Contrat d’édition : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07904

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Contrat d’édition : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07904
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 15 Février 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/07904 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAK2D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX section RG n° F17/00519

APPELANTE

HDI – HENRY DESJONQUÈRES INDUSTRIES venant aux droits de la société Mourot Industries

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIME

M. [T] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Claire DE BUSSY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0384

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Greffier : Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Madame Sarah SEBBAK, Greffière stagiaire en préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [K], né le 20 septembre 1959 a été embauché selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2001 par la société Mourot Industries, spécialisée dans la fabrication ou le traitement de pièces métalliques usinées, étant dans une relation de sous-traitance avec de grandes entreprises industrielles, en qualité de responsable du service commercial, promu directeur commercial, statut cadre, coefficient 135, niveau IIIA puis de directeur général à compter du 18 décembre 2015. En 2015, la société Mourot Industries a été acquise par le groupe Fadepro qui deviendra en 2022 le groupe Henri Desjonquères Industries.

Le salarié a été licencié pour faute grave le 14 janvier 2017 pour s’être accordé une augmentation mensuelle de 192 euros dès janvier 2016, s’être alloué une prime, pour avoir dépasser le budget alloué pour sa voiture de fonction et avoir dépassé le kilométrage prévu dans le contrat de crédit-bail, pour avoir proposé un contrat à durée indéterminée à monsieur [I] sans approbation préalable, n’avoir pas fourni les pièces justifiant ses frais professionnels, avoir déposé une demande d’indemnité kilométrique alors qu’il dispose d’un véhicule de fonction et avoir libellé à un tiers un chèque de la société.

Le 30 juin 2017, monsieur [K] a saisi en contestation le Conseil des prud’hommes de Meaux lequel par jugement du 20 juin 2019, a dit que le licenciement de monsieur [T] [K] est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse et condamné la société Mourot Industries à verser au salarié les sommes suivantes

3 201,55 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied, outre celle de 320, 15 euros pour les congés payés afférents,

54 135,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 5 413,53 euros au titre des congés payés afférents,

80 301,32 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

2 954,00 euros à titre de rappel de salaire indûment déduit,

222 208,56 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

20 000,00 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice d’image,

20 000,00 euros au titre de la violation du secret des correspondances et la violation de la confidentialité,

8 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonné à la société Mourot Industries de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à monsieur [T] [K] dans la limite de six mois d’indemnités,

Condamné la société Mourot Industries aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie d’huissier de justice.

La société Mourot Industries a interjeté appel de cette décision le 10 juillet 2019.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Henry Desjonquères Industries venant aux droits de la société Mourot Industries demande à la cour de prononcer l’annulation pure et simple du jugement entrepris, subsidiairement, de l’infirmer en toutes ses dispositions, débouter monsieur [K] de l’ensemble de ses demandes et de condamner monsieur [T] [K] aux dépens et à lui verser la somme de 8 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [K] demande à la Cour d’appel de Paris de :

 

Constater que par l’effet d’une fusion absorption à effet du 1er janvier 2022, la société Henry Desjonquères Industries vient aux droits de la société Mourot Industries ;

Juger que le jugement critiqué n’encourt aucun chef d’annulation, et débouter la société de ses demandes à ce titre ;

En conséquence, condamner la société HDI – Henry Desjonquères Industries à lui verser à monsieur [K] les sommes suivantes :

titre

Somme en euros

rappel de salaires pour la période de mise à pied

congés payés afférents

3.201,55

310,15

indemnité compensatrice de préavis

congés payés afférents

54.135,36

5.413,53

indemnité conventionnelle de licenciement

80 301,32

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

222 208,56

rappel de salaires

congés payés afférents

2 954,00

295,40

dommages et intérêts du fait du préjudice d’image

30 000,00

dommages et intérêts en raison de la violation de la confidentialité et du secret des correspondances privées

20 000,00

article 700 du code de procédure civile

10 000,00

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation du jugement du Conseil des prud’hommes

Principe de droit applicable :

Selon l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Selon l’article R 1454-2 du code du travail, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le bureau de conciliation et d’orientation peut radier l’affaire ou la renvoyer à la première date utile devant le bureau de jugement. En cas de non-production des documents et justifications demandés, il peut renvoyer l’affaire à la première date utile devant le bureau de jugement. Ce bureau tire toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus.

Application en l’espèce

La société Mourot Industries soutient que le conseil de prud’hommes aurait violé le principe du contradictoire en ce qu’il aurait prononcé une clôture sans l’avoir fixé et aurait ainsi écarté des débats les pièces et conclusions de la société alors qu’elles avaient été produites à la date du calendrier indicatif fixé, le bureau de conciliation et d’orientation du 22 janvier 2018 ayant fixé au 14 mai 2018 la date de communication des pièces. L’employeur relève que le conseil de prud’hommes aurait ignoré les conclusions de la société dans son jugement alors qu’elles auraient été déposées et visées par le greffier lors de l’audience de jugement du 13 décembre 2018. Enfin, selon l’employeur, monsieur [K] aurait poursuivi de manière abusive l’exécution forcée et provisoire du jugement du conseil de prud’hommes en procédant à des saisies-attributions auprès de 3 banques sans invitation à une exécution amiable du jugement et sans commandement de payer.

Il résulte des pièces de la procédure du Conseil des prud’hommes de Meaux communiquées à la cour que le bureau de conciliation et d’orientation a

– lors de sa séance du 28 septembre 2017 : renvoyé l’affaire à la mise en état et au nouveau bureau du 22 janvier 2018 et fixé le calendrier suivant : conclusions demandeur le 16 octobre 2017, conclusions défendeur le 27 novembre 2017, conclusions en réplique le 9 janvier 2018.

– lors de sa séance du 22 janvier 2018 fixé le calendrier suivant : 12 février 2018 conclusions et pièces en défense pour la société Mourot Industries et 9 avril 2018 conclusions en réplique pour monsieur [K].

– lors de sa séance du 14 mai 2018 prononcé l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire devant le bureau de jugement du 13 décembre 2018 sans prendre en compte les conclusions de l’employeur reçues le jour même à 12 h 37.

Le respect du principe du contradictoire consacré par l’article 16 du code de procédure civile s’impose au juge autant qu’aux parties. Ainsi, chacun des conseils des parties doit adresser ses conclusions dans un délai utile afin de permettre au conseil de l’autre partie d’en prendre connaissance afin de pouvoir y répondre utilement.

En l’espèce, les diligences mises à la charge du conseil de l’employeur ont été clairement posées par le Conseil des prud’hommes de Meaux lors du bureau de conciliation et d’orientation du 22 janvier 2018 qui lui a donné jusqu’au 12 février 2018 pour communiquer ses conclusions et pièces. Ainsi, les conclusions adressées le jour même du bureau de conciliation et d’orientation ne pouvaient être prises en compte sans violer le principe du contradictoire.

Les conclusions déposées à l’audience du 13 décembre 2018 ne pouvaient pas plus être prises en compte, la clôture ayant été prononcée le 14 mai 2018.

Enfin, l’exécution forcée du jugement par l’effet des 3 saisies- attributions pratiquées les 15 et 16 juillet 2019 entre les mains des banques hsbc, Cic-Est et Société Générale n’a pour effet que de réserver les sommes saisies dans l’attente de la décision de la présente cour d’appel, de sorte que ces procédures n’ont pas affecté les droits de l’employeur.

En conséquence, il convient de débouter la société Henry Desjonquères Industries de cette demande d’annulation du jugement prononcé le 20 juin 2019 par le Conseil des prud’hommes de Meaux.

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

Aux termes des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par application des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l’article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.

Application en l’espèce

En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante

“Par courriel du 24 décembre 2015 dont vous étiez destinataire en copie, nous avons informé notre expert-comptable de votre nouvelle rémunération correspondant à vos nouvelles fonctions de directeur général de Mourot Industries, telle que nous l’avions fixée ensemble, à savoir : 100.200 euros bruts sur 12 mois, soit 8.350 euros bruts par mois.

Cette rémunération avait donc vocation à s’appliquer dans ces conditions à compter du 18 décembre 2015, et pour les mois suivants.

Or, lors d’un audit comptable et de ressources humaines mené depuis fin novembre 2016 par Monsieur [Y] [N], Directeur Général de Fadepro, société mère de Mourot Industries, nous avons découvert qu’en dépit de ces règles qui venaient d’être formellement confirmées fin décembre 2015, vous étiez unilatéralement accordé une augmentation de 192 euros bruts par mois dès le mois de janvier 2016, portant votre rémunération mensuelle brute à 8.542 euros bruts.

Vous avez maintenu ce niveau de rémunération jusqu’à ce que nous découvrions les faits et corrigions votre salaire en décembre 2016, soit pendant une durée de 11 mois pour un montant indûment perçu de 2.112 euros.

De la même façon vous vous êtes accordé unilatéralement le bénéfice d’une prime exceptionnelle de 650 euros bruts en juillet 2016, qui n’avait pas lieu d’être compte tenu du caractère forfaitaire de votre rémunération.

Au cours de cette période vous vous êtes donc versé un total de 2.762 euros bruts de rémunération injustifiée n’ayant jamais fait l’objet d’un accord, et alors que vous ne nous en aviez jamais informé.

Nous ne pouvons tolérer que vous procédiez unilatéralement à une novation de vos propres conditions de rémunération qui venaient d’être fixées entre nous, et qui ne pouvaient être modifiées, négociées et arrêtées que par accord avec le représentant légal de l’entreprise, à savoir son président.

Cette circonstance constitue une déloyauté inacceptable dans le respect des conditions de votre contrat de travail, tout particulièrement au regard de l’honnêteté, de la probité et de la transparence qu’exigeaient vos responsabilités de directeur général qui ne peuvent donc être maintenues.

Dans le cadre du même audit, vous avez transmis le 1er décembre 2016 à Monsieur [N] deux documents concernant votre voiture de fonction, choisie par vous-même auprès du concessionnaire Volkswagen, et acquise par la société Loc-Action avec laquelle vous avez signé les conditions particulières de la location longue durée (LLD) de ce véhicule à Mourot Industries.

Le premier document est une offre commerciale du concessionnaire Volkswagen datée du 19 avril 2016 pour un modèle Touareg édition Carat avec une large sélection d’options supplémentaires, pour un prix d’acquisition total catalogue de 77.185 euros TTC, mais faisant apparaître une proposition remisée de 22.285 euros TTC pour un prix de 54.900 euros TTC.

Or, vous avez reconnu lors de l’entretien préalable que le budget maximum que nous vous avions fixé était de 50.000 € TTC.

De plus, le second document est précisément l’offre de location longue durée que vous avez signée pour le compte de Mourot Industries avec Loc-Action afin que cette société acquière ce même véhicule et le loue à notre entreprise pour votre usage.

Ce document contractuel du 22 avril 2016 mentionne un prix catalogue d’acquisition de 72.600 euros TTC, et 77.860 euros TTC, soit un prix très supérieur à l’offre du concessionnaire du 19 avril 2016 pour ce véhicule, et fixe un loyer financier mensuel de 954,95 euros TTC sur 37 mois pour 90.000 km.

Monsieur [N] vous a donc interrogé par courriel du 14 décembre 2016 pour relever cette contradiction et vous a interrogé sur ces conditions validées et signées par vous, afin de savoir si l’acquisition et donc le prix du loyer de 954,95 € correspondait bien non pas au prix catalogue indiqué, mais au prix de l’offre remisée du concessionnaire dont vous vous prévaliez, à savoir 54.900 euros TTC.

En réponse par courriel du 16 décembre 2016, vous avez confirmé que « l’offre de Loc-Action correspond bien à la valeur remisée ».

Or, nous relevons que cette affirmation est parfaitement mensongère, puisque Loc-Action nous a confirmé que la valeur réelle d’acquisition du véhicule sur laquelle a été calculé le loyer financier n’est pas de 54.900 euros TTC mais de 65.485, 93 euros TTC, soit une différence très significative et préjudiciable à Mourot Industries pour plus de 10.000 euros d’écart se répercutant sur le prix du loyer.

Nous constatons donc que vous n’avez pas respecté le budget que nous vous avions fixé et que vous avez fait preuve à l’époque d’une importante négligence fautive en signant le contrat de Loc-Action sans vous assurer que le prix d’acquisition du véhicule et son loyer correspondait bien à l’offre commerciale prétendument obtenue du concessionnaire.

Pire, alors que vous étiez interrogé par Monsieur [N] sur ce point, et que vous aviez la possibilité de mener ces vérifications si vous l’ignoriez encore, vous avez confirmé par une déclaration fausse et trompeuse dans le cadre de l’audit que le loyer était conforme à cette offre remisée.

Or cette offre du concessionnaire n’est manifestement pas celle qui a servi de support à l’acquisition du véhicule par Loc-Action, alors que ce document de Volkswagen continuait de vous servir comme justification auprès de nous de la valeur prétendue du véhicule et de vos efforts de négociation.

Par ailleurs, vous avez conclu avec Loc-Action la détermination d’un loyer financier sur une base contractuelle kilométrique manifestement très inférieure à votre usage et vos besoins réels.

En effet, votre véhicule de fonction doit être utilisé pour vos déplacements professionnels et pour vous rendre régulièrement sur nos sites de [Localité 4] et de Guéméné (soit 880 kilomètres aller-retour de votre domicile et où vous vous devez vous rendre généralement au moins une fois par semaine), ce qui conduit à considérer que vous alliez donc nécessairement excéder la base contractuelle fixée de façon très surprenante à 90.000 kilomètres pour 37 mois, soit à peine 29.000 kilomètres par an.

Cela se vérifie également sur vos indemnités kilométriques de début 2016, soit avant que vous ayez votre voiture de fonction. En effet sur les 4 premiers mois de 2016, votre moyenne kilométrique mensuelle est de 4.558 kilomètres, soit une base annuelle de plus de 50.000 kilomètres.

D’ailleurs, vous avez annoncé à Monsieur [N] lors de votre échange du 19 décembre 2016, et qu’il vous confirmait par courriel du même jour, que votre usage était à date de 25.000 kilomètres depuis la mise en service du véhicule début mai 2016.

Or, nous avons constaté là encore que vos déclarations étaient mensongères et volontairement minorées puisqu’au jour de votre mise à pied conservatoire, nous avons constaté ensemble que votre compteur kilométrique s’affichait à 28.211 kilomètres.

Vous n’ignoriez pas que le contrat que vous avez conclu avec Loc-Action prévoit expressément une majoration significative en cas de dépassement de la base kilométrique contractuelle: de 36,51 euros par tranche de 100 kilomètres supplémentaires jusqu’à second seuil de 117.000 un kilomètres, et une pénalisation encore plus importante de 73,02 euros par tranche de 100 kilomètres supplémentaires au-delà de ce seuil.

Ne pouvant ignorer que votre usage réel du véhicule allait être très supérieur à la base contractuelle, ce qui conduirait à l’évidence à franchir les deux seuils successifs de pénalité, vous avez ainsi volontairement négocié sur la base d’un kilométrage très inférieur au besoin réel, afin d’obtenir une minoration du prix du loyer mensuel, tout en sachant que cela allait générer des pénalités plus lourdes ultérieurement.

Il ne s’agit plus dès lors d’une seule négligence fautive, mais d’une dissimulation volontaire de coûts qui vous concernent directement, ce qui ne peut être toléré au regard de la probité et de la loyauté que nous devions pouvoir attendre de vous compte tenu de vos responsabilités.

Dans le cadre d’un plan d’actions défini lors d’une revue mensuelle avec Monsieur [N] le 26 octobre 2016, ayant donné lieu à un compte rendu écrit du 31 octobre 2016, il avait été posé comme règle de structuration du groupe, l’obligation de transmettre préalablement à Monsieur [N] toutes demandes d’embauche en contrat à durée indéterminée.

La cohérence au niveau groupe, concernant notamment les embauches de cadres, et la situation particulière de Mourot Industries comme son effectif, rendaient nécessaire et possible une telle mesure d’organisation.

Or, vous n’en avez manifestement pas tenu compte puisque le 14 décembre 2016, Monsieur [N] recevait l’annonce de l’embauche et le contrat de travail de Monsieur [W] [I], cadre, ” intégré dans notre entreprise depuis le 13 décembre “.

Par courriel du 15 décembre 2016, Monsieur [N] vous demandait de confirmer que vous aviez donc bien proposé un contrat de travail à durée indéterminée à cet ingénieur sans sa validation.

Par courriel du même jour, vous avez en effet confirmé cette intégration dans l’entreprise, c’est-à-dire cette embauche puisque par définition un collaborateur qui commence à travailler, y compris si son contrat n’est pas encore signé, est bien embauché en contrat à durée indéterminée.

La personne embauchée a par ailleurs reçu un contrat de travail non signé daté du 5 décembre 2016 qu’il nous a transmis, et une lettre d’embauche datée du 25 novembre 2016 signée par vous-même.

Aucun argument d’urgence, ou d’harmonisation a posteriori, ne peut justifier que vous vous soyez affranchi de cette règle de transmission d’une demande d’embauche – c’est-à-dire avant l’embauche – qui aurait pu prendre toute forme préalable de contacts entre vous et Monsieur [N], même dans l’urgence.

Il s’agit là d’un refus de respecter une règle claire qui ne peut qu’aggraver ce contexte défavorable quant à la transparence indispensable dans l’exercice de vos fonctions.

A ce jour vous n’avez pas déféré à la production des pièces justificatives concernant vos frais professionnels engagés notamment avec votre carte bancaire professionnelle, telle que clairement demandée (comme cela apparaît sur le compte-rendu de la revue mensuelle du 31 octobre 2016 et à nouveau sur votre feuille de route jointe au courriel du 8 novembre 2016).

Il s’agit là encore d’un refus de respecter une règle claire qui ne peut qu’aggraver ce contexte inacceptable quant à la transparence indispensable dans l’exercice de vos fonctions.

Il y va de nouveau de votre loyauté et de la probité dans l’exécution des fonctions d’un directeur général, surtout concernant les avantages dont il bénéficie directement.

Au cours de l’entretien préalable, nous vous avons interrogé sur une demande de paiement d’indemnités kilométriques complétée à votre nom sur le formulaire habituel utilisé chez Mourot Industries, découverte dans votre bureau le jour de votre mise à pied conservatoire.

Nous vous avons donc interrogé sur le bien-fondé de cette demande dans la mesure où vous disposez d’un véhicule de fonction, mais également sur le fait qu’y était jointe la copie d’un chèque de règlement du même montant, dont l’ordre restait vierge, mais que vous aviez signé et daté du 4 novembre 2016.

Vous n’avez pas pu nous apporter d’explication ni sur la note d’indemnité kilométrique, ni surtout sur le bénéficiaire du chèque.

Nous avons pu nous faire remettre par la banque la copie de ce chèque, correspondant bien au montant de cette demande de remboursement de vos indemnités kilométriques, mais signé par vous à l’ordre d’une tierce- personne, Monsieur [G] [S].

A l’évidence, vous avez donc dissimulé le versement de cette somme au bénéfice de cette personne, par l’établissement de ce bordereau d’indemnités kilométriques.

Nous considérons que ces faits constituent ensemble comme séparément une faute grave rendant impossible le maintien de votre contrat de travail, même pour la période d’un préavis.

Sur l’augmentation unilatérale de salaire et l’octroi d’une prime

L’employeur reproche à monsieur [K] d’avoir profité de ses nouvelles fonctions de directeur général pour s’accorder unilatéralement une augmentation de sa rémunération sans informer le président de la société et l’unique actionnaire. Son salaire aurait été fixé à 8.350 euros bruts par mois. Or dès le mois de janvier 2016, il se serait attribué mensuellement une augmentation de 192 euros, portant son salaire à 8.542 euros bruts. En outre, il se serait accordé une prime exceptionnelle de 650 euros bruts en juillet 2016. 

Le salarié soutient que tous les salariés de la société auraient bénéficié des augmentations de salaire et primes qui lui sont reprochées. Il n’aurait reçu aucune directive lors de sa promotion en qualité de directeur général : dès lors, il aurait continué à exercer ses fonctions dans le prolongement de ce qu’il avait connu jusqu’alors et aurait en ce sens toujours bénéficié des augmentations générales de salaire. Le caractère forfaitaire de sa rémunération ne serait pas établi. En tout état de cause, les montants litigieux seraient modiques et régularisables par la comptabilité. 

Il résulte des pièces versées à la procédure que la société Mourot Industrie a été rachetée et intégrée au groupe Fadepro fin 2015 et qu’à compter du rachat, monsieur [K] rendait compte de son action à monsieur [N]. Son salaire annuel a été négocié pour un montant mensuel bloqué à la somme de 8 350 euros avec une part variable en fonction des résultats obtenus, cette décision ayant été prise le 24 décembre 2015 avec comme date d’effet le 18 décembre 2015. En prenant l’initiative de s’attribuer l’augmentation générale de 2,5 % en janvier 2016 et la prime de juillet 2016, monsieur [K] a outrepassé l’accord convenu avec le groupe. Il ne peut être soutenu que la pratique antérieure devait prévaloir à cette négociation.

En conséquence, ce grief est constitué.

Sur le contrat de crédit bail afférent à la voiture de fonction

L’employeur reproche à monsieur [K] d’avoir souscrit un contrat de location longue durée pour son véhicule de fonction qui dépassait très largement le budget qui lui avait été fixé. Il aurait volontairement dissimulé les éléments de négociation de ce contrat: il aurait conclu un loyer sur une base contractuelle kilométrique manifestement sous-estimée. La société se serait vue facturer de très fortes pénalités en raison des dépassements du plafond de kilométrage contractuel.

Le salarié soutient qu’aucun budget ou loyer spécifique ne lui aurait été imposé s’agissant de sa voiture de fonction. Il aurait raisonnablement cherché un véhicule : son loyer mensuel aurait été de 954, 85 euros alors que celui de son prédécesseur aurait été de 1.977, 85 euros. La recherche d’un véhicule de fonction aurait été menée essentiellement par la directrice financière, madame [M]. Le concessionnaire lui aurait fait profiter d’une importante remise.

Il ressort des pièces versées à procédure que si aucune limite budgétaire n’a été clairement fixée à monsieur [K], il est établi d’une part que le coût réel d’achat du véhicule Touareg Carat mis en service le 6 mai 2016 avec ces différentes options et moins la remise a été facturée pour la somme de 65 485,93 euros alors que la somme prise en compte dans le contrat de crédit-bail est celle de 78 370 euros ce qui caractérise un surcoût pour la société d’autre part dans ce contrat le kilométrage annuel est limité 90 000 km, alors que dans un courriel du 16 décembre 2016 le salarié reconnaît un kilométrage de 25 000 km et que compte tenu de l’implantation des sites de production à [Localité 4] et à Guéméné, le salarié ne pouvait qu’au moment de la conclusion du contrat que savoir que ce kilométrage était insuffisant. Ainsi, les surcoûts engendrés pour l’employeur par la majoration du prix d’achat dans le contrat de crédit bail et les pénalités générés par le dépassement du kilométrage prévu par le contrat résultent des agissements de monsieur [K].

En conséquence, ce grief est avéré.

Sur l’embauche d’un cadre sans autorisation

L’employeur reproche à monsieur [K] d’avoir embauché un cadre sans demande préalable alors que les nouvelles règles de restructuration du groupe imposaient de faire une demande au directeur des opérations du groupe. Ces règles auraient été exposées lors d’une réunion le 26 octobre 2016 et confirmées par compte-rendu écrit le 31 octobre 2016. 

Le salarié soutient que l’instruction quant à la demande préalable avant embauche à monsieur [N] aurait figuré dans un courriel de compte-rendu de réunion, de manière indifférenciée parmi différentes informations et aux destinataires multiples. En tout état de cause, les prérogatives de monsieur [N] seraient opaques. Surtout, il aurait déjà fait part auparavant d’un besoin urgent d’embauche d’un ingénieur soudeur.

Il résulte des pièces versées à la procédure et en particuliers de la chaîne de courriels des 14 et 15 décembre 2016 que monsieur [K] a transmis à monsieur [N] un contrat à durée indéterminée relatif à monsieur [I], ingénieur soudeur, pour accord alors que celui-ci avait déjà été intégré dans l’entreprise et le contrat signé. Cette démarche contradictoire consistant à solliciter un accord pour un acte déjà réalisé constitue une faute que nulle urgence commerciale ne peut expliquer.

Cette faute est établie.

Sur les frais professionnels

L’employeur reproche à monsieur [K] d’avoir refusé de façon persistante de communiquer ses notes de frais et d’avoir établi une fausse note de frais pour indemnités kilométriques alors que sa voiture de fonction lui avait déjà été attribuée. Le chèque correspondant à cette note aurait finalement été libellé à l’ordre d’une tierce personne étrangère à la relation de travail.

Le salarié soutient que ses notes de frais auraient toujours été justifiées et parfaitement enregistrées par la compatibilité. Il aurait réalisé des reporting réguliers. Aucune relance spécifique ne lui aurait été adressée lors de sa collaboration.

Monsieur [K] expose qu’il aurait renoncé au remboursement d’indemnités kilométriques d’un montant de 678,18 euros : il aurait remis cette somme à un ancien salarié venu lui prêter assistance à la résolution d’une difficulté pour un client, en guise de remerciement. En tout état de cause, ces indemnités lui seraient dues car son véhicule aurait été en réparation en octobre 2016. 

Les pièces versées à la procédure ne permettent pas de manière certaine d’établir que le salarié refusait de communiquer ses notes de frais avec leurs justificatifs en revanche, il est établi que pour une note d’indemnité kilométrique correspondant à 1123 km accomplis entre le 10 et le 16 octobre 2016 d’un montant de 678,30 euros, monsieur [K] a inscrit sur le chèque signé le 4 novembre 2016 comme bénéficiaire monsieur [S], alors que celui-ci, étranger à l’entreprise, ne peut en aucun cas être bénéficiaire de cette somme.

Cette dernière faute revêt un caractère de gravité certain.

Il résulte de ce qui précède que les griefs sont établis, pris dans l’ensemble avec une gravité plus particulière pour l’embauche anticipé de l’ingénieur soudeur et pour le chèque du 4 novembre 2016, constituent une faute grave qui rendait immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.

Le jugement du Conseil de prud’hommes sera, en conséquence, infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Sur le droit à l’image

Monsieur [K] soutient que la société aurait continué à utiliser son image sans la moindre autorisation de façon continue pendant 3 ans à la suite de son licenciement, alors que son nom constituerait une référence dans le secteur et qu’il ne s’agirait pas d’une simple négligence : la société aurait modifié son site internet mais aurait continué d’y faire figurer son image.

Comme l’ont justement apprécié les premiers juges, l’image de monsieur [K], directeur générale de la société Mourot Industries personnifiait la société à l’égard des interlocuteurs de celle-ci et le fait qu’il apparaisse dans une vidéo, à laquelle renvoie une archive du site du 12 septembre 2016 ne peut constituer une atteinte à son droit à l’image.

Sur la violation de la confidentialité

Monsieur [T] [K] soutient que lors de sa mise à pied à titre conservatoire, il aurait remis à la société ses effets professionnels mais aussi son téléphone personnel Blackberry. Or il aurait constaté des intrusions sur sa messagerie professionnelle et personnelle ainsi que des intrusions sur son compte Facebook depuis son téléphone personnel. Aucune pièce de la procédure ne permet d’établir que la tentative d’intrusion serait le fait de l’employeur d’autant que le salarié reconnaît avoir connecté en permanence son téléphone professionnel à son compte privé Facebook et à sa messagerie personnelle. En conséquence, il convient de confirmer la décision de rejet de cette demande prise par le Conseil des prud’hommes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes relatives au droit à l’image et pour la violation de la confidentialité.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [K] à verser à la société Henry Desjonquères Industries la somme de 6 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE monsieur [K] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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