Contrat d’édition : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/03105

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Contrat d’édition : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/03105
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/03105 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H3TT

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

05 novembre 2020 RG :F18/00225

[M]

C/

S.A.R.L. GRANDE PHARMACIE DE LAPALUD

Grosse délivrée le 21 février 2023 à :

– Me Roland MARMILLOT

– Me Marie BLANCHARD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 05 Novembre 2020, N°F18/00225

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Madame Leïla REMILI, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [Z] [M]

née le 11 Mai 1988 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Roland MARMILLOT de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT ROLAND MARMILLOT, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. GRANDE PHARMACIE DE LAPALUD SARL Unipersonnelle représentée par son gérant en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie BLANCHARD, avocat au barreau de CARPENTRAS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [Z] [M] a été engagée par la société Grande Pharmacie de Lapalud initialement sous contrat de travail à durée déterminée le 2 décembre 2013, puis à compter du 1er mai 2014 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de préparatrice, statut employé, échelon 2, coefficient 250 de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine.

Le 26 mai 2017, une rupture conventionnelle du contrat de travail était signée entre les parties.

Par courrier du 15 juin 2017, la Direccte informait la Grande Pharmacie de Lapalud de son refus d’homologuer la rupture conventionnelle en raison d’erreurs dans les éléments de rémunération indiqués et la nécessité de reconstituer les salaires en cas d’absence de la salariée pour maladie ou autres.

En suite de ce refus, la Grande Pharmacie de Lapalud contactait Mme [M] afin de l’inviter à venir régulariser une rupture conventionnelle. Celle-ci refusait de la régulariser.

Le 27 juin 2017, Mme [M] était convoquée, par voie d’huissier, à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 4 juillet 2017, et a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 31 juillet 2017, Mme [M] était licenciée pour fautes graves aux motifs suivants :

‘ – Le 27 mai 2017, vous avez, sans solliciter préalablement mon autorisation, ni même m’en aviser, volontairement procédé à la suppression de l’ensemble des informations comprises dans les dossiers informatiques vous concernant et concernant vos proches, clients de la pharmacie, en particulier ceux de votre compagnon, Monsieur [N] [PH], de ses enfants [U] et [BO] [PH] et de vos parents, Madame [A] [M] et Monsieur [H] [M], ainsi que ceux de Madame [X] [V], votre soeur, et de [AH] [V], son fils. […]

– D’autre part, vous avez intégré aux stocks des unités gratuites de produits de parapharmacie que les laboratoires offrent à la pharmacie et que je laisse à la disposition des employés pour leur permettre de tester les produits qu’ils sont amenés à conseiller à la vente. Ce faisant, vous créditiez votre compte à hauteur du prix de vente public du produit réintégré, créant ainsi un avoir que vous utilisiez ensuite pour payer par compensation tout ou partie de produits de parapharmacie que vous préleviez dans les stocks. […]

– Enfin, vous avez fait bénéficier certains membres de votre famille et amis, sans mon autorisation préalable, de remises commerciales de 20 % sur des produits de parapharmacie alors que de telles remises sont normalement réservées au personnel de la pharmacie ; notamment, et à de très nombreuses reprises vous en avez fait profiter votre mère, Madame [A] [M], votre belle-soeur, Madame [I] [PH] et son mari, Monsieur [P] [PH], mais également votre grand-mère, Madame [T] [PK] et votre grand-père, Monsieur [L] [PK]. […] ‘.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 04 décembre 2018, Mme [M] saisissait le conseil de prud’hommes d’Orange en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement réputé contradictoire du 05 novembre 2020, a :

– dit et jugé que le licenciement pour fautes graves de Mme [Z] [M] est fondé,

– débouté Mme [Z] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 01 décembre 2020, Mme [Z] [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 06 décembre 2021, Mme [Z] [M] demande à la cour de :

– réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise en première instance,

A titre principal

– constater que l’employeur a expressément renoncé à sanctionner la salariée pour les faits reprochés,

À défaut,

– constater que les faits invoqués à l’appui du licenciement ne sont pas établis,

En tout état de cause,

– dire et juger qu’il en résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– condamner en conséquence la Grande Pharmacie de Lapalud à lui verser les sommes suivantes

* 2.476,8 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 347,6 euros bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;

* 825,60 euros bruts à titre de paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire :

* 588,65 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

* 15.000 euros en réparation des préjudices moral, professionnel et économique causés

* 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire

– requalifier le licenciement pour faute prononcé à son encontre en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la Grande Pharmacie de Lapalud à lui verser les sommes suivantes

* 2.476,8 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 347,6 euros bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;

* 825,60 euros bruts à titre de paiement du salaire pendant la mise à pied conservatoire :

* 588,65 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

* 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– en adressant à la Direccte la convention de rupture alors qu’il était informé des faits motivant la mesure de licenciement l’employeur a nécessairement renoncé à exercer son pouvoir disciplinaire,

– les faits reprochés ne sont pas établis et ne procèdent pas d’une intention malveillante, elle n’a fait que se conformer aux pratiques en vigueur au sein de officine, l’employeur ne justifie d’aucun préjudice.

En l’état de ses dernières écritures en date du 09 avril 2021, contenant appel incident, la SARL Grande Pharmacie de Lapalud demande à la cour de :

Déboutant la salariée de l’ensemble de ses demandes, conclusions et fins contraires,

– déclarer irrecevable la prétention nouvelle de Mme [M] tendant, à titre subsidiaire, à ce que le licenciement soit requalifié de licenciement pour cause réelle et sérieuse

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* dit et jugé que le licenciement pour fautes graves de Mme [Z] [M] est fondé,

* débouté Mme [Z] [M] de l’ensemble de ses demandes,

* condamné Mme [Z] [M] aux entiers dépens de l’instance.

– condamner Mme [Z] [M] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens d’appel.

A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement de première instance :

– dire et juger que la durée du préavis prévue par la convention collective applicable est de deux mois,

– réduire en conséquence l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 651,20 euros, outre 165,12 euros au titre des congés payés y afférents,

– dire et juger que Mme [Z] [M] ne justifie d’aucun préjudice,

– débouter en conséquence Mme [Z] [M] de sa demande de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire :

– réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts à allouer à Mme [Z] [M].

Elle fait valoir que :

– la demande subsidiaire formée nouvellement en appel est irrecevable,

– l’employeur n’a pas renoncé à faire usage de son pouvoir disciplinaire en adressant à la Direccte la convention de rupture qui devait finalement être refusée,

– les faits reprochés à la salariée sont établis et reconnus par cette dernière, contrairement à ce qu’elle affirme, il n’existait aucune tolérance de la part de l’employeur sur les manquements relevés.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 13 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 03 janvier 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023.

MOTIFS

Sur l’irrecevabilité en appel de la prétention nouvelle de Mme [M] tendant, à titre subsidiaire, à ce que le licenciement soit requalifié de licenciement pour cause réelle et sérieuse

Au visa de l’article 564 du code de procédure civile qui énonce que : « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait» la SARL Grande Pharmacie de Lapalud soutient que, Mme [M] n’ayant pas sollicité, en première instance, que son licenciement soit requalifié de licenciement pour cause réelle et sérieuse, cette prétention, formulée pour la première fois en appel, est nouvelle et doit donc être déclarée irrecevable.

Devant les premiers juges Mme [M] a demandé de «Dire et juger qu’il résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse», la demande nouvelle tendant à faire juger en appel, à titre subsidiaire, que son licenciement reposerait sur une cause réelle et sérieuse et non une faute grave tend aux mêmes fins à savoir l’indemnisation d’un licenciement que l’appelante estime injustifié. Cette demande nouvellement présentée en cause d’appel est donc recevable.

Sur la renonciation de l’employeur à faire usage de son pouvoir disciplinaire

La renonciation par l’employeur à faire usage de son pouvoir disciplinaire doit être démontrée par des éléments objectifs traduisant une réelle volonté de sa part.

L’employeur ne saurait renoncer au pouvoir de sanctionner le comportement du salarié qu’il estime fautif et il ne saurait en être privé par avance. En revanche, le comportement de l’employeur peut être pris en considération par le juge pour apprécier ce caractère fautif, notamment lorsqu’il a toléré le comportement du salarié.

Ainsi, la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire, et ce, quand bien même cette signature interviendrait après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement.

Il s’ensuit que si la procédure tendant à la conclusion d’une rupture conventionnelle échoue, l’employeur est fondé à entreprendre une procédure disciplinaire.

Dès lors, la circonstance en l’espèce que l’employeur a adressé à la Direccte le 12 juin 2017 les documents de rupture conventionnelle signés des parties le 26 mai 2017 alors que la suppression de l’historique par Mme [M] a eu lieu le 27 mai 2017, l’employeur en ayant eu connaissance le 29 mai 2017, et que la Direccte de Vaucluse a refusé l’homologation le 15 juin 2017, n’emporte nullement renonciation par l’employeur d’user de son pouvoir disciplinaire. Le non usage par l’employeur de la faculté de rétractation est sans aucun emport.

C’est donc à tort que Mme [M] soutient que « la Cour constatera que l’employeur a expressément renoncé à sanctionner sa salariée. De ce fait, le licenciement prononcé est incontestablement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la décision entreprise sera réformée en ce sens.»

Sur le licenciement

– Sur la suppression de données informatiques

Mme [M] reconnaît avoir «écrasé» le lendemain de la signature des documents de rupture conventionnelle, son historique informatique, ainsi que celui de sa famille mais se défend d’avoir touché ou tenté de toucher à la sauvegarde informatique de l’officine. Elle précise que ces données effacées n’ont pas été supprimées et que l’employeur pouvait toujours y avoir accès, la suppression de son historique client empêchait seulement ses autres collègues d’y avoir accès.

Il résulte tant de l’attestation du technicien de la société WINPHARMA du 26 juin 2017 que du procès-verbal de constat de Maître [W], huissier de justice, que les comptes clients, historiques clients et opérations de ventes concernant Mme [M] et ses proches ont été supprimés par l’opérateur n°2 ( soit Mme [M]) le 27 mai 2017 à partir de 8h40.

La SARL Grande Pharmacie de Lapalud rappelle que le dossier de chaque patient doit être conservé au moins trois ans à compter de la dernière intervention sur ledit dossier puis doit être archivé au moins quinze ans sur un support distinct ; l’ordonnancier doit être conservé pendant une durée de dix ans, de même que le registre des stupéfiants, que l’article R.5125-45 du code de la santé public impose : « Toute réalisation ou délivrance par un pharmacien d’une préparation magistrale ou officinale fait immédiatement l’objet d’une transcription sur un livre-registre ou d’un enregistrement par tout système approprié.  Chaque transcription ou enregistrement comporte un numéro d’ordre différent et chronologique ainsi que les mentions suivantes :

-la date de réalisation ou de délivrance de la préparation ;

-les nom et adresse du prescripteur pour les préparations magistrales ;

-les nom et adresse du patient, lors de la transcription ou de l’enregistrement de la délivrance, et, dans le cas d’une préparation magistrale vétérinaire, les nom, prénom, adresse du détenteur des animaux, l’identification des animaux quant à leur espèce, leur âge, leur sexe, leur numéro d’identification ou tout moyen d’identification du lot d’animaux

;

-la composition qualitative et quantitative complète de la préparation avec indication du numéro de lot de chaque matière première et du nom du fournisseur ;

-la quantité réalisée ou délivrée avec indication de la masse, du volume et du nombre

d’unités de prise pour les formes unitaires ;

-l’identification de la personne ayant réalisé la préparation.

Lors de l’inscription ou de l’enregistrement de la délivrance d’une préparation officinale, sa composition est remplacée par le numéro d’ordre de réalisation.

Les systèmes d’enregistrement permettent, à la demande de toute autorité de contrôle, une édition immédiate des données prévues ci-dessus. Chaque page éditée comporte le nom et l’adresse de l’officine. Les données que comportent ces systèmes ne doivent faire l’objet d’aucune modification après validation de leur enregistrement. Elles doivent figurer sur un support garantissant leur pérennité et leur intégrité. Leur duplication est obligatoire et doit être assurée sur deux supports distincts, le premier servant à la consultation habituelle, le second étant gardé en réserve. Les données archivées doivent pouvoir être accessibles, consultées et exploitées pendant une durée de dix ans. »

Elle cite également l’article R.5132-10 du code de la santé publique qui impose quant à lui :

« Les transcriptions ou enregistrements comportent pour chaque médicament délivré relevant de la présente section un numéro d’ordre différent et mentionnent :

1° Le nom et l’adresse du prescripteur ou de l’auteur de la commande et, selon le cas :

a) Le nom et l’adresse du malade, sous réserve des dispositions de l’article L. 3414-1 ;

b) Le nom et l’adresse du détenteur du ou des animaux ;

c) La mention : ” Usage professionnel ” ;

2° La date de délivrance ;

3° La dénomination ou la formule du médicament ou de la préparation ;

4° Les quantités délivrées ;

5° Pour un médicament classé dans la catégorie des médicaments à prescription hospitalière ou dans celle des médicaments à prescription initiale hospitalière, le nom de l’établissement ou du service de santé et le nom du prescripteur ayant effectué la prescription ou la prescription initiale ;

6° Pour un médicament classé dans la catégorie des médicaments à prescription réservée à certains médecins spécialistes, la spécialité du prescripteur telle que définie à l’article R. 5121-91.

Les registres ou les enregistrements informatisés sont conservés pendant une durée de dix ans et sont tenus à la disposition des autorités de contrôle pendant la durée prescrite. Ces enregistrements doivent pouvoir être édités sur papier et être classés par patient, par médicament et par ordre chronologique. Ils sont mis à la disposition des autorités de contrôle à leur demande. »

Enfin, l’article L5121-5 du code de la santé publique dispose « la dispensation, y compris par voie électronique, des médicaments doit être réalisée en conformité avec des bonnes pratiques dont les principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé.

Ces bonnes pratiques prévoient notamment les modalités de suivi permettant d’assurer, à l’occasion de chacune des opérations susmentionnées, la traçabilité des médicaments. »

Il en résulte qu’en procédant à la suppression de ces données Mme [M] a exposé son employeur au risque de voir sa responsabilité engagée.

Mme [M] ne peut valablement soutenir que ce risque serait amoindri en raison du fait que les données auraient été sauvegardées étant rappelé que l’existence d’une faute grave ne requiert pas la démonstration d’un préjudice par l’employeur.

Aucune disposition, aucune circonstance n’autorisait Mme [M] à effacer des données figurant sur le logiciel propriété de son employeur et utile à la gestion de l’officine.

Mme [M] qualifie vainement de « fausse attestation» celle rédigée par M. [Y] [B], et c’est par pure affirmation qu’elle prétend qu’il s’agirait d’ « un faux rédigé pour les besoins de la cause».

Peu importe au demeurant de savoir si l’appelante lui aurait confié avoir procédé à la suppression de son fichier client alors que cela est établi par ailleurs.

– Sur la réintégration aux stocks des unités gratuites de produits de parapharmacie

Mme [M] qui ne conteste pas les faits soutient que « le personnel est en droit de réintégrer au stock les unités personnelles qui ne plaisent pas. Cette manipulation permet de générer un crédit au compte dudit salarié, qui peut ensuite s’acheter un produit de valeur identique dans une autre gamme» ce que l’employeur reconnaît dans ses écritures en précisant que « Dans l’hypothèse où les salariés ne souhaitent pas utiliser ces produits, il leur est permis de les réintégrer au stock de la pharmacie et d’en prendre un autre (‘) ».

Elle verse aux débats les attestations de :

– Mme [J] [D] qui déclare : « Il était aussi permis par Madame [E] de remplacer les usages gratuits que les laboratoires offrent à chaque membre du personnel par d’autres produits de même prix et de même taux de TVA (cela se faisait seulement de temps en temps, les laboratoires n’étant pas généreux). Début 2019, Madame [E] m’a fortement incité à faire des attestations en défaveur de Mme [F] [G] et Madame [M] [Z] comportant des éléments faux et choquants (‘) »,

– Mme [GY] [IY] : « Nous avions aussi la possibilité d’échanger, sur notre compte informatique personnel, les produits offerts au personnel par les laboratoires, ceux-ci devaient avoir des tarifs identiques »,

– Mmes [S] [O], [R] [C], [G] [F] et [UK] [K] qui confirment « Les laboratoires nous offraient parfois des produits et il était possible de les échanger à condition que le montant soit identique et ceci en accord avec Mme [E] ».

La SARL Grande Pharmacie de Lapalud précise que dans l’hypothèse où les salariés ne souhaitent pas utiliser les unités gratuites délivrées par les fournisseurs, il leur est permis de les réintégrer au stock de la pharmacie et de prendre un autre produit, à condition que celui-ci soit de la même valeur et sous réserve de l’accord préalable de l’employeur ce que ne font que confirmer les attestations reproduites ci-avant et celles produites par l’appelante. 

Or, selon SARL Grande Pharmacie de Lapalud Mme [M] a détourné cette pratique dans la mesure où elle avait en charge la gestion des stocks du rayon puériculture et qu’elle gérait l’ensemble des relations avec les fournisseurs relativement à ces produits ainsi que les stocks, qu’elle a réintégré dans les stocks de la pharmacie des unités gratuites qui lui étaient remises par les fournisseurs ce qui générait un avoir, à son profit, qu’elle utilisait, pour régler par compensation le prix d’autres produits qu’elle prélevait dans les stocks (produits de parapharmacie mais également médicaments) ce que confirme Mme [D] qui précise que l’échange de produits ne pouvait se faire qu’en faveur de produits similaires, de même prix et de même taux de TVA.

Ainsi, les extraits du logiciel de la pharmacie, authentifiés par le procès-verbal de constat de Me [W] révèlent une pratique toute différente de la part de Mme [M] comme indiqué dans la lettre de licenciement :

‘ le 17 octobre 2015 à 11 heures 52, elle a intégré dans les stocks 1 boîte de Nutergia

Ergysport d’une valeur unitaire de 13,90 euros, soit un crédit porté à son compte de 13,90 euros, qu’elle a utilisé pour régler par compensation :

– 1 flacon de Derinox prélevé dans les stocks le 12 octobre 2015 à 18 heures 23, en attente de règlement, d’une valeur unitaire, après remise de 20 %, de 4,72 euros,

– 1 lot de 2 tubes de Stodal d’une valeur, après remise de 20 %, de 4,68 euros et 1 boîte de Coryzalia d’une valeur, après remise de 20 %, de 4,32 euros, prélevés dans les stocks le 17 octobre 2015 à 11 heures 57,

– 1 flacon de gel douche Nuxe d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 3,92 euros et un lot de produits Nuxe d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 5,56 euros, prélevés dans les stocks le 23 octobre 2015,

Le coût total de ces produits de 23,20 euros, a été compensé à hauteur de 13,90 euros par le produit réintégré, soit un solde dû de 9,30 euros que Mme [M] a réglé en espèces le 3 novembre 2015 à 9 heures 17.

‘ le 24 novembre 2015 à 17 heures 20, elle a intégré dans les stocks un flacon Nuxe Merveillance Expert d’une valeur de 35,20 euros,

‘ le 26 novembre 2015 à 12 heures 11, elle a intégré dans les stocks 3 flacons de Mustela BB Liniment d’une valeur unitaire de 7,90 euros, soit un total de 23,70 euros,

‘ le 27 novembre 2015 à 11 heures 18, elle a intégré dans les stocks un biberon Dodie d’une valeur de 7,60 euros,

Soit au total pour ces 3 dates, un crédit porté à son compte de 66,50 euros, qu’elle a utilisé pour régler par compensation :

– 1 flacon de Gel douche homme Nuxe prélevé dans les stocks le 18 novembre 2015 à 11heures16, en attente de règlement, d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 3,92 euros,

– 1 coffret Arthur et Lola prélevé dans les stocks le 20 novembre 2015 à 15 heures 34, en attente de règlement, d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 13,52 euros,

-1 boîte de Nutergia Ergyphilus Confort Gel prélevée dans les stocks le 1er décembre 2015 à 14 heures 47, d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 15,12 euros,

– 1 flacon de Derinox prélevé dans les stocks le 9 décembre 2015 à 10 heures 58, d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 4,72 euros,

– 1 boîte d’ombre à paupières prélevée dans les stocks le 11 décembre 2015 à 18 heures 05, d’une valeur unitaire après remise de 35 % de 5,53 euros,

-1 trousse Vichy Homme Mousse+gel d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 11,12 euros et 2 coffrets Caudalie d’une valeur unitaire après remise de 20 % de 17,20 euros, prélevés dans les stocks le 14 décembre 2015 à 9 heures 59, soit un montant total dû de 45,52 euros.

Soit un montant total à régler à la pharmacie de 88,33 euros, compensé à hauteur de 66,50 euros par les produits réintégrés, et un solde dû de 21,83 euros que Mme [M] a réglé par carte bancaire le 14 décembre 2015 à 10 heures 01.

Ces faits sont établis par les pièces non discutées produites au débat.

Il en résulte un dévoiement du système en vigueur au sein de l’officine par Mme [M] et l’employeur relève justement que c’est à son seul profit que les avoirs générés par la réintégration des unités gratuites étaient utilisés.

Ces agissements constituaient, de la part de la salariée, un manquement à ses obligations contractuelles notamment à son obligation de loyauté.

– Sur les remises pratiquées par la concluante à son profit et à celui de ses proches

Mme [M] rappelle que le personnel de la pharmacie a droit à une remise de 20% sur les produits de parapharmacie notamment et ajoute que les salariés utilisent cette remise pour eux, mais également pour leur famille proche, conjoints, ou parents, qu’il suffisait de mettre le produit à son nom, et d’en faire profiter quelqu’un d’autre ce qu’elle ne faisait pas personnellement en enregistrant les achats sur le compte des bénéficiaires et non sur le sien.

Elle estime qu’il n’en résulte aucune malveillance de sa part ni de préjudice pour l’employeur.

Or il ne résulte d’aucun élément que les membres du personnel étaient autorisés à faire bénéficier leurs proches des remises qui leur étaient personnellement consenties. Mme [M] a de même reconnu avoir fait bénéficier d’un tel avantage une amie et a admis qu’elle n’avait jamais obtenu l’accord de son employeur pour procéder ainsi.

En outre, les recherches opérées par la SARL Grande Pharmacie de Lapalud et les extraits du logiciel informatique ont permis de relever que Mme [M] s’appliquait des remises de 10 % pour des produits tarifiés ( vignettes) non susceptibles d’en bénéficier.

La SARL Grande Pharmacie de Lapalud indique avoir ainsi retrouvé pas moins de 34 factures comportant des remises de 20 % sur des produits de parapharmacie ou des remises de 10 % sur des médicaments au profit de Mme [A] [M], la mère de la salariée et pas moins de 35 factures au profit de M. [P] [PH] (l’oncle de la salariée) et Mme [I] [PH], toutes faisant apparaître une remise soit de 10 % soit de 20 % sur divers produits ainsi qu’une quinzaine de factures faisant apparaître une remise de 20 % ou 10 %, toutes établies au profit de M. [L] [PK].

Tout ceci est justifié par les pièces non discutées produites par l’intimée.

Mme [M] n’apporte aucune explication sur ces faits.

Il en résulte que l’ensemble de ces faits, par leur répétition, constitue une faute grave justifiant la mesure prise à l’encontre de l’appelante peu importe à cet égard que la plainte pénale déposée par la SARL Grande Pharmacie de Lapalud ait été classée sans suite au motif « infraction insuffisamment caractérisée ».

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

– Dit recevable la demande nouvelle présentée par Mme [M],

– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne l’appelante aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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