Contrat d’édition : 2 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06339

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Contrat d’édition : 2 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06339
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06339 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAA2T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/02397

APPELANT

Monsieur [P] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane MARTIANO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1459

INTIMEE

SNC LIDL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Victoria RENARD

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

M. [P] [O] a été engagé par la société Lidl par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 septembre 2015 en qualité de caissier employé libre service. Le contrat de travail produit par les parties est incomplet et ne mentionne pas la durée du temps partiel stipulé, celle-ci n’étant par ailleurs nullement précisée dans les conclusions d’appel des deux parties.

Du 14 septembre au 2 novembre 2016, M. [O] a fait l’objet de manière continue d’arrêts de travail suite à un accident du travail survenu le 13 septembre de la même année.

Par avenant du 18 mars 2017 prenant effet le 6 mars 2017, M. [O] a été promu chef caissier et son temps de travail hebdomadaire a été fixé à 31,5 heures.

La société emploie à titre habituel plus de dix salariés et les relations de travail sont régies par la convention collective des commerces de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courrier du 11 avril 2017, la société Lidl a notifié un avertissement à M. [O].

M. [O] a été mis à pied à titre conservatoire à compter du 20 novembre 2017 puis convoqué à un entretien préalable fixé le 4 décembre 2017 en vue d’un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 15 décembre 2017 pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 28 mars 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Lidl au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 12 février 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Le 17 mai 2019, M. [O] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 juillet 2019, il demande à la cour de :

Le dire recevable et bien fondé en ses demandes,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dire que son licenciement pour faute grave est nul,

Par conséquent,

Condamner la société Lidl à lui verser les sommes suivantes :

– 10.000 euros à titre d’indemnité réparant le caractère illicite de la rupture,

– 3.296 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 329,60 euros euros à titre de congés payés afférents,

– 995 euros euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1.428 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

– 142,80 euros à titre de congés payés afférents,

Annuler l’avertissement notifié le 11avril 2017 et par conséquent, de condamner la société Lidl à lui verser la somme de 1.648 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

Condamner la société Lidl à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Lidl aux dépens de l’instance.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 11 octobre 2019, la société Lidl demande à la cour de :

A titre principal,

La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé que le licenciement pour faute grave notifié à M. [O] était bien fondé,

– débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire si, par extraordinaire, la cour décidait d’examiner les demandes de M. [O] et ce nonobstant le caractère pleinement justifié de son licenciement pour faute grave, de ramener :

– la demande de dommages et intérêts en raison de la nullité du licenciement à hauteur de 9.888 euros représentant 6 mois de salaire,

– la demande d’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3.112, 68 euros (1 556,34 € x 2) et 311, 26 euros au titre des congés payés afférents,

– la demande d’indemnité de licenciement à la somme de 892, 66 euros,

– à de plus justes proportions la demande de dommages-intérêts formulée en raison du soi-disant préjudice subi du fait de l’avertissement notifié le 11 avril 2017.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 7 septembre 2022.

MOTIFS

Sur l’annulation de l’avertissement notifié le 11 avril 2017 :

M. [O] demande à la cour d’annuler l’avertissement qui lui a été notifié le 11 avril 2017 par l’employeur et de condamner celui-ci à lui verser la somme de 1.648 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère injustifié de cette sanction disciplinaire.

La société Lidl s’oppose à ces demandes.

En application de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par courrier daté du 11 avril 2017, l’employeur a notifié au salarié un avertissement pour les faits suivants :

‘Le 7 février 2017, alors que vous étiez en charge des prélèvements de chiffre d’affaires des caissières du magasin de Paris-Saint-Charles, vous avez effectué des versements ne correspondant pas aux montants annoncés par la caisse. Vous avez effectué un versement de 8.350 euros. Or, les convoyeurs de fonds ont confirmé avoir reçu 8.320 euros, soit une différence de 30 euros. Vous avez donc mis dans ces pochettes des sommes d’argent ne correspondant pas à celles déclarées en caisse et ce, en méconnaissance des procédures en vigueur dans notre société et ce pour un montant total de 30 euros’.

La société LIDL expose qu’en qualité de chef caissier, M. [O] avait notamment pour mission d’être responsable de coffre et était, à ce titre, chargée du prélèvement du chiffre d’affaires réalisé par les caissières, ainsi que du dépôt des fonds prélevés dans un coffre sécurisé après comptage.

La société Lidl soutient que la procédure de dépôt de fonds comprend :

– le comptage des sommes placées dans un sac de versement qui est une enveloppe opaque devant être scellée par un ruban adhésif,

– l’établissement et la signature des documents inventoriant les sommes placées dans les sacs de versement,

– le placement du sac de versement dans le coffre sécurisé Valois qui ne peut être ouvert qu’au moyen de deux clés, l’une en possession du responsable du coffre, l’autre détenue par un agent de la société de transport de fonds,

– la remise des fonds au convoyeur.

L’employeur reproche à M. [O] un écart de versement de 30 euros concernant le sac de versement n°7565603 placé au coffre le 7 février 2017.

A l’appui de ses allégations, la société Lidl produit :

– la fiche de poste de chef caissier mentionnant que celui-ci doit faire le décompte journalier des caisses et le report sur le registre de caisse hebdomadaire, préparer les versements quotidiens aux banques en respectant les consignes de la directive ‘manipulation argent’ et s’assurer du coffre Valois et de l’armoire forte,

– un tableau intitulé ‘relevé de caisse’ mentionnant le dépôt au coffre de la somme de 8.350 euros le 7 février 2017 (pièce 23),

– un tableau intitulé ‘RDD différence entre le CA versé en magasin et le CA crédité en banque’ édité le 16 février 2017 et comprenant trois signatures ne mentionnant ni le nom des signataires et se rapportant aux fonctions de ‘service administratif’, ‘RVR’ et ‘RVS’ sans autre précision et indiquant un déficit de versement en banque de 30 euros se rapportant au sac n°7565603 (pièce 22),

– un document peu compréhensible intitulé ‘Masque de saisie’ dont le contenu presqu’illisible n’est nullement expliqué dans les conclusions de la société Lidl.

Il ne peut se déduire de ces seuls éléments que M. [O] a personnellement placé au coffre le 7 février 2017 le sac n°7565603 en déclarant un montant de 8.350 euros.

Par suite, il ne peut lui être reproché un écart de versement concernant ce sac.

Il s’en déduit que les faits reprochés au salarié ne sont pas matériellement établis par les pièces versées aux débats.

Dès lors, il sera fait droit à la demande d’annulation de M. [O].

Il sera ainsi alloué à ce dernier la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la notification d’un avertissement injustifié le 11 avril 2017.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la rupture du contrat de travail :

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. L’employeur n’est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d’engager une procédure de licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement du 15 décembre 2017, qui fixe les limites du litige, est ainsi motivée: ‘Le 17 octobre 2017 alors que vous étiez en charge des prélèvements de chiffre d’affaires des caissières du magasin de Paris-Saint-Charles, vous avez effectué des versements ne correspondant pas aux montants annoncés par la caisse. En effet, vous avez effectué un versement en espèces de 12.360 euros. Or, le 23 octobre 2017, l’entreprise de transport de fonds a confirmé avoir reçu 12.110 euros, soit une différence de 250 euros. Vous avez donc mis dans ces pochettes des sommes d’argent ne correspondant pas à celles déclarées en caisse et ce, en méconnaissance des procédures en vigueur dans notre société. En agissant ainsi, vous avez cherché à vous enrichir frauduleusement au détriment de la société lui causant un préjudice de 250 euros.

Le 18 octobre 2017, alors que vous étiez en charge des prélèvements de chiffre d’affaires des caissières du magasin de Paris-Saint-Charles, vous avez effectué des versements ne correspondant pas aux montants annoncés en caisse. Vous avez effectué un versement en espèces de 12.990 euros, ce qui une fois encore ne correspond pas à la somme prise en charge par les convoyeurs de fonds. En effet, le 23 octobre 2017, l’entreprise de transport de fonds a confirmé avoir reçu 12.690 euros, le sac comprenait un faux billet de 50 euros, ce qui fait une différence finale de 250 euros.

Par vos agissements, vous avez engendré un manque à gagner total pour la société de 500 euros.De par votre fonction et votre ancienneté, vous ne pouvez en aucun cas ignorer l’annexe à votre contrat de travail qui stipule en son article 1 : ‘L’argent liquide des fonds de caisse et/ou de l’armoire forte ne peut en aucun cas être utilisé à des fins personnelle’ Cette même annexe que vous avez signé lors de votre embauche stipule en son article 4 : ‘je m’engage à respecter la procédure argent dont j’ai pris connaissance au moment de la signature du contrat de travail ainsi que toutes modifications pouvant intervenir ultérieurement’.

La société Lidl reproche ainsi à M. [O] deux détournements d’espèces :

– l’un d’un montant de 250 euros concernant le sac de versement n°8374438 placé au coffre par le salarié le 17 octobre 2017,

– l’autre d’un montant de 250 euros concernant le sac de versement n°8374512 placé au coffre par le salarié le 18 octobre 2017, déduction faite du faux billet de 50 euros retrouvé dans le sac.

La société Lidl expose que ces détournements ne peuvent être le fait de la société de transport de fonds dans la mesure où les sacs de versement contenant les espèces et qui sont eux-mêmes transférés dans un grand sac collecteur scellé n’ont pas été ouverts entre leur manipulation par M. [O] et le comptage des espèces après transfert des fonds et ce, d’autant que l’activité de ladite société faisait l’objet d’une vidéo surveillance.

Selon l’employeur, la preuve du détournement par M. [O] de ces sommes résulte de la comparaison entre :

– d’une part, l’inventaire réalisé par M. [O] des sommes qu’il a mises dans les sacs de versement n°8374438 et n°8374436, à savoir respectivement 12.360 et 12.990 euros,

– d’autre part, l’inventaire réalisé après ramassage des fonds pour respectivement un montant de 12.110 et 12.690 euros.

A l’appui de ses allégations, la société Lidl produit :

– la fiche de poste de chef caissier susmentionnée,

– le planning de travail de la société Lidl pour la semaine du 16 au 21 octobre 2017 mentionnant que M. [O] était en fonction les 17 et 18 octobre entre 13h30 et 21h00 (pièce 2),

– un formulaire intitulé ‘édition de coffre’ édité le 17 octobre 2017 et signé par M. [O] dans lequel celui-ci a accepté la responsabilité du coffre à compter de 13h42,

– un formulaire intitulé ‘sac de versement’ édité le 17 octobre 2017 à 20h39 mentionnant que la somme de 12.360 euros en espèces était versée dans une enveloppe n°8374438. Ce formulaire n’était pas signé (pièce 6),

– un formulaire intitulé ‘édition coffre’ édité le 17 octobre 2017 à 21h02 mentionnant qu’un sac de versement comprenant la somme de 12.360 euros était mis au coffre. Ce formulaire était signé par M. [O] (pièce 5),

– un formulaire édité le 20 octobre 2017 à 7h57 indiquant le ramassage des fonds contenus dans l’enveloppe n°8374438 contenant 12.360 euros en espèces. Ce formulaire, bien que signé, ne comprend pas l’identité et la qualité du signataire (pièce 7),

– un tableau intitulé ‘RDD différence entre le CA versé en magasin et le CA crédité en banque’ édité le 26 octobre 2017 et comprenant trois signatures ne mentionnant ni le nom des signataires et se rapportant aux fonctions de ‘service administratif’, ‘RVR’ et ‘RVS’ sans autre précision et indiquant un déficit de versement en banque d’un montant de 250 euros se rapportant au sac n°8374438 (pièce 10),

– un tableau intitulé ‘contrôle comptage espèce’, établi par le responsable des ventes et édité le 27 octobre 2017, mentionnant que le sac n°8374438 ne comprenait que la somme de 12.110 euros et non celle de 12.360 euros comme indiqué dans les formulaires susmentionnés (pièce 8),

– un formulaire intitulé ‘édition de coffre’ édité le 18 octobre 2017 et signé par M. [O] dans lequel celui-ci a accepté la responsabilité du coffre à compter de 13h39 (pièce 11),

– un formulaire intitulé ‘sac de versement’ édité le 18 octobre 2017 à 20h36 mentionnant que la somme de 12.990 euros en espèces était versée dans une enveloppe n°8374436. Ce formulaire n’était pas signé (pièce 13),

– un formulaire intitulé ‘édition coffre’ édité le 18 octobre 2017 à 20h47 mentionnant qu’un sac de versement comprenant la somme de 12.990 euros était mis au coffre. Ce formulaire était signé par M. [O] (pièce 12),

– un bordereau édité le 23 octobre 2017 par lequel l’agence d'[Localité 5] a constaté que l’enveloppe n°8374436 ne contenait que la somme de 12.690 euros, soit 300 euros de moins que le montant mentionné dans les formulaires ‘édition de coffre’ et ‘sac de versement (pièce 15),

– un tableau intitulé ‘RDD différence entre le CA versé en magasin et le CA crédité en banque’ édité le 26 octobre 2017 et comprenant trois signatures ne mentionnant ni le nom des signataires et se rapportant aux fonctions de ‘service administratif’, ‘RVR’ et ‘RVS’ sans autre précision et indiquant un déficit de versement en banque d’un montant de 250 euros se rapportant au sac n°8374436 (pièce 16).

En défense, M. [O] conteste être à l’origine de la disparition des fonds et soutient qu’il s’est borné à imprimer l’édition de compte informatique dont il ne pouvait apprécier le contenu.

En l’espèce, s’il est matériellement établi que le salarié a signé les formulaires ‘édition de coffre’ attestant que les sacs n°8374438 et n°8374436 comprenaient respectivement les sommes de 12.360 et 12.990 euros, il n’est en revanche nullement justifié par l’employeur des modalités pratiques de mise sous scellé des sacs concernés dans le coffre sécurisé, la fiche de poste de chef caissier se bornant à renvoyer sur ce point à la directive ‘manipulation de l’argent’ qui n’est pas versée aux débats. Dès lors, il n’est nullement justifié qu’entre la signature des formulaires ‘édition de coffre’ par M. [O] et la mise sous coffre des sacs litigieux, aucune autre personne ne pouvait intervenir pour retirer des espèces se trouvant dans ceux-ci. De même, il ne résulte d’aucun élément produit qu’aucun tiers ne pouvait prélever des sommes contenues dans les deux sacs entre leur ramassage par la société de transport de fonds et le comptage du contenu de ceux-ci, la société Lidl se bornant à affirmer sans le démontrer qu’un tel prélèvement était impossible.

Par suite, le doute profitant au salarié en application des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, la cour considère que les détournements reprochés à M. [O] ne sont pas matériellement établis.

Dès lors, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la nullité du licenciement :

M. [O] demande à la cour d’annuler son licenciement au motif que celui-ci a été prononcé par l’employeur alors que son contrat de travail était demeuré suspendu suite à un accident du travail puisqu’il n’avait pas bénéficié d’une visite de reprise.

La société Lidl s’oppose à cette demande au seul motif que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié.

En premier lieu, il résulte des pièces versées aux débats et des écritures des parties que du 14 septembre au 2 novembre 2016, M. [O] a fait l’objet de manière continue d’arrêts de travail suite à un accident du travail survenu le 13 septembre de la même année.

Selon les dispositions de l’article R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 applicable à la date de l’accident de travail et des arrêts de travail consécutifs, le salarié bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Par suite, en application de ces dispositions, M. [O] devait bénéficier d’une visite de reprise à l’issue de la période d’arrêt de travail susmentionnée, d’une durée supérieure à 30 jours.

Or, il est constant que le salarié n’en a pas bénéficié.

En deuxième lieu, en cas d’arrêt de travail provoqué par un accident du travail, le contrat de travail est suspendu jusqu’à la visite médicale de reprise dont l’organisation relève de la responsabilité de l’employeur. Faute d’une telle visite, le salarié, bien qu’ayant repris son activité chez son employeur, est toujours en période de suspension du contrat de travail, de sorte qu’en application de l’article L.1226-9 du code du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail à durée indéterminée que s’il justifie soit d’une faute grave, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie.

Or, d’une part, il ressort des développement précédents que le licenciement pour faute grave notifié à la M. [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, d’autre part, il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l’accident du travail.

Dès lors, l’intimée a méconnu les dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail en prononçant le licenciement de M. [O].

En troisième et dernier lieu, l’article L. 1226-13 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

Par suite, il sera fait droit à la demande d’annulation de M. [O] et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

Au préalable, il ressort :

– des bulletins de paye versés aux débats que la rémunération moyenne mensuelle brute de M. [O] doit être fixée à la somme de 1.648 euros

– des écritures des parties et des pièces versées aux débats que l’ancienneté du salarié est de deux ans et trois mois au moment de la rupture et que la société Lidl employait à titre habituel au moins onze salariés.

En premier lieu, comme le sollicite le salarié, la société Lidl sera condamnée à lui verser la somme de 1.428 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied non rémunérée du 20 novembre au 15 décembre 2017 et la somme de 142,80 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En deuxième lieu, il ressort des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige que M. [O] peut bénéficier d’un préavis de deux mois. La cour faisant droit aux demandes du salarié, il sera alloué à ce dernier la somme de 3.296 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 329,60 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En troisième lieu, selon l’article R.1234-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ‘l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants : 1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans (…)’.

L’indemnité légale de licenciement est déterminée en en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, acquise au terme du préavis même si le salarié est dispensé de l’effectuer.

Il sera ainsi alloué au salarié la somme de 995 euros à titre d’indemnité de licenciement (((1648/4)x2)+((1648/4)x(5/12))).

Le jugement sera infirmé en conséquence.

En quatrième et dernier lieu, selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la date du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’ancienneté du salarié, de sa rémunération mensuelle brute moyenne, de son âge au moment de la rupture (42 ans) et en l’absence d’élement sur sa situation personnelle postérieure à la rupture, il lui sera alloué une indemnité pour licenciement nul d’un montant de 9.888 euros.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Selon l’article L. 1235-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versée.

La nullité du licenciement du salarié ayant été prononcée en application du l’article L. 1226-13 du code du travail auquel ne renvoie pas l’article L. 1235-4 du même code, il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner d’office à l’employeur le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versé à M. [O].

Sur les demandes accessoires :

La société Lidl qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il convient également de la condamner à payer à M. [O] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE :

– la nullité du licenciement notifié à M. [P] [O] le 15 décembre 2017,

– la nullité de l’avertissement notifié à M. [P] [O] le 11 avril 2017,

CONDAMNE la société Lidl à verser à M. [P] [O] les sommes suivantes :

– 1.428 euros bruts au titre du rappel de salaire pour mise à pied,

– 142,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 3.296 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 329,60 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– 995 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 9.888 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,

– 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’annulation de l’avertissement du 11 avril 2017,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

CONDAMNE la société Lidl aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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