Contrefaçon : 15 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08446

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Contrefaçon : 15 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08446
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2023

(n°176, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/08446 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CFXM4

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 février 2022 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°20/05187

APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT

M. [N] [W] [K]

Né le 25 mars 1950 à [Localité 6] (Doubs)

De nationalité française

Exerçant la profession d’auteur-réalisateur

Demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Christophe PASCAL, avocat au barreau de PARIS, toque C 792

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. CAMERA ONE TELEVISION, prise en la personne de son président en exercice, M. [C] [E], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de Pontoise sous le numéro 491 135 786

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0010

Assistée de Me David GILBERT-DESVALLONS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0012

S.A. FRANCE TELEVISIONS, prise en la personne de sa présidente domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 432 766 947

Représentée par Me Bénédicte AMBLARD, avocate au barreau de PARIS, toque B 113

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes Véronique RENARD et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 18 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,

Vu l’appel interjeté le 26 avril 2022 par M. [K],

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 juillet 2022 par M. [K], appelant et incidemment intimé,

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022 par la société Camera One Télévision, intimée et appelante incidente,

Vu les uniques conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 octobre 2022 par la société France Télévision, intimée et appelante incidente,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er juin 2023.

SUR CE, LA COUR

Il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

M. [N] [K] se présente comme auteur et réalisateur. Il expose avoir « tourné, réalisé et lui-même produit » plus de 20 heures d’images lors de la tournée en Afrique du groupe Kassav’ du 20 décembre 1987 au 10 janvier 1988.

Il indique par ailleurs avoir, en 1977, écrit et réalisé un documentaire intitulé KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT dans lequel il a choisi d’intégrer 15 minutes et 11 secondes des images qu’il avait réalisées en 1987/1988.

Ce documentaire d’une durée de 50 minutes a été produit par la société Les Films Du Village.

La société Les Films Du Village, dont le gérant était M. [M] [D], a fait l’objet d’une procédure simplifiée de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 21 octobre 2003, puis a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 9 février 2004. Elle a ensuite été radiée du registre du commerce et des sociétés le 28 avril 2009.

La société Caméra One Télévision est une société ayant pour activité la production de films documentaires et de magazines depuis 2006.

M. [K] dit avoir constaté, lors de sa diffusion, le 28 juin 2019, sur la chaîne de télévision FRANCE 3 de la société France Télévisions, qu’un documentaire dénommé KASSAV’, UNE HISTOIRE produit par la société Camera One Télévision incorporait, sans son autorisation ni mention de son nom, des images produites, tournées et réalisées par lui en Afrique, issues de son documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 juillet 2019, l’avocat de M. [K] indiquait que le documentaire KASSAV’, UNE HISTOIRE comportait 3 mn 41 secondes d’images produites, tournées et réalisées par son client et mettait la société France Télévisions en demeure de cesser toute utilisation de ces images.

La société France Télévisions en réponse renvoyait vers la société Caméra One Télévision qui se mettait alors en contact avec l’avocat de M. [K] et par un courriel du 19 juillet 2019 indiquait avoir acquis de la société Zaradoc, détentrice des droits d’exploitation du film KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT, les droits sur 5 minutes et 30 secondes d’extraits de l”uvre audiovisuelle.

C’est dans ce contexte que, le 18 juin 2020, M. [K] a fait assigner la société Camera One et la société France Télévisions devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le jugement dont appel a statué comme suit :

– se dit incompétent pour statuer sur la titularité des droits invoqués par M. [K],

– déboute M. [K] de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur,

En conséquence,

– dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande en garantie formée par la société France Télévisions à l’encontre de la société Camera One Télévision,

– déboute la société Camera One Télévision de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

– condamne [N], [W] [K] à payer à chacune des sociétés Camera One Télévision et France Télévisions la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne M. [K] aux entiers dépens de l`instance, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

M. [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a :

* débouté de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur,

* condamné à payer à chacune des sociétés Camera One Télévision et France Télévisions la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

Vu les articles L 113-1 et L 113-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles L121-1, L122-4, L215-1, L335-2 à L335-4 du code de la propriété intellectuelle,

– dire que la reproduction d’images dont M. [K] est l’auteur, le réalisateur et le producteur, images intégrées dans le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT constitue une contrefaçon de ses droits d’auteur et de ses droits voisins,

– condamner in solidum les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice patrimonial,

– condamner in solidum les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral,

– faire interdiction aux sociétés Camera One Télévision et France Télévisions, sous astreinte de 100 000 euros par infraction constatée, de poursuivre l’exploitation, par quelque mode, moyen et procédé, du documentaire KASSAV’, UNE HISTOIRE,

– condamner in solidum les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions à payer à [N] [K] une somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer, pour le surplus, le jugement dont appel,

– condamner in solidum les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions aux entiers dépens, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

La société Camera One Télévision demande à la cour de :

– dire M. [K] mal fondé en son appel,

– dire irrecevables les demandes de M. [K] fondées sur les droits voisins comme étant nouvelles en cause d’appel, à tout le moins l’en débouter.

– Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* débouté M. [K] de ses demandes en contrefaçon de droit d’auteur,

* débouté la société Camera One Télévision de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

Statuant à nouveau :

– juger que M. [K] ne peut valablement revendiquer à son bénéfice, la protection du droit d’auteur sur les images au titre desquelles il fonde son action,

En conséquence, dire irrecevable M. [K] en l’ensemble des demandes fins et prétentions,

A titre subsidiaire :

– confirmer le jugement déféré de ce chef,

– juger le caractère particulièrement abusif de la présente instance et en conséquence, condamner M. [K] au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Caméra One Télévision.

En tout état de cause :

– débouter M. [K], de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [K] à la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux aux entiers dépens.

La société France Télévisions demande à la cour de :

– dire M. [K] mal fondé en son appel, irrecevables les demandes de M. [K] pour défaut de qualité à agir, irrecevables comme nouvelles en cause d’appel en ce qu’elles sont fondées sur des droits voisins, à tout le moins l’en débouter,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de toutes ses demandes à l’encontre de France Télévisions,

– rejeter l’intégralité des demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société France Télévisions, irrecevables et mal fondées.

Très subsidiairement,

Vu l’article 12 du contrat de cession de droits de diffusion du 25 mars 2019 entre les sociétés Camera One et France Télévisions :

– condamner la société Camera One, auprès de qui la société France Télévisions a acquis ses droits, à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre,

– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros, au titre des dépens de l’appel, ainsi qu’en tous dépens.

A titre liminaire il est constaté que le chef du dispositif du jugement qui déclare le tribunal incompétent pour statuer sur la titularité des droits invoqués par M. [K] ne fait pas l’objet d’un appel incident des sociétés Caméra One Télévision et France Télévisions et que dès lors il est irrévocable.

M. [K] fait valoir :

– d’une part qu’il serait l’auteur, le réalisateur et le producteur de plus de 20 heures d’images prises lors de la tournée en Afrique du groupe Kassav’ qui s’est déroulée du 20 décembre 1987 au 10 janvier 1988, dont il produit aux débats des extraits sur un Cd (pièce [K] n°2),

– d’autre part qu’il est l’auteur et le réalisateur du documentaire intitulé KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT d’une durée de 50 minutes, produit par la société Les Films Du Village, dans lequel il a choisi d’intégrer 15 minutes et 11 secondes des images de la tournée africaine de 1987/1988, dont il produit aux débats le Cd (pièce [K] n°3).

Au dispositif de ses écritures, il demande à la cour de « dire que la reproduction d’images dont (il) est l’auteur, le réalisateur et le producteur, images intégrées dans le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT constitue une contrefaçon de ses droits d’auteur et de ses droits voisins ». Il demande sans distinction du droit contrefait ou violé la somme globale de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et de 50 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.

Il vise au dispositif, outre les articles du code de la propriété intellectuelle relatifs au droit d’auteur et ceux relatifs à la répression des actes de contrefaçon, l’article L.215-1 du même code relatif au droit du producteur qui dispose :

‘Le producteur de vidéogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non.

L’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.

Les droits reconnus au producteur d’un vidéogramme en vertu de l’alinéa précédent, les droits d’auteur et les droits des artistes-interprètes dont il disposerait sur l”uvre fixée sur ce vidéogramme ne peuvent faire l’objet de cessions séparées’.

Dans la motivation de ses conclusions, M. [K], après avoir cité les termes de ces dispositions, énonce qu’il est bien celui qui a eu «l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non » s’agissant des rushes de la tournée en Afrique de KASSAV.

Ainsi, devant la cour M. [K] se prévaut du droit voisin de producteur sur les rushes de la tournée en Afrique, étant observé qu’aucun autre droit voisin n’est argué.

Le jugement entrepris a débouté M. [K] de sa demande en contrefaçon de droits d’auteur mais ne s’est pas prononcé sur les droits voisins.

Les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions font valoir que de telles demandes relatives aux droits voisins n’avaient pas été formées par M. [K] en première instance de sorte qu’elles constituent en cause d’appel des demandes nouvelles irrecevables en application de l’article 564 du code de procédure civile.

Pour autant, les conclusions remises au greffe du tribunal et notifiées le 6 septembre 2021, citées au jugement comme étant les dernières conclusions de M. [K] et produites aux débats de la cour par les parties, permettent de constater que le dispositif de ces écritures visait également l’article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle et que M. [K] affirmait dans la motivation être « auteur, réalisateur et producteurs des images de la tournée du Groupe Kassav’ en Afrique en 1987/1988 intégrées dans le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT ».

Dès lors la revendication sur le droit voisin de producteur des rushes et les demandes de condamnations pour préjudice patrimonial et préjudice moral étaient formées en première instance dans les mêmes termes qu’en appel.

Ainsi, l’irrecevabilité soulevée par les intimées des demandes de M. [K] relatives aux droits voisins au motif de leur nouveauté sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur les droits de M. [K] sur les rushes de 1987/1988

Sur la qualité d’auteur

La titularité de M. [K] sur les extraits de rushes qu’il produit sur Cd en pièce n°3 n’est pas contestée en cause d’appel.

L’originalité de l”uvre conditionnant la protection des rushes au titre du droit d’auteur est contestée par les sociétés intimées et il appartient dès lors à M. [K] de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

L’originalité d’une ‘uvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

M. [K] définit ces rushes dont il produit au débat certains extraits comme constitué de plus de « 20 heures d’images », sans toutefois aucunement revendiquer l’originalité de celles-ci précisant même que les images provenant de ces rushes sont devenues protégeables comme ayant été sélectionnées et intégrées au documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT qui constitue une ‘uvre originale.

Ces prises de vue filmées à la volée, caméra à l`épaule ou sur pied, notamment lors de concerts africains du groupe Kassav ou à l’occasion de leurs déplacements, sans que M. [K] ne caractérise les choix créatifs qu’il aurait fait, ne sont pas en elles-mêmes, prises isolément, éligibles à la protection par le droit d’auteur.

Sur la qualité de producteur

M. [K] prétend qu’il est le producteur des images tournées en Afrique en 1987/1988 affirmant qu’il est bien celui qui a eu « l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non » au sens de l’article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle. Il en veut pour preuve qu’il détient l’intégralité des rushes tournés en Afrique.

Or, les éléments produits au débat ne permettent pas de confirmer une telle qualité, contestée par les sociétés intimées et notamment par la société Camera One Télévision qui produit une attestation de M. Gérard [O] indiquant avoir à la demande de M. [T] [R] [P], membre fondateur du groupe Kassav, constitué une équipe de tournage pour couvrir la tournée en Afrique avec pour but de réaliser un documentaire, ce qui n’a jamais été fait. Il précise que M. [K] avait comme fonction celle d’opérateur prise de vue et que le groupe Kassav était le producteur prenant totalement en charge les frais de la tournée.

Les pièces produites par M. [K] confirment ces affirmations dès lors que la facture qu’il produit, émise par une société de production Prod Etc pour les trois semaines de tournage, est adressée à M. [P], ce que corrobore l’attestation de M. [Z] [X], associé de la société de production Prod Etc, sauf à préciser que les deux chèques de M. [P] se sont avérés non provisionnés.

Dès lors, la qualité de producteur de M. [K] ne sera pas retenue par la cour et celui-ci débouté de ses demandes fondées sur les droits voisins.

Sur les droits de M. [K] sur le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT

La qualité d’auteur de M. [K] du documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT et l’originalité de cette ‘uvre ne sont pas contestées par les sociétés intimées et doivent être retenues.

En revanche, la société Camera One Télévision indique avoir légitimement acquis pour un montant de 3 600 euros, le droit d’utiliser 6 minutes du documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT auprès de M. [M] [D] qui déclarait détenir les droits.

M. [K] conteste la validité d’une telle cession, contestant à M. [M] [D] ou à toute autre société dont il serait le gérant de venir aux droits de la société Les Films du Village.

Il indique être l’auteur du texte du documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRÉ MÉDICAMENT dont il a cédé les droits à la société Les Films du Village par contrat du 1er décembre 1996 venu à expiration le 1er décembre 2011. La cour observe qu’il n’est allégué aucune reprise de ce texte par le documentaire litigieux KASSAV’, UNE HISTOIRE produit par la société Camera One Télévision.

M. [K] est également le réalisateur de ce documentaire selon contrat conclu le 8 janvier 1997 entre lui-même, en qualité de « réalisateur », et la société Les Films du Village, en qualité de « producteur ».

Il a par ce contrat cédé ses droits à la société Les Films du Village pour une durée de 30 ans incluant le droit d’autoriser la reproduction et la représentation « sur tous supports et par tous procédés par fragments de l”uvre ».

M. [K] prétend cependant que la liquidation judiciaire de la société Les Films du Village prononcée par jugement du 9 février 2004 a eu pour effet de lui restituer ses droits d’auteur sur le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRE’ ME’DICAMENT.

Pour autant, l’article L.132-30 du code de la propriété intellectuelle dispose :

« La procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire du producteur n’entraîne pas la résiliation du contrat de production audiovisuelle. (‘) Lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation est prononcée, l’auteur et les coauteurs peuvent demander la résiliation du contrat de production audiovisuelle ».

Ainsi, la liquidation judiciaire ne permet la résiliation d’un contrat de production audiovisuelle que si elle est demandée par l’auteur.

Or, M. [K] ne justifie d’aucune demande en ce sens et dès lors le contrat ne peut être considéré comme résilié.

Ainsi, M. [K] ne justifie pas détenir les droits patrimoniaux de l’auteur-réalisateur sur l”uvre KASSAV’LE ZOUC, UN SACRE’ MEDICAMENT.

Il détient en revanche le doit moral de l’auteur, incessible.

Le premier alinéa de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre ».

Il ne justifie cependant d’aucune violation du respect dû à son ‘uvre.

La cour constate que si le générique du film documentaire KASSAV’, UNE HISTOIRE produit par la société Camera One Télévision et diffusé à la télévision le 28 juin 2019 mentionne le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRE’ ME’DICAMENT, il ne fait pas état de M. [K] comme réalisateur de celui-ci, ce qui constitue une violation de son droit de paternité.

Au regard des éléments du débat, le préjudice subi par M. [K] causé par cette violation sera entièrement indemnisé par l’octroi d’une somme de 2 000 euros au paiement de laquelle les sociétés Camera One Télévision et France Télévisions seront condamnées in solidum.

Il ne sera pas fait droit à la demande d’interdiction sollicitée par M. [K] qui apparaît disproportionnée au regard de la seule violation constatée du droit de paternité. La société Camera One Télévision sera cependant condamnée à garantir la société France Télévisions de cette condamnation au regard de ses engagements contractuels.

Sur la demande incidente en procédure abusive, les frais et dépens

Le sens de l’arrêt conduit à rejeter la demande reconventionnelle de la société Camera One Télévision sur le fondement de l’abus de procédure.

Les condamnations prononcées par le jugement au titre des dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

Chaque partie conservera à sa charge les dépens qu’elle a engagés pour la procédure de première instance et d’appel et l’équité ne commandant pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes des parties sur ce fondement seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel et des appels incidents,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Camera One Télévision de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

Y substituant et y ajoutant,

Dit recevables les demandes de M. [K] fondées sur les droits voisins mais les rejette,

Déboute M. [K] de ses demandes relatives à des droits d’auteur sur les rushes images de la tournée du groupe Kassav filmées en 1987/1988,

Déboute M. [K] de ses demandes relatives au droit patrimonial de l’auteur sur le documentaire KASSAV’LE ZOUC, UN SACRE’ ME’DICAMENT,

Condamne in solidum la société Camera One Télévision et la société France Télévisions à verser à M. [K] la somme de de 2 000 euros au titre de la violation de son droit de paternité sur l”uvre KASSAV’LE ZOUC, UN SACRE’ ME’DICAMENT,

Dit que la société Camera One Télévision devra garantie à la société France Télévisions du paiement de cette condamnation,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu’elle a engagés en première instance et en appel.

La Greffière La Présidente

 


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