Contrat d’édition : 10 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15296

·

·

Contrat d’édition : 10 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15296
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 10 FEVRIER 2023

N° 2023/50

N° RG: 19/15296

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6WD

SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (LDTAS)

C/

[M] [E] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée le :

10 FEVRIER 2023

à :

Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Me Bénédicte LAGRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00073.

APPELANTE

SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (LDTAS) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [M] [E] épouse [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bénédicte LAGRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [M] [E] épouse [T] a été engagée par la SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (SAS LDTAS), exploitant sous l’enseigne APOTECNIA, suivant contrat à durée déterminée du 22 juin 2012, en qualité d’assistante commerciale et communication.

Par avenant du 17 octobre 2012, le contrat s’est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée.

Madame [T] a été placée en arrêt de travail à compter du 15 septembre 2016.

Par courrier du 7 octobre 2016, Madame [T] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 17 octobre 2016, et par courrier du 21 octobre 2016, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle, en ces termes :

« Comme vous le savez, vous exercez les fonctions d’assistante commerciale et communication de la Société LDTAS.

A ce titre, vous avez pour mission, notamment, de :

– réaliser des documents de communication ;

– veiller à la mise à jour de la base documentaire marketing ;

– communiquer et transmettre les documents à la force commerciale ;

– réaliser et mettre à jour les catalogues et les tarifs ;

– réaliser les maquettes de communication pour l’entreprise ;

Au cours du premier trimestre 2015, il a été décidé de refondre entièrement la base articles de la Société et de rénover le catalogue produits ainsi que les outils de communication.

Dans cette perspective, notamment, vous avez suivi une formation de plusieurs jours sur le logiciel SOLIDPEPPER, assurée par l’éditeur de ce logiciel.

Cependant, nous avons pu constater que vous ne parveniez pas à produire des documents de communication satisfaisants.

Ainsi, le document de présentation POWERPOINT de l’entreprise que vous avez établi et présenté en décembre 2015 ne prenait pas en considération les remarques formulées pourtant de manière explicite et n’était pas du niveau attendu, nécessitant une réécriture complète.

Par ailleurs, vous n’avez pas su mener à bien le projet, pourtant fondamental pour la Société, de création d’un catalogue produits cohérent et utilisable, tant par la force commerciale que par les clients.

En effet, vous avez multiplié les erreurs dans la définition de la base articles, retardant ainsi son édition.

De même, le sommaire que vous avez proposé a dû être repris entièrement.

En outre, la version que nous avons dû nous résoudre à éditer, en raison de la tenue du salon EUROPHARMA, début octobre, est dépourvue de photos contrairement à l’objectif assigné initialement.

Enfin, vous avez sollicité des imprimeurs pour l’établissement de devis portant sur des volumes sans aucun rapport avec les besoins de la Société.

Ainsi, en dépit de multiples rappels sur l’importance de ce projet pour la Société, du versement d’une prime pour vous encourager dans ce travail aux aspects parfois fastidieux, de l’embauche de Madame [S] [H], en qualité d’assistante marketing, pour vous aider dans la réalisation de cette tâche, vous n’avez pas su faire face aux obligations inhérentes à vos fonctions.

Votre comportement met donc en cause la bonne marche de la Société.

C’est pourquoi, nous avons décidé de procéder à votre licenciement ».

Contestant son licenciement et invoquant une exécution déloyale du contrat de travail, Madame [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel, par jugement du 9 septembre 2019, a :

– dit que la rupture du contrat est économique.

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, vexatoire et constitutif d’un abus de droit de la part de l’employeur.

– condamné la SAS LDTAS à verser à Madame [T] les sommes suivantes :

* 38.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.

* 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition du contrat de sécurisation professionnelle.

* 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de la mention de la priorité de réembauchage.

*10.000 € à titre de dommages-intérêts pour l’exécution déloyale du contrat et manquement à l’obligation de sécurité.

* 3.000 € au titre des frais irrépétibles.

– condamné la SAS LDTAS à remettre à Madame [T] une attestation Pôle Emploi rectifiée, un certificat de travail rectifié, un solde de tout compte rectifié sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 1er jour suivant la notification de la décision.

– dit que le paiement des sommes sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la saisine et ordonné la capitalisation desdits intérêts.

– dit que la décision à intervenir sera assortie de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.

– débouté la société LDTAS de sa demande reconventionnelle.

– condamné la société LDTAS aux entiers dépens.

La SAS LDTAS a relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 janvier 2020, elle demande à la cour de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille le 9 septembre 2019.

– statuant à nouveau,

– constater, dire et juger que les demandes formées par Madame [M] [T] sont mal fondées.

– en conséquence,

– débouter Madame [M] [T] de ses demandes et prétentions.

– condamner Madame [M] [T] au paiement de la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX- EN- PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2020, Madame [T] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la formation paritaire du conseil de prud’hommes de Marseille, le 9 septembre 2019.

En conséquence,

– rejeter l’appel de la société LDTAS comme étant mal fondé.

– dire et juger que le véritable motif de la rupture du contrat de travail de Madame [T] est économique.

– en conséquence, dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, vexatoire et constitutif d’un abus de droit de la part de l’employeur.

– à tout le moins, dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Madame [T] est non fondé, vexatoire et constitutif d’un abus de droit de la part de l’employeur.

– en conséquence et dans tous les cas :

– condamner l’employeur au paiement de la somme de 38.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.

– condamner l’employeur au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition du contrat de sécurisation professionnelle.

– condamner l’employeur au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de mention de la priorité de réembauchage.

– condamner l’employeur au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité.

– condamner la société LDTAS à remettre à Madame [T] une attestation POLE EMPLOI rectifiée, un certificat de travail rectifié et un solde de tout compte rectifié, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard à partir du 1er jour du mois suivant la notification de la décision à intervenir.

– condamner la société LDTAS à lui régler la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

– condamner la société LDTAS à lui régler la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel.

– assortir le paiement des sommes réclamées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et ordonner la capitalisation desdits intérêts.

– condamner la société LDTAS aux entiers dépens de première instance et d’appel.

– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier de justice en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société LDTAS.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’absence de motivation du jugement

Sur le fondement de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS LDTAS demande de réformer le jugement du conseil de prud’hommes au motif que celui-ci ne comporte aucun motif susceptible de démontrer que le licenciement de Madame [T] a un caractère économique, qu’une formation de la salariée aurait été utile ou une exécution déloyale du contrat de travail.

Madame [T] considère le jugement du conseil de prud’hommes suffisamment motivé et, quand bien même la cour retiendrait une absence de motivation, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, l’ensemble du litige est déféré à la cour qui doit donc statuer à nouveau.

*

Outre le fait, qu’en application des articles 455 et 458 du code de procédure civile, l’exigence de motivation doit être observée, non à peine de réformation du jugement, mais à peine de nullité de celui-ci, l’examen du jugement du conseil de prud’hommes du 9 septembre 2019 permet de constater que, pour chaque prétention, celui-ci est motivé en droit par le rappel des textes, et en fait par l’application des textes cités au cas d’espèce et à la situation de Madame [T]. Le jugement comporte un raisonnement juridique suffisant, conforme aux exigences légales de motivation. Le moyen sera donc écarté.

Sur la violation du principe de la collégialité et du paritarisme

Sollicitant la réformation du jugement, la SAS LDTAS met en exergue la phrase de motivation suivante : « L’employeur décide de refondre entièrement le catalogue produit. Certes, il le confie à Madame [M] [T] mais je réitère qui n’est qu’assistante. », pour conclure que ledit jugement a, de toute évidence, été rendu et rédigé par un seul magistrat alors qu’il aurait dû l’être par le bureau de jugement de manière collégiale en respectant le principe du paritarisme applicable aux conseils de prud’hommes.

Madame [T] demande de rejeter ce moyen.

*

Outre le fait que l’article 447 du code de procédure civile impose aux juges devant lesquels l’affaire est débattue d’en délibérer, il ne ressort pas des éléments de la procédure, ni même du jugement, que les magistrats de première instance n’ont pas tous participé au délibéré ni que la décision n’a pas été rendue à la majorité des voix et, si le conseiller rédacteur a employé le pronom personnel ‘je’, il a également employé le pronom ‘nous’ (page 5 du jugement).

Dans ces conditions, il convient d’écarter la demande de la SAS LDTAS.

Sur le licenciement

La société appelante fait valoir que :

– Madame [T] avait pour tâches principales de réaliser et de mettre à jour les catalogues et les tarifs et de réaliser des maquettes de communication et la société a pu constater que Madame [T] ne présentait pas les qualités requises pour l’exercice de ses fonctions.

– fin 2015, il a été demandé à Madame [T] d’établir un document de présentation de la société APOTECNIA, document d’une relative importance puisqu’il était destiné à servir de support aux commerciaux lors de leurs échanges avec les clients ; le document remis par Madame [T] souffrait d’imperfections et de lacunes évidentes et Madame [O] [K] a, dans un premier temps, formulé oralement ses remarques et suggestions mais qui n’ont pas été prises en considération par Madame [T] ; de ce fait, Madame [O] [K] a dû reprendre entièrement ce document ; la comparaison entre les deux versions permet de se convaincre que le projet soumis par Madame [T] n’était pas conforme au niveau de qualité que l’on peut légitiment attendre d’une assistante de communication ; de surcroît, il a fallu que Madame [O] [K] relance Madame [T], un mois après, pour obtenir une version finalisée.

– tous les moyens nécessaires ont été fournis à Madame [T] pour qu’elle puisse s’acquitter de ses tâches ; il ne s’agit nullement d’un progiciel particulièrement structurant pour l’entreprise ou particulièrement complexe à mettre en ‘uvre, comme le prétend Madame [T], mais d’un progiciel qui n’a d’autre objet que d’aider à la création d’un catalogue et son coût mensuel de 250 € H.T. atteste de son périmètre relativement restreint ; Madame [T] a bénéficié, en un an, de 28 heures de formation sur le nouveau logiciel, en accord avec les préconisations de l’éditeur ; en outre, Madame [T] avait à sa disposition le service support du logiciel SOLIDPEPPER, qu’elle n’a pas manqué de le solliciter à plusieurs reprises, et a reçu à chaque fois les réponses souhaitées, ce qui met en évidence le soutien permanent dont elle a pu bénéficier ; les mises à jour du progiciel SOLIDPEPPER fournies par l’éditeur ne démontrent nullement un quelconque dysfonctionnement susceptible de l’affecter ou l’existence de difficultés pour l’éditeur à le mettre en ‘uvre mais il s’agit d’un processus d’évolution commun à tous les logiciels ; par surcroît, Madame [H] a été embauchée en qualité de chef de produits pour aider Madame [T] dans la réalisation des missions qui lui étaient confiées et il ne saurait être contesté que Madame [H] travaillait étroitement avec Madame [T] à l’élaboration du catalogue, Madame [T] ayant elle-même pris l’initiative d’établir un tableau de répartition des tâches entre elles ; Madame [T] a bénéficié d’une prime de 150 € en mai 2016 afin de l’encourager dans l’accomplissement de cette tâche fastidieuse.

– toutefois, l’élaboration de ce catalogue va mettre en évidence, tout au long du premier semestre de l’année 2016, les limites de Madame [T] à assumer les responsabilités qui lui étaient confiées ; que dès le mois de février 2016, Madame [O]-[K] a relevé qu’il ne s’agit que « de corrections partielles » et que certaines confusions subsistent, notamment, entre les mentions « XS » et « SP » ou entre « aiguille de préparation » et « injection », ce qui révèle un manque de connaissance et de maîtrise des produits de la société, alors qu’il résulte du contrat de travail conclu entre les parties que l’une des qualités attendues de Madame [T] est précisément la « bonne connaissance des gammes de produits»; il est encore reproché « des oublis dans la gamme BD » alors qu’il s’agit du fournisseur principal de la société APOTECNIA, lui assurant près de 75% de son chiffre d’affaires ; la préparation du catalogue va subir de nombreux retards imposant de multiples relances adressées à Madame [T] ; en dépit de nombreux rappels et mises en garde, des erreurs subsistaient et le document final ne comportera pas de photos contrairement à l’objectif initialement fixé et ce, en raison du retard pris lors de son élaboration et de l’incapacité de Madame [T] à le faire, alors qu’au cours de cette période, l’élaboration de ces documents constituait la tâche principale confiée à Madame [T], en sa qualité d’assistante communication.

Madame [T] conteste les motifs invoqués dans la lettre de licenciement en ce que :

– la SAS LDTAS ne justifie pas avoir mis en place tous les moyens, en temps et en formation, pour lui permettre de s’adapter au nouveau logiciel ; elle n’a bénéficié que de trois jours d’initiation, en mai 2015, à l’outil SOLIDPEPPER (soit 21 heures de formation, 6 mois avant la prise en mains de l’outil alors en cours de paramètrage) et d’un jour, le 8 février 2016, sur le logiciel InDesign Perfectionnement, soit 7 heures de formation alors qu’il ne s’agit pas d’un simple logiciel, mais d’un progiciel, à savoir un ensemble de logiciels conçus pour un usage très spécifique ; la mise en place de ce projet informatique d’envergure, voulu par la direction, nécessitait d’être formée également à plusieurs autres logiciels non utilisés jusqu’alors au sein de l’entreprise et ce progiciel n’était pas destiné à faciliter seulement son travail mais à bénéficier à l’ensemble de la société en révolutionnant totalement son mode de fonctionnement ; elle n’était pas la seule à devoir appréhender cet outil puisqu’elle travaillait notamment en étroite collaboration avec Monsieur [G] [F] ; l’éditeur du progiciel lui-même rencontrait des difficultés et effectuait régulièrement des mises à jour et adaptations en fonction des problèmes de paramètrage observés ; ce progiciel était en constante évolution, elle ne l’utilisait pas sur certaines périodes et était donc contrainte de solliciter une aide en ligne pour suivre lesdites évolutions.

– contrairement à ce que soutient l’employeur, il ne lui a jamais été demandé, fin 2015, d’établir un document de présentation de la société APOTECNIA ; le document qu’elle a établi a été validé par le directeur général qui n’y a apporté aucune modification et qui lui a demandé de le transmettre, en l’état, pour validation, à Madame [O] [K], nouvelle directrice générale ; cette dernière, sur un ton plutôt agressif, va y apporter quelques corrections, mais en rapport avec une diffusion en externe, ce qui n’était pas prévu initialement, comme elle le lui a rappelé et comme devait, en définitive, le confirmer en retour Madame [O] [K], le 4 décembre 2015 ; la comparaison entre les documents produits par l’employeur montre que ce POWERPOINT n’a pas dû être “entièrement” repris mais que Madame [O] [K] a simplement voulu y apporter des modifications ; lorsque Madame [O] [K] lui a réclamé le document le 4 janvier, pour la fin de la semaine, elle le lui a adressé dès le lendemain.

– il convient de distinguer les catalogues tarifaires que la société LDTAS éditait chaque année avec des versions différentes selon le type de clientèle auquel ils étaient destinés (hospitaliers et autres), du projet de “catalogue produits”, voulu par la nouvelle direction, nécessitant en amont une refonte totale de la base de données avec une mise à jour de chaque produit ; ce travail nécessitait de reprendre chaque produit référencé, de s’assurer que le descriptif était à jour compte tenu des évolutions inhérentes à ces produits, de contacter le fabricant lorsqu’il n’y avait pas de fiches techniques à jour, d’en extraire les informations pertinentes à faire figurer dans le catalogue et de compléter ces descriptifs en fonction des retours du service clients ; il s’agissait d’un travail considérable qui a mobilisé plusieurs services et elle n’était pas la seule à devoir alimenter la base de données dont la date de publication a été fixée au mois d’octobre 2016 afin de coïncider avec la tenue du salon EUROPHARMA ; elle a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie à compter du 15 septembre 2016, compte tenu des nombreuses pressions subies de la part de la nouvelle équipe dirigeante, l’ayant contrainte à consulter préalablement le médecin du travail ainsi que le psychologue du travail ; ainsi, elle n’a donc pas été placée en situation de poursuivre ses tâches notamment sur le projet de catalogue produits, d’autant que ce catalogue était en passe de finalisation quinze jours avant la date butoir, l’employeur ne justifie pas de l’ampleur alléguée des erreurs ni d’une quelconque incidence sur la parution dudit catalogue dans les délais impartis, d’autant que la classification des produits, dont une erreur lui est reprochée, était du ressort du pharmacien conseil ; elle n’était pas la seule en charge de la préparation de ce catalogue ; la demande de devis effectuée auprès des imprimeurs était bien correcte ; l’employeur fait état de ‘mulptiples rappels’ qui lui ont été adressés dont il ne justifie pas, ni que le versement d’une prime de 150 € avait pour objectif de l’encourager dans l’accomplissement de sa tâche ; Madame [H] a été engagée sur le site de [Localité 4] en qualité de chef de produits junior et non pas comme assistante marketing chargée de l’aider dans la réalisation de sa tâche ; elle occupait un poste d’assistante de communication ne se situant pas dans la ligne hiérarchique dirigeante et n’était nullement décisionnaire au niveau des choix opérés par la direction, notamment dans la mise en place du catalogue produits ; elle avait d’autres tâches à gérer en sus de la création du catalogue produits et l’insuffisance professionnelle doit être examinée au regard de l’ensemble de son activité, or aucun reproche ne lui a été adressé concernant ses autres attributions et ses entretiens d’évaluation ont toujours été positifs ; en 2016, le poste d’assistante marketing était en cours de validation auprès de la direction qui considérait que la fiche de poste initiale n’est plus d’actualité et qu’elle devait être mise à jour afin d’acter l’évolution des tâches ; en début d’année 2016, ses nouvelles tâches n’étaient toujours pas définies.

*

Attendu qu’il convient de rappeler que si le juge n’a pas à substituer son appréciation à celle de l’employeur sur les aptitudes professionnelles et l’adaptation à l’emploi du salarié, il n’en demeure pas moins que l’insuffisance alléguée doit reposer sur des éléments concrets et suffisamment pertinents, être contemporaine du licenciement et perturber la bonne marche de l’entreprise.

Sur l’établissement et la présentation du ‘powerpoint’

La SAS LDTAS se fonde sur un échange de mails entre Madame [T] et Madame [O] [K], nouvelle directrice générale, des 3 et 4 décembre 2015. Ainsi par mail du 3 décembre 2015, Madame [T] indiquait ‘ je vous adresse ci-joint le powerpoint de présentation de l’entreprise que nous avons mis à jour récemment. Si le contenu et la forme vous conviennent, nous pourrons alors le transmettre aux commerciaux qui pourront l’utiliser lors de leur rendez-vous clients’, ce qui atteste de l’existence préalable de ce document qui avait été remis à jour par la salariée.

Par mail du 4 décembre 2015, Madame [B] [O] [K] a répondu : ‘je suis en train de faire les modifications sur la présentation, mais certains éléments me gênent car j’avais déjà fait oralement à plusieurs reprises certains commentaires (…). Je suis là pour vous aider, orienter, corriger mais de là, à tout écrire ce n’est pas mon rôle’, ce qui atteste que ce document, qui avait été déjà élaboré par l’employeur, ne convenait pas à la nouvelle directrice générale.

Par mail de réponse du 4 décembre 2015, Madame [T] a indiqué : ‘je crois qu’il y a eu un malentendu et je vous prie de m’en excuser. Je n’ai pas été assez explicite dans mon message. Ce document est en fait destiné à apporter une aide aux commerciaux lors de leur rendez-vous, aucunement à le présenter tel que aux clients. C’est pourquoi, effectivement le document n’est pas abouti en tant que document de communication externe. J’ai malgré tout pris note de vos remarques (…)’, ce dont a convenu Madame [O] [K] qui a répondu par mail du 4 décembre 2015 : ‘J’entends ce que vous dites, cependant en tant que chargée de communication, j’attends un travail plus structurant avant envoi pour avis ou validation’.

Madame [T] produit également le mail du 25 novembre 2015 de Monsieur [U], ancien directeur général, qui indique: ‘[M], Je ne me rappelle plus, mais quand vous avez réalisé la présentation de la société (PJ), est ce que [B] l’a validé’

C’est un outil sympa, si elle le valide, les commerciaux pourraient l’utiliser. Je sais que [Y] en a fait usage et il a apprécié. Si non faites-lui voir demain’, ce qui atteste que le travail de Madame [T] avait été apprécié et approuvé, sans réserve, par son supérieur hiérarchique et que, en communiquant ce document à Madame [O] [K], Madame [T] n’a fait qu’obéir aux ordres de Monsieur [U].

Par ailleurs, la SAS LDTAS produit le projet de powerpoint initial qui avait été adressé par Madame [T] (pièce 5) et le projet final (pièce 7), en affirmant, sans le démontrer, que ce dernier avait été entièrement repris par Madame [O] [K], alors que Madame [T] produit son mail du 5 janvier 2016 par lequel elle adresse le ‘powerpoint de présentation de l’entreprise remanié’, attestant de l’intervention de la salariée dans la correction et la finalisation du document.

Il en résulte que le manquement reproché par la SAS LDTAS ne caractérise pas une insuffisance professionnelle de la part de Madame [T].

Sur le projet de création du ‘catalogue produits’

La SAS LDTAS produit la fiche descriptive du logiciel ‘SOLIDPEPPER’ ainsi que l’attestation de présence de Madame [T] à la formation dispensée, en mai 2015, au titre de l’utilisation dudit logiciel (soit 21 heures). Cependant, il est également produit les nombreux échanges de mails entre Madame [T] et la société commercialisant le logiciel dont il ressort que Madame [T] a été confrontée à des difficultés d’utilisation des fonctionnalités du logiciel qui ont nécessité des explications complémentaires, précises et techniques de la part le service support et certaines instructions données à Madame [T] s’apparentent à une formation pratique de l’utilisation du logiciel.

Alors qu’il reproche à Madame [T] d’avoir ‘multiplié les erreurs dans la définition de la base de données’, l’employeur ne justifie que d’une erreur (absence de distinction entre aiguille de préparation et aiguille d’injection et, pour les aiguilles pré-remplies, entre ‘XS’ et ‘SP’). Par ailleurs, le mail de Madame [O] [K] du 18 février 2016 indique : ‘j’ai l’impression qu’il y a des oublis dans la gamme BD’, impression qui n’est confirmée par aucune pièce produite au dossier.

Si la SAS LDTAS produit des mails de relance comminatoires de Madame [O] [K], il ressort également des échanges de mails entre Madame [T] et Madame [H], dont il est indiqué par la SAS LDTAS qu’elle a travaillé en soutien avec Madame [T], que l’élaboration du catalogue a nécessité un travail volumineux et minutieux de la part de la salariée dans l’analyse de chaque produit référencé, l’employeur reconnaissant dans la lettre de licenciement qu’il s’agissait d’un ‘travail aux aspects parfois fastidieux’.

Ainsi, suite à une demande Madame [L], Madame [T] rendait compte de son travail par mail du 29 avril 2016 : ‘Voici un état de l’avancée de mon travail sur la base de données produits SOLIDPEPPER. A ce jour, je travaille sur 3400 références (épuration du fichier au fur et à mesure de l’avancée de mon travail). Il me reste : 1000 réf à renseigner sur la famille/sous famille 1700 réf à renseigner sur leur désignation/description (mon premier chiffre était erroné ; -( ) réparties comme suit: 1500 à créer 200 à reprendre d’un autre fichier. J’espère que ces chiffres suffiront pour étayer ton CR’.

Par ailleurs, Madame [T] produit :

– l’attestation de Madame [D], salariée et déléguée du personnel, qui indique : ‘Je tiens à témoigner du fait que, en 2016 :

– dans la matinée du 13/09, Mme [T] [M] a reçu un appel téléphonique de Mme [B] [O] [K]. Cet appel l’a laissée dans un état de stupeur et s’en est suivie une crise de larmes.

– dans la même semaine, le 15/09, Mme [M] [T] a reçu un mail de Mme [O] [K] qui l’a remise dans le même état (larmes et stupeur).

De par mon rôle de déléguée du personnel suppléante et devant son état psychologique, j’ai conseillé à Mme [T] de prendre rendez-vous avec le Docteur [A], Médecin Conseil attitré.’.

– l’attestation de Madame [W] qui indique : ‘en septembre 2016, je me souviens, particulièrement d’une matinée, l’avoir vue s’effondrer sur son bureau après un coup de téléphone. Elle est alors venue me voir pour me demander si j’avais entendu la conversation, elle était alors en sanglots. J’avais bien entendu le téléphone sonner et le combiné raccrocher plusieurs minutes après.

[M] m’a dit : “[B] vient de me défoncer, ça a été tellement violent que je me suis sentie incapable de répondre” ; [M] avait vraiment été ébranlée ce jour-là et plusieurs collègues lui ont conseillé de rencontrer le médecin du travail’.

– des arrêts de travail à compter du 15 septembre 2016.

Alors que la date d’impression du catalogue avait été fixée au mois d’octobre 2016, Madame [T] n’a pas été en mesure d’exécuter ses tâches et de terminer l’élaboration du catalogue en raison de la suspension du contrat de travail résultant d’un arrêt de travail, provoqué par les pressions et l’attitude dévalorisante de Madame [O] [K].

Il ne résulte pas des pièces produites par l’employeur que la non réalisation d’un sommaire ou l’absence de photographies soient imputables à des carences de Madame [T].

Alors que la SAS LDTAS rappelle que les missions de Madame [T] étaient de gérer les demandes d’ouverture de comptes web, de veiller à la mise à jour des sites internet et du portail de commande, d’administrer les commandes clients reçues par EDI, d’administrer les commandes web, de réaliser les documents de communication, de veiller à la mise à jour de la base documentaire marketing, de communiquer et transmettre les documents à notre force commerciale et que ces principales tâches étaient de créer et gérer les codes d’accès clients, de contrôler et valider les commandes clients reçues par EDI et de gérer le site web, de créer et publier des documents pour les sites internet, de réaliser et de mettre à jour les catalogues et les tarifs et de réaliser des maquettes de communication pour l’entreprise, la SAS LDTAS ne justifie pas d’une insuffisance professionnelle sur les autres missions de la salariée alors même que l’entretien d’évaluation annuel 2014 indique une bonne ou très bonne performance de la salariée sur l’ensemble des points évalués.

Concernant l’entretien d’évaluation annuel 2016, la nouvelle direction a indiqué : ‘poste actuel : assistante marketing: en cours de validation auprès de la direction(…) Votre fiche de poste est à mettre à jour afin d’acter l’évolution de vos tâches en prenant en compte l’adaptabilité de votre poste selon l’organisation du travail que permettra l’outil Solidpepper’. Ainsi, l’employeur reconnaît, qu’au moment du licenciement, la salariée ne disposait plus d’une définition claire et précise de ses missions et tâches qui devaient justement être redéfinies du fait de la mise en place du logiciel Solidpepper.

Dans ces conditions, l’ insuffisance professionnelle n’est pas démontrée.

Sur le motif économique du licenciement

La SAS LDTAS conteste que le motif du licenciement de Madame [T] ait été économique en rappelant que le licenciement est intervenu le 21 octobre 2016, alors que la prise d’effet de la rupture des relations contractuelles avec son principal client, la société BECTON DICKINSON, n’a été effective que le 30 septembre 2018 et que, dès lors, deux ans séparent ces deux événements. Elle considère que si cet événement a fragilisé effectivement la société APOTECNIA, il n’a nullement justifié le licenciement de Madame [T] puisque la société était, à l’époque des faits, particulièrement profitable et solide financièrement. Elle fait également valoir qu’il ne saurait être argué utilement que les départs de salariés de la société APOTECNIA traduiraient des difficultés économiques et/ou une volonté de la direction de réduire les effectifs. L’effectif du personnel présent à [Localité 4] n’a pas été modifié depuis le départ de Madame [T] et il n’y a eu que trois licenciements au cours des dix-huit derniers mois.

Madame [T] conclut que la cause réelle de son licenciement est économique. la société LDTAS, créée en 1982, a été cédée le 28 mai 2015, au Groupe [K] MEDICARE basé à [Localité 4], dont la nouvelle équipe dirigeante était menée par la nouvelle directrice générale, Madame [B] [O] [K]. Ce changement de direction devait au fur et à mesure s’accompagner d’un changement de stratégie avec des embauches sur le site de [Localité 4] et d’importantes modifications sur le site d'[Localité 3], sur lequel elle travaillait, avec de nombreux départs de salariés, dont certains non remplacés. Madame [T] invoque également la perte du contrat commercial du principal fournisseur, la société BECTON DICKINSON (75% du chiffre d’affaires), qui a été connu de l’employeur dès le début de l’année 2016. Madame [T] invoque une dégradation de la situation socio-économique de la société et par voie de conséquence des conditions de travail, ainsi qu’une politique de rupture de contrats de travail sans remplacement, concomitamment à son licenciement. Elle fait également valoir que depuis son départ, la société LDTAS n’a plus d’assistante de communication, alors même que ce poste semblait primordial pour la direction eu égard aux reproches qui lui ont été faits, et que son prétendu licenciement pour insuffisance professionnelle n’était destiné qu’à cacher le réel mobile du licenciement, à savoir la suppression de son poste, ce qui aurait dû donner lieu à la mise en place d’une mesure de licenciement économique beaucoup plus onéreuse et contraignante pour l’employeur.

*

Si la rupture du contrat avec le client BECTON DICKINSON (BD) a été effective le 30 septembre 2018, il ressort des éléments du dossier que celle-ci était connue de l’employeur dès de début de l’année 2016 et a eu une conséquence sur l’activité économique du site d'[Localité 3] sur lequel était affectée Madame [T].

Ainsi, il ressort du courrier adressé le 16 février 2016 par l’inspecteur du travail à la SAS LDTAS, les informations suivantes : ‘Il a été porté à ma connaissance par les représentants du personnel, d’une part et confirmé par la direction générale d’autre part, que la Société APOTECNIA rencontrait des difficultés économiques, et que son avenir sur le site d'[Localité 3] était menacé (…). J’ai noté que des départs de l’entreprise ont été actés, notamment la ligne hiérarchique précédente (ruptures conventionnelles, démissions, licenciements etc.) que, sauf erreur de ma part, des postes (administratifs) ont été supprimés ou transférés au siège du groupe [K] à [Localité 4] (…)’.

Par ailleurs, alors qu’il ressort du livre des entrées et sorties du personnel que, sur le site d'[Localité 3], en 2016, 17 salariés sont sortis des effectifs et qu’en 2017, 19 en sont encore sortis, Madame [T] n’a pas été remplacée dans son poste.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, compte tenu du contexte économique sur le site d'[Localité 3] résultant de la perte du client principal de la SAS LDTAS, Madame [T] n’a pas été licenciée à cause d’une insuffisance professionnelle, non caractérisée, mais pour supprimer son emploi. Le licenciement a ainsi la nature d’un licenciement pour motif économique et est, en conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (46 ans), de son ancienneté (4 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (1.900 €), des circonstances de la rupture, des recherches d’emplois justifiées, de la période de chômage qui s’en est suivie et d’un nouvel emploi au mois de mars 2019, il convient d’accorder à Madame [T] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 28.000 €.

Par ailleurs, alors que Madame [T] a été inscrite à pôle Emploi près de deux ans et demi et qu’elle justifie de recherches actives d’emplois, la SAS LDTAS a, dans ce contexte, privé Madame [T] du bénéfice des mesures d’accompagnement et de l’indemnité spécifique d’un contrat de sécurisation professionnelle. Le préjudice subi par Madame [T] est établi et il convient de lui accorder la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts.

Par contre, même si la lettre de licenciement ne porte pas la mention de la priorité de réembauchage, Madame [T] ne justifie pas d’un préjudice qui serait résulté pour elle de ce défaut de mention. La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité

Invoquant des articles L.1221 et L.4121-1 du code du travail, Madame [T] invoque un manquement de la SAS LDTAS à son obligation de sécurité en ce que l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur et de ses représentants dénote une absence totale de proportionnalité par rapport au but recherché. Elle dénonce l’attitude agressive de gestion managériale de Madame [O] [K].

La SAS LDTAS conclut qu’une simple lecture des courriels entre Madame [T] Madame [O] [K] permet de se convaincre qu’il s’agit d’observations formulées par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et le ton employé n’est ni agressif, ni disproportionné. Les attestations produites par Madame [T] ont manifestement été établies pour les besoins de la cause car Monsieur [V] n’est resté que quelques mois dans l’entreprise, Madame [D] a initié devant le conseil de prud’hommes une action à l’encontre de la société APOTECNIA dont elle a été intégralement déboutée et Madame [W] ne fait que relater les propos de Madame [T]. Par ailleurs, suite à la saisine de la médecine du travail, elle s’est immédiatement rapprochée de ses services et assure, depuis, un suivi régulier. Enfin, aucun des certificats médicaux produits par Madame [T] n’établit l’existence d’un lien de causalité entre son état et un éventuel comportement fautif de son employeur.

*

En droit, aux termes de l’article L4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Madame [T] produit :

– l’attestation de Madame [D] qui indique : ‘De par son poste, Mme [T], assistante marketing, était en lien direct avec Madame [O] [K] (mail, téléphone, en direct). A l’occasion de ces venues, j’ai pu assister à certains échanges (bureaux séparés d’une vitre), l’intonation (je ne pouvais pas entendre) et la gestuelle de notre directrice me laissait penser que Mme [T] était mise à mal”.

– l’attestation de Monsieur [V] qui témoigne : ‘au même titre que bon nombre de salariés (dont je fais partie) Mme [T] a souffert des pratiques managériales de notre Directrice Générale aucune formation dispensée, dénigrement systématique du travail effectué, responsabilisation inexistante, absence systématique de management, aucune vision ni stratégie de l’entreprise, climat conflictuel permanent, j’ai moi-même fini par solliciter une rupture conventionnelle avec cette personne dirigeante en décembre 2016, usé par tant de lacunes et d’incompétences managériales’.

– l’attestation de Madame [W] qui indique : ‘J’ai occupé le poste d’approvisionnement au sein de la société LDTAS APOTECNIA du 20/03/2011 au 20/09/2018.

J’ai malheureusement été témoin, à plusieurs reprises, du management despotique dont plusieurs de mes anciens collègues ont été victimes, notamment [M], depuis l’arrivée de la nouvelle direction générale en 2015/2016.

Alors que [M] occupait encore un bureau entièrement vitré, partagé avec une autre collègue, j’ai été témoin d’un monologue de la part de Madame [B] [K] en présence de [M] dans ce bureau. De réels cris ont attiré mon attention alors que je me trouvais dans mon bureau d’une quinzaine de mètres plus loin.

Quand j’ai remarqué que cela durait, je me suis déplacée dans le bureau de la comptabilité, attenant à celui de [M] et séparé par une paroi vitrée.

Je n’entendais pas ce qu’il se disait mais il était clair que [M] n’avait pas son mot à dire et on pouvait la voir, assise à son bureau, se décomposer et Madame [B] [K] debout en face d’elle, ne cessant de crier. Cela a duré près d’une heure. [M] a paru profondément choquée par ce violent “échange”‘.

Ces attestations respectent les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et contiennent la description de faits que les témoins ont personnellement constaté de sorte que leur valeur probante est retenue par la cour. D’autant que ces constatations sont corroborées par l’examen des échanges de mails entre Madame [T] et Madame [B] [O] [K] et l’emploi d’un ton comminatoire par cette dernière qui reconnaît : ‘ En revanche, je vous confirme que vos tentatives perpétuelles de justifications et votre manque de réactivité peuvent parfois m’agacer’, alors que le ton employé par Madame [T] est toujours respectueux.

Il ressort encore des attestations de Madame [D] et de Madame [W] que suite aux faits des 13 et 15 septembre 2016, décrits par ces témoins, résultant de deux échanges avec Madame [B] [O] [K], Madame [T] a été contrainte de recourir à un arrêt de travail pour protéger sa santé mentale du comportement de sa supérieure hiérarchique.

Les constatations de ces témoins sont encore corroborées par le mail que Madame [T] a adressé à Madame [B] [O] [K], le 13 septembre 2016, qui indique : ‘[B], Je fais suite à votre appel téléphonique de tout à l’heure. Vous étiez énervée et je n’ai pas pu répondre à vos questions et remarques. (…) Malgré mon intention de faire correctement le travail pour lequel je suis employée, vous pouvez ne pas en être satisfaite et me le faire savoir. les critiques sont toujours constructives quand elles sont justes et dites avec respect. Sachez que je continue à mettre tout en ‘uvre pour répondre aux exigences de l’entreprise. Cordialement’.

Madame [T] a encore adressé un mail à Madame [B] [O] [K] en ces termes: ‘je fais suite à votre email du 20 septembre (RE: Délais catalogue) et votre appel téléphonique du 13 septembre qui m’ont notamment perturbée par leur agressivité et leur violence. (…) Je ne suis pas responsable de l’organisation mise en place, je m’y suis adaptée et effectue mes missions avec les moyens que l’on me donne. J’estime ne pas avoir démérité, et trouve le traitement que vous me réservez particulièrement injuste et mal fondé’.

Madame [T] produit enfin un certificat médical du docteur [J], psychiatre, du 18 avril 2017 qui indique que Madame [T] a présenté un syndrome anxio dépressif traité jusqu’en décembre 2016.

La SAS LDTAS produit un mail de Madame [B] [O] [K], adressé au médecin du travail le 20 juillet 2017, soit postéreurement au licenciement de Madame [T], qui ne comporte la justification d’aucune mesure qui aurait été mise en oeuvre par l’employeur pour protéger la santé physique et mentale de Madame [T].

Dans ces conditions, il est établi que la SAS LDTAS a manqué à son obligation de sécurité et que Madame [T] a subi un préjudice direct de ce manquement qui justifie l’octroi de la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SAS LDTAS n’étant versé au débat.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 26 janvier 2017, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter présent arrêt pour le surplus.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu’elle est demandée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SAS LDTAS à payer à Madame [T] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront à la charge de la SAS LDTAS, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.

Enfin, en cas d’exécution forcée, le droit proportionnel à la charge du créancier ne peut être perçu quand le recouvrement ou l’encaissement de sommes par un huissier mandaté est effectué sur le fondement d’un titre exécutoire constatant une créance née de l’exécution d’un contrat de travail, par application des dispositions des articles R444-53 et R444-55 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Rejette la demande de réformation du jugement du conseil de prud’hommes pour absence de motivation ou pour violation du principe de la collégialité et du paritarisme,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour défaut de proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle et pour exécution déloyale du contrat de travail et sauf en ses disposition ayant condamné l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour défaut de mention de la priorité de réembauchage, d’une astreinte et d’un droit proportionnel perçu par l’huissier de justice,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (SAS LDTAS) à payer à Madame [M] [E] épouse [T] les sommes de :

– 28.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle,

Déboute Madame [M] [E] épouse [T] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour défaut de mention de la priorité de réembauchage,

Déboute Madame [M] [E] épouse [T] de sa demande au titre d’une astreinte,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter présent arrêt pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,

Rappel qu’en cas d’exécution forcée, le droit proportionnel à la charge du créancier ne peut être perçu quand le recouvrement ou l’encaissement de sommes par un huissier mandaté est effectué sur le fondement d’un titre exécutoire constatant une créance née de l’exécution d’un contrat de travail, par application des dispositions des articles R444-53 et R444-55 du code de commerce,

Y ajoutant,

Condamne la SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (SAS LDTAS) à payer à Madame [M] [E] épouse [T] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SAS LABORATOIRE DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE A LA SANTE (SAS LDTAS) aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x