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La Ch’tite Famille n’est pas la contrefaçon du synopsis « Le Syndrome ». Les protagonistes respectifs ne se ressemblent ni par les traits de caractère qui leurs sont donnés ni par le rôle et la fonction qui leur sont impartis dans les récits en présence et il n’est ainsi aucunement montré que le scénario incriminé a emprunté au synopsis le Syndrome ses personnages tels que décrits par leurs auteurs dans leurs caractéristiques propres.
La comparaison des oeuvres en présence du point de vue des personnages, de leurs traits de caractère, de leur rôle et de leur fonction conduit nécessairement à relever que les thématiques proposées par les auteurs respectifs sont différentes.
La notion de ‘thématique’ n’est pas subjective et procède en l’espèce d’un constat objectif d’où il ressort que la famille, qui constitue la problématique principale traitée par le scénario, est totalement absente du synopsis.
Les oeuvres en présence sont de genres différents, car le synopsis présente essentiellement une satire sociale, dénuée de sentimentalisme, qui met en exergue les travers des journalistes politiques et des hommes de télévision, tandis que la démonstration des sentiments est prépondérante dans le scénario, entre les membres de la famille du film.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/04422 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CBTET
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°18/01238
APPELANTS AU PRINCIPAL et INTIMES INCIDENTS
M. F X
Né le […] à Paris
De nationalité française
Exerçant la profession d’enseignant, auteur
[…]
M. H Y
Né le […] à Paris
De nationalité française
Exerçant la profession d’auteur, producteur
Demeurant 16, rue de Chartres – 92200 NEUILLY-SUR-SEINE
Représentés par Me Valérie X de la SELARL VALERIE X AVOCAT, avocate au barreau de PARIS, toque C 1923
INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.A.R.L. SLP CINE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
12, rue Saint-Sabin
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 802 643 387
Représentée par Me Valérie X de la SELARL VALERIE X AVOCAT, avocate au
barreau de PARIS, toque C 1923
INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS
M. J Z dit L Z
Né le […] à […]
De nationalité française
Exerçant la profession d’auteur, réalisateur, humoriste et artiste-interprète
[…]
Mme M B
Né le […] à […]
De nationalité française
Exerçant la profession d’écrivain, scénariste, comédienne
Demeurant 3, rue du Buisson Saint-Louis – 75010 PARIS
S.A.S. LES PRODUCTIONS DU CH’TIMI, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 453 740 219
R e p r é s e n t é s p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistés de Me Virginie LAPP, avocate au barreau de PARIS, toque D 1974
S.A.S. PATHE FILMS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 780 077 921
S.A.S. LES CINEMAS PATHÉ GAUMONT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 392 962 304
S.A.S. PATHE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[…]
[…]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 307 582 866
R e p r é s e n t é e s p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
Assistées de Me Thierry MAREMBERT plaidant pour la SCP KIEJMAN & MAREMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque P 200
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme O P, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme O P a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme O P, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme O P, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
– écarté les fins de non-recevoir tirées de l’absence de titularité des droits invoqués et de l’absence de détermination des caractéristiques fondant l’originalité de l’oeuvre invoquée,
— débouté H Y et F X de leurs demandes fondées sur la contrefaçon du synopsis Le Syndrome par le film La Ch’tite famille,
— rejeté les demandes indemnitaires subséquentes,
— rejeté les demandes reconventionnelles fondées sur la procédure abusive,
— condamné H Y et F X à verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
— 5.000 euros à L Z, M A et la société Les Productions du Ch’timi ensemble,
-5.000 euros aux sociétés Pathé, Pathé films et Cinémas Gaumont Pathé ensemble,
— condamné H Y et F X aux dépens,
— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Vu l’appel de ce jugement interjeté par MM. X et Y le 28 février 2020.
Vu les dernières conclusions de MM. X et Y, appelants, et de la société SLP Ciné (SARL), intervenante volontaire, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, demandant à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
— juger que le scénario du film La Ch’tite Famille contrefait le synopsis détaillé dont MM. X et Y sont les co-auteurs,
— juger que MM. X et Y n’ont pas donné leur accord pour que le contenu du synopsis détaillé original Le Syndrome soit modifié ni pour l’adaptation cinématographique du long-métrage La Ch’tite Famille,
— juger que les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A ont commis des actes de contrefaçon,
— condamner in solidum les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A à verser à MM. X et Y la somme de 200. 000 euros, soit 100. 000 euros chacun, en réparation du préjudice patrimonial subi,
— condamner in solidum les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A à verser à MM. X et Y la somme de 200. 000 euros, soit 100.000 euros chacun, pour l’atteinte au droit moral qu’ils ont subi,
— ordonner sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la mention des noms de F X et H Y au générique de l’oeuvre La Ch’tite Famille en tant que co-scénaristes, et sur tous supports de diffusion de l’oeuvre,
— condamner solidairement les défendeurs à payer six pour-cent (6 %) des recettes passées et futures procurées par la contrefaçon aux sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A et ce, comprenant notamment la vente des places de cinéma, les diffusions télévisées et la vente de tous supports du long-métrage, à distribuer à F X et Q Y à parts égales, aux frais des sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A,
— condamner in solidum les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A à payer à chacun des demandeurs la somme de 10. 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues relevant de la presse papier, au choix de MM. X et Y et aux frais des les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A, sans que le coût de chaque insertion n’excède 7. 000 euros
HT,
— condamner in solidum les sociétés Pathé films et Les Productions du Ch’timi, M. Z et Mme A aux entiers dépens de première instance et d’appel,
— constater et donner acte aux demandeurs (sic) de ce qu’ils ne formulent aucune demande à l’encontre des sociétés Pathé SAS et Cinéma Gaumont Pathé envers lesquelles ils ne seront condamnés à aucune indemnité.
Vu les dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 août 2020, de M. Z, Mme A et la société Les Productions du Ch’timi (SAS), intimés et incidemment appelants, qui demandent à la cour de :
A titre principal,
— infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré MM. X et Y recevables à agir,
— dire et juger que MM. X et Y ne justifient pas être titulaires des droits d’exploitation invoqués sur le synopsis Le Syndrome,
— dire et juger qu’ils ne justifient pas d’un intérêt à agir,
— dire et juger qu’ils ne justifient pas de l’originalité du synopsis Le Syndrome,
— les déclarer irrecevables à agir,
A titre subsidiaire,
— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté MM. X et Y de leurs demandes au titre de prétendus actes de contrefaçon,
— dire et juger que M. Z justifie d’une antériorité opposable aux appelants par le scénario de La Ch’tite Famille de 2011,
— dire et juger que le film La Ch’tite Famille ne constitue pas la contrefaçon du synopsis Le Syndrome,
— débouter MM. X et Y de l’intégralité de leurs demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
— dire et juger que MM. X et Y ne justifient d’aucun préjudice patrimonial de manque à gagner,
— qu’ils ne justifient pas du quantum de ce prétendu préjudice,
— qu’ils ne justifient pas d’un préjudice moral ni dans son principe ni dans son quantum,
— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à confiscation au profit des appelants d’un montant de 6% des recettes liées à l’exploitation du film La Ch’tite Famille ,
— débouter MM. X et Y de l’intégralité de leurs demandes,
En tout état de cause,
— dire et juger par infirmation du jugement que MM. X et Y ont commis une faute en engageant et en maintenant la procédure,
— les condamner in solidum avec la société SLP Ciné à payer à M. Z, Mme A et la société Les Productions du Ch’timi la somme de 60.000 euros, 20.000 euros à chacun, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
— les condamner in solidum avec la société SLP Ciné à payer à M. Z, Mme A et la société Les Productions du Ch’timi la somme de 10.000 euros à chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction.
Vu les dernières conclusions, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 août 2020, de la société Pathé films (SAS), la société […] (SAS), la société Pathé (SAS), intimées et incidemment appelantes, qui demandent à la cour de :
— infirmer le jugement en ce qu’il a :
— écarté la fin de non-recevoir fondée sur l’absence de titularité des droits patrimoniaux de MM. X et Y sur le synopsis Le syndrome,
— rejeté la demande reconventionnelle fondée sur la procédure abusive,
Statuant à nouveau,
A titre liminaire,
— constater qu’aucune demande de réparation n’est formée à l’encontre des sociétés Cinéma Pathé Gaumont et Pathé SAS,
— prononcer leur mise hors de cause,
A titre principal ,
— déclarer irrecevable l’action engagée par MM. X et Y pour défaut d’intérêt à agir en l’absence d’élément de preuve sur la titularité des droits patrimoniaux qu’ils revendiquent sur le Synopsis Le Syndrome,
A titre subsidiaire,
— confirmer le jugement en ce qu’il a :
— débouté MM. X et Y de leurs demandes pour contrefaçon,
— rejeté l’ensemble de leurs demandes indemnitaires subséquentes,
A titre infiniment subsidiaire,
— constater que les appelants ne justifient pas de leur prétendu manque à gagner,
— les débouter en conséquence,
En tout état de cause,
— constater le caractère abusif de la procédure initiée par MM. X et Y à l’encontre des
sociétés Pathé films, […] et Pathé,
— condamner in solidum MM. X et Y et la société SLP Ciné à verser une somme de 10.000 euros à chacune des sociétés Pathé films, […] et Pathé à titre de dommages-intérêts,
— condamner in solidum MM. X et Y ainsi que la société SLP Ciné aux entiers dépens et à payer à chacune des sociétés Pathé films, […] et Pathé la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 6 mai 2021.
SUR CE, LA COUR :
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures précédemment visées des parties.
Il suffit de rappeler que MM. X et Y se présentent comme les auteurs d’un synopsis détaillé intitulé Le syndrome dont le film de long-métrage La Ch’tite Famille, réalisé par M. Z sur un scénario écrit en collaboration avec Mme B, et co-produit par les sociétés Les Productions du Ch’timi et Pathé films, serait la contrefaçon.
Suivant acte d’huissier de justice du 22 janvier 2018, MM. X et Y ont fait délivrer assignation à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Paris à M. Z, Mme B, la société Les Productions du Ch’timi, les sociétés Pathé films, Pathé et […], alors que la sortie nationale du film argué de contrefaçon était prévue pour le 28 février 2018. A l’audience du 15 février 2018, les plaidoiries ont été reportées au 7 juin 2018 et, à cette date, l’affaire a été renvoyée au rôle général de la mise en état.
Dans le dernier état de la procédure de première instance les demandeurs ont maintenu leurs prétentions tendant à voir constater que le scénario du film La Ch’tite Famille, sorti en salles le 28 février 2018, est la contrefaçon du synopsis détaillé Le syndrome dont ils sont les auteurs et obtenir des mesures indemnitaires, d’interdiction et de publication.
Le tribunal, par le jugement déféré, les a déclarés recevables mais mal fondés en leurs demandes en contrefaçon et les a déboutés. Le tribunal n’a cependant pas retenu le grief de procédure abusive invoqué à leur encontre par les défendeurs et a rejeté les demandes de dommages-intérêts formées de ce chef.
Les parties réitèrent devant la cour leurs demandes et moyens de défense tels que soutenus devant le tribunal sauf à préciser que les appelants ne forment aucune demande à l’encontre des sociétés Pathé et […] qu’ils avaient intimées sur leur déclaration d’appel. Toutefois, ces sociétés ne sauraient être mises hors de cause dès lors qu’elles présentent des demandes d’indemnités à l’encontre des appelants au titre de la procédure abusive et au titre des frais irrépétibles.
Sur la recevabilité des demandes,
Il doit être rappelé à titre liminaire que selon les dispositions de l’article L113-1 du code de de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.
En l’espèce, MM. X et Y revendiquent la qualité d’auteur sur un synopsis intitulé Le syndrome dont la dernière version, finalisée le 24 avril 2014, a fait l’objet d’un dépôt à la SACD le 29 avril 2014. Ce synopsis, constitué d’un texte écrit de 18 pages, mentionne les noms des appelants ainsi qu’il ressort du procès-verbal de constat contradictoire établi à l’ouverture du dépôt le 28 janvier 2018.
En considération de cet élément la qualité d’auteur de MM. X et Y sur le synopsis Le syndrome invoqué au fondement de leur action en contrefaçon de droits d’auteur est établie et n’est pas, au demeurant, discutée.
Toutefois les intimés, par voie d’appel incident, soutiennent que MM. X et Y seraient irrecevables à agir sur le terrain des droits patrimoniaux d’auteur dont ils ne justifieraient pas de la titularité.
Ils font valoir, dans les mêmes termes qu’en première instance, que, dans l’assignation introductive d’instance, les demandeurs invoquaient au soutien de leurs prétentions un contrat de co-développement conclu le 10 décembre 2015 avec la société UGC Images lequel, à l’examen, montre qu’ils ne sont pas parties à ce contrat signé par la société SLP Ciné. Seule cette société, dont il est précisé à l’article II du contrat qu’elle est copropriétaire indivise avec la société UGC Images, à 50% chacune, des droits incorporels acquis ou devant être acquis pour les besoins du développement du film, est donc, selon les intimés, investie des droits d’exploitation du synopsis litigieux, objet du contrat.
Or, les premiers juges ont exactement constaté que le contrat de co-developpement stipulait à l’article I-1 sous l’intitulé ‘Condition suspensive’ que, sur proposition de la société SLP Ciné, représentée par M. Y son gérant, les parties au contrat devaient se mettre d’accord sur les scénaristes du projet, le calendrier, les étapes et la direction d’écriture, les cessions de droit, le budget de développement, ajoutant que si UGC et SLP Ciné ne se mettent pas d’accord sur ces 4 éléments dans un délai de deux mois à compter des propositions de SLP Ciné (le silence d’UGC valant refus) l’accord de co-développement ne prend pas effet et les parties reprennent leur liberté d’action.
Il est patent que le synopsis n’a pas donné lieu à l’écriture d’un scénario et que le projet de long métrage Le syndrome n’a pas connu de développement , ce que les intimés ne manquent pas de souligner pour conclure que les appelants n’auront subi, en toute hypothèse, des suites de la contrefaçon, si celle-ci devait être retenue, aucun préjudice patrimonial.
La société UGC Images confirme à cet égard dans un courrier du 24 septembre 2018 (pièce n°18 des appelants) qu’elle n’a plus souhaité participer au projet qui de ce fait appartient à la société SLP Ciné .
La société SLP Ciné, partie à l’instance sur intervention volontaire aux côtés de MM. X et Y, ne revendique aucun droit sur le synopsis litigieux.
Les premiers juges ont justement conclu de l’ensemble de ces observations que la société SLP Ciné n’avait vocation à exploiter les droits patrimoniaux sur le synopsis que dans le cadre de l’exécution du contrat de co-développement précité lequel, ainsi qu’il a été relevé, a été conclu sous condition suspensive et n’a pas produit effet. Les intimés sont ainsi mal fondés à se prévaloir de ce contrat pour soutenir que MM. X et Y ne justifieraient pas de la titularité des droits patrimoniaux d’auteur. La fin de non-recevoir opposée de ce chef doit être écartée.
M. Z, Mme B et la société Les Productions du Ch’timi ajoutent, pour leur part, que MM. X et Y s’abstiennent d’identifier les caractéristiques du synopsis sur lesquelles ils revendiquent la protection par le droit d’auteur ce qui les rend irrecevables à agir en contrefaçon.
Le tribunal a exactement observé qu’il n’est pas ici prétendu que le synopsis serait dépourvu d’originalité mais que les caractéristiques permettant de déterminer le périmètre de la protection revendiquée au titre du droit d’auteur ne seraient pas précisées et a pertinemment écarté la critique comme mal fondée dès lors que le tableau comparatif établi par les demandeurs pour démontrer la contrefaçon alléguée ( pages 42 à 52 de leurs écritures) identifie clairement les éléments du synopsis qui sont l’objet de la protection opposée aux prétendus contrefacteurs.
Il ressort de ce tableau que MM. X et Y invoquent des similitudes entre les oeuvres en présence concernant d’une part, les personnages respectifs, d’autre part, la trame narrative.
Sur les personnages, il est souligné les traits de caractère communs des personnages principaux qui sont des parisiens célèbres et charismatiques : Maxime, un journaliste de télévision pour Le Syndrome, D, un désigner reconnu pour La Ch’tite Famille, qui se montrent dans la première partie du récit ‘arrogants et détestables’ , mais aussi des personnages secondaires entre lesquels ils établissent des parallèles : Albert de Verneuil (Le Syndrome) / R S ( La Ch’tite Famille) , des hommes aisés, cyniques et calculateurs, dans la même fonction du ‘méchant’ désireux de neutraliser le personnage principal, C, amour de jeunesse avec laquelle renoue Maxime / Constance compagne de D qui le soutient et lui demeure fidèle, contre la volonté de son père et jusqu’à rompre avec ce dernier et avec son milieu.
Concernant la trame narrative, MM. X et Y invoquent la reprise par le scénario incriminé de l’enchaînement des événements qui structure le récit du synopsis. Cet enchaînement trouve son point de départ dans 1- une routine professionnelle : préparation d’un débat télévisé pour le journaliste et organisation d’une réunion mondaine dans son loft / fête en l’honneur de la carrière du désigner au Palais de Tokyo, 2- la survenance d’un élément perturbateur: rupture de stock de stupéfiants qui entraîne le journaliste sur une moto avec son camarade Jouass à la recherche de stupéfiants / irruption inattendue au Palais de Tokyo de la famille du désigner à l’accent Ch’ti et aux manières rustres dont il a honte et qu’il a cachée n’ayant jamais jusqu’ici révélé ses origines modestes du Nord de la France mais qui sera filmée par un paparazzi, 3- l’accident déclencheur : accident de moto dont Jouass, sous l’emprise de stupéfiants, est responsable / accident de voiture volontairement causé par le beau-père du désigner qui craint que le paparazzi ne dévoile les origines modestes de ce dernier ce qui serait préjudiciable pour l’image de l’entreprise, coma des protagonistes et réveil avec le syndrome de l’accent étranger (québécois) pour l’un, avec l’accent Ch’ti pour l’autre, 4- le ‘climax’ : chacun des protagonistes guérit de son accent par l’effet d’une résurgence d’un événement traumatique passé mais entame une critique du milieu professionnel et de l’environnement social dans lequel il évolue ainsi qu’une transformation psychologique qui le rend sincère, hônnete et généreux, 5- la séquence finale : départ du journaliste pour le Québec où il avait séjourné 20 ans plus tôt et où il retrouve C, un amour de jeunesse, dont il rallie le combat pour la cause de l’écologie / retour du désigner, suivi par sa compagne, dans sa région d’origine, le Nord, où il retrouve sa famille et monte avec son frère un atelier de restauration de meubles anciens.
Les auteurs ayant ainsi précisé les caractéristiques de l’oeuvre sur lesquelles ils revendiquent par la protection par le droit d’auteur et qui auraient été contrefaites, le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’irrecevabilité qui leur est opposée de ce chef.
Sur la contrefaçon,
Pour conclure à la contrefaçon, les appelants reprennent leur argumentaire tel que développé en première instance à partir du tableau comparatif précédemment évoqué. Cet argumentaire a été amplement exposé dans le jugement déféré auquel il est expressément renvoyé.
Les appelants y ajoutent leur critique des motifs retenus par le tribunal pour dire la contrefaçon non établie d’où il ressort que seules ont été soulignées les différences entre le synopsis Le Syndrome et le scénario La Ch’tite Famille à savoir, en particulier, la thématique des origines sociales et familiales non assumées qui est étrangère au synopsis ou encore la présence de la figure maternelle qui est absente du synopsis. Or, rappellent les appelants, la contrefaçon s’apprécie selon les ressemblances et non d’après les différences et le tribunal s’est, selon eux mépris, en se fondant sur les différences plutôt que sur les enchaînements narratifs analogues qu’ils avaient pris soin de mettre en lumière dans le tableau comparatif établi pour justifier de la contrefaçon. C’est encore à tort, selon eux, que le tribunal a opposé les thématiques dominantes en présence, une ‘notion pour le moins évanescente et subjective’ qui ‘est pour beaucoup affaire de sensibilité’ et ne peut fonder le rejet de la contrefaçon et qu’il a, en revanche, considéré ‘l’accent non maîtrisé’ du protagoniste comme ‘un détail sans importance’ alors qu’il constitue le point essentiel du récit.
Force est toutefois de relever que le tribunal a procédé à une analyse comparative complète et détaillée, que la cour partage en tous points, de l’ensemble des éléments du synopsis Le Syndrome que le scénario La Ch’tite Famille aurait contrefait.
C’est ainsi que, dans l’étude des personnages de chacune des oeuvres en conflit, le tribunal a pertinemment relevé que si Maxime, le personnage principal du synopsis, est décrit comme un journaliste politique à la télévision , ‘arrogant et détestable’, D, le personnage principal du scénario incriminé est certes un désigner talentueux reconnu auprès de l’élite parisienne, mais qui fait montre dès le départ, alors qu’il est interviewé par un journaliste, d’une fragilité qui le conduit à mentir sur ses origines sociales non assumées.
Aucun rapprochement ne peut davantage être établi entre C, une relation de jeunesse oubliée que Maxime vient rejoindre au Québec après avoir renoncé à ses ambitions professionnelles à Paris et Constance, qui a accompagné et soutenu D dans son ascension profesionnelle et le suit dans ses retrouvailles avec sa famille et sa région et dans son changement de vie : la première n’apparaît qu’en fin de récit et, quoique présentée comme une militante engagée dans l’écologie, a un rôle passif de refuge pour Maxime qui lui seul fait la démarche de la retrouver, tandis que la seconde est présente tout au long du récit et se voit dotée d’une fonction dynamique: protection de D face à la maladie et aux intentions malveillantes d’R S, son père avec lequel elle décide de rompre en dépit du lien filial.
Le beau-père de D, qui a des intérêts dans son entreprise de design pour y avoir investi financièrement, n’évoque pas pour autant le personnage de Verneuil, le supérieur hiérarchique du journaliste dont il exploite les ambitions et qu’il manipule. R S tient en effet une place importante dans le scénario puisqu’il est à l’origine de l’accident, délibérément provoqué, qui va faire resurgir l’accent Ch’ti de D et conserve cette place jusqu’au dénouement du récit marqué par le rejet dont il est l’objet de la part de sa fille. Verneuil n’a pas, en revanche, de rôle déclencheur et sa présence, au début du synopsis, vise à illustrer les travers d’un milieu professionnel dominé par le cynisme et l’arrivisme.
Enfin, le tribunal a pertinemment relevé l’absence, dans le synopsis, de la figure de la mère qui occupe une place prépondérante dans le scénario. Celle-ci, pour laquelle D, quoique honteux de ses manières, conserve toute son affection et développe un sentiment de culpabilité est un personnage marquant et attachant qui a contribué au retour aux sources du designer.
Il découle de l’ensemble des observations qui précèdent que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les protagonistes respectifs ne se ressemblent ni par les traits de caractère qui leurs sont donnés ni par le rôle et la fonction qui leur sont impartis dans les récits en présence et il n’est ainsi aucunement montré que le scénario incriminé a emprunté au synopsis le Syndrome ses personnages tels que décrits par leurs auteurs MM. X et Y dans leurs caractéristiques propres.
La comparaison des oeuvres en présence du point de vue des personnages, de leurs traits de caractère, de leur rôle et de leur fonction conduit nécessairement à relever que les thématiques proposées par les auteurs respectifs sont différentes. Contrairement à ce que prétendent les appelants, la notion de ‘thématique’ n’est pas subjective et procède en l’espèce d’un constat objectif d’où il ressort que la famille, qui constitue la problématique principale traitée par le scénario, est totalement absente du synopsis. Il doit être à cet égard relevé que le scénario met en scène la mère et le frère du
personnage principal, sa compagne et son beau-père, tandis que le synopsis est complètement silencieux sur les liens familiaux du journaliste, que le scénario présente un personnage principal en proie à un complexe sur ses origines familiales et sociales et décrit le processus par lequel il finit par se libérer de ce complexe, accepter sa famille telle qu’elle est, tandis que le journaliste du synopsis est très éloigné d’un tel profil psychologique et s’il connaît, à la suite de l’accident de moto et du coma qui s’est ensuivi, une désaffection pour l’environnement professionnel et social dans lequel il évolue, elle ne se traduit pas par des retrouvailles avec sa famille dont il n’est aucunement question.
Le tribunal a encore souligné à juste titre que les oeuvres en présence sont de genres différents, car le synopsis présente essentiellement une satire sociale, dénuée de sentimentalisme, qui met en exergue les travers des journalistes politiques et des hommes de télévision, tandis que la démonstration des sentiments est prépondérante dans le scénario, entre les membres de la famille de D, au sein du couple formé par D et Constance, dans les relations entre D et son beau-père et entre Constance et son père.
Concernant la trame narrative du synopsis, qui aurait été reproduite par le scénario, force est de constater que contrairement à ce que soutiennent MM. X et Y, l’élément déclencheur qui confronte D à ses origines familiales et sociales et le conduira dans un processus de réconciliation avec ces origines, est, non pas l’accident de voiture qui n’a été qu’un accélérateur de ce processus, mais l’irruption de sa famille et en particulier de sa mère, à l’occasion de la fête organisée en hommage à sa carrière. Dans le synopsis, en revanche, l’accident de moto est bien l’élément déclencheur qui plonge Maxime dans le coma et l’affuble à son réveil de la pathologie médicale dite du syndrome de l’accent étranger, circonstance qui conduira sa hiérarchie à le faire disparaître des écrans de télévision et suscitera chez lui une prise de conscience et un rejet de son milieu professionnel. L’enchaînement des événements ne présente donc pas de similitude contrairement à ce qu’il est affirmé par les appelants.
L’accent lui-même tient une place différente dans les oeuvres en présence, puisqu’il est parfaitement étranger aux origines de Maxime et survient dans la vie de celui-ci par l’effet d’une pathologie médicale tandis qu’il est partie intégrante des origines refoulées de D et devait inéluctablement resurgir. En outre, à l’inverse de ce qui advient pour Maxime, l’accent n’est pas l’élément déclencheur de la réorientation de sa vie et de son retour aux origines, l’élément déclencheur ayant été, ainsi qu’il a été précédemment observé, l’arrivée par surprise de sa famille qui se trouve mêlée à un événement mondain lié à sa vie professionnelle.
Il s’ensuit que les caractéristiques de la trame narrative telles que revendiquées par les auteurs du synopsis Le Syndrome ne se retrouvent pas dans le scénario La Ch’tite Famille et que la contrefaçon invoquée de ce chef n’est pas établie.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes en contrefaçon de MM. X et Y.
Sur les autres demandes,
Les intimés poursuivent par voie d’appel incident la condamnation des appelants à des dommages-intérêts pour procédure abusive pour avoir engagé et maintenu leur action en justice.
Force est toutefois de rappeler que le droit d’ester en justice qui comprend le droit de relever appel n’est susceptible d’ouvrir droit à dommages-intérêts que s’il dégénère en abus, ce qu’il incombe à la partie qui invoque un tel abus de le caractériser et d’en rapporter la preuve. En l’espèce, les intimés ne montrent pas, ni même allèguent, que MM. X et Y ont introduit l’instance par intention malveillante à leur endroit ou par légèreté blâmable équipollente au dol, alors que l’examen des circonstances de la cause ne permet pas d’écarter qu’ils ont pu, de bonne foi, se méprendre sur la portée de leurs droits. Il s’ensuit que la procédure abusive n’est pas établie et que les demandes de dommages-intérêts formées de ce chef ne sont pas fondées.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il les a rejetées.
L’équité commande en revanche de condamner les appelants à payer une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles de 5.000 euros à M. Z, Mme E et la société Les Productions du Ch’timi ensemble, de 5.000 euros à l’ensemble des sociétés Pathé, de débouter en revanche les appelants de leur demande à ce même titre.
Succombant à l’appel, les appelants en supporteront les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne MM. X et Y in solidum à payer une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles de :
-5.000 euros à M. Z, Mme E et la société Les Productions du Ch’timi ensemble,
— 5.000 euros aux sociétés Pathé films, Pathé, […] ensemble,
Déboute les appelants de toutes leurs demandes,
Condamne MM. X et Y aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente