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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 19 OCTOBRE 2023 à
la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
XA
ARRÊT du : 19 OCTOBRE 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/02112 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GNGM
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 10 Juin 2021 – Section : COMMERCE
APPELANTE :
Madame [H] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS
ET
INTIMÉE :
S.A.S. CHATEAU DU BREUIL, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
Ordonnance de clôture : 25 mai 2023
Audience publique du 20 Juin 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 19 Octobre 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de M Jean-Christophe ESTIOT, Greffier lors du prononcé, a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [H] [M] a été engagée par la société Château du Breuil (SAS) qui exploite un hôtel, selon contrat à durée indéterminée à compter du 14 mai 2009, en qualité de réceptionniste.
La société Château du Breuil a été rachetée par un investisseur, la société des Sources de Caudalie, en mars 2018.
L’hôtel a été fermé à compter de l’automne 2018 pour des travaux de restauration.
Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2018, convoqué Mme [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 18 décembre 2018 et après lui avoir remis les documents afférents à un contrat de sécurisation professionnelle, la société Château du Breuil lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2018 un courrier l’avisant de son licenciement pour motif économique, et des modalités de la rupture de son contrat de travail dans l’hypothèse où elle acceptait ce contrat.
Mme [M] ayant adhéré le 3 janvier 2019 au contrat de sécurisation professionnelle, la rupture du contrat de travail a pris effet au 8 janvier 2019.
Par requête enregistrée au greffe le 14 juin 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois pour contester le caractère économique de son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités. Elle sollicitait par ailleurs le versement d’un rappel de salaire sur des heures supplémentaires impayées et une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Blois a :
– Débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,
– Condamné Mme [M] à payer à la société Château du Breuil la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Laissé à chaque partie la charge de leurs dépens.
Mme [M] a relevé appel du jugement, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 8 juillet 2021, par déclaration formée par voie électronique le 22 juillet 2021 au greffe de la cour d’appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 22 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles Mme [M] demande à la cour de :
– Infirmer purement et simplement la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Blois le 10 juin 2021 en ce qu’il a débouté intégralement Mme [M] de ses demandes ;
Statuant de nouveau :
– Voir dire et juger que la rupture du contrat de travail de Mme [M] s’analyse en un licenciement dépourvu de cause économique réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– Condamner la société Château du Breuil à régler à Mme [M], les sommes suivantes :
– Dommages intérêts 30.000,00 euros
– Indemnités compensatrices de préavis 5.000,00 euros
– Indemnités de congés payés afférents 500,00 euros
– Paiement heures supplémentaires 3.037,50 euros
– Congés payés sur heures supplémentaires 303,75 euros
– Dommages intérêts pour travail dissimulé 15.000,00 euros
– Article 700 du CPC 3.000,00 euros
– Condamