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Si un acte porte cession d’œuvres d’art mais qu’il ne fait nullement état de la cession d’une créance en contrepartie (au contraire il y est affirmé que les œuvres sont libres de tout droit et servitude), la requalification en cession de créance n’est pas possible.
En l’espèce, est produit un acte intitulé cession d’œuvres d’art du 21 janvier 2015, signé de part et d’autre par Monsieur [X] gérant des deux sociétés. Il est conclu entre la société COM EN SEINE d’une part, et la société GAMMA d’autre part.
La société COM EN SEINE dit y avoir mis à disposition des œuvres à titre précaire au bénéfice de Madame [C] [J] ; et la société GAMMA dit acquérir tous les droits sur lesdites œuvres d’art moyennant un prix de 96.000 €, la société COM EN SEINE déclarant avoir reçu le prix.
Comme le rappelle désormais l’article 1321 du code civil qui ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure, à supposer qu’il y ait eu cession de créance, elle nécessiterait, pour être opposable à Madame [J] qui est tiers à l’acte de cession d’œuvre d’art du 21 janvier 2015, et qui est le débiteur cédé de la dette alléguée, de respecter les formalités de l’article 1690 du même code, alors applicable, ce qui n’est nullement établi ici. De sorte qu’à supposer qu’il y ait eu cession de créance elle ne lui serait pas opposable dans le cadre de la présente instance.
Si l’acte cède les œuvres d’art, il ne fait nullement état de la cession d’une créance de la société COM EN SEINE sur Madame [J], à hauteur de 84.000 €, au contraire il y est affirmé que les œuvres sont libres de tout droit et servitude (article 4), et ce montant de 84.000 € ne figure nulle part à l’acte.
Au contraire, les parties y reconnaissent au titre de l’article 9 de la convention de cession d’œuvres d’art du 21 janvier 2015 signée et paraphée de part et d’autre par Monsieur [X], gérant des deux sociétés, qu’elle constitue l’intégralité de l’accord conclu entre elles.
Le paragraphe 1.2 de l’acte invoqué par la société demanderesse est consacré aux droits de propriété intellectuels relatifs aux œuvres et transférés avec leur propriété, en tant qu’accessoires des œuvres, et s’il ne circonscrit en rien, l’étendue des droits transférés par ce contrat à ces derniers, il ne traduit pas une cession de créance, contrairement à ce que croit pouvoir prétendre la société demanderesse, une créance de somme d’argent ne renvoyant nullement à des droits de propriété intellectuels.
Au demeurant, comme le relève la défenderesse, et comme le rappelle désormais l’article 1321 du code civil qui ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure, à supposer qu’il y ait eu cession de créance, elle nécessiterait, pour être opposable à Madame [J] qui est tiers à l’acte de cession d’œuvre d’art du 21 janvier 2015, et qui est le débiteur cédé de la dette alléguée, de respecter les formalités de l’article 1690 du même code, alors applicable, ce qui n’est nullement établi ici. De sorte qu’à supposer qu’il y ait eu cession de créance elle ne lui serait pas opposable dans le cadre de la présente instance.
Et la société demanderesse qui invoque que le contrat de vente d’œuvres d’art, avec option de restitution, conclu le 11 avril 2011, n’est qu’une façade contractuelle occultant le contrat de commodat réellement intervenu entre la société COM EN SEINE et Madame [J], et qui se prévaut de ce que conformément à l’article 1201 du code civil, le contrat occulte produit effet entre les parties, ce qui entraîne le nécessaire remboursement du restant de la somme prêtée, soit 84.000 €, n’est pas en mesure d’établir l’existence de ce contrat occulte de prêt de la société COM EN SEINE envers Madame [J] ou envers la société DAEMPARTENERS qui compte tenu de son montant doit être établi par écrit, en application de l’article 1341 code civil applicable à la cause devenu article 1359 du code civil, ce que la SAS GAMMA ne parvient pas à faire au moyen des éléments produits qui ne sont ni des preuves littérales ni des commencements de preuve par écrit. Or, Madame [J] prétend, quant à elle, que les sommes prêtées l’ont toujours été à la société DAEMPARTNERS.
Aucune reconnaissance de dette respectant les exigences de l’article 1326 du code civil de Madame [J] envers elle n’est établie par la société GAMMA.
Le mail émanant du service de comptabilité du 11 septembre 2014, dont les termes ont été rappelés, et dont les termes sont pour le moins évasifs quant à la nature de la dette et quant au débiteur des sommes en cause ne saurait valoir reconnaissance de dette de Madame [J]. Ainsi comme l’admet la demanderesse elle-même au terme de ses écritures, il s’agit d’un mail transféré du service de la comptabilité de la société et qui n’émane pas de Madame [J] elle-même qui s’exprimerait directement et personnellement. Le service de la comptabilité étant a priori celui de la société.
Il en résulte que la demanderesse échoue à démontrer qu’il existe entre elle et la défenderesse un lien juridique et une qualité juridique qui justifie qu’elle sollicite le remboursement des sommes en question, au titre de la présente instance, et dont elle prétend sans l’établir qu’ils traduiraient une confusion des patrimoines entre la société DEAMPARTNERS et Madame [J] dont la créance de remboursement lui aurait été cédée, au titre d’une cession d’œuvre d’art. Si elle invoque sans l’établir une confusion entre les dettes de Madame [J] et celles de la société DAEMPARNTERS, la demanderesse ne dirige ses demandes que contre la défenderesse et non contre la société dans le cadre de la présente instance. Et dans aucun des autres mails il n’est apporté de précision sur le débiteur des sommes en cause. Le prêt envers la société n’est pas davantage établi dans les termes de l’article 1341 précité.
Il en résulte que la demanderesse est irrecevable à agir contre la défenderesse, faute d’établir le lien qui les unit et qui fonderait la demande de remboursement desdites sommes. Ses demandes seront donc rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de la prescription ni mêmes les moyens au fond articulés à l’appui de cette demande.
La SAS GAMMA conteste à titre préliminaire tout projet d’association que Monsieur [X] aurait eu avec le cabinet DAEMPARTNERS et relève l’absence de documents permettant d’étayer les propos de la défenderesse en ce sens. Elle invoque, au soutien de ses prétentions, que le « contrat de vente d’œuvres d’art » du 11 avril 2011 est signé par Madame [J] en son nom personnel, sans indiquer que son engagement était pris au nom et pour le compte de la société DAEMPARTNERS et la société COM EN SEINE. Elle reproche à celle-ci, une confusion de son patrimoine personnel et celui de la personne morale à travers laquelle elle exerce sa profession, ce qui aurait pour effet de la rendre solidaire du paiement des sommes dont elle serait redevable, soit 84.000 €. La société demanderesse soutient qu’après la cession des œuvres d’art opérée en 2015, entre la société GAMA et la société COM EN SEINE, toutes deux gérées par Monsieur [X], la première est devenue créancière de la dette que Madame [J] a contractée en son nom propre en 2011. En effet, le paragraphe 1.2, consacré aux droits de propriété intellectuels relatifs aux œuvres, et transférés avec leur propriété, ne circonscrirait en rien, selon elle, l’étendue des droits transférés par ce contrat au cessionnaire. La SAS GAMMA considère que le délai de prescription de l’action a été interrompu par un mail de Madame [C] [J] transféré en date du 11 septembre 2014 du service de la comptabilité du cabinet d’avocats à Monsieur [X], qui constituerait une reconnaissance de dette faisant courir un nouveau délai de cinq ans sur le fondement de l’article 2240 du code civil. La société demanderesse rappelle enfin que le contrat de vente d’œuvres d’art, avec option de restitution, conclu le 11 avril 2011, ne serait qu’une façade contractuelle occultant le contrat de commodat réellement intervenu entre la société COM EN SEINE et Madame [J]. Conformément à l’article 1201 du code civil, le contrat occulte, produit effet entre les parties, ce qui entraîne le nécessaire remboursement du restant de la somme prêtée, soit 84.000 €. La SAS GAMMA produit à cet égard divers échanges entre Monsieur [X] et Madame [J] au soutien de ses prétentions.
Madame [C] [J] oppose en défense, le défaut d’intérêt à agir de la société GAMMA, cette dernière n’ayant aucun lien juridique avec la SELARL DAEMPARTNERS, la société COM EN SEINE ou elle-même. Elle indique ensuite que le contrat dit de « cession d’œuvres d’art » produit par la société GAMMA n’emporte pas cession de créance, puisque certaines conditions de validité sont requises à peine de nullité, à commencer par la signification de la cession de créance au débiteur cédé, par exploit d’huissier comportant le contenu de cette dernière. Elle fait valoir qu’en l’espèce, la société GAMMA produit un acte de cession d’œuvres d’art entre la société COM EN SEINE et elle-même, daté du 21 janvier 2015 et signé par monsieur [X], auteur de l’acte, alors même que ce dernier, ancien gérant de la société COM EN SEINE, l’avait déjà cédée en 2013 avec les œuvres d’art inscrites à son actif. Au-delà du problème de date, Madame [J] relève en outre qu’il s’agit exclusivement d’un contrat de cession de droits sur les œuvres d’art qui y sont listées, et non pas d’une cession de droits à agir en recouvrement d’une quelconque créance de la société COM EN SEINE. Elle invoque ensuite la prescription de l’action, au motif que l’action de la SAS GAMMA aurait pour objet de recouvrer des sommes versées sur les comptes et au profit de la seule SELARL sur les exercices 2010 et 2011. Selon elle, l’ensemble des opérations est couvert par la prescription de 5 années, et aucun acte interruptif d’instance n’a été réalisé depuis près de 10 ans. Elle précise que si le tribunal devait estimer que le mail du 11
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions exécutoires
Me Leopold LEMIALE
Me Pierre LUMBROSO
+ 1 Copie dossier
délivrées le:
■
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/04938
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZF3
N° MINUTE :
Assignation du :
30 Août 2019
JUGEMENT
rendu le 18 Janvier 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. GAMMA
[Adresse 2]
[Localité 3] FRANCE
représentée par Maître Leopold LEMIALE de l’AARPI L2M AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0653
DÉFENDERESSE
Madame [C] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre LUMBROSO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0724
Décision du 18 Janvier 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/04938 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWZF3
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Antoine de MAUPEOU, Premier Vice-Président adjoint
Christine BOILLOT, Vice-Présidente
Antoinette LE GALL, Vice-présidente
assistés de Catherine BOURGEOIS, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 30 Novembre 2023 tenue en audience publique devant Christine BOILLOT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
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En 2004, Madame [C] [J] a créé une SELARL dénommée DAEMPARTNERS, cabinet d’avocats spécialisé en droit social.
En 2010,Madame [C] [J] a fait la connaissance de Monsieur [X], gérant de la société COM EN SEINE et de la SAS GAMMA, par l’intermédiaire d’amis communs, à une époque, où le cabinet d’avocats DAEMPARTNERS éprouvait de sérieuses difficultés financières, les établissements bancaires menaçant de dénoncer leur concours, à concurrence de près de 600.000 €.
Ce dernier a proposé de prêter main forte à la SELARL, en vue d’aider à son redressement économique, proposant de s’investir dans l’étude de la comptabilité du cabinet, de prodiguer des conseils professionnels, et d’apporter également un soutien financier, sans pour autant formaliser de contrat de prêt.
En milieu d’année 2011, la SELARL a en effet été placée en procédure de conciliation judiciaire, en raison de la dénonciation des concours bancaires des établissements HSBC FRANCE et PALATINE. Un protocole de conciliation a été conclu le 13 octobre 2011 avec ces deux organismes, afin d’apurer la dette globale de 550.000 € sur 5 ans, avec la mise en place de mensualités de remboursement de plus de 12.000 €. Il est signé par Madame [J] en sa qualité de caution.
La société COM EN SEINE dit en 2011, par l’intermédiaire de Monsieur [X], avoir à nouveau avancé 134.000 € pour aider au redressement du cabinet.
La société COM EN SEINE produit un contrat de cession d’œuvre d’art d’une valeur de 134.000 € conclu entre cette société et Madame [C] [J], signé en son nom personnel, daté du 11 avril 2011. La société GAMMA prétend, dans le cadre de cette instance, que cette vente d’œuvre était un habillage du prêt réalisé à des fins d’optimisation fiscale.
Par courriel du 11 septembre 2014 transféré à Monsieur [X], le comptable de la société DAEMPARTNERS écrivait à Madame [J] : « Sauf erreur ou omission de ma part pour moi, il reste bien 84.000 € dont le détail est le suivant :
Contrat de vente 134.000€
oRèglement par chèque SG n°155 du 20 décembre 2011 de 5.000 € ;
oRèglement par chèque SG n°315 du 31 janvier 2012 de 5.000 € ;
oRèglement par chèque SG n°447 du 25 juin 2012 de 5.000 € ;
oRèglement par chèque SG n°551 du 2 octobre 2012 de 22.000 € ;
oRèglement par chèque SG n°512 du 2 octobre 2012 de 8.000 € ;
oRèglement par chèque SG n°719 du 8 février 2013 de 5.000 €.
Soit un total de 50.000 €.
Donc un solde restant due (dû) de 84.000€
Je n’ai pas la copie des deux premiers chèques mais de tous les autres oui. Mais si vraiment il les faut, je peux demander copie à la SG (en espérant que ce ne soit pas trop vieux car datant de 2011 2012)
Effectivement le chèque de 22.000 € a été fait directement au nom de ca (sa) grand-mère.
En revanche, je n’ai rien sur des éventuels intérêts
Le Service Comptabilité
[P] [I] ».
Par un contrat du 21 janvier 2015 produit, intitulé « Acte de cession d’œuvres d’art », la société GAMMA demanderesse, qui a aussi pour dirigeant Monsieur [X], dit s’être fait céder la créance de la société COM EN SEINE à l’égard de Madame [J], ce que la défenderesse conteste.
Par exploit du 13 août 2019, et après tentatives les 29 juillet, 8, 12 et 19 août 2019, la société GAMMA a fait assigner madame [C] [J] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Paris, aux fins d’obtenir le remboursement de la créance alléguée. L’instance a été enrôlée sous le n°19-10193.
Par ordonnance en date du 13 février 2020, le juge de la mise en état a procédé à la radiation faute de communication des pièces.
La société GAMMA a sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle du tribunal, par conclusions communiquées par voie électronique le 10 mars 2020. L’instance enrôlée a été rétablie sous le n° RG 20-02803.
Par ordonnance en date du 3 mars 2022, le juge de la mise en état a une nouvelle fois procédé à la radiation, faute de conclusions en réponse de la demanderesse.
Cette dernière, par conclusions communiquées par voie électronique le 9 mars 2022, a précisé ne pas avoir l’intention de répondre aux dernières conclusions de la défenderesse, et sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle du tribunal et la clôture de la mise en état. L’instance enrôlée a été rétablie sous le n° RG 22-04938.
La SAS GAMMA dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 septembre 2021, dans le cadre de la présente instance, demande, au visa des articles 1201, 1217, 2224 et 2240 du code civil, de :
condamner Madame [J] à lui restituer 84.000€ avec intérêts au taux légal, à compter de la décision à intervenir ; la condamner au paiement des sommes de : 20.000 €, au titre de dommages-intérêts, 3.500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Madame [C] [J], dans ses dernières conclusions signifiées de la même manière le 26 novembre 2021, demande au tribunal, au visa des articles 1353, 2224 et 2240 du code civil de :
constater l’absence d’intérêt à agir de la société GAMMA et l’irrecevabilité des demandes ; constater la prescription de l’action en recouvrement et l’irrecevabilité des demandes ; constater l’absence de toute dette personnelle à l’égard de la société demanderesse ; débouter en conséquence la société GAMMA de toutes ses demandes. Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties, pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 août 2022. L’affaire a été renvoyée à l’audience à juge-rapporteur du 6 avril 2023, puis à celle du 30 novembre 2023.
MOTIFS
La SAS GAMMA conteste à titre préliminaire tout projet d’association que Monsieur [X] aurait eu avec le cabinet DAEMPARTNERS et relève l’absence de documents permettant d’étayer les propos de la défenderesse en ce sens.
Elle invoque, au soutien de ses prétentions, que le « contrat de vente d’œuvres d’art » du 11 avril 2011 est signé par Madame [J] en son nom personnel, sans indiquer que son engagement était pris au nom et pour le compte de la société DAEMPARTNERS et la société COM EN SEINE.
Elle reproche à celle-ci, une confusion de son patrimoine personnel et celui de la personne morale à travers laquelle elle exerce sa profession, ce qui aurait pour effet de la rendre solidaire du paiement des sommes dont elle serait redevable, soit 84.000 €.
La société demanderesse soutient qu’après la cession des œuvres d’art opérée en 2015, entre la société GAMA et la société COM EN SEINE, toutes deux gérées par Monsieur [X], la première est devenue créancière de la dette que Madame [J] a contractée en son nom propre en 2011. En effet, le paragraphe 1.2, consacré aux droits de propriété intellectuels relatifs aux œuvres, et transférés avec leur propriété, ne circonscrirait en rien, selon elle, l’étendue des droits transférés par ce contrat au cessionnaire.
La SAS GAMMA considère que le délai de prescription de l’action a été interrompu par un mail de Madame [C] [J] transféré en date du 11 septembre 2014 du service de la comptabilité du cabinet d’avocats à Monsieur [X], qui constituerait une reconnaissance de dette faisant courir un nouveau délai de cinq ans sur le fondement de l’article 2240 du code civil.
La société demanderesse rappelle enfin que le contrat de vente d’œuvres d’art, avec option de restitution, conclu le 11 avril 2011, ne serait qu’une façade contractuelle occultant le contrat de commodat réellement intervenu entre la société COM EN SEINE et Madame [J]. Conformément à l’article 1201 du code civil, le contrat occulte, produit effet entre les parties, ce qui entraîne le nécessaire remboursement du restant de la somme prêtée, soit 84.000 €. La SAS GAMMA produit à cet égard divers échanges entre Monsieur [X] et Madame [J] au soutien de ses prétentions.
Madame [C] [J] oppose en défense, le défaut d’intérêt à agir de la société GAMMA, cette dernière n’ayant aucun lien juridique avec la SELARL DAEMPARTNERS, la société COM EN SEINE ou elle-même. Elle argue de ce que cette dernière et la société GAMMA ont des numéros d’immatriculation RCS distincts, ce qui imposerait d’établir a minima un transfert d’actifs, pour établir un quelconque intérêt à agir de cette dernière.
Elle indique ensuite que le contrat dit de « cession d’œuvres d’art » produit par la société GAMMA n’emporte pas cession de créance, puisque certaines conditions de validité sont requises à peine de nullité, à commencer par la signification de la cession de créance au débiteur cédé, par exploit d’huissier comportant le contenu de cette dernière. Elle fait valoir qu’en l’espèce, la société GAMMA produit un acte de cession d’œuvres d’art entre la société COM EN SEINE et elle-même, daté du 21 janvier 2015 et signé par monsieur [X], auteur de l’acte, alors même que ce dernier, ancien gérant de la société COM EN SEINE, l’avait déjà cédée en 2013 avec les œuvres d’art inscrites à son actif.
Au-delà du problème de date, Madame [J] relève en outre qu’il s’agit exclusivement d’un contrat de cession de droits sur les œuvres d’art qui y sont listées, et non pas d’une cession de droits à agir en recouvrement d’une quelconque créance de la société COM EN SEINE.
Elle invoque ensuite la prescription de l’action, au motif que l’action de la SAS GAMMA aurait pour objet de recouvrer des sommes versées sur les comptes et au profit de la seule SELARL sur les exercices 2010 et 2011. Selon elle, l’ensemble des opérations est couvert par la prescription de 5 années, et aucun acte interruptif d’instance n’a été réalisé depuis près de 10 ans. Elle précise que si le tribunal devait estimer que le mail du 11 septembre 2014 vaut reconnaissance de dette de sa part, celle-ci ne saurait viser qu’une dette de la SELARL, et que Madame [J] s’exprimait au nom et pour le compte de DAEMPARTNERS, et non en son nom personnel.
Madame [C] [J] conteste enfin toute dette personnelle à l’égard de la SAS GAMMA. En l’espèce, elle argue que les versements ont été faits au seul profit de la SELARL, avec laquelle Monsieur [X] nourrissait un projet d’association justifiant des investissements en temps et en argent, et qu’ils ont été remboursés par la SELARL.
* Sur l’irrecevabilité de la demande soulevée devant la formation de jugement
Dans la mesure où l’assignation renvoie à un exploit introductif du 13 août 2019 (tentatives les 29 juillet, 8, 12 et 19 août 2019), il revient bien à la formation de jugement du tribunal de juger de la recevabilité de la demande et de son éventuelle prescription en application de l’article 789 du code de procédure civile alors en vigueur.
Sur le défaut d’intérêt et de qualité à agirMadame [J] souligne que la société GAMMA demanderesse n’a aucun lien juridique avec elle, et dès lors qu’elle ne justifie d’aucun intérêt et d’aucune qualité à agir contre elle, la cession de la créance de la société COM EN SEINE, gérée par Monsieur [X] n’étant nullement établie, alors que la société GAMMA et la société COM EN SEINE sont deux personnes morales distinctes, quand bien même elles auraient le même gérant. Elle ajoute que la cession d’œuvre d’art invoquée conclue entre la société COM EN SEINE et la société GAMMA ne permet nullement d’établir une cession de créance entre la société GAMMA et la défenderesse, alors qu’un contrat de vente n’emporte nullement cession de créance, la cession de créance devant respecter les exigences de l’article 1690 du code, en particulier la signification au débiteur cédé par acté d’huissier, celui-ci étant, en l’occurrence, la défenderesse.
Elle ajoute qu’elle n’a jamais emprunté à titre personnel à la société COM EN SEINE, de sorte qu’elle ne saurait être tenue personnellement à un remboursement envers une société GAMMA qui prétend être cessionnaire de la créance de la société COM EN SEINE sur la société DAEMPARTNERS, aucun prêt à son bénéfice personnel n’étant établi.
La société GAMMA oppose que sa qualité à agir résulte des actes produits à savoir d’un côté, l’acte de vente conclu entre la société COM EN SEINE et Madame [C] [J] signé des parties, daté du 11 avril 2011, et de l’autre, l’acte intitulé cession d’œuvres d’art du 21 janvier 2015, signé de part et d’autre par Monsieur [X] gérant des deux sociétés, conclu entre la société COM EN SEINE d’une part, et la société GAMMA d’autre part, opérant cession de la créance détenue sur Madame [X].
En l’espèce, il est constant que la société COM EN SEINE, et la société GAMMA sont deux personnes juridiques distinctes
Est produit à l’instance un contrat de vente d’œuvre d’art, qui est daté du 11 avril 2011, conclu entre d’une part la société COM EN SEINE et Madame [C] [J], signé du gérant de la société et de Madame [J] qui engage donc personnellement cette dernière, faute de précision contraire.
Est également produit un acte intitulé cession d’œuvres d’art du 21 janvier 2015, signé de part et d’autre par Monsieur [X] gérant des deux sociétés. Il est conclu entre la société COM EN SEINE d’une part, et la société GAMMA d’autre part. La société COM EN SEINE dit y avoir mis à disposition des œuvres à titre précaire au bénéfice de Madame [C] [J] ; et la société GAMMA dit acquérir tous les droits sur lesdites œuvres d’art moyennant un prix de 96.000 €, la société COM EN SEINE déclarant avoir reçu le prix. Si l’acte cède les œuvres d’art, il ne fait nullement état de la cession d’une créance de la société COM EN SEINE sur Madame [J], à hauteur de 84.000 €, au contraire il y est affirmé que les œuvres sont libres de tout droit et servitude (article 4), et ce montant de 84.000 € ne figure nulle part à l’acte.
Au contraire, les parties y reconnaissent au titre de l’article 9 de la convention de cession d’œuvres d’art du 21 janvier 2015 signée et paraphée de part et d’autre par Monsieur [X], gérant des deux sociétés, qu’elle constitue l’intégralité de l’accord conclu entre elles.
Le paragraphe 1.2 de l’acte invoqué par la société demanderesse est consacré aux droits de propriété intellectuels relatifs aux œuvres et transférés avec leur propriété, en tant qu’accessoires des œuvres, et s’il ne circonscrit en rien, l’étendue des droits transférés par ce contrat à ces derniers, il ne traduit pas une cession de créance, contrairement à ce que croit pouvoir prétendre la société demanderesse, une créance de somme d’argent ne renvoyant nullement à des droits de propriété intellectuels.
Au demeurant, comme le relève la défenderesse, et comme le rappelle désormais l’article 1321 du code civil qui ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure, à supposer qu’il y ait eu cession de créance, elle nécessiterait, pour être opposable à Madame [J] qui est tiers à l’acte de cession d’œuvre d’art du 21 janvier 2015, et qui est le débiteur cédé de la dette alléguée, de respecter les formalités de l’article 1690 du même code, alors applicable, ce qui n’est nullement établi ici. De sorte qu’à supposer qu’il y ait eu cession de créance elle ne lui serait pas opposable dans le cadre de la présente instance.
Et la société demanderesse qui invoque que le contrat de vente d’œuvres d’art, avec option de restitution, conclu le 11 avril 2011, n’est qu’une façade contractuelle occultant le contrat de commodat réellement intervenu entre la société COM EN SEINE et Madame [J], et qui se prévaut de ce que conformément à l’article 1201 du code civil, le contrat occulte produit effet entre les parties, ce qui entraîne le nécessaire remboursement du restant de la somme prêtée, soit 84.000 €, n’est pas en mesure d’établir l’existence de ce contrat occulte de prêt de la société COM EN SEINE envers Madame [J] ou envers la société DAEMPARTENERS qui compte tenu de son montant doit être établi par écrit, en application de l’article 1341 code civil applicable à la cause devenu article 1359 du code civil, ce que la SAS GAMMA ne parvient pas à faire au moyen des éléments produits qui ne sont ni des preuves littérales ni des commencements de preuve par écrit. Or, Madame [J] prétend, quant à elle, que les sommes prêtées l’ont toujours été à la société DAEMPARTNERS.
Aucune reconnaissance de dette respectant les exigences de l’article 1326 du code civil de Madame [J] envers elle n’est établie par la société GAMMA.
Le mail émanant du service de comptabilité du 11 septembre 2014, dont les termes ont été rappelés, et dont les termes sont pour le moins évasifs quant à la nature de la dette et quant au débiteur des sommes en cause ne saurait valoir reconnaissance de dette de Madame [J]. Ainsi comme l’admet la demanderesse elle-même au terme de ses écritures, il s’agit d’un mail transféré du service de la comptabilité de la société et qui n’émane pas de Madame [J] elle-même qui s’exprimerait directement et personnellement. Le service de la comptabilité étant a priori celui de la société.
Il en résulte que la demanderesse échoue à démontrer qu’il existe entre elle et la défenderesse un lien juridique et une qualité juridique qui justifie qu’elle sollicite le remboursement des sommes en question, au titre de la présente instance, et dont elle prétend sans l’établir qu’ils traduiraient une confusion des patrimoines entre la société DEAMPARTNERS et Madame [J] dont la créance de remboursement lui aurait été cédée, au titre d’une cession d’œuvre d’art. Si elle invoque sans l’établir une confusion entre les dettes de Madame [J] et celles de la société DAEMPARNTERS, la demanderesse ne dirige ses demandes que contre la défenderesse et non contre la société dans le cadre de la présente instance. Et dans aucun des autres mails il n’est apporté de précision sur le débiteur des sommes en cause. Le prêt envers la société n’est pas davantage établi dans les termes de l’article 1341 précité.
Il en résulte que la demanderesse est irrecevable à agir contre la défenderesse, faute d’établir le lien qui les unit et qui fonderait la demande de remboursement desdites sommes. Ses demandes seront donc rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de la prescription ni mêmes les moyens au fond articulés à l’appui de cette demande.
Sur les demandes accessoiresLa société GAMMA, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Elle sera également condamnée à verser à la défenderesse la somme de 2.000 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu d’assortir le prononcé de la présente décision du bénéfice de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
DECLARE IRRECEVABLE la demande de la société GAMMA contre Madame [C] [J] au titre de l’assignation du 13 août 2019 ;
CONDAMNE la société GAMMA au paiement d’une somme de 2.000 € à Madame [C] [J] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société GAMMA aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 18 Janvier 2024.
Le GreffierLe Président
Catherine BOURGEOISAntoine de MAUPEOU