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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
(n°018/2024, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/09762 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3BZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°20/12339
APPELANTE
S.A.R.L. CRISTAL VISION
Société au capital de 5 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro de 843 725 011
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 209
Assistée de Me Julien CANLORBE de la SELARL MOMENTUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque G 0343
INTIMEE
S.A.S. CRYSTAL VISUAL
Société au capital de 1 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 853 498 749
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport,
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, et par Valentin HALLOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société CRISTAL VISION, qui exerce une activité d’opticien à [Localité 9], est titulaire d’une marque verbale française « CRISTAL VISION », n°4476987 (ci-après, la marque n° 987), déposée le 20 août 2018 et enregistrée pour désigner notamment des « services d’opticien » en classe 44.
Elle a reproché à la société CRYSTAL VISION, devenue CRYSTAL VISUAL, qui exerce la même activité d’opticien à [Localité 7] et dans le [Localité 1], l’emploi d’une dénomination sociale en contrefaçon de sa marque et en violation des droits qu’elle détient en vertu de sa propre dénomination sociale, de son nom commercial et de son enseigne, identiquement CRISTAL VISION, et de son nom de domaine cristal-vision.fr.
Après des échanges qu’elle a jugé infructueux, la société CRISTAL VISION a, par acte du 19 novembre 2020, assigné la société CRYSTAL VISION devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de sa marque française et en concurrence déloyale.
Concomitamment, la société CRYSTAL VISION a modifié sa dénomination et ses supports de communication en « CRYSTAL VISUAL », et a déposé, le 2 septembre 2020, la marque verbale française « CRYSTAL VISUAL » n°4678611, pour désigner des services en classe 44. L’INPI a refusé l’enregistrement de cette marque, le 28 juin 2021, suite à une opposition formée par la société CRISTAL VISION, cet institut estimant que ce signe ne pouvait être enregistré pour désigner des services identiques à ceux visés par la marque antérieure.
Par un jugement du 22 mars 2022, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné la société CRYSTAL VISUAL à payer 2 000 euros à la société CRISTAL VISION en réparation de la contrefaçon de la marque « CRISTAL VISION » par l’usage du signe « Crystal Vision » ;
– interdit à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage de la dénomination « Crystal Vision » dans la vie des affaires ;
– rejeté la demande de la société CRISTAL VISION en réparation et interdiction au titre de l’usage du signe « Crystal Visual » ;
– rejeté ses demandes en suppression de pages Facebook, Instagram, Google, et radiation de nom de domaine ;
– laissé à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés ;
– rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Le 18 mai 2022, la société CRISTAL VISION a interjeté appel de ce jugement.
Par une ordonnance du 6 mai 2023, la conseillère de la mise en état, saisie de conclusions d’incident par la société appelante CRISTAL VISION, a déclaré la société CRYSTAL VISUAL irrecevable à conclure dans la présente instance en la condamnant aux dépens de l’incident.
Dans ses uniques conclusions, transmises le 2 août 2022, la société CRISTAL VISION, appelante, demande à la cour de :
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu l’article 8 de la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883,
Vu le Livre VII du code de la propriété intellectuelle, en particulier ses articles L. 713-1, L. 713- 2, L. 716-4,
– juger que la société CRISTAL VISION est recevable et bien fondée en son appel,
– confirmer le jugement en ce qu’il a interdit à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage de la dénomination « Crystal Vision » dans la vie des affaires,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société CRYSTAL VISUAL à payer à la société CRISTAL VISION la somme de 2 000 euros en réparation de la contrefaçon de la marque « CRISTAL VISION » par l’usage du signe « Crystal Vision »,
– rejeté la demande de la société CRISTAL VISION en réparation et interdiction au titre de l’usage du signe « Crystal Visual »,
– rejeté les demandes de la société CRISTAL VISION en suppression des pages Facebook, Instagram, Google de la société CRYSTAL VISUAL et la demande en radiation du nom de domaine ,
– laissé à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés,
– rejeté les demandes formées par la société CRISTAL VISION au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau :
– interdire à la société CRYSTAL VISUAL l’usage de la dénomination « Crystal Visual » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner à la société CRYSTAL VISUAL de procéder à ses frais à la suppression de la page Facebook « Crystal Vision » et de la page Facebook « Crystal Visual », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner à la société CRYSTAL VISUAL de procéder à ses frais à la suppression de la page Instagram « Crystal Vision » et de la page Instagram « Crystal Visual », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner à la société CRYSTAL VISUAL de procéder à ses frais à la suppression de la page Google « Crystal Vision » et de la page Google « Crystal Visual », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner à la société CRYSTAL VISUAL de procéder à ses frais à la radiation du nom de domaine , sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner la société CRYSTAL VISUAL à payer à la société CRISTAL VISION la somme de 40 000 euros, sauf à parfaire, au titre de la réparation du préjudice subi,
– se réserver la liquidation des astreintes,
– condamner la société CRYSTAL VISUAL à payer à la société CRISTAL VISION la somme de 17 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société CRYSTAL VISUAL aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société CRISTAL VISION, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.
Sur les chefs du jugement non critiqués
La cour constate que le jugement n’est pas critiqué, et est donc irrévocable, en ce qu’il a interdit à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage de la dénomination « Crystal Vision » dans la vie des affaires, après avoir dit que la marque « CRISTAL VISION » n° 987 de la société CRISTAL VISION a été contrefaite par l’usage par la société CRYSTAL VISION (devenue CRYSTAL VISUAL) du signe CRYSTAL VISION.
Sur la contrefaçon de la marque « CRISTAL VISION » n° 987 par l’usage du signe CRYSTAL VISUAL par la société CRYSTAL VISUAL
La société CRISTAL VISION fait valoir que c’est à tort, en procédant à une application erronée de la méthode d’appréciation globale du risque de confusion qui implique une interdépendance des facteurs et sur la base de constatations contradictoires, que le tribunal a conclu à l’absence de risque de confusion entre les signes ; que cette conclusion ne rejoint d’ailleurs pas celle que l’INPI a adopté dans sa décision du 28 juin 2021 ; que le signe CRYSTAL VISUAL est utilisé par la société intimée pour désigner des services d’opticien identiques à ceux couverts par la marque « CRISTAL VISION » ; que le signe litigieux présente avec la marque « CRISTAL VISION » une similitude élevée, sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, comme le tribunal l’a d’ailleurs lui-même reconnu ; que les usages de la dénomination « CRYSTAL VISUAL » – sur la page Facebook de l’intimée, sur son profil Instagram et sur les moteurs de recherche – sont effectués à titre de marque dans la vie des affaires, et portent atteinte aux fonctions de la marque « CRISTAL VISION » ; que ces usages sont également effectués à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne, nom de domaine et portent à ce titre atteinte aux droits de l’appelante sur sa marque « CRISTAL VISION » ; que l’intimée exerce ses activités sous la dénomination sociale CRYSTAL VISUAL, qu’elle exploite une boutique située [Adresse 5]) sous l’enseigne CRYSTAL VISUAL et qu’elle a aussi ouvert une seconde boutique située [Adresse 3]) sous cette même dénomination, c’est-à-dire dans une zone géographique encore plus proche de la boutique de l’appelante ; qu’en utilisant la dénomination CRYSTAL VISUAL, la société CRYSTAL VISUAL crée un risque de confusion avec la marque française n° 987 de la société CRISTAL VISION, se rendant ainsi coupable d’agissements de contrefaçon.
Ceci étant exposé, l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés (‘) ».
Par ailleurs, conformément à l’article L.713-2 du même code, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (‘) 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».
En application de l’article L.713-3-1 du même code, « Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (‘) 4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ; 5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité (‘) ».
De tels actes sont constitutifs d’une contrefaçon de marque et engagent la responsabilité de leur auteur conformément aux dispositions de l’article L.716-4 qui dispose notamment que « L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».
En l’espèce, les premiers juges ont justement retenu que la société CRYSTAL VISUAL (précédemment CRYSTAL VISION) utilise le signe CRYSTAL VISUAL dans la vie des affaires pour désigner des services d’optique strictement identiques à ceux pour lesquels la marque « CRISTAL VISION » n° 987 de la société appelante a été enregistrée.
L’usage du signe dans la vie des affaires résulte d’usages, justifiés par les pièces produites par la société appelante, sur les comptes sociaux de l’intimée (Facebook, Instagram), de sa présence sur le moteur de recherche Google (pièces 8.2 à 8.4), ainsi que sur le site internet crystal-visual.com créé en janvier 2021 et exploité par l’intimée, sur lequel a été notamment annoncée l’ouverture d’une nouvelle boutique [Adresse 8] (20ème) (pièces 8.5 et 8.6). Ces mêmes pièces montrent que le signe litigieux est utilisé par la société CRYSTAL VISUAL (précédemment CRYSTAL VISION) à titre de marque, pour identifier auprès du public l’origine commerciale de ses activités d’opticien et lui proposer sous ce nom de tels services à des fins commerciales, mais également à titre de dénomination sociale, de nom commercial, sous lequel la société intimée exploite désormais deux boutiques, à [Localité 7] et à [Localité 1], ainsi qu’au sein d’un nom de domaine crystal-visual.com réservé le 19 janvier 2021. L’utilisation effective du signe CRYSTAL VISUAL à titre d’enseigne ne ressort toutefois pas des pièces produites.
La comparaison doit s’effectuer entre les signes CRISTAL VISION (marque de la société appelante) et CRYSTAL VISUAL (signe utilisé par la société intimée) qui ne sont pas identiques.
Cette comparaison conduit à retenir que les signes présentent d’importantes ressemblances visuelles, étant chacun constitué de deux mots comportant chacun 6 et 7 lettres, de sorte qu’ils présentent exactement la même structure et la même longueur, comprenant par ailleurs, en attaque des deux mots qui les composent, les mêmes lettres (CR et VIS), la finale de leur premier mot respectif étant en outre pareillement TAL. Les différences tiennent à la présence d’un Y dans le premier terme du signe contesté, en lieu et place du I de la marque de la société appelante, et la finale en UAL du second terme de ce signe, en lieu et place de la finale ION de la marque opposée.
Phonétiquement, les signes se prononcent selon le même rythme (4 temps) et ne diffèrent que par leur terminaison (ION / UAL), de sorte qu’ils sont très proches, nonobstant la consonance anglo-saxonne de la finale du signe contesté.
Intellectuellement, les deux signes évoquent respectivement une « vision de cristal » et « un visuel de cristal » et font ainsi référence pareillement à la vue ou à la vision ou à l’optique et au cristal, le mot anglais « visual » étant très aisément traduit par « visuel » par le public français, même non anglophone, qui est habitué par ailleurs au recours des opérateurs économiques à une terminologie empruntée à la langue anglaise pour définir leurs activités.
Il découle de cette comparaison globale une similitude élevée entre les signes qui n’est pas affectée par la différence entre les termes CRISTAL et CRYSTAL ‘ qui constituent les éléments les plus distinctifs au sein de chacun des signes, les termes VISION et VISUAL étant l’un comme l’autre purement descriptifs des services concernés ‘, cette différence, qui tient à la seule présence d’un Y en lieu et place du I, étant visuellement faible car située au c’ur des signes considérés, et strictement neutre aux plans phonétique et conceptuel.
Le signe CRYSTAL VISUAL constitue donc l’imitation de la marque CRISTAL VISION.
Compte tenu de la parfaite identité entre les services couverts par la marque de la société CRISTAL VISON et ceux proposés par la société CRYSTAL VISUAL, et des similitudes entre les signes, prépondérantes par rapport aux différences, il existe un risque de confusion ou d’association pour le consommateur moyen des services d’optique, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qui n’a pas nécessairement les signes en cause sous les yeux simultanément, et peut être amené à confondre ces signes et les sociétés qui les utilisent.
La contrefaçon de la marque de la société CRISTAL VISION par le signe CRYSTAL VISUAL utilisé par la société éponyme étant ainsi caractérisée, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre.
Sur les atteintes portées aux droits de la société CRISTAL VISION sur sa dénomination sociale, son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine
La société CRISTAL VISION fait valoir qu’en application de l’article 1240 du code civil, le fait d’adopter et d’exploiter une dénomination sociale, un nom commercial ou un nom de domaine identique ou similaire à un concurrent, dans des conditions telles qu’elles suscitent un risque de confusion avec les activités de ce dernier, engage la responsabilité de son auteur ; que l’atteinte portée au droit sur une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine du fait de l’usage d’un signe dans la vie des affaires relève d’un fait distinct de la contrefaçon de la marque éponyme ; qu’il existe en l’occurrence un risque de confusion entre, d’une part, les signes CRYSTAL VISION et CRYSTAL VISUAL utilisés par la société intimée et, d’autre part, ses propres dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, du fait de la stricte identité des activités des parties en présence, des très fortes similarités entre les signes, ce risque de confusion étant renforcé par la proximité géographique des sociétés, toutes deux immatriculées au RCS de Créteil ; qu’il existe en outre un contexte indéniablement fautif dans le comportement de l’intimée qui a fait évoluer son identifiant « Crystal Vision » en « Crystal Visual » sans prendre aucune précaution pour dissiper la confusion créée avec les activités de la société CRISTAL VISION.
Ceci étant exposé, en application de l’article 1240 du code civil, selon lequel « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », le fait d’adopter et d’exploiter une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine identique ou similaire à un concurrent, dans des conditions telles qu’elles suscitent un risque de confusion avec les activités de ce dernier, engage la responsabilité de son auteur.
En l’espèce, il est établi que la société CRISTAL VISION, immatriculée le 19 novembre 2018, a acquis des droits sur la dénomination CRISTAL VISION au travers de sa dénomination sociale (extrait KBis en pièce 1), de son nom commercial sous lequel son fonds de commerce est exploité et connu par le public (site internet de l’appelante et extraits de ses comptes Instagram et Facebook en pièces 2.1 à 2.3), de son enseigne qui est apposée sur la façade de sa boutique située [Adresse 2] (extrait Google Map en pièce 2.4) et de son nom de domaine cristal-vision.fr réservé le 11 décembre 2018 (Whois Noms de domaine en pièce 3).
Les pièces au dossier montrent que la société CRYSTAL VISION, aujourd’hui CRYSTAL VISUAL, immatriculée le 5 septembre 2019, a fait usage du signe CRYSTAL VISION, non seulement à titre de marque, mais également à titre de dénomination sociale, nom commercial et enseigne de sa boutique sise à [Localité 7] (pièces 5.1 à 5.6 et 6).
Comme il a été dit, la société intimée devenue CRYSTAL VISUAL a par ailleurs fait usage du signe CRYSTAL VISUAL à titre de marque, mais aussi de dénomination sociale et de nom commercial, ainsi qu’au sein d’un nom de domaine crystal-visual.com réservé le 19 janvier 2021.
En raison des similitudes entre les signes ‘ le signe CRYSTAL VISUAL étant l’imitation du signe CRISTAL VISION comme il a été exposé supra, tout comme le signe CRYSTAL VISION ainsi que l’a pertinemment et de façon irrévocable jugé le tribunal ‘, et de la quasi-identité des activités de deux entreprises ‘ l’appelante ayant pour principales activités « opticien, lunetterie, vente de matériels photographiques et tout accessoire et machine liés à l’optique » et l’intimée « opticien, vente lunettes, lentilles, produits de lentilles ainsi que de lunettes solaires » (cf. extraits KBis des sociétés) ‘, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public entre la société CRISTAL VISION et la société CRYSTAL VISUAL (anciennement CRYSTAL VISION) et entre leurs activités respectives, ce risque de confusion étant accentué par le fait que les deux sociétés sont immatriculées au RCS de Créteil.
Il a ainsi été porté atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine de la société CRISTAL VISION. L’atteinte portée à l’enseigne de l’appelante n’est en revanche pas démontrée dès lors que la protection d’une enseigne a une portée territoriale restreinte au rayonnement de la clientèle et que les boutiques respectives de la société CRISTAL VISION (à [Localité 9]) et de la société CRYSTAL VISUAL (à [Localité 7] et à [Localité 1]) sont relativement éloignées, leurs zones de chalandise ne se recoupant pas eu égard à la nature de l’activité et au nombre important de magasins d’optique dans les zones urbaines concernées.
Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, les usages incriminés au titre de la concurrence déloyale ne se confondent pas avec les actes de contrefaçon portant atteinte à la marque « CRISTAL VISION » de la société appelante, mais constituent des actes distincts de cette contrefaçon, les signes distinctifs auxquels il été porté atteinte étant différents (marque / dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine).
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes en concurrence déloyale de la société CRISTAL VISION.
Sur les mesures réparatrices
Sur la demande indemnitaire
La société CRISTAL VISION demande une réparation forfaitaire, toutes causes de préjudice confondues, de 40 000 €, faisant valoir que l’usage des dénominations incriminées par la société CRYSTAL VISUAL, du fait du risque de confusion engendré dans l’esprit de la clientèle, lui cause un préjudice en altérant le positionnement commercial et la valeur de sa marque et est à l’origine d’une désorganisation ; qu’elle est régulièrement contactée par des personnes se méprenant sur son identité ; qu’en outre, l’intimée a accompagné la présentation de la dénomination CRYSTAL VISION de la mention « OFFICIEL » dans sa communication sur son compte Instagram, donnant à penser à la clientèle consultant ce réseau social que les services proposés par l’appelante sous sa marque « CRISTAL VISION » sont, par opposition à ceux de l’intimée, offerts sans caution de caractère officiel, voire en contrefaçon des droits de l’intimée, ce qui est totalement faux et ne peut qu’aggraver la perte d’exclusivité qui s’attache à la marque « CRISTAL VISION » ; que le fait que l’intimée ait cru pouvoir ouvrir une seconde boutique sous la dénomination CRYSTAL VISUAL, alors même que la première instance était pendante devant le tribunal judiciaire de Paris, affaiblit de plus fort l’exclusivité qui s’attache à la marque, entrave nécessairement sa possibilité d’étendre son propre réseau et renforce le préjudice.
Ceci étant exposé, la contrefaçon de la marque « CRISTAL VISION » par les signes CRYSTAL VISION et CRYSTAL VISUAL utilisés par la société intimée à divers titres (dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine) a nécessairement causé un préjudice à la société CRISTAL VISION dont la marque a été dévalorisée. La société CRISTAL VISION fait valoir à juste titre que la mention « CRYSTAL VISION OFFICIEL » sur la page Instagram de la société intimée (en novembre 2020) était de nature à laisser penser que les services proposés par l’appelante sous sa marque « CRISTAL VISION » n’avaient pas de caractère « officiel », aggravant la dilution de sa marque.
L’usage contrefaisant par le signe CRYSTAL VISION a duré environ une année et a cessé fin 2020 (pièces 5), à l’exception d’une fiche Pages jaunes ayant conservé le signe plus longtemps (mai 2021), ce qui est marginal. L’usage contrefaisant du signe CRYSTAL VISUAL a débuté à l’automne 2020, avec le changement de la dénomination de la société intimée et le dépôt par elle d’une marque « CRYSTAL VISUAL ».
La concurrence déloyale résultant de l’usage des deux signes litigieux et des atteintes portées à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine de la société CRISTAL VISION lui a également causé un préjudice en limitant la force identificatrice de ses propres signes et en brouillant, de ce fait, son image auprès de la clientèle.
Cependant, comme en première instance, aucun élément n’est fourni pour justifier des méprises effectives prétendument commises par la clientèle ou d’un projet de développement du réseau qui aurait été entravé par les actes commis par l’intimée. Aucune désorganisation n’est par ailleurs démontrée et aucune baisse de chiffre d’affaires n’est invoquée.
La cour dispose ainsi des éléments lui permettant de fixer à la somme globale de 12 000 € (6 000 € pour la contrefaçon et 6 000 € pour la concurrence déloyale) les dommages et intérêts propres à réparer le préjudice subi par la société CRISTAL VISION.
Sur les autres mesures
Il sera fait interdiction à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage des signes CRYSTAL VISION (en tant que de besoin) et CRYSTAL VISUAL, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit (notamment, sur ses comptes Facebook et Instagram et sur le moteur de recherches Google), sous astreinte de 200 € par jour d’infraction constatée, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une période de six mois.
Il lui est également enjoint de procéder à ses frais à la radiation du nom de domaine ystal-visual.com>, sous astreinte de 200 € par jour d’infraction constatée, passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une période de six mois.
Le jugement est réformé en ce sens.
Il n’y a pas lieu pour la cour de se réserver la liquidation des astreintes prononcées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société CRYSTAL VISUAL, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La somme qui doit être mise à la charge de la société CRYSTAL VISUAL au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société CRISTAL VISION en première instance et en appel peut être équitablement fixée à 10 000 €.
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu’il a interdit à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage de la dénomination « Crystal Vision » dans la vie des affaires,
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que la société CRYSTAL VISUAL (précédemment dénommée CRYSTAL VISION) a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale française « CRISTAL VISION » n° n°4476987 dont est titulaire la société CRISTAL VISION,
Dit que la société CRYSTAL VISUAL a commis des actes distincts de concurrence déloyale au préjudice de la société CRISTAL VISION,
Condamne la société CRYSTAL VISUAL à payer à la société CRISTAL VISION la somme globale de 12 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
Fait interdiction à la société CRYSTAL VISUAL de faire usage des signes CRYSTAL VISION et CRYSTAL VISUAL, à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit (notamment, sur ses comptes Facebook et Instagram et sur le moteur de recherches Google), sous astreinte de 200 € par jour d’infraction constatée, passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une période de six mois,
Enjoint à la société CRYSTAL VISUAL de procéder à ses frais à la radiation du nom de domaine ystal-visual.com>, sous astreinte de 200 € par jour d’infraction constatée, passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, et pendant une période de six mois,
Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,
Condamne l1a société CRYSTAL VISUAL aux dépens de première instance et d’appel et au paiement à la société CRISTAL VISION de la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE