Your cart is currently empty!
JN/SB
Numéro 23/0234
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/01/2023
Dossier : N° RG 21/00570 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HZAW
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l’employeur
Affaire :
[C] [O]
C/
Association [6],
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 Janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 24 Novembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [C] [O]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Comparant assisté de Maître FERNANDEZ, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEES :
Association [6] Prise en son établissement situé [Adresse 1], en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Maître LECLAIR loco Maître BARBARA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 29 JANVIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 16/00866
FAITS ET PROCÉDURE
Le 29 octobre 2015, M. [C] [O] (le salarié), salarié de l’association [6] (l’employeur) en qualité de formateur logistique , né le 9 février 1965, et âgé de 50 ans, a été victime d’un accident pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Landes (la caisse ou l’organisme social) au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 17 juillet 2016, l’état de santé du salarié a été déclaré consolidé, et le 21 juillet 2016, son taux d’IPP a été fixé à 8 %.
Le 2 novembre 2016, le salarié a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, devenu successivement pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, puis pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, afin d’indemnisation.
‘ Par jugement du 6 septembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan a :
– dit que l’accident de travail dont a été victime le salarié est dû à la faute inexcusable de l’employeur,
– ordonné la majoration au maximum légal de la rente versée au salarié au titre de l’accident du travail du 29 octobre 2015,
– dit que cette majoration qui, le cas échéant, suivra l’évolution de son taux d’incapacité, sera productive d’intérêts au taux légal à compter de la décision,
– ordonné avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par le salarié une expertise judiciaire confiée au Docteur [Y] épouse [S], aux frais avancés de la caisse,
– dit que l’affaire serait rappelée à l’audience du 10 avril 2019 à 9h,
– fixé à 1 500 € l’indemnité qui devra être versée par la caisse au salarié à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
– dit que la caisse versera directement au salarié les sommes dues au titre de la majoration de la rente, de la provision et des indemnités complémentaires qui pourront lui être allouées en application de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu’interprété à la lumière de la décision n°2010-8 QPC du 18 juin 2010 du conseil constitutionnel et qu’elle récupérera le montant auprès de l’employeur,
– condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’employeur aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
‘ Par jugement du 29 janvier 2021, après dépôt du rapport d’expertise en date du 11 août 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
– fixé ainsi le préjudice personnel du salarié :
– 3 000 € au titre des souffrances physiques et morales endurées,
– 1 500 € au titre du préjudice d’agrément,
– 1 066 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
– rappelé que le jugement du 6 septembre 2019 avait alloué au salarié une provision de 1 500 €,
– débouté le salarié de sa demande au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,
– dit que ces sommes produiraient intérêts au taux légal à compter de la décision et seraient versées par la caisse,
– condamné l’employeur à rembourser à la caisse les sommes dont elle aura fait l’avance au titre des indemnisations, de la majoration de la rente et de la provision accordées au salarié en ce compris les intérêts au taux légal,
– condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’employeur aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception aux parties, distribuée au salarié le 5 février 2021.
Le 17 février 2021, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, le salarié en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation en date du 15 juin 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 24 novembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 20 juin 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le salarié, M. [C] [O], appelant, demande à la cour de :
– réformer la décision entreprise en ce qui concerne les postes suivants :
– déficit fonctionnel temporaire,
– déficit fonctionnel permanent,
– souffrances physiques et morales endurées,
– préjudice d’agrément,
– perte de chance de promotion professionnelle,
– article 700 du code de procédure civile,
Ce faisant,
– fixer le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 10 800 €,
– fixer le déficit fonctionnel permanent à la somme de 16 800 €,
– fixer le souffrances physiques et morales endurées à la somme de 40 000 €,
– fixer le préjudice d’agrément à la somme de 50 000 €,
– fixer la perte de chance de promotion professionnelle à la somme de 20 000€,
– fixer le montant de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 2000 €,
– confirmer la décision entreprise pour le surplus,
Ce faisant,
– dire que les sommes allouées lui seront versées par la caisse, qui en récupèrera le montant conformément aux dispositions de l’article L 452-2 alinéas 6 et 7 du code de la sécurité sociale,
– condamner l’employeur au remboursement des sommes à la caisse, y incluant les intérêts légaux,
– débouter l’employeur de l’ensemble de ses demandes,
– condamner l’employeur à lui régler la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’employeur aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA au greffe le 11 juillet 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’employeur, l’association [6], intimé, demande à la cour de :
1. S’agissant de la demande nouvelle au titre d’un Déficit Fonctionnel Permanent (DFP)
> A titre liminaire et principal,
– juger que la demande du salarié de dommages et intérêts au titre d’un DFP constitue une demande nouvelle formulée pour la première fois en cause d’appel,
Par conséquent,
– juger que la demande du salarié de dommages et intérêts au titre d’un Déficit Fonctionnel Permanent est irrecevable et débouter le salarié,
> A titre subsidiaire,
– juger que ce poste de préjudice est en réalité déjà indemnisé dans le cadre de la majoration de la rente dont le salarié bénéficie à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable,
– juger que le salarié sollicite donc une double indemnisation au titre d’un même préjudice,
Par conséquent,
– débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un DFP qui est contraire au principe de réparation intégrale,
> A titre très subsidiaire,
– juger que ce poste de préjudice ne figure pas dans les conclusions du rapport rendu par le rapport du médecin expert,
– juger que le salarié sollicite donc une double indemnisation au titre d’un même préjudice,
Par conséquent,
– débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un DFP qui est contraire au principe de réparation intégrale,
> A titre infiniment subsidiaire,
– juger que le montant d’indemnisation sollicité est disproportionné par rapport à la pratique jurisprudentielle en la matière,
Par conséquent,
– ramener la condamnation à de plus justes proportions et au maximum à 12480€,
2. S’agissant des autres demandes
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et ainsi :
– fixer le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 1 066 €,
– fixer les souffrances endurées à la somme de 3 000 €,
– fixer le préjudice d’agrément à la somme de 1 500 €,
– débouter le salarié de sa demande de perte de chance de promotion professionnelle,
– rappeler que le jugement du 6 septembre 2019 avait alloué au salarié une provision de 1 500 €,
– rejeter les arguments inopérants développés par le salarié,
Par conséquent,
– débouter le salarié de sa demande au titre du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 10 800 €,
– débouter le salarié de sa demande au titre des souffrances endurées à hauteur de 40 000 €,
– débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice d’agrément à hauteur de 50 000 €,
– débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour perte de chance professionnelle à hauteur de 20 000 €,
– débouter le salarié de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
– rejeter les demandes du salarié au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Y ajoutant :
– condamner le salarié à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le salarié aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA au greffe le 14 octobre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’organisme social, la CPAM des Landes, intimée, demande à la cour de:
– rejeter toutes demandes, fins et prétentions contraires,
– préciser le quantum de la majoration de l’indemnité en capital à allouer au salarié en tenant compte du taux d’IPP à retenir,
– limiter le montant des sommes à allouer au salarié en réparation de ses préjudices :
– aux chefs de préjudices énumérés à l’article L 452-3 (1 er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
– ainsi qu’aux chefs de préjudices non déjà couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale : le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire, les frais liés à l’assistance d’une tierce personne avant consolidation, l’aménagement du véhicule et du logement.
– conformément aux dispositions du 3 ème alinéa de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse assurant l’avance des sommes ainsi allouées, voir condamner l’employeur, à rembourser à la caisse :
– la majoration de l’indemnité en capital à allouer au salarié,
– les sommes dont la caisse aura l’obligation de faire l’avance,
– les frais d’expertise,
– les intérêts légaux.
SUR QUOI LA COUR
Les contestations soumises à la cour ne portent que sur l’indemnisation allouée au salarié en réparation de son préjudice, la cour étant seulement saisie de l’appel par lequel le salarié présente les mêmes demandes que devant le premier juge, sauf à y ajouter une demande de réparation au titre du déficit fonctionnel permanent, qu’il chiffre à la somme de 16’800 €.
Pour mémoire, il sera rappelé que :
– le 29 octobre 2015, le salarié, né le 9 février 1965, le salarié nettoyait le plancher d’un camion lorsque ce plancher a subitement cédé sous ses pieds,
– l’organisme social a reconnu le caractère professionnel de l’accident,
– le taux d’incapacité permanente partielle a été reconnu à concurrence de 8 %,
– le 19 décembre 2017, le tribunal correctionnel de Pau a déclaré l’employeur, coupable de blessures involontaires commises sur la personne du salarié, le 29 octobre 2015, ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois, par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence de sécurité imposée par la loi ou le règlement (avoir mis à disposition des salariés un équipement de travail inadapté et dangereux, sans avoir mis immédiatement fin à son usage, malgré un audit soulignant le danger de cet équipement).
Le rapport d’expertise du Docteur [S] du 23 juin 2020, expose que le salarié, a du fait du sinistre, présenté un traumatisme du coude gauche associé à une contusion de l’épaule et de la hanche gauche, et à des cervicalgies, retenant :
– la date de consolidation fixée au 17 octobre 2016,
– l’absence de déficit fonctionnel total ,
– un déficit fonctionnel partiel :
‘ de 25 %, du 29 octobre 2015 au 16 décembre 2015 ( gêne liée aux douleurs du coude gauche)
‘ de 10% , du 17 décembre 2015 au 17 octobre 2016(gêne liée aux douleurs du coude gauche et à la fatigabilité de l’articulation lors de mobilisations répétées)
– des souffrances endurées jusqu’à consolidation évaluées à 2/7( douleurs initiales, durée de la kinésithérapie, prise d’antalgiques, difficultés liées à son parcours professionnel, retentissement psychologique, notamment sur sa vie personnelle) ,
– préjudice d’agrément : gêne dans les activités d’agrément, arrêt de l’activité d’aviron,
– l’absence de préjudice esthétique, sexuel, l’absence de nécessité d’assistance par tierce personne, l’absence de nécessité d’aménagement du domicile personnel.
1- Sur le déficit fonctionnel permanent
‘ Sur la recevabilité de la demande
L’article 564 du code de procédure civile, prévoit qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance de la révélation d’un fait » .
L’article 566 du même code, permet aux parties d’ajouter aux prétentions soumises au premier juge, les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
De même, l’article 567 du même code, prévoit que « les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel », sous la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant, une demande reconventionnelle émanant d’un défendeur en première instance, est recevable pour la première fois en cause d’appel.
Au cas particulier, les prétentions soumises par l’appelant au premier juge, visent à la réparation du préjudice résultant de l’accident imputé à la faute inexcusable de l’employeur.
La réparation du déficit fonctionnel permanent est une demande complémentaire aux prétentions indemnitaires originelles, et est à ce titre, jugée recevable.
‘ Sur le fond
Ce poste de préjudice, s’agissant du déficit fonctionnel permanent, est indemnisé par la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dont le taux d’incapacité est supérieur à 10 %, ou par le capital qui se substitue à une telle rente, lorsque le taux d’incapacité est inférieur à 10 %.
Il s’en déduit, que conformément à la position de l’employeur, cette demande doit être rejetée, par ajout au jugement déféré.
2- Sur le déficit fonctionnel temporaire
Comme devant le premier juge, l’appelant réclame l’application d’une base indemnitaire de 30 € par jour de déficit fonctionnel temporaire total, et devant la cour, n’a pas modifié ses calculs, en vertu desquels il applique cette base indemnitaire, à la totalité du déficit fonctionnel temporaire, comme s’il s’agissait d’un déficit fonctionnel temporaire total, alors qu’il s’agit d’un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % du 29 octobre 2015 au 16 décembre 2015, puis de 10 % du 17 décembre 2015 au 17 octobre 2016.
Les éléments du dossier permettent de retenir que ce poste de préjudice, a été justement réparé, sur la base indemnitaire de 26 € par jour de déficit fonctionnel temporaire total, rapportée aux périodes et au taux relatifs au déficit fonctionnel temporaire partiel subis par le salarié.
La réparation s’élève à la somme de 1111,50 €, décomposée ainsi :
– 25 % du 29 octobre au 16 décembre 2015 (44 jours) :
(26 € x 49 jours) x 25 % = 318,50 €
– 10 % du 17 décembre 2015 au 17 octobre 2016 (300 jours) :
(26 € × 305) x 10 % = 793 €.
Le premier juge sera partiellement confirmé.
3- Sur les souffrances endurées
L’appelant conteste l’appréciation du premier juge, en ce qui lui a alloué à ce titre la somme de 3000 €, et demande que cette somme soit portée à celle de 40’000 €.
Il appuie sa demande, sur le fait que le retentissement psychologique des suites de l’accident, en particulier dans sa vie personnelle, pris en charge par le médecin expert au titre des composantes des souffrances endurées, se poursuivrait encore à ce jour, par une prise en charge psychologique.
Les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que les difficultés personnelles et familiales évoquées par le médecin expert dans son rapport d’expertise (divorce), soient en lien de causalité direct et certain avec les conséquences de l’accident du travail dont il a été victime.
En tout état de cause, conformément à la décision du premier juge, les éléments avancés par l’appelant, ne sont pas de nature à remettre en cause, l’évaluation motivée de l’expert, fixant ce préjudice à 2/7, et ayant reçu au vu de la consistance du préjudice, de sa durée, et de l’âge de la victime, une juste réparation à hauteur de la somme de 3000 €.
Le premier juge sera confirmé.
4-Sur le préjudice d’agrément
Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.
L’appelant, pour estimer à 50’000 € le préjudice subi à ce titre, renvoie à la réponse du médecin expert au dire déposé par l’employeur à ce sujet, et au vu de laquelle, le médecin expert, ainsi qu’il exprime lui-même, n’a fait que « reprendre » les activités sportives rapportées par le salarié, pour estimer si elles étaient ou non permises, et dans quelles conditions.
Ainsi que rappelé à juste titre par le premier juge, il appartient au salarié qui en sollicite indemnisation, de démontrer qu’il subit un tel préjudice.
À l’occasion de la procédure d’appel, l’appelant démontre, par l’attestation du président de l’aviron club de [Localité 8], nonobstant son absence de forme légale, qu’il a détenu une licence de ce club de septembre 2013 jusqu’en octobre 2015, durée pendant laquelle il pratiquait l’aviron de manière assidue à raison de 2 séances par semaine, et participait aux activités bénévoles de l’association.
Or, l’expertise médicale retient (page 11)que les mouvements de flexion extension intensifs et réitérés du coude gauche exigés par une telle activité, lors du maniement de la rame, ne permettent pas au salarié une telle activité.
De même, il est établi par les attestations produites par le salarié, de ce qu’il pratiquait une activité de surf, suivait à ce type des cours de perfectionnement, et que depuis l’accident litigieux, il n’est plus en mesure de suivre ces cours, de même qu’il pratique moins souvent cette activité sportive, le médecin expert retenant cependant contrairement aux attestations produites, que les séquelles imputables à l’accident, si elles peuvent représenter une gêne dans la pratique de cette activité, en raison d’une fatigabilité et d’une douleur du coude lors de mouvements répétitifs et d’une utilisation intensive de cette même articulation, n’empêchent pas le salarié de poursuivre cette activité, mais avec des séances moins longues qu’auparavant.
En revanche, si l’appelant produit en appel, de même que devant le premier juge, sa pièce n° 12a, s’agissant de sa carte de qualification de pilote de parachute biplace, édition 1994, visant des brevets obtenus respectivement en 1998, et 2000, aucun élément ne vient établir qu’il pratiquait régulièrement, antérieurement à l’accident litigieux, cette activité spécifique.
Les éléments du dossier établissent ainsi que du fait du sinistre et des séquelles lui étant imputables, le salarié, âgé de 50 ans lors de l’accident consolidé moins d’un an plus tard, a dû cesser une activité d’aviron qu’il pratiquait assidument depuis 2 ans, et diminuer ses activités relatives à la pratique du surf.
Ces éléments permettent d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 6000€, par infirmation partielle du jugement déféré.
5- Sur la perte de chance de promotion professionnelle
L’appelant, au soutien de sa demande d’indemnisation à concurrence de la somme de 20’000 € à ce titre, fait valoir que :
– depuis le 31 mars 2014, il exerçait la profession de formateur au sein de la société employeur,
– il était un salarié appliqué et apprécié,
– si l’accident n’était pas intervenu, il aurait bénéficié non seulement d’un emploi stable mais au surplus d’une promotion professionnelle.
L’employeur s’y oppose.
L’article L.452-3 du code de la sécurité sociale permet au salarié victime d’un accident du travail imputé à la faute inexcusable de l’employeur de demander réparation de la perte et/ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, à la condition d’apporter la preuve qu’à la date de la demande en réparation, il bénéficiait d’une formation ou d’une situation professionnelle de nature à lui laisser espérer une promotion.
Il doit s’agir, en outre, de chances sérieuses et pas simplement hypothétiques, d’obtenir une telle promotion.
Enfin, le préjudice doit être distinct de celui résultant d’un déclassement professionnel déjà compensé par l’attribution de la rente majorée( ou du capital qui s’y substitue).
L’expertise indique sans contestation que l’appelant est un ancien militaire, travaillant au sein de la société employeur depuis mars 2014, comme formateur tous appareils de levage et logistique, disposant d’un diplôme permettant la formation à la conduite poids-lourd ; qu’il a repris son activité professionnelle au même poste chez le même employeur depuis sa consolidation du 17 octobre 2016 ; qu’il en a été licencié en décembre 2018 pour faute ; qu’il a créé sa propre entreprise dans le même secteur d’activité depuis janvier 2019.
Ces éléments établissent que le salarié, né le 9 février 1965, embauché à l’âge de 49 ans, disposait, au jour de l’accident, d’une ancienneté de l’ordre de 18 mois au sein de la société employeur. En revanche, ils ne comportent aucun élément relatif à l’existence de chance de promotion professionnelle, laquelle n’est d’ailleurs pas intervenue, nonobstant le fait que le salarié ait repris au sein de la même société, le même emploi, jusqu’à son licenciement.
Ainsi, comme devant le premier juge, le salarié appelant ne produit aucun élément objectif de nature à étayer ses seules allégations, et ne verse au-delà des précisions contenues à l’expertise, ni son contrat de travail, ni aucun élément relatif à sa formation professionnelle, ni aucun autre élément de nature à établir que la formation et les aptitudes professionnelles du salarié lui auraient permis de prétendre à une promotion professionnelle dont il aurait été privé du fait de l’accident.
La demande n’est pas fondée.
Le premier juge doit être confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande.
6- Sur les demandes de la caisse
‘ Sur la demande de fixation du quantum de la majoration de l’indemnité en capital à allouer au salarié
Aucune des parties ne conclut sur cette demande qui figure pourtant au dispositif des conclusions de l’organisme social, et dont la cour est donc saisie.
Par application de la combinaison des articles L 434-1, L 434-2 et R 434-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux de 10 %, la victime a droit à une rente, alors que lui est attribuée une indemnité en capital, lorsqu’elle est atteinte d’une incapacité permanente inférieure à ce pourcentage.
Par ailleurs, le montant de cette indemnité en capital, est fonction du taux d’incapacité de la victime, et est déterminé par un barème forfaitaire fixé par les articles L 434-1 alinéa 2 et D 434-1 du code de la sécurité sociale.
Et l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la rente ou le capital payés à la victime sont majorés, et s’agissant particulièrement de l’indemnité en capital, il prévoit en son alinéa 2 :
« lorsque une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité ».
Enfin, lorsqu’il y a faute inexcusable de l’employeur, il est de jurisprudence constante que la majoration de la rente doit être maximale. Il doit en être de même de la majoration de l’indemnité en capital, versée à la victime, au lieu et place de la rente, lorsque le taux d’incapacité permanente est inférieur à 10 %.
Ainsi, la majoration de l’indemnité en capital, doit suivre le sort de la majoration de la rente, à savoir qu’elle doit être maximum.
Il s’en déduit que au cas particulier, (au vu du taux d’incapacité permanente de 8 % du salarié), l’indemnité en capital, allouée à la victime, pour une incapacité permanente de 8 %, hors majoration, est fixée par l’article D434-1 du code de la sécurité sociale à la somme de 3493,59 €, sans préjudice de son actualisation au 1er avril de chaque année, et que cette indemnité majorée au maximum, ne peut dépasser le double de cette somme, et sera donc fixée à la somme de 6 987,18 € (3 493,59 € x 2).
‘ Sur le surplus des demandes
Le premier juge a déjà rappelé que selon l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur, et a prononcé condamnation de ce dernier à ce titre.
Ainsi, la CPAM des Landes pourra récupérer auprès de la société employeur, le remboursement de l’indemnité en capital majorée.
7- Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Au vu des circonstances de la cause, et de la majoration des sommes allouées au salarié au titre du préjudice d’agrément, l’employeur, auteur de la faute inexcusable, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 29 janvier 2021, sauf s’agissant des quantum de réparation alloués à en ce M. [O] [C] ainsi qu’il suit :
– déficit fonctionnel temporaire : 1 066 €,
– préjudice d’agrément : 1500 €,
Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, fixe la réparation du préjudice de M. [O] [C] ainsi qu’il suit :
– déficit fonctionnel temporaire : 1111,50 €,
– préjudice d’agrément : 6000 €,
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande formée par M. [O] [C], en indemnisation de son déficit fonctionnel permanent,
Au fond, l’en déboute,
Dit que l’indemnité en capital devant revenir au salarié,M. [O] [C], est fixée sur la base d’un taux d’incapacité permanente partielle de 8 %, et sera majorée au maximum, par doublement de la valeur indiquée par l’article D434-1 du code de la sécurité sociale, soit une indemnité en capital de 3493,59 €, et une indemnité majorée au maximum de 6 987,18 € (3 493,59 € x 2), sans préjudice de sa revalorisation au 1er avril de chaque année,
Condamne l’employeur à rembourser à la caisse primaire d’assurance-maladie des Landes, l’indemnité en capital majorée versée au salarié,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la société [6] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,