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Une société chinoise poursuivie pour contrefaçon ne peut se borne à invoquer la clause compromissoire stipulée dans un protocole d’accord, auquel elle n’est pas partie (relatif à la constitution de la société de droit chinois LEXON CHINA).
La société n’a pas démontré que cette clause compromissoire s’applique au présent litige, tant pour les prétentions fondées sur la contrefaçon des marques françaises et de l’Union européenne « LEXON » dont la société de droit français LEXON est titulaire, que les prétentions fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme. Elle ne fournit aucune explication à cet égard en dépit de la contestation de la société LEXON. Aux termes de l’article 74, alinéa 1er du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une clause d’irrecevabilité des exceptions. L’article 1448 du même code dispose que lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut relever d’office son incompétence. Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite. |
Résumé de l’affaire : La SAS LEXON, spécialisée dans la création et la commercialisation d’objets pour le bureau, la maison et le voyage, détient plusieurs marques, dont la marque française « LEXON » et des marques de l’Union européenne. La société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd possède la marque « LE LEXONNET ». LEXON a assigné BEIJING LESHANG devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de marques et concurrence déloyale. BEIJING LESHANG conteste la compétence du tribunal en invoquant une clause d’arbitrage. LEXON demande au tribunal de déclarer sa compétence et d’ordonner à BEIJING LESHANG de fournir des documents relatifs aux produits litigieux, assortis d’une astreinte en cas de retard. LEXON réclame également des dommages et intérêts. Les avocats des deux parties ont présenté leurs arguments.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
– Maître Hoffman, vestiaire C610
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître Honorat, vestiaire E122
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3ème chambre
3ème section
N° RG 23/06107 –
N° Portalis 352J-W-B7H-CZT6Z
N° MINUTE :
Assignation du :
03 mai 2023
incident
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 25 septembre 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. LEXON
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610
DEFENDERESSE
Société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO. LTD
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 1] (CHINE)
représentée par Maître David HONORAT de la SELEURL 24 PENTHIEVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0122
Décision du 25 septembre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/06107 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZT6Z
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Linda BOUDOUR, Juge
assistée de Quentin CURABET, greffier à l’audience et Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience sur incident du 27 juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 25 septembre 2024.
ORDONNANCE
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
La SAS LEXON se présente comme spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation d’objets pour le bureau, la maison ou le voyage.
Elle est titulaire des marques suivantes :
– la marque française « LEXON » n°113801179 déposée le 27 janvier 2011, renouvelée le 7 décembre 2020, pour désigner des produits et services en classes 11, 20, 21 et 28 ;
– la marque française « LEXON » n°1632088 déposée le 7 décembre 1990, renouvelée le 12 novembre 2020, pour désigner des produits et services en classes 9, 14, 16, 18, 28 et 34 ;
– la marque de l’Union européenne « LEXON » n°010097509 enregistrée le 8 décembre 2011, renouvelée le 8 mars 2021, pour désigner des produits et services en classes 11, 20 et 21 ;
– la marque de l’Union européenne « LEXON » n°004471777 enregistrée le 18 septembre 2008, renouvelée le 19 avril 2015, pour désigner des produits et services en classes 9, 14, 16 et 18.
La société de droit chinois BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd est notamment titulaire de la marque de l’Union européenne « LE LEXONNET » n°018652548 enregistrée le 14 février 2022 pour désigner des produits en classes 9 et 18.
Par acte de commissaire de justice du 3 mai 2023, la société LEXON a fait assigner la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale et parasitaire.
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd demande au juge de la mise en état, de :
« SE DECLARER radicalement incompétent pour connaître de la présente affaire compte tenu de la clause d’arbitrage figurant dans le protocole d’accord régularisé le 26 juin 2015, désignant la chambre internationale de commerce comme seule compétente pour connaître de tout différend, litige ou réclamation portant sur le protocole d’accord régularisé le 26 juin 2015 ».
Par dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 25 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société LEXON demande au juge de la mise en état, de :
« DEBOUTER la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO., LTD. de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
DECLARER le tribunal judiciaire de Paris compétent pour juger des faits de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale et parasitaire ;
A titre reconventionnel,
ORDONNER à la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO., LTD. de communiquer tous documents et informations qu’elle détient permettant de déterminer, du 1 er janvier 2022 au jour de l’ordonnance à intervenir :
o Les noms et adresses des fabricants et producteurs des produits sur lesquels les signes LEXON et/ou LE LEXONNET sont apposées (ci-après les « Produits Litigieux »), quelles que soient la taille des signes, leur position, les déclinaisons de couleurs et matériaux, y compris l’ensemble des supports marketing, publicitaires, emballages et produits de merchandising ;
o Les noms et adresses de l’ensemble des revendeurs, distributeurs, y compris toute boutique permanente, ayant participé directement ou indirectement à la promotion et/ou la vente des Produits Litigieux ;
o Les quantités des Produits Litigieux commandés, importés, fabriqués, distribués, commercialisés et vendus en France et dans l’Union Européenne directement ou par l’intermédiaire de tiers;
o Les stocks restants des Produits Litigieux ;
o Le chiffre d’affaires et bénéfices réalisés en lien avec les Produits Litigieux ;
ASSORTIR cette injonction d’une astreint de 1.000 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance à partie ;
DIRE que les documents communiqués devront être certifiés sincères par les représentants légaux de la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO.,
LTD. ou par toute personne justifiant d’un pouvoir à cette fin et que l’attestation relative au chiffre d’affaires et au bénéfice réalisés devra être certifiée par son commissaire aux comptes ou à défaut par un expert-comptable indépendant ;
SE RESERVER la liquidation de l’astreinte précitée ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO. au paiement, à la société LEXON de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO. aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés à la fin de la procédure ».
