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République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 29 JANVIER 2024
N° de Minute : 12/24
N° RG 23/00143 – N° Portalis DBVT-V-B7H-VGAR
DEMANDERESSE :
Madame [R] [K]
née le 27 octobre 1978 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Sandie THEOLAS, avocat au barreau de Lille
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/23/002195 du 11/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
DÉFENDERESSE :
Madame [S] [G] épouse [X]
née le 29 septembre 1973 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de Lille substitué par Me Ludovic SCHRYVE
PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 22 décembre 2023 du premier président de la cour d’appel de Douai
GREFFIER : Christian BERQUET
DÉBATS : à l’audience publique du 8 janvier 2024
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt-neuf janvier deux mille vingt-quatre, date indiquée à l’issue des débats, par Hélène CHÂTEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire
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EXPOSE DU LITIGE
Mme [S] [G] se présente comme créatrice de bijoux en pierres naturelles qu’elle vend via un site internet depuis le mois de décembre 2018 (https://merveilleusescreations.com) sur lequel, elle présente ses bijoux et le descriptif des pierres naturelles utilisées ainsi que leur symbolique.
Mme [R] [K] se présente comme médium-voyante et commerçante de bijoux qu’elle vend de manière confidentielle, via une page Facebook « [R]mediumcreations » créée en août 2018.
Par acte en date du 22 juin 2020, Mme [S] [G] a fait assigner Mme [R] [K] devant le tribunal de grande instance de Lille, devenu tribunal judiciaire, en contrefaçon de droits d’auteur et subsidiairement, en concurrence déloyale aux fins d’obtenir la cessation, sous astreinte, de ces comportements.
Par ordonnance du 29 septembre 2021, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par Mme [R] [K] et a renvoyé l’affaire à la mise en état.
Par jugement du 9 juin 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
– débouté Mme [S] [G] de ses demandes au titre d’une contrefaçon de droits d’auteurs sur ses bijoux et ses textes ;
– condamné Mme [R] [K] à payer à Mme [S] [G] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la concurrence déloyale par imitation de ses bijoux et textes ;
– condamné Mme [R] [K] à payer à Mme [S] [G] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la concurrence déloyale par imitation de ses bijoux et textes ;
– débouté Mme [S] [G] de sa demande complémentaire au titre du parasitisme par la copie de la présentation du site internet et de ses photographies ;
– ordonné à Mme [R] [K] de retirer de tout support, notamment des sites internet ou réseaux sociaux, les éléments suivants :
o la collection de bijoux ;
o les malas ;
o les minéraux ;
o les vertus des pierres ;
o les pendules ;
o les vertus des pierre suivantes : agate de Bostwana, Aparite, Charoite, Durmotiélite, Grenat, Jaspe Breshia, Jaspe Kiwi, Kunzite, Labradonite, Lépidolite, Opale rose, Opale verte, Péridot, Quartz fumé, Quartz rutile, Rhodochrosite, Turquoise d’Afrique,
et ce, sous astreinte de 35 euros par jour de retard et par infraction constatée, dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement ;
– ordonné à Mme [R] [K] de cesser de fabriquer et proposer à la vente les bijoux suivants, et de retirer leurs photographies de tout support, notamment sites internet ou réseaux sociaux :
o 13 bracelets figurant en pièces n°12 et 13 en demande ;
o 3 paires de boucles d’oreilles figurant en pièce n°13 en demande,
et ce, sous astreinte de 35 euros par jour de retard et par infraction constatée, dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement ;
– dit n’y avoir lieu que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;
– débouté Mme [S] [G] du surplus de ses demandes ;
– débouté Mme [R] [K] de sa demande reconventionnelle ;
– condamné Mme [R] [K] au paiement des frais de constat en date du 19 décembre 2019 établi par l’Agence pour la protection des programmes et des entiers dépens de l’instance ;
– condamné Mme [R] [K] à payer à Mme [S] [G] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Mme [S] [G] du surplus de ses demandes accessoires ;
– débouté Mme [R] [K] de ses demandes accessoires ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d’appel de Douai le 5 août 2023, Mme [R] [K] a interjeté appel de la décision.
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Par acte en date du 10 novembre 2023, Mme [R] [K] a fait assigner Mme [S] [G] devant le premier président de la cour d’appel de Douai aux fins de voir ordonner la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 9 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Lille
L’affaire appelée à l’audience du 27 novembre 2023 a été renvoyée à la demande des avocats.
PRÉTENDIONS ET MOYENS DES PARTIES A L’AUDIENCE DU 8 JANVIER 2024 :
Mme [R] [K] au visa des articles L.514-3, 695 et suivants, 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, 108 du décret 91-1266 du 19 décembre 1991, demande à la cour
de :
– la juger recevable et bien fondée en sa demande ;
– ordonner la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 9 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Lille ;
– constater qu’elle est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale ;
– débouter Mme [S] [G] de l’intégralité de ses demandes ;
– en conséquence, fixer à la somme de 2 400 euros TTC la somme due par Mme [S] [G] au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens, auprès de Maître Sandie Theolas ;
– donner acte à Maître Sandie Theolas de ce qu’elle s’engage à renoncer à percevoir l’indemnité forfaitaire allouée au titre de l’aide juridictionnelle, si, dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de l’attestation de fin de mission, elle parvient à récupérer les sommes auprès de Mme [S] [G] ;
– condamner Mme [S] [G] aux entiers dépens de l’instance.
Elle expose que la concurrence déloyale s’apprécie au regard du risque de confusion, à la différence du parasitisme qui nécessite la démonstration de l’appropriation injustifiée et à titre lucratif d’une valeur économique d’autrui procurant un avantage concurrentiel de sorte qu’il appartenait au premier juge de caractériser l’existence d’un risque de confusion entre les pages de présentation et des bijoux, qui induirait le consommateur en erreur sur la provenance réelle des bijoux ; or, tel n’est pas le cas en l’espèce de sorte que le jugement encourt la réformation. Elle ajoute qu’elle n’a pas copié servilement ni les textes, ni les bijoux de Mme [G] qui n’a rien inventé en matière de lithothérapie et que Mme [G] n’a apporté aucun apport intellectuel, se contentant elle-même de recopier les textes préexistants sur internet s’agissant des vertus des pierres.
Elle affirme que dès la première instance, elle connaissait une situation financière précaire du fait de son état de santé et de son impossibilité de travailler, situation qui a empiré depuis en raison de l’aggravation de ses crises de sclérose en plaques, l’arrêt de la perception de la pension alimentaire de sa fille depuis avril 2023 alors que celle-ci était encore à sa charge de sorte qu’elle dispose désormais d’un reste à vivre mensuel de moins de 200 euros ; ainsi, se trouve-t-elle dans une situation l’empêchant de pouvoir exécuter la décision de première instance, sauf à entraîner, pour elle, des conséquences manifestement excessives. Elle précise que, bien que son état de santé était connu en première instance, les crises s’intensifient lors d’évènements particulièrement stressants, dégradant au fil des ans son état de santé général et que l’arrêt de la pension alimentaire a été acté dans le jugement du 19 septembre 2023 avec effet rétroactif du 4 avril, ainsi à la date du jugement, le non-paiement de la pension alimentaire constituait une violation par son ex-conjoint d’une décision de justice et ne constituait pas une mesure définitive de sorte que les modifications de garde et l’arrêt du versement de pension alimentaire se sont révélés postérieurement au jugement.
Mme [S] [G], au visa des articles 32-1, 514-3, 524 et 700 du code de procédure civile, demande à la cour de :
‘ débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
‘ prononcer la radiation de l’appel interjeté par Mme [K] faute d’exécution par cette dernière du jugement du tribunal judiciaire de Lille du 9 juin 2023 frappé d’appel ;
‘ condamner Mme [K] à lui payer la somme de 1 500 euros pour procédure abusive à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
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‘ prononcer le retrait de l’aide juridictionnelle totale accordée à Mme [K] et la condamner à une amende civile, selon montant à l’appréciation de M. le premier président.
Elle explique que Mme [K] ne conteste pas la reproduction servile de ses textes et bijoux, ainsi la faute liée à la reproduction volontaire et servile de textes et bijoux a été caractérisée par le premier juge, ce qui a conduit à sa condamnation sur le fondement de l’article 1240 du code civil sanctionnant les fautes liées à la concurrence déloyale comme les actes de parasitisme de sorte que le moyen présenté par Mme [K] est purement de circonstance et manque de sérieux pour justifier la suspension de l’exécution provisoire de droit.
Elle ajoute que les circonstances manifestement excessives dont fait état Mme [K] ne sont pas postérieures au jugement puisque le premier juge a tenu compte du fait que Mme [K] ne percevait plus de pension alimentaire depuis le 4 avril 2023 ; que le fait que Mme [K] n’ait plus sa fille a charge est un allégement de charge financière de sorte que cette circonstance n’est pas de nature à entraîner de conséquence manifestement excessive ; que Mme [K] dispose de revenus dissimulés tirés de ses services de médium/voyance qui n’apparaissent pas sur son SIRET mais qu’elle propose contre virement bancaire ou don via Paypal, de la vente d’oracles auto édités depuis décembre 2020, de services non officiels après la fermeture de son entreprise et de cagnottes Leetchi et Paypal ; et que Mme [K] n’a jamais proposé le moindre versement à titre d’acompte, ni d’échéancier, ainsi faute pour Mme [K] d’avoir exécuté la première décision et de persister dans ses publications provocatrices et dénigrantes mettant en exergue sa mauvaise foi et sa mauvaise volonté, il convient de prononcer la radiation de l’appel.
Enfin, elle excipe qu’elle ne jouit pas d’une situation aussi confortable que Mme [K] la décrite puisque lorsqu’elle a été contrainte d’engager la procédure au fond contre Mme [K] elle était en phase de reconversion professionnelle, qu’elle est divorcée avec un enfant en études supérieures à charge, que ses revenus sont en grande partie issus de Pôle Emploi jusqu’en janvier 2023, puis de sa micro-entreprise de sorte que la procédure au fond comme en référé constituent des frais très importants depuis plus de 4 ans alors que Mme [K], qui ne cesse de faire des recours en toute mauvaise foi et à des fins purement dilatoires et abusives, bénéficie de l’aide juridictionnelle qu’il convient de lui retirer.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement du 9 juin 2023
Il ressort des dispositions de l’article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicables aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l’espèce, qu’en cas d’appel, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsque celle ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance.
L’alinéa 2 du même article dispose que :
‘La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.’
Mme [K] n’a formé aucune observation devant le juge de première instance pour voir écarter l’exécution provisoire du jugement qui devait intervenir de sorte qu’elle doit justifier de circonstances manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Or, Mme [R] [K] reconnaît qu’elle connaissait dès la première instance une situation financière précaire du fait de son état de santé et de son impossibilité à travailler, elle percevait déjà une pension d’invalidité, une allocation d’adulte handicapé et une allocation personnalisée au logement. S’il est exact que depuis le jugement du 19 septembre 2023 du juge aux affaires familiales de Beauvais, elle a perdu officiellement la pension alimentaire mensuelle de 276 euros qui avait été mise à la charge du père de sa fille Jade, cette jeune fille de 16 ans ne réside plus de manière habituelle chez elle, mais seulement dans le cadre de droit de visite et d’hébergement, de sorte que Mme [K] ne peut légitimement prétendre que c’est à raison de cette diminution de ressources qu’elle ne peut régler les condamnations pécuniaires mises à sa charge par le jugement du 9 juin 2023.
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Faute pour Mme [K] de justifier de circonstances manifestement excessives au maintien de l’exécution provisoire critiquée révélées postérieurement au jugement du 9 juin 2023, et sans qu’il soit utile d’examiner l’existence de moyens sérieux, les deux conditions étant cumulatives, elle sera déboutée de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision du 9 juin 2023.
Sur la recevabilité de la demande de radiation :
L’article 524 du code de procédure civile dispose que la demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
En l’espèce, Mme [G] a formé sa demande de radiation devant la juridiction du premier président par conclusions signifiées le 21 novembre 2023, alors que les conclusions de l’appelante dans le dossier de fond enrôlé sous le numéro de répertoire général 23/3705 lui avaient été signifiées le 6 novembre 2023, de sorte que la demande de radiation formée est recevable pour avoir été présentée avant l’expiration des délais précités
Sur la radiation de l’appel :
Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Compte tenu de ses revenus mensuels actuels de 676,11 euros de pension d’invalidité et de 442,93 euros d’allocation adulte handicapé et de majoration de vie autonome soit 1119 euros par mois, l’allocation personnalisée au logement étant directement versée au bailleur, qui se situent en dessous du seuil de pauvreté, Mme [K] appelante se trouve dans l’incapacité d’exécuter les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre. Il n’est pas par ailleurs justifié que Mme [K] n’aurait pas exécuté les autres dispositions du jugement. Au vu de ces éléments, il ne sera pas fait droit à la demande de radiation de l’affaire pendante devant la 1° chambre, section 1 de la cour d’appel de Douai sous le numéro de répertoire général 23.3705.
Sur les dépens et indemnité d’article 700 :
Chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens et il ne sera pas fait aux demandes respectives des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande d’arrêt d’exécution provisoire du jugement du 9 juin 2023 du tribunal judiciaire de Lille formée par Mme [R] [K],
Déboute Mme [S] [G] de sa demande de radiation de l’affaire enrôlée sous le numéro de répertoire général 23/3705 de la 1° chambre, section 2 de la cour d’appel de Douai opposant Mme [R] [K] à Mme [S] [G], en application de l’article 524 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens,
Déboute les parties de leurs demandes respectives d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente
C. BERQUET H. CHÂTEAU
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