu. Le délai pour notifier la sanction expirait donc le 26 janvier 2019, même en tenant compte, comme le font les parties, de cette seule seconde procédure disciplinaire alors qu’aucun élément nouveau n’est invoqué suite à la première convocation. Il est exact ainsi que le fait valoir l’employeur que cette date du 26 janvier correspondait à un samedi, reportant ainsi l’expiration du délai au lundi suivant. Mais si la lettre de sanction est datée du 28 janvier 2019, dernier jour de ce délai, il n’est en rien justifié de la notification aucun élément n’étant donné sur l’envoi de la lettre recommandée, alors que la mention de la date sur la lettre ne peut correspondre à une date certaine de notification. L’employeur avait ainsi perdu son pouvoir de sanctionner les faits sans qu’il y ait lieu pour la cour d’apprécier leur caractère fautif ou non.

La sanction datée du 28 janvier 2019 ne peut ainsi qu’être annulée, par infirmation du jugement.

Sur le harcèlement moral,

Il résulte des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par application des dispositions de l’article L. 1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [N] invoque :

– un contexte global de crise dans l’entreprise ; il produit à ce titre la justification de l’intervention d’un cabinet extérieur en 2016 portant sur les risques psychosociaux. Cette note ne le concernait pas à titre personnel mais l’élément de contexte est matériellement établi,

– les comptes rendus de ses entretiens d’évaluation faisant ressortir pour l’année 2016 un périmètre RC de [W]…très complexe avec un passage de témoin difficile et un historique compliqué et pour l’année 2018 une mention de sa part selon laquelle l’année avait été très lourde…avec des actions pour structurer la dimension RH de la DR et gérer des situations de tension individuelles et collectives assez forte,

– un courrier électronique de sa part en date du 19 février 2018 adressé à son supérieur demandant des clarifications, faisant valoir qu’il ne se sentait pas sécurisé et qu’il comptait sur son supérieur pour ne pas être exposé et fragilisé,

– un courrier électronique que lui a adressé une collègue de même niveau hiérarchique le 25 juin 2018 indiquant quitter ses fonctions de management à raison du management proposé par leur supérieur commun,

– la justification du licenciement pour faute grave de M. [Y] dont il fait valoir qu’elle a déstabilisé encore un peu plus les équipes,

– la justification de la demande d’une intervention extérieure courant 2018 à raison notamment de divergences de positionnement managérial entre les membres du comité de pilotage,

– la procédure disciplinaire qui a fait l’objet de l’annulation ci-dessus,

– la justification de ce qu’il avait obtenu une autre mission dans le groupe Safran et en avait été écarté tout en ne l’apprenant que par des correspondances du client, qui s’en offusquait,

– la justification de la dégradation de son état de santé pour des motifs qu’il imputait à la relation de travail,

– l’absence d’organisation d’une visite de reprise à son retour le 24 avril 2019 après un arrêt de maladie de plusieurs mois.

– l’échange lors de la déclaration d’accident du travail le 23 mai 2019 d’où il résulte que le fichier de l’employeur n’était pas à jour auprès de la médecine du travail et ne comportait pas le nom de M. [N].

Ces éléments tels qu’établis par le salarié, pris dans leur ensemble, sont bien de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Face à ces éléments l’employeur qui doit justifier que ses décisions étaient étrangère à tout harcèlement produit fort peu d’éléments objectifs.

Il s’explique sur le caractère justifié de la sanction disciplinaire et sur le fait qu’il aurait à ce titre fait preuve de mansuétude. Sur la forme, même en admettant un caractère fautif au document, cela ne pouvait justifier la procédure rappelée ci-dessus avec une première convocation datée du 27 novembre pour un entretien, non pas informel mais préalable au licenciement, suivi d’une seconde procédure et d’une notification de sanction postérieure au délai d’un mois. Sur le fond, le courrier électronique litigieux pouvait relever d’une certaine maladresse en particulier en ce qu’il remettait en cause l’attitude d’un secrétaire du comité de groupe chez Safran dans un contexte où il s’agissait d’attribuer le marché et où un des collaborateurs de la société Secafi avait été licencié pour faute grave, notamment pour des actes de concurrence déloyale. Il n’en demeure pas moins que ce courrier ne relevait d’aucune déloyauté en ce qu’il tentait de sauvegarder la mission de Secafi chez le client, même dans des termes pouvant être discutables. Ce seul fait pouvait permettre à l’employeur de se

placer sur le terrain disciplinaire et éventuellement d’envisager une sanction que les juridictions auraient pu avoir à apprécier au fond mais ne pouvait en aucun cas justifier la procédure erratique relevée ci-dessus associée à une annonce par avance de sanctions dont le salarié allait faire l’objet comme il résulte du courrier électronique de Mme [G]. En particulier compte tenu des termes de l’annonce faite par l’employeur et repris dans ce document, le mail litigieux ne contenait aucun propos ordurier.

Cela ne pouvait davantage justifier les conditions dans lesquelles le salarié serait écarté de la mission Safran Aircraft. Ce sont en effet les courriers électroniques de protestation qui lui ont été adressés en copie par ses interlocuteurs chez Safran qui l’informeront de sa mise à l’écart. C’est cet événement qui déclenchera l’arrêt de travail pour accident du travail, reconnu comme tel par la CPAM.

Cette reconnaissance ne s’impose pas au juge de la relation de travail. Mais la cour peut constater en l’espèce qu’il existe une parfaite concomitance entre la réception du courrier électronique et l’arrêt de travail alors que si le médecin généraliste a été particulièrement peu prudent dans les termes de son certificat, ce dont l’employeur s’est plaint auprès du conseil de l’ordre, le certificat du psychiatre était lui beaucoup plus mesuré. Il y constatait une détresse psychologique sur fond de rumination anxieuse de la situation au travail et posait le diagnostic de syndrome anxio dépressif sévère. La cour, compte tenu des éléments rappelés ci-dessus, est bien en mesure de retenir un lien de causalité entre les manquements de l’employeur et cette dégradation telle que constatée par le médecin.

La cour constate en outre qu’alors que le conflit était déjà ouvert entre l’employeur et le salarié, ce dernier se plaignant des conditions vexatoires de la sanction disciplinaire et d’actes de déstabilisation (pièce 29), il n’était organisé aucune visite de reprise après un arrêt de quatre mois. M. [N] justifie d’ailleurs (pièce 54) que c’est suite à sa demande après l’accident du travail qu’il a pu être réinscrit sur le fichier de la médecine du travail. Il n’est pas davantage justifié d’une quelconque organisation matérielle de cette reprise après sanction.

Dans de telles conditions, l’employeur n’apporte pas à la cour les éléments objectifs qui lui incombent et il convient de retenir, par infirmation du jugement, l’existence d’un harcèlement moral.

Il doit en outre être retenu, comme l’ont fait les premiers juges, que l’inaptitude médicalement constatée est bien d’origine professionnelle et que l’employeur en avait connaissance. Le médecin du travail, concluant à l’inaptitude, a bien formalisé la demande d’indemnité temporaire d’inaptitude, considérant ainsi une origine professionnelle, peu important que cette indemnité ait été dans un premier temps rejetée puis accordée sur recours amiable au regard de l’indépendance, justement rappelée par l’employeur, du droit de la sécurité sociale et du droit du travail. Dans le cadre du présent litige, l’origine professionnelle, au moins partielle de l’inaptitude, procède des éléments rappelés ci-dessus et du harcèlement retenu par la cour. La connaissance qui était celle de l’employeur procède de la déclaration d’accident du travail.

Il convient donc de tirer les conséquences d’un licenciement nul prononcé dans le cadre d’une inaptitude d’origine professionnelle. Le salaire de M. [N], incluant la prime d’ancienneté, s’établissait à 6 409,52 euros. La cour rappelle que si les sommes versées à titre provisionnel par l’employeur seront prises en compte lors de l’exécution du présent arrêt, il n’y a pas lieu pour elle d’ordonner des restitutions qui découlent s’il y a lieu du titre constitué par l’arrêt.

M. [N], au regard de la nullité du licenciement, peut prétendre à l’indemnité conventionnelle de préavis pour la somme de 19 227 euros revendiquée ainsi que les congés payés afférents pour la somme de

1 922,70 euros étant rappelé que les conséquences sont celles d’un licenciement nul de sorte que l’indemnité fixée n’est pas celle de l’article L. 1226-14 du code du travail.

M. [N] peut également prétendre à l’indemnité spéciale de licenciement. Celle-ci a été calculée sur la base de l’indemnité légale, dans des conditions exemptes de critique, puis doublée de sorte que son montant s’élevait à 41 359,42 euros. Il y a lieu de tenir compte de l’indemnité de licenciement versée au moment de la rupture pour la somme de 20 166 euros. Il reste dû la somme de 20 193,42 euros. Le jugement sera de ce chef infirmé sur le montant retenu.

M. [N] peut en outre prétendre à des dommages et intérêts pour harcèlement moral, lesquels seront fixés à 8 000 euros au regard des circonstances de l’espèce et des éléments médicaux produits sur les conséquences subies par le salarié. Il peut enfin prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul. Ceux-ci tiendront compte de l’ancienneté du salarié (12 années complètes), de son niveau de rémunération, de son âge lors de la rupture (44 ans), de l’absence d’éléments sur sa situation actuelle mais également d’un licenciement nul. Il sera en conséquence alloué à M. [N] la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts.

L’employeur sera condamné au paiement de ces sommes. Il y aura lieu à remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte.

Il sera fait application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois.

L’action de M. [N] était bien fondée de sorte que le jugement sera confirmé sur le sort des frais et dépens en première instance. L’appel étant bien fondé, la société Secafi sera condamnée au paiement de la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 27 septembre 2021 sur le sort des frais et dépens en première instance,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce l’annulation de la sanction disciplinaire datée du 28 janvier 2019,

Prononce la nullité du licenciement de M. [N],

Condamne la SAS Secafi à payer à M. [N] les sommes de :

– 19 227 euros à titre d’indemnité de préavis,

– 1 922,70 euros au titre des congés payés afférents,

– 20 193,42 euros à titre de complément d’indemnité spéciale de licenciement,

– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Ordonne la remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt,

Rejette la demande d’astreinte,

Ordonne le remboursement par l’employeur des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois,

Condamne la SAS Secafi à payer à M. [N] la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SAS Secafi aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANE Catherine BRISSET

.

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x