Les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries.
Sur l’exception d’incompétence
Aux termes de l’article 74, alinéa 1er du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une clause d’irrecevabilité des exceptions.
L’article 1448 du même code dispose que lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. La juridiction de l’Etat ne peut relever d’office son incompétence. Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.
En l’espèce, au soutien de l’incompétence du tribunal judiciaire de Paris, la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd invoque l’article 6.5 « Loi applicable, arbitrage » du protocole d’accord relatif à la constitution de la société de droit chinois LEXON CHINA, conclu entre la société de droit français LEXON, Monsieur [S] [O], Monsieur [A] [F], Monsieur [C] [I], Monsieur [J] [R], Madame [G] [D], Monsieur [O] [P], Monsieur [Y] [M], la société de droit chinois [U] [Z] KNITTING CLOTHING CO Ltd et Monsieur [V] [L], lequel stipule :
« La présente lettre d’intention est régie par le droit chinois. Tout différent, litige ou réclamation qui ne pourrait pas être réglé par la voie de négociations amiables sera soumis à arbitrage selon les règles d’arbitrage de la Chambre internationale de commerce » (sa pièce n°1).
Dans l’exposé des faits de ses conclusions d’incident, la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd vise une pièce intitulée « certificat d’autorisation », non datée, aux termes de laquelle « SA LEXON autorise XIAMEN LEXON TRADE CO Ltd en tant qu’agent général en Chine, incluant [Localité 4] et [Localité 5] mais excepté Taiwan, à signer le contrat, la décoration, les ventes, etc. » (sa pièce n°2).
Elle vise également une pièce intitulée « Procuration d’agence » du 23 octobre 2023 aux termes de laquelle la société de droit chinois XIAMEN LEXON TRADE CO Ltd autorise la société de droit chinois BEIJING RUNYIZE OFFICE SERVICES CO Ltd à agir en tant que distributeur pour la promotion et la vente des produits de la marque LEXON de la catégorie des tasses et des bouilloires sur la période du 23 octobre 2023 au 31 décembre 2024 (sa pièce n°3).
Or, en l’espèce les produits litigieux sont des sacs à dos de voyage et des porte-documents, et la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd n’est pas partie à ces certificat d’autorisation et procuration.
Décision du 25 septembre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/06107 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZT6Z
La société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd, qui dans la partie discussion de ses conclusions d’incident se borne à invoquer la clause compromissoire précitée, stipulée dans un protocole d’accord, auquel elle n’est pas partie, relatif à la constitution de la société de droit chinois LEXON CHINA, ne démontre pas que cette clause compromissoire s’applique au présent litige, tant pour les prétentions fondées sur la contrefaçon des marques françaises et de l’Union européenne « LEXON » dont la société de droit français LEXON est titulaire, que les prétentions fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme. Elle ne fournit aucune explication à cet égard en dépit de la contestation de la société LEXON.
L’exception d’incompétence soulevée par la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd sera en conséquence écartée.
Sur la demande reconventionnelle au titre du droit d’information
Aux termes de l’article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
En l’espèce, les pièces invoquées par la société LEXON au soutien de sa demande de communication au titre du droit d’information font état de la commercialisation des sacs à dos de voyages et porte-documents litigieux sous le signe « LE LEXONNET », outre la présence du signe « LE LEXONNET » et la mention « Beijing Leshang Ecommerce CO. Ltd » sur les étiquettes du sac à dos des procès-verbaux des 16 et 22 février 2023 de constat d’achat sur le site internet . Or, la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd est titulaire de la marque de l’Union européenne « LE LEXONNET » n°018652548 enregistrée le 14 février 2022 pour désigner notamment des sacs à dos et des sacs de voyage en classe 18. Bien que non subordonnée à la démonstration du bien-fondé de la contrefaçon alléguée, la communication des informations sollicitées est prématurée. Sa demande reconventionnelle sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Selon l’article 790 du même code, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En l’espèce, l’équité commande de condamner la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd à payer à la société LEXON la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront réservés.
L’affaire sera renvoyée à l’audience de mise en état (dématérialisée) du 7 novembre 2024 pour les conclusions au fond de la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd.
Le juge de la mise en état,
Écarte l’exception d’incompétence soulevée par la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd ;
Déboute la société LEXON de sa demande reconventionnelle formée au titre du droit d’information ;
Reserve les dépens ;
Condamne la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd à payer à la société LEXON la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état (dématérialisée) du 7 novembre 2024 à 14h00 pour les conclusions au fond de la société BEIJING LESHANG ESLITE E-COMMERCE CO Ltd.
Faite et rendue à Paris le 25 septembre 2024
La greffière Le juge de la mise en état
Lorine Mille Linda Boudour