Your cart is currently empty!
Dès lors qu’il n’est démontré aucune perte de chance de voir réformer le jugement d’un tribunal en ce qu’il n’a pas retenu la contrefaçon de droits d’auteur d’un film, la responsabilité de l’avocat est limitée (ce dernier, par sa faute, avait laissé échapper le droit pour son client de faire appel).
Se prévalant de la qualité d’auteurs d’une oeuvre originale intitulée ‘Le Fantôme de l’orchidée’, dont le synopsis a été déposé à la SACD et dont un court métrage a été tiré, des coauteurs ont fait assigner la société Europacorp en contrefaçon de droits d’auteur au titre de la sortie en salle du film ‘Colombiana’.
Le tribunal a retenu que les coauteurs :
– ne caractérisaient aucune perte de chance de succès en appel, dès lors que si ni l’antériorité de leur oeuvre ni leur recevabilité à agir n’est discutée, et s’il apparaît indéniable, au vu des éléments en débat, que les oeuvres dont s’agit présentent diverses similitudes, peu important les divergences par ailleurs constatées, il n’est pas démontré que les ressemblances relevées porteraient sur des éléments originaux,
– justifiaient cependant d’un préjudice moral, évalué à 5 000 euros, en raison des tracas occasionnés par la procédure alors qu’ils ont été maintenus dans la croyance de leurs chances de succès et dans l’ignorance des risques fortement encourus de caducité.
Pour rappel, selon l’article L.111-1 du code la propriété intellectuelle, « L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Toutes les oeuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur sous la condition, cependant qu’elles soient originales.
Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles, conformément à l’article L.112-2 6° du même code.
L’article L.112-4 du code de la propriété intellectuelle organise également la protection du titre de l’oeuvre.
Une oeuvre résultant d’un acte de création portant l’empreinte de la personnalité de son auteur bénéficie de la protection des droits d’auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Il incombe à l’auteur de faire la preuve de l’originalité de son oeuvre et de caractériser la contrefaçon de droits d’auteur, laquelle s’apprécie par les similitudes et non pas les différences entre l’oeuvre originale et l’oeuvre arguée de contrefaçon.
L’ensemble des éléments du dossier établissait que les quelques vagues similitudes entre les deux œuvres ne portaient pas sur des éléments originaux et qu’en conséquence aucune contrefaçon n’était établie.
_____________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 01 FEVRIER 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/00012 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B67U6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/06755
APPELANTE
SELARL P Q & M N O
[…]
[…]
R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Muriel PIQUET, avocate au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS
Monsieur C X
Né le […] à Poitiers
[…]
[…]
Représenté par Me Boris KHALVADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0300
Madame E Y
Née le […] à Mazamet
[…]
[…]
Représentée par Me Boris KHALVADJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0300
SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[…]
[…]
Représentée et assistée de Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1226
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre et Mme Estelle MOREAU, Conseillère entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Nicole COCHET, Première présidente de chambre et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière présente lors de la mise à disposition.
* * * * *
Se prévalant de la qualité d’auteurs d’une oeuvre originale intitulée ‘Le Fantôme de l’orchidée’, dont le synopsis a été déposé à la SACD le 15 mai 2005 et dont un court métrage a été tiré, M. C X et Mme E Y ont, par actes des 6 et 8 décembre 2011, fait assigner M. G Z, M. H B, M. I A et la société Europacorp en contrefaçon de droits d’auteur au titre de la sortie en salle du film ‘Colombiana’.
Ayant été déboutés de leur demande par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 M N-O, avocat plaidant, et à la société d’avocats Récamier, avocat postulant, devant la cour d’appel de Paris.
Par ordonnances des 20 janvier et 24 septembre 2015 – cette dernière confirmée le 18 décembre 2015
-, il a été constaté, respectivement, la caducité et l’irrecevabilité des déclarations d’appel formées par M. C X et Mme E Y les 28 avril et 13 octobre 2014.
Par actes du 24 mars 2017, M. C X et Mme E Y ont alors fait assigner les sociétés Récamier et P Q & M N-O devant le tribunal de grande instance en responsabilité civile professionnelle.
Par jugement du 11 juillet 2018, le tribunal, rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires et après avoir rejeté la demande de rabat de clôture et déclaré irrecevables les conclusions et pièces échangées par les parties après cette ordonnance, a :
– débouté M. C X et Mme E Y de leur demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance dans le cadre du recours manqué,
– condamné les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N-O à payer à M. C X et à Mme E Y la somme de 5 000 euros chacun, à titre de dommages intérêts pour réparer leur préjudice moral,
– condamné les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N -O aux dépens,
– condamné les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N-O à payer à M. C X et à Mme E Y, chacun, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La Selarl P Q & M N-O a interjeté appel de cette décision. M. X et Mme Y, ainsi que la Selarl Récamier ont formé appel incident.
Par conclusions notifiées et déposées le 20 septembre 2019, la Selarl P Q & M N-O demande à la cour de :
– infirmer dans les limites de l’appel le jugement déféré tel que rendu le 11 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Paris, en ce qu’aux termes de celui-ci, il a été ainsi statué : ‘Rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires des parties’, mais exclusivement lorsqu’il rejette ses prétentions,
‘Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions et pièces échangées par les parties après cette ordonnance’, mais exclusivement
lorsqu’il rejette des débats ses conclusions et pièces,
‘Condamne les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N-O à payer à M. C X et à Mme E Y la somme de 5 000 euros à chacun, à titre de dommages-intérêts pour réparer leur préjudice moral,
Condamne les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N-O aux dépens,
Condamne les sociétés d’avocats Récamier et P Q & M N-O à payer à M. C X et à Mme E Y la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à chacun,
Ordonne l’exécution provisoire de la décision’,
Statuant à nouveau,
Liminairement,
– dire et juger qu’était démontrée en première instance une cause grave, justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture, l’admission aux débats rouverts de ses productions, pièces et écritures, quoi qu’il en soit ici recevable en ses productions d’appel,
A titre principal,
– dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute, individuelle comme solidaire, dans l’exécution de son mandat,
– dire et juger que sa responsabilité n’est pas engagée, pas plus que dans le cadre d’un partage de responsabilité,
– prononcer en conséquence sa mise hors de cause pure et simple,
Subsidiairement,
– dire et juger que la Selarl Récamier avocats associés devra la relever et garantir de toute condamnation qui serait confirmée et/ou prononcée à son encontre,
A titre encore plus subsidiaire,
– cantonner à l’euro symbolique sa responsabilité,
En tout état de cause,
– condamner in solidum M. X, Mme Y et la Selarl Récamier à lui payer une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance, avec distraction de ceux d’appel au profit de la Selarl Lexavoue Paris Versailles sous son affirmation de droit,
– condamner, in solidum, l’ensemble des intimés, soit M. X, Mme Y et la Selarl Récamier avocats associés à lui rembourser, avec intérêts de droit courant à compter de son versement, la somme de 8 590,14 euros qu’elle a dû régler en conséquence de l’exécution provisoire assortissant le jugement déféré, tel que rendu le 11 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Paris,
– débouter la Selarl Récamier avocat associés de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,
– débouter M. X et Mme Y de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle.
Par conclusions notifiées et déposées le 25 septembre 2019, M. C X et Mme E Y demandent à la cour de :
– réformer le jugement de première instance en ce que le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts fondée sur la perte de chance,
– le confirmer pour le surplus,
En conséquence, statuant à nouveau :
– les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes,
– dire et juger la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O mal fondées en leurs demandes et les débouter en conséquence intégralement,
– dire et juger que la caducité de la déclaration d’appel déposée le 28 avril 2014 dans leurs intérêts, comme l’irrecevabilité de l’appel formé à l’encontre du jugement de première instance régularisé le 13 octobre 2014, ont pour cause les manquements contractuels de la Selarl Récamier avocats associés et de la Selarl P Q & M N-O,
– dire et juger que les responsabilités de la Selarl Récamier avocats associés et de la Selarl P Q & M N-O sont engagées à raison de fautes contractuelles commises dans l’exercice de leur fonction,
– dire et juger que la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O ont manqué à leur obligation d’information à leur égard,
– condamner in solidum la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O à leur verser à chacun la somme indemnitaire de 50 000 euros au titre de la perte de chance d’obtenir infirmation du jugement du tribunal de grande instance de Paris attaqué en appel,
M N-O à leur verser à chacun la somme indemnitaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral subi du fait des fautes contractuelles commises,
– condamner in solidum la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O à leur verser à chacun la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
– condamner in solidum la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 1er septembre 2021, la Selarl Récamier avocats associés demande à la cour de :
– lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture de la Selarl P Q & M N-O,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X et Mme Y de leur demandes de dommages-intérêts au titre de la perte de chance,
-infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée in solidum avec la Selarl P Q & M N-O à verser à M. X et Mme Y la somme de 5 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,
– ordonner la répétition des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement,
– débouter M. X et Mme Y de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
– confirmer sa condamnation in solidum avec la Selarl P Q & M N-O au titre du préjudice moral d’C X et de E Y,
– condamner la Selarl P Q & M N-O à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Selarl P Q & M N-O aux dépens.
SUR CE :
Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et la recevabilité des pièces et conclusions devant le tribunal de grande instance :
Le tribunal a jugé que la société P Q & M N-O ne démontrait aucune cause grave au sens de l’article 784 du code de procédure civile justifiant le rabat de la clôture en invoquant par conclusions du 13 juin 2018, ‘une erreur regrettable de classement interne nullement motivée par une quelconque attitude dilatoire, qui n’a pu étre utilement pris en compte, avec toutes suites procédurales’.
La société Selarl P Q & M N-O soutient que dès lors que l’instruction a été close sans qu’elle ait pu préalablement communiquer ses pièces et écritures en défense, elle démontrait devant les premiers juges une cause grave au sens des dispositions de l’article 784 alinéa 1er du code de procédure civile, justifiant la révocation de la clôture, étant relevé que les parties ne s’opposaient pas à la recevabilité de ses productions et que le procès est la chose des parties. Elle considère qu’à tout le moins une bonne administration de la justice nécessitait que soient rouverts les débats.
M. X et Mme Y, relevant que la Selarl P Q & M N-O s’est constituée avec deux mois de retard, soit le 7 février 2018, veille de la clôture fixée au 8 février 2018 après dix mois de procédure de mise en état, estiment que l’erreur alléguée est peu crédible et que la décision du tribunal est justifiée.
La société Récamier avocats associés s’en rapporte à justice sur ce point.
Ainsi que l’ont pertinemment retenu les premiers juges, alors que l’assignation a été signifiée à la Selarl P Q & M N-O le 24 mars 2017 et que la clôture a été prononcée le 8 février 2018, elle n’a conclu que le 7 juin 2018, soit six jours avant l’audience de plaidoirie fixée au 13 juin 2018, l’allégation du classement interne du dossier dans son cabinet ne caractérise pas une cause grave justifiant la révocation de la clôture, quand bien même il serait advenu par erreur, et la société Selarl P Q & M N-O, de par sa seule négligence, s’est mise dans l’impossibilité de faire valoir ses moyens de défense. Le consentement des parties à la demande de révocation formée par leur adversaire n’oblige pas le juge à accéder à cette demande et ladite révocation ne peut être prononcée sur le seul fondement d’une bonne administration de la justice.
Le jugement n’encourt donc aucune critique en ce qu’il a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Sur la responsabilité des avocats :
A titre liminaire, la Selarl P Q & M N-O, faisant valoir que M. X et Mme Y n’ont pas interjeté appel du jugement et en ont poursuivi l’exécution, soutient que si leur statut d’intimés leur permet procéduralement de se porter appelants incidents, les demandes d’infirmation formées en cours de procédure renferment une contradiction évidente avec les actes positifs accomplis, démontrant leur absence de volonté d’interjeter appel, et en déduit que le principe de l’Estoppel justifie qu’ils soient déboutés de leur appel incident.
Outre le fait que le principe de l’Estoppel constitue une fin de non-recevoir et qu’il n’est pas soulevé l’irrecevabilité des demandes formées par M. X et Mme Y, il n’existe aucune contradiction dans l’exercice, par les intimés à la procédure ayant formé appel incident, de leurs droits de la défense en sollicitant l’infirmation du jugement dont appel.
– Sur la faute :
Le tribunal a jugé caractérisés les manquements des avocats à leur devoir de diligence et d’information pour ne pas avoir signifié les conclusions d’appelant aux parties à la procédure dans les délais légaux, ni informé leurs clients de cette difficulté procédurale.
La Selarl P Q & M N-O conteste toute faute en ce que :
– elle n’a été chargée que du fond de l’affaire, la société Récamier avocats associés étant directement désignée par M. X et Mme Y et seule en charge de la postulation et de la représentation en justice, n’ayant pour sa part accompli aucun acte de procédure,
– elle a pris soin de rappeler à l’avocat postulant la date butoir du 28 juillet 2014 par courriel du 24 juillet 2014 ainsi que le jour même et a obtenu confirmation des diligences accomplies,
– elle a correctement exécuté son mandat,
– elle n’a été informée de difficultés procédurales que passé le délai de deux mois de l’article 908 du code de procédure civile, lorsque la caducité était acquise, alors qu’elle avait en son temps dûment et utilement notifié ses conclusions d’appelant,
– elle a aussitôt informé M. X et Mme Y de cette difficulté,
– M. X et Mme Y ont reconnu par courrier que seule la société Récamier avocats associés avait commis une faute,
– le silence de la société Récamier avocats associés sur ce point vaut aveu judiciaire de la faute qu’elle a personnellement commise.
M. X et Mme Y font valoir que les fautes des sociétés d’avocats sont caractérisées en ce que :
– bien qu’ils aient interjeté un premier appel le 28 avril 2014 contre quatre intimés, les conclusions d’appelants n’ont été signifiées qu’à deux d’entre eux mais n’ont pas été notifiées à l’avocat de ceux-ci,
– leur seconde déclaration d’appel a été jugée tardive,
– les sociétés d’avocats n’opposent aucun moyen de fait ou de droit à la caducité de l’appel en raison d’une faute contractuelle,
– ils n’ont pas été correctement informés du déroulement de la procédure puisqu’il ignoraient le risque réel de caducité, n’étant pas informés de l’absence de déféré à l’encontre de la première ordonnance de caducité et ayant été maintenus dans la croyance qu’ils conservaient toutes leurs chances de gagner à raison du dépôt, cependant tardif, d’une deuxième déclaration d’appel, les sociétés d’avocats n’opposant aucun moyen de fait ou de droit à ce titre.
La société Récamier avocats associés sollicite la confirmation du jugement de ce chef sans de plus amples dévelopements.
La Selarl P Q & M N-O a été désignée par M. X et Mme Y en qualité d’avocat plaidant, la société d’avocats Récamier avocats associés s’étant pour sa part vu confier une mission d’avocat postulant.
Par ordonnances des 20 janvier et 24 septembre 2015 – cette dernière confirmée le 18 décembre 2015
-, il a été constaté la caducité de la déclaration d’appel formée par M. X et Mme Y les 28 avril et l’irrecevabilité de leur seconde déclaration d’appel du13 octobre 2014 aux motifs :
– s’agissant de la première déclaration d’appel, que seuls MM. Z et A ont été assignés dans le délai de trois mois visé à l’article 908 du code de procédure civile expirant au 28 juillet 2014 et prorogé au 28 août 2014 à défaut pour les intimés d’avoir constitué avocat à cette date, M. X et Mme Y ne justifiant ni de la signification de leurs conclusions à la société Europacor et à M. B – lesquelles ne pouvaient être effectuées, en l’absence d’adresse connue, conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile -, ni de leur notification à l’avocat constitué pour les intimés le 22 août 2014, avant le 28 août 2014,
– que la seconde déclaration d’appel du 13 octobre 2014 est tardive.
La Selarl P Q & M N-O justifie par les pièces qu’elle produit aux débats qu’elle s’est assurée du déroulement de la procédure, en adressant à la société Récamier avocats associés ses écritures par courriel du 24 juillet 2014 tout en soulignant que le délai prescrit à l’article 908 du code de procédure civile expirait au 28 juillet 2014, en lui envoyant ses pièces par courrier recommandé du même jour dont il a été accusé réception le 28 juillet 2014, en lui rappelant, par courriel du 28 juillet 2014, que la date butoir venait à échéance le jour même, et en obtenant confirmation, par courriel de la société Récamier avocats associés du même jour, de la signification de ses conclusions aux parties constituées, tout en prenant note que la société Récamier avocats associés assignait les intimés, dont elle ignorait pour sa part qu’ils n’étaient pas constitués.
La Selarl P Q & M N-O ayant conclu dans les délais procéduraux et s’étant personnellement assurée du déroulement de la procédure tout en rappelant à la société Récamier avocats associés la date butoir de signification de ses écritures, n’a commis aucune faute dans l’exercice de sa mission, à l’origine de la caducité de la première déclaration d’appel et de l’irrecevabilité de la seconde. Elle n’a par ailleurs commis aucun manquement à son obligation d’information dès lors qu’elle a informé ses clients des difficultés procédurales dès qu’elle en a eu connaissance.
La décision doit en revanche être confirmée en ce qu’elle a retenu la faute de la société Récamier avocats associés qui n’est pas contestée. Mais à défaut de démonstration d’une faute de la Selarl P Q & M N-O, sa responsabilité n’est pas engagée, et le jugement doit être infirmé en ce qu’il l’a condamnée in solidum, avec la société Récamier avocats associés, à indemniser le préjudice de M. X et de Mme Y.
– Sur le lien de causalité et le préjudice :
Le tribunal a retenu que M. X et Mme Y :
– ne caractérisaient aucune perte de chance de succès en appel, dès lors que si ni l’antériorité de leur oeuvre ni leur recevabilité à agir n’est discutée, et s’il apparaît indéniable, au vu des éléments en débat, que les oeuvres dont s’agit présentent diverses similitudes, peu important les divergences par ailleurs constatées, il n’est pas démontré que les ressemblances relevées porteraient sur des éléments originaux,
– justifiaient cependant d’un préjudice moral, évalué à 5 000 euros, en raison des tracas occasionnés par la procédure alors qu’ils ont été maintenus dans la croyance de leurs chances de succès et dans l’ignorance des risques fortement encourus de caducité.
Sur la perte de chance de succès en appel :
M. X et Mme Y prétendent avoir perdu une chance d’obtenir gain de cause en cause d’appel en faisant valoir que :
– le tribunal conditionne l’action pour perte de chance à la preuve du caractère raisonnable de la chance perdue alors que toute perte de chance, et non pas nécessairement une chance perdue sérieuse, ouvre droit à réparation,
– ils justifient de la titularité de leurs droits, en leur qualité de coauteurs de l’histoire ‘Le Fantôme de l’orchidée’ mise en forme par un synopsis, deux scénarios, une plaquette de présentation et deux oeuvres audiovisuelles d’une durée de 2mn38s et 8mn35s, en sorte que leur recevabilité à agir en contrefaçon de droits d’auteur au titre du synopsis, du court-métrage et du scénario du court-métrage n’était pas discutable,
– la seule caducité de leur appel leur a fait perdre une chance d’obtenir gain de cause,
– ils ne revendiquaient pas l’originalité de chacun des éléments composant l’histoire de leur oeuvre mais de la seule combinaison de ces éléments entre eux,
– les combinaisons d’éléments caractérisant l’originalité de l’histoire, du scénario et du film se retrouvent à l’identique dans l”uvre Colombiana,
– au surplus, les conditions de promotion des oeuvres sont similaires, s’agissant de leurs bande annonce et affiche,
– le tribunal statuant en première instance a apprécié séparément chacun des points de comparaison des oeuvres alors qu’il s’agissait de rechercher la reprise d’une combinaison d’éléments, et a apprécié la contrefaçon entre les deux oeuvres en pointant leurs différences et non pas leurs similitudes,
– dès lors qu’il formaient une demande de provision de 500 000 euros à parfaire après expertise et une demande de dommages et intérêts de 100 000 euros au titre du préjudice moral subi, le préjudice subi au titre de la perte de chance doit être évalué pour chacun d’entre eux à 50 000 euros.
La société Récamier avocats associés estime au contraire que M. X et Mme Y ne justifient d’aucune perte de chance de succès en appel dès lors que le jugement a rejeté la contrefaçon en raison de la banalité de l’histoire d’une part, et des différences qui caractérisent les deux ‘oeuvres’ d’autre part, et que cette juxtaposition constitue la trame d’une banalité affligeante de l’histoire d’un enfant qui voit ses parents se faire tuer sous ses yeux et qui, devenu un foudre de guerre, se venge avec la complicité plus ou moins consciente d’un policier.
Elle souligne :
– la banalité de l’histoire, l’idée de base de la petite fille qui assiste à l’assassinat de ses parents renvoyant à deux références : ‘Rien que pour vos yeux’ et ‘L’expert’, voire ‘Batman’ où le jeune J K L, lui aussi, ses parents abattus sous ses yeux, revêt lui-aussi un déguisement moulant, genre chauve-souris, pour jouer les redresseurs de torts, et le thème de la vengeance est d’une ‘nouveauté’ biblique, genre Mathusalem,
– que les éléments repris ne constituent pas une reprise de combinaison d’éléments originale mais une juxtaposition d’éléments constituant les scènes éculées de série B, relevant du fonds commun des films d’action, qui enlève au ‘ Fantôme de l’Orchidée’ toute originalité,
– que le tribunal a retenu l’absence d’originalité des éléments revendiqués, y compris pris dans leurs ensemble et que les quelques similitudes ne portaient pas sur des éléments originaux,
– que la perte de chance est inexistante, dès lors que la reprise d’idée n’est pas sanctionnable au titre de la contrefaçon et que les scènes d’action et de violence comparées par M. X et Mme Y ne présentent aucune originalité,
– qu’il ressort du film comparatif communiqué par M. X et Mme Y que les similitudes revendiquées portent sur une durée de 8mn 35s alors que le film Colombiana dure 1h52m, et ceux-ci reconnaissent l’absence d’originalité des éléments composant leur petit film,
– que le court métrage, la note d’intention et le synopsis revendiqués par M. X et Mme Y relèvent du fond commun des films d’action, ne présentent aucune originalité et ne peuvent donc pas bénéficier de la protection au titre de la propriété littéraire et artistique.
Il appartient à M. X et Mme Y d’apporter la preuve que la perte de chance est réelle et sérieuse et si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
La seule caducité de la déclaration d’appel ne suffit pas à caractériser une perte de chance réelle et sérieuse, qui doit être appréciée en reconstituant le procès d’appel qui n’a pu avoir lieu en raison de la faute de l’avocat.
A titre liminaire, la cour observe qu’il n’est produit aux débats aucun des jeux des conclusions des parties devant le tribunal de grande instance de Paris, en sorte que la cour s’en tiendra aux demandes et moyens tels qu’exposés dans la décision dudit tribunal du 20 décembre 2013, mais également dans les écritures d’appel rédigées par la société P Q & M N-O au soutien de la défense des intérêts de M. X et de Mme Y, à l’égard desquelles il n’est formulé aucune critique et dont la cour aurait eu à connaître en l’absence de caducité de l’appel.
Selon l’article L.111-1 du code la propriété intellectuelle, ‘L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. […]’.
Toutes les oeuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, sont susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur sous la condition, cependant qu’elles soient originales.
Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles, conformément à l’article L.112-2 6° du même code.
L’article L.112-4 du code de la propriété intellectuelle organise également la protection du titre de l’oeuvre.
Une oeuvre résultant d’un acte de création portant l’empreinte de la personnalité de son auteur bénéficie de la protection des droits d’auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Il incombe à l’auteur de faire la preuve de l’originalité de son oeuvre et de caractériser la contrefaçon de droits d’auteur, laquelle s’apprécie par les similitudes et non pas les différences entre l’oeuvre originale et l’oeuvre arguée de contrefaçon.
Dans son jugement du 20 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :
– retenu comme seules oeuvres revendiquées, produites aux débats, ayant date certaine et étant antérieures au film argué de contrefaçon, le court métrage, la note d’intention portant le cachet ‘service fiction’ datée du 10 octobre 2005 et rédigée pour accompagner le Dvd (court métrage) ainsi que le synopsis reprenant les éléments dudit Dvd, objets des pièces n°1 et 2 du dossier de M. X et Mme Y déposé au tribunal, et a écarté le scénario long métrage ainsi que les pièces 16 (autre synopsis) et 17 (plaquette de présentation ‘Le fantôme de l’orchidée, fatale et sensuelle’) du dossier de M. X et Mme Y à défaut d’avoir date certaine, lesquels éléments ne sont pas en débat devant la cour,
– jugé que constituaient des oeuvres originales :
– le court métrage, de 2 min 38, constitué de quelques scènes représentant des combats à arme blanche, en ce que le choix des prises de vue et de l’enchaînement des scènes témoigne d’un parti pris esthétique,
– le synopsis et la note d’intention, compte tenu des personnalités décrites des différents personnages et de l’enchaînement de l’intrigue, caractérisant l’expression de la personnalité de leurs auteurs,
– exclu les actes de contrefaçon de droit d’auteurs allégués en ce que les vagues similitudes entre les oeuvres originales et le film argué de contrefaçon ne portaient pas sur des éléments originaux.
Sur l’originalité des oeuvres revendiquées :
Il appartient à M. X et Mme Y qui revendiquent une protection au titre du droit d’auteur sur des oeuvres dont l’originalité est contestée de préciser la combinaison d’éléments caractéristiques revendiquée et en quoi celle-ci porte l’empreinte de leur personnalité.
Alors que devant le tribunal, les défendeurs contestaient l’originalité des oeuvres revendiquées, soit le court-métrage, le synopsis et la note d’intention (scénario), en particulier en soutenant que ‘le document de deux pages ne constitue qu’une description sommaire d’une simple idée non protégeable car non originale, le DVD ne présentant quant à lui qu’une série de cascades d’arts martiaux peu scénarisés’, M. X et Mme Y ne définissaient pas la combinaison des caractéristiques revendiquée portant l’emprunt de leur personnalité dans chacune des oeuvres arguées d’originalité, se bornant à faire valoir la reprise de plusieurs éléments caractéristiques de celles-ci. Le jugement mentionne ainsi dans l’exposé de leurs prétentions, qu’ ‘Au titre de la contrefaçon, ils incriminent la reprise de plusieurs éléments caractéristiques du scénario et estiment que la multiplicité des analogies ne peut être le fruit du hasard puisqu’ils ont dessiné pour l’héroïne un type psychologique particulier, façonné par des circonstances spécifiques. Ils relèvent ainsi une analogie dans la structure du scénario avec un prologue -le meurtre des parents-, puis deux séquences indépendantes comportant le massacre d’un mafieux, avant un final également violent. Selon eux, le film Colombiana reprend une héroïne enfant, témoin direct du meurtre de ses parents qui est le fait d’un clan mafieux ‘à l’ancienne’, doté d’un parrain, une action qui se déroule en deux temps avec deux personnages différents : l’enfant au moment du prologue et plus tard -15 ans après-, une jeune femme exerçant sa vengeance. Ils relèvent aussi la reprise de la symbolique de l’orchidée, rappel du passé, fleur préférée de la mère de l’héroïne et la similitude de constructions du prologue, des deux scènes de mise à mort des mafieux et de la scène finale’.
Dans les conclusions d’appel rédigées par la Selarl P Q & M N-O dont aurait eu à connaître la cour, M. X et Mme Y font valoir, pour caractériser l’originalité des oeuvres revendiquées, que ‘les choix opérés par les co-auteurs combinent différents thèmes tels que la famille, la vengeance, la trahison ou encore le symbole de l’orchidée au travers d’une intrication particulière des événements formant une intrigue élaborée, et au moyen de personnalités propres des personnages. Ce qui témoigne un apport personnel reflétant leur personnalité. D’ailleurs, la passion vouée par les appelants aux arts martiaux et aux films d’action s’illustre au travers de leur héroïne qui pratique le maniement d’armes blanches, notamment le nunchaku et le sai. En outre, le choix des prises de vue et de l’enchaînement témoigne d’un parti pris esthétique’.
Il est ainsi allégué une seule combinaison de caractéristiques originale, commune à la note d’intention et au synopsis, et un parti pris esthétique s’agissant du court-métrage.
L’originalité du court métrage, retenu par le tribunal de grande instance de Paris n’est pas utilement discutée devant la cour, dès lors que le choix des prises de vue et l’enchaînement des scènes témoignent d’un parti pris esthétique, empreint de la personnalité de leurs auteurs.
La contestation de l’originalité du synopsis ‘Le fantôme de l’orchidée’ et de la note d’intention, retenue par le tribunal, n’est pas sérieusement soutenue la société Récamier au motif qu’ils relèveraient du fond commun de films d’action, dès lors que les choix opérés s’agissant de la personnalité des personnages, de l’enchaînement des événements et de l’intrigue dans lequel le symbole de l’orchidée joue un rôle important, et de la pratique des arts martiaux par l’héroïne, constituent des choix arbitraires et esthétiques de M. X et de Mme Y qui font que le synopsis et le scénario, pris dans la combinaison de chacun de leurs éléments, fussent-ils connus dans le domaine cinématographique et en particulier communs aux films d’action, portent l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs.
Aucun moyen soutenu devant la cour n’est donc de nature à exclure l’originalité des oeuvres dont la protection est revendiquée et par voie de conséquence leur éligibilité à la protection par le droit d’auteur telle que retenue par le tribunal de grande instance de Paris.
Sur les actes de contrefaçon :
Selon les dispositions de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle fait sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite.
Le tribunal de grande instance de Paris, procédant à une comparaison des oeuvres originales et du film argué de contrefaçon, a exclu tout acte de contrefaçon en relevant des différences notables entre les oeuvres et que les quelques vagues similitudes ne portent pas sur des éléments originaux. Il a ainsi retenu que :
– il résulte du court-métrage, de la note d’intention et du synopsis que ‘Le fantôme de l’orchidée’ porte sur l’histoire d’une fillette, enfant unique, témoin du meurtre de ses deux parents qu’elle entreprendra de venger 15 ans plus tard, une fois la mémoire retrouvée. Son père était le comptable d’un clan mafieux qui va l’exécuter, ainsi que sa femme, en lui rendant visite. Devenue adulte, l’orpheline est expert en arts martiaux et fleuriste. Elle s’infiltre dans le clan mafieux en reconnaissant un tatouage et les caractéristiques physiques des membres du groupe. Elle est surnommée le fantôme de l’orchidée car elle laisse une orchidée sur ses victimes qu’elle entreprend de tuer une à une. Un ancien policier est en dernier ressort chargé de l’enquête et l’héroïne nouera une histoire d’amour avec lui,
– dans ‘Colombiana’, l’action démarre en Colombie où Cataleya devient orpheline à la suite de l’assasinat de ses parents par la mafia. Grâce à la police qui la protège, elle arrive sur le territoire des Etats-Unis et décide de son propre chef de rejoindre son oncle à Chicago. Devenue adulte, elle est tueuse professionnelle, enchaînant des missions professionnelles et, à titre privé, des assassinats de ceux qui sont responsables de la mort de ses parents. Elle dessine sur ses victimes en lien avec la mort de ses parents une fleur stylisée,
– les demandeurs reconnaissaient que le thème de la petite fille qui a vu ses parents assassinés sous ses yeux n’est pas original puisqu’ils citent des films reprenant ce thème (‘Rien que pour vos yeux, 1983 ou l’Expert, 1994),
– le fait que dans ‘Le fantôme de l’orchidée’ et ‘Colombiana’ le père de l’héroïne soit le comptable d’un clan mafieux, ce qui implique nécessairement qu’il ait eu des relations amicales avec les membres de ce clan n’est qu’une idée, non susceptible de protection, pas plus que le fait de se défendre devant des hommes cherchant à l’assassiner,
– ce qui différencie le début des deux films est que dans ‘Le fantôme de l’orchidée’, lors du meurtre de ses parents, l’enfant fuit et se cache tandis que dans ‘Colombiana’, elle reste stoïque et devient active en blessant avec le couteau la main d’un des tueurs,
– les histoires d’amour sont différentes dans les deux films. En effet, si les héroïnes ne dévoilent pas leurs crimes à leurs amoureux, cette idée étant commune, ce personnage est dans ‘Le fantôme de l’orchidée’ en charge de l’enquête la concernant alors que dans ‘Colombiana’, il est tout à fait extérieur à son activité criminelle. En outre, Cateleya n’a pas à choisir entre son amour et sa vengeance, puisqu’elle poursuit ses deux activités de façon parallèle. Si elle renonce à son amour, c’est uniquement en raison de la traque policière dont elle fait l’objet. De plus, contrairement à ce qu’indiquent les demandeurs, le personnage principal de ‘Colombiana’ ne se caractérise pas par la tristesse mais l’action et la maîtrise de soi,
– s’agissant de la symbolique de l’orchidée, l’idée de laisser une orchidée pour signer un crime est présente dans une série et un film antérieurs (épisode 19 de ‘The Equalizer’ réalisé en 1986 et ‘Le tueur de l’orchidée’ réalisé en 1992) et la mise en oeuvre de cette idée est différente dans ‘Colombiana’ dans la mesure où d’une part, il s’agit d’un dessin sur le corps d’une victime et non pas d’une fleur et, d’autre part, la fleur représentée renvoie à une symbolique en lien avec la Colombie puisqu’elle figure sur les billets de monnaie locale et constitue donc un signal destiné aux ressortissants de ce pays,
– quant à la ressemblance résultant du choix des tenues de l’héroïne (à la ville, jean et débardeur noir, blouson en cuir, en action meurtrière, tenue moulante et dévoilant le buste), les défendeurs établissent la reprise de ce type de tenues dans plusieurs films antérieurs. S’agissant de la tenue sombre avec cagoule et bonnet, elle constitue l’apanage des tueurs professionnels représentés au cinéma. En ce qui concerne la tenue de certains personnages (peignoir, chemise à manches courtes), aucune originalité ne peut caractériser une contrefaçon,
– s’agissant du prologue, les demandeurs ne peuvent revendiquer un monopole sur une scène représentant une rencontre dans une villa verdoyante, un serrement dans les bras, le fait de boire du whisky, une attaque de mafieux en plein jour, avec un véhicule qui se présente face à la caméra et d’où sort un groupe armé de fusil d’assaut, visages découverts, ou encore un long plan sur un homme en train de souffrir. En effet, ces éléments font partie du fond commun du cinéma, en particulier des films d’action, et ne témoignent pas même ensemble une originalité. Par ailleurs, ils n’ont pas plus de monopole sur une lumière chromatique jaune, qui de plus est liée dans ‘Colombiana’ à la Colombie et la couleur des rues de Bogota, ou le mitraillage circulaire. De plus, la blessure infligée par Cataleya à un des meurtriers ne constituera pas par la suite un élément d’identification,
– s’agissant de la prétendue reprise d’une scène où l’héroïne se retrouve dans une villa, face à un mafieux avachi sur un canapé, admirant une strip-teaseuse et mis à mort dans un final qui le laisse le corps allongé sur le sol en forme de croix, les deux scènes présentent en réalité de nombreuses différences excluant la contrefaçon. En effet, le personnage dans ‘Colombiana’ n’est pas mafieux, n’est pas assassiné mais doit sa mort aux requins et n’est pas en train de regarder une strip-teaseuse mais en compagnie de plusieurs femmes. Le seul élément commun d’un corps de mort en croix, n’est pas constitutif de contrefaçon dès lors que les conditions de la mort et la mise en scène sont différentes,
– l’ensemble de ces éléments établit que les quelques vagues similitudes ne portent pas sur des éléments originaux et qu’en conséquence aucune contrefaçon n’est établie.
Pour caractériser les actes de contrefaçon de droits d’auteurs, M. X et Mme Y faisaient valoir, dans les écritures adressées à la cour d’appel non saisie, qu’il ressortait d’une comparaison générale des oeuvres en cause la reprise à l’identique des éléments caractéristiques de ‘Le fantôme de l’orchidée’ dans le film ‘Colombiana’ soit la thématique, le traitement de l’intrigue, les traits de caractères de personnages et plusieurs scènes en thématiques.
Ils soulignaient en particulier, au terme d’une comparaison détaillée, la reprise à l’identique, dans le film ‘Colombiana’, des éléments caractéristiques :
– du scénario soit :
– une enfant assiste à l’assassinat de ses parents,
– le père est comptable et proche du réseau mafieux,
– l’un des membres du réseau mafieux est blessé à la main lors de l’attaque,
– un des parents affectionne les orchidées,
– les héroïnes sont recueillies et élevées par un membre de leur famille,
– les héroïnes entendent se venger 15 ans plus tard,
– les héroïnes sont expertes en techniques de combat et maniement des armes,
– les héroïnes marquent les lieux du crime par le symbole de l’orchidée,
– les héroïnes portent des tenues sombres, fantomatiques et moulantes,
– les héroïnes connaissent une histoire d’amour mais leur vengeance la met en péril,
– leurs amants ignorent tout de la vie des héroïnes et de leurs réelles identités,
– les héroïnes sont amenées à choisir entre leur amour et la vengeance,
– les tatouages ont une importance particulière dans les deux scénarios,
– du synopsis, soit :
– une enfant assiste à l’assassinat de ses parents,
– un de leurs parents respectifs affectionne les orchidées,
– les héroïnes entendent se venger 15 ans plus tard,
– les héroïnes sont expertes en techniques de combat et de maniement des armes,
– les héroïnes marquent les lieux du crime par le symbole de l’orchidée,
– les héroïnes portent des tenues sombres, fantomatiques et moulantes,
– les héroïnes connaissent une histoire d’amour mais leur vengeance la met en péril,
– leurs amants ignorent tout de la vie des héroïnes et de leurs réelles identités,
– les héroïnes sont amenées à choisir entre leur amour et la vengeance,
– les tatouages ont une importance particulière dans les deux scénarios,
– de la mise en scène du court métrage, compte tenu de la reprise à l’identique de 15 des 30 scènes composant le court métrage ‘Le fantôme de l’orchidée’, le making-off reprenant en outre des scènes du court métrage et l’identité des oeuvres se poursuivant dans la construction des oeuvres, composée d’un prologue et d’une scène finale de mise à mort des mafieux, mais également dans la similitude substantielle des personnages principaux, en particulier le physique et le caractère des héroïnes.
Ces écritures contiennent en outre un tableau recensant les différentes ressemblances entre les deux oeuvres en antagonisme, soulignent l’absence de caractère fortuit de cette reprise et font également valoir la proximité de leurs promotions.
Les écritures de M. X et Mme Y devant la cour reprennent et développent ces éléments, tout en apportant les critiques suivantes au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris :
– la présentation des deux oeuvres n’est pas objective, le tribunal présentant sous un angle différent les oeuvres dont l’histoire est pourtant identique et qualifiant de ‘fleur stylisée’ ce que la production reconnaît être une orchidée,
– ils ne revendiquent pas de monopole sur le thème de la petite fille ayant vu ses parents assassinés, ni sur celui du père comptable d’un clan mafieux, ou encore de l’usage d’une orchidée et de la tenue de l’héroïne, mais une combinaison de caractéristiques comprenant entre autres ces éléments,
– les différences sont inopérantes en matière de contrefaçon.
Ainsi que l’a relevé le tribunal de grande instance de Paris dans sa motivation ci-avant mentionnée, les héroïnes des films en cause ont une personnalité distincte, vivent une histoire d’amour non similaire et ne sont pas amenées chacune à choisir entre leur amour et leur vengeance, en sorte qu’il n’est pas reproduit, dans le film argué de contrefaçon, la personnalité propre du personnage principal du film ‘Le fantôme de l’orchidée’ revendiquée comme une des composantes de la combinaison des caractéristiques originale du scénario et du synopsis.
Le tatouage revêt effectivement une importance particulière dans le film ‘Le fantôme de l’orchidée’ puisque la mémoire de l’héroïne de l’assassinat de ses parents sous ses yeux et son fort malaise sont éveillés par la découverte d’un tatouage porté par un dénommé Jack sur l’intérieur du poignet, identique à celui qu’elle a et qu’elle dissimule depuis la tragédie, et qu’elle ressent un malaise similaire en découvrant le même tatouage sur un second individu, ce qui fait alors naître son désir de vengeance. De même, la signature de ses crimes ne consiste pas seulement à apposer une orchidée sur le corps de ses victimes mais également à scalper leur tatouage. Quand bien même le symbole de l’orchidée et l’idée de tatouage sont repris dans le film ‘Colombiana’, le désir de vengeance de l’héroïne dudit film n’est pas lié au tatouage et le symbole de l’orchidée n’est pas associé au tatouage des victimes comme signature du crime, en sorte qu’il n’est pas davantage reproduit ‘le symbole de l’orchidée au travers d’une intrication particulière des événements formant une intrigue élaborée’ également revendiqué comme une des composantes de la combinaison des caractéristiques originale du scénario et du synopsis.
Il n’est pas davantage démontré devant la cour que devant le tribunal de grande instance de Paris, la reprise à l’identique du choix des prises de vue et de l’enchaînement des scènes caractérisant l’originalité du court métrage, les scènes du film argué de contrefaçon étant de contenu différent et d’un enchaînement distinct.
Outre le défaut de reproduction de la combinaison des caractéristiques originale du scénario et du synopsis, les différents éléments du scénario, du synopsis et du court métrage mentionnés comme étant repris dans le film ‘Colombiana’, tel que développés dans les écritures dont la cour d’appel n’a pas eu à connaître ou encore devant la cour, et qui relèvent du fond commun des films d’action ainsi que l’a retenu le tribunal de grande instance de Paris et le fait valoir la Selarl Récamier avocats associés sans qu’il soit apporté une critique pertinente de cette motivation, ne suffisent pas à conférer aux films en litige une même impression d’ensemble.
Il n’est donc démontré aucune perte de chance de voir réformer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il n’a pas retenu la contrefaçon de droits d’auteur et a débouté M. X et Mme Y de l’ensemble de leurs demandes.
Le jugement dont appel est donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire formée de ce chef.
Sur le préjudice moral :
La société Récamier avocats associés, qui sollicite l’infirmation du jugement dans le seul dispositif de ses écritures, en ce qu’il a reconnu un préjudice moral à M. X et Mme Y au titre des tracas occasionnés par la procédure pour avoir été maintenus dans la croyance de leurs chances de succès et dans l’ignorance des risques fortement encourus de caducité, sans formuler de moyens soutenant cette demande, ne conteste pas utilement l’appréciation pertinente des premiers juges.
En définitive, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a prononcé les condamnations in solidum à l’encontre de la Selarl Récamier avocats associés et la Selarl P Q & M N-O, dont la responsabilité n’est pas retenue.
Il n’y a pas lieu de condamner, in solidum, l’ensemble des intimés, soit M. X, Mme Y et la Selarl Récamier à rembourser à la société P Q & M N-O, avec intérêts de droit courant à compter de son versement, la somme de 8 590,14 euros qu’elle a dû régler en conséquence de l’exécution provisoire assortissant le jugement déféré, tel que rendu le 11 juillet 2018 par le tribunal de grande instance de Paris, la restitution de cette somme avec les intérêts au taux légal à compter de son versement étant induite par l’infirmation des condamnations prononcées à l’encontre de la société P Q & M N-O.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La Selarl Récamier avocats associés échouant en ses prétentions sera condamnée aux dépens exposés en cause d’appel, avec les modalités de recouvrement prévues à l’article 699 du code de procédure civile, et à payer à la Selarl Récamier avocats associés une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, M. X et Mme Y étant déboutés de leur demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné in solidum la Selarl P Q & M N-O et la Selarl Récamier avocats associés à payer les sommes dues à M. X et Mme Y,
Statuant de nouveau,
Déboute M. X et Mme Y de l’intégralité de leurs demandes à l’égard de la Selarl P Q & M N-O,
Condamne Selarl Récamier avocats associés à payer à la Selarl P Q & M N-O une indemnité de 4 000 euros,
Déboute M. X et Mme Y de leur demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Selarl Récamier avocats associés aux dépens avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE