Contrat d’édition : 8 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00926

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Contrat d’édition : 8 février 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/00926
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N° RG 21/00926 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IWOH

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 8 FÉVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/00590

Tribunal judiciaire du Havre du 11 février 2021

APPELANTE :

SAS GIFEC

RCS du Havre n° 400 897 161

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée et assitée par Me Jérôme VERMONT de la SELARL VERMONT TRESTARD GOMOND & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me PESCHIUTTA

INTIMEES :

SCI SOVEPI

RCS du Havre n° 501 422 760

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre

SCI DU [Adresse 2]

RCS du Havre n° 348 586 603

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Michel TARTERET de l’AARPI LECLERCQ & TARTERET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau du Havre plaidant par Me BODIN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 octobre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [K] [R],

DEBATS :

A l’audience publique du 12 octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 8 février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 8 février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent à cette audience.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique du 1er juin 1998, la Sci [Adresse 2] a donné à bail à usage commercial à la société MPV, devenue la Sas Gifec un ensemble immobilier situé [Adresse 2] au [Localité 6] comprenant notamment un bâtiment industriel et des bureaux. Ce bail consenti pour une durée de 9 années a été renouvelé par acte sous seing privé le 1er juin 2007. Cet acte comprend un pacte de préférence dans l’hypothèse de la vente de l’immeuble loué.

Par acte authentique du 6 février 2008, la propriétaire des lieux a vendu à la Sci Sovepi cet ensemble immobilier au prix de 100 000 euros. En décembre 2010, la Sas Gifec découvre le changement de propriétaire, désormais Mme [M], ancienne actionnaire de la Sas Gifec et M. [M], son époux, ancien cogérant de fait et salarié de la société.

Le 5 mai 2011, le notaire de la Sas Gifec a attiré l’attention du notaire ayant passé l’acte, en vain.

Par actes d’huissier du 30 mai 2012, la Sas Gifec a fait assigner les bailleresses en annulation de la vente de l’immeuble et réalisation de la vente à son profit. Par ordonnance du 18 janvier 2018, le juge de la mise en état a constaté la péremption d’instance et condamné la Sas Gifec à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par actes d’huissier des 5 et 15 mars 2018, la Sas Gifec a, de nouveau, assigner les Sci [Adresse 2] et Sovepi aux mêmes fins.

Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :

– déclaré recevables les demandes de la Sas Gifec mais les a dit mal fondées,

– débouté la Sas Gifec de ses demandes,

– débouté la Sci Sovepi et la Sci [Adresse 2] de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné la Sas Gifec à payer à la Sci Sovepi et la Sci [Adresse 2] la somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné la Sas Gifec aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 2 mars 2021, la Sas Gifec a formé appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 31 mai 2021, la Sas Gifec demande à la cour, au visa des articles 1103, 1193 et 1104 du code civil, d’infirmer la décision entreprise et de :

– dire et juger que la Sci Sovepi et la Sci [Adresse 2] se sont frauduleusement soustraites aux dispositions du pacte de préférence,

– prononcer l’annulation du contrat de vente conclu le 6 février 2008 entre elles,

– dire et juger que la Sas Gifec sera substituée dans les droits de la Sci Sovepi, en qualité de propriétaire de l’immeuble situé [Adresse 2], cadastré section TD volume [Cadastre 4],

– constater la réalisation de la vente de l’immeuble dont s’agit au profit de la Sas Gifec et au prix convenu entre les Sci assignées soit 100 000 euros,

– condamner solidairement les Sci [Adresse 2] et Sovepi à lui rembourser le montant intégral des loyers réglés par cette dernière depuis le 1er janvier 2008, lequel s’élève à la somme de 328 110,22 euros TTC, comptes arrêtés au mois de février 2021 inclus,

– condamner solidairement les Sci [Adresse 2] et Sovepi à lui rembourser le montant intégral des loyers qu’elle sera amenée à régler depuis le 1er janvier 2008 et jusqu’au jour de la réalisation de la vente son profit,

– condamner solidairement les Sci [Adresse 2] et Sovepi au paiement d’une indemnité de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 25 juin 2021, la Sci [Adresse 2] demande à la cour de :

à titre principal,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandes de la Sas Gifec recevables car non prescrites,

– juger que la procédure engagée est prescrite, dans la situation la plus défavorable, depuis la fin de l’année 2015,

– en conséquence, juger la Sas Gifec irrecevable en ses demandes comme étant prescrites,

– la débouter de l’intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– déclarer la Sas Gifec irrecevable et à tout le moins mal fondée en ses demandes,

– en conséquence, rejeter l’ensemble des demandes de la Sas Gifec,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour annulait la vente intervenue entre les Sci et substituait la Sas Gifec à la Sci Sovepi,

– condamner la Sas Gifec à lui payer à la somme de 100 000 euros,

– dire et juger que le transfert de propriété sera en toute hypothèse différé jusqu’au paiement du prix de vente d’un montant de 100 000 euros,

– dire et juger que la Sci Sovepi devra remettre l’immeuble à la Sas Gifec après paiement de la somme de 100 000 euros par celle-ci à la Sci Denis Cordonnier,

– ‘ordonner l’exécution provisoire des chefs de dispositif qui profitent à la Sci [Adresse 2],’

– condamner la Sci Sovepi à restituer à la Sci [Adresse 2] les fruits produits par le bien immobilier dont la vente serait rétroactivement anéantie, avec intérêts de droit à la date du paiement, en cela compris le montant de l’intégralité des loyers perçus par la Sci Sovepi de la Sas Gifec ‘jusqu’au jugement à intervenir,’

en tout état de cause,

– condamner la Sas Gifec à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouter la Sci Sovepi de sa demande de garantie formée à son encontre,

– condamner la Sas Gifec à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 8 juin 2021, la Sci Sovepi demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 2224 et 1134 ancien du code civil, de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. débouté la Sas Gifec de ses demandes,

. condamné la Sas Gifec à verser à la Sci Sovepi la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné la Sci Gifec aux dépens,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. déclaré les demandes de la Sas Gifec recevables comme non prescrites,

. débouté la Sci Sovepi de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

en conséquence, statuant à nouveau,

à titre principal,

– dire et juger que la Sas Gifec selon ses propres déclarations avait explicitement, expressément conscience et connaissance du changement de propriétaire des biens du local fait et donné à bail au plus tard à compter du 1er décembre 2010,

– dire et juger en conséquence irrecevable comme prescrite la présente procédure initiée selon exploit du 5 mars 2018,

subsidiairement,

– dire et juger irrecevable, subsidiairement, mal fondée la Sas Gifec en toutes ses demandes dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire,

– condamner la Sci [Adresse 2] à relever et garantir la Sci Sovepi de toute condamnation qui par impossible serait prononcée à son encontre sur les demandes présentées par la Sas Gifec,

en toute hypothèse,

– condamner la Sas Gifec au paiement d’une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la Sas Gifec au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir

L’article 122 du code de procédure civile précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Selon l’article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Les premiers juges ont retenu que le pacte de préférence conférait un droit réel mobilier soumis à la prescription quinquennale, ; que la Sas Gifec disposait d’un délai de cinq ans à compter du jour où elle a eu connaissance du fait pour agir en justice ; qu’elle a reçu les factures de loyers au nom de la Sci Sovepi dès janvier 2008 ; qu’elle a assigné les parties adverses le 30 mai 2012, soit dans le délai quinquennal ; qu’au visa de l’article 2243 du code civil, la péremption d’instance a mis fin au délai de sorte qu’en mars 2018, la Sas Gifec était recevable à agir ; que la mise en oeuvre du pacte de préférence ne requiert pas de publicité ; que les deux fins de non-recevoir devaient être écartées.

La Sas Gifec fait valoir que la prescription applicable est celle qui relève de l’action réelle immobilière ; qu’elle a compris les conditions du transfert de propriété en décembre 2010 ; que l’action entreprise en mars 2018 est recevable.

La Sci [Adresse 2] soutient que le pacte de préférence constitue une créance de nature personnelle qui se prescrit par cinq ans ; que l’interruption de la presciption résultant de la demande en justice est non avenue si le demandeur a laissé périmé l’instance ; que la prescription extinctive est réputée n’avoir jamais été interrompue et a donc couru pendant toute la durée de l’instance périmée ; qu’en conséquence, en l’absence d’actes interruptifs depuis la découverte des faits, l’action est atteinte par la prescription.

La Sci Sovepi soulève le même moyen tiré de la prescription de l’action.

Le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu’il décide de vendre le bien. Il confère au bénéficiaire un droit de créance, personnel soumis, en conséquence, pour les actions en relevant à la prescription quinquennale.

La Sci [Adresse 2] a vendu l’immeuble loué à la Sci Sovepi par acte authentique du 6 février 2008, comprenant en annexé l’attestation établie par la sas Gifec portant renonciation au bénéfice du pacte de préférence. Dès le 3 janvier 2008, la Sci Sovepi a facturé à la Sas Gifec les loyers dus et a procédé de la sorte chaque mois depuis cette date, les sommes étant payées par la société preneuse. Le 4 septembre 2009 puis le 12 janvier 2010, la Sci Sovepi adressait à la Sas Gifec une correspondance relative à des travaux devant être entrepris le 15 janvier 2010. Par lettre du 19 mai 2011, une courrier concernant différentes difficultés était envoyé à M. [Z], président directeur général de la Sas Gifec depuis le 26 décembre 2007, M. [M] étant à compter de cette date directeur général, après avoir exercé les fonctions de gérant de la Sarl MPV.

Ainsi, la Sas Gifec, en la personne de son représentant légal, avait connaissance dès 2008 du changement de propriétaire de l’immeuble, la Sci Sovepi précisant même dans la correspondance du 19 mai 2011 avoir adressé dès février 2008 le bail à son nom sans accuser un retour depuis cet envoi.

L’acte authentique ayant été signé le 6 février 2008 après édition de la première facture, cette date sera retenue comme point de départ de la prescription quinquennale soit une expiration du délai le 6 février 2013, au plus tard le 19 juin 2013 compte tenu des conséquences de la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008.

En application de l’article 2243 du code civil, l’interruption est non avenue si le demandeur laisse périmer l’instance.

En conséquence, la demande en justice formée par les assignations délivrées le 30 mai 2012 aux Sci [Adresse 2] et Sovepi ont perdu tout effet interruptif de prescription en raison de l’ordonnance du juge de la mise en état du 18 janvier 2018 ayant constaté la péremption d’instance.

L’absence d’actes interruptifs de la prescription quinquennale emporte extinction du délai pour agir et l’irrecevabilité de l’action. La fin de non-recevoir soulevée étant retenue, le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

En application de l’article 1240 précité du code civil, toute faute dans l’exercice des voies de droit, même dépourvue d’intention de nuire, est de nature à engager la responsabilité de son auteur. Il incombe aux intimées d’en apporter la preuve.

Après avoir exercé une action judiciaire, atteinte par la péremption, la Sas Gifec a de nouveau agi, avec légèreté, en délivrant des assignations en imposant aux défenderesses puis intimées l’engagement de frais, alors même qu’elle avait expressément renoncé au bénéfice du pacte de préférence. Toutefois, les Sci [Adresse 2] et Sovepi ne caractérisent pas les préjudices subis hors indemnisation au titre des frais de procédure. Elle seront déboutées de ce chef.

Sur les frais de procédure

Les dispositions de première instance au titre des dépens et de la condamnation fondée sur l’article 700 du code de procédure civile n’appellent pas de critiques.

Partie perdante, la Sas Gifec supportera les dépens d’appel.

Elle sera en outre condamnée à payer respectivement à la Sci [Adresse 2] et la Sci Sovepi les sommes de 8 000 euros et de 5 000 euros pour les frais irrépétibles engagés, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la Sas Gifec puis débouté la Sas Gifec de ses demandes,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l’action entreprise par la Sas Gifec,

Condamne la Sas Gifec à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 8 000 euros à la Sci [Adresse 2], la somme de

5 000 euros à la Sci Sovepi,

Déboute la Sci [Adresse 2] et la Sci Sovepi de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la Sas Gifec aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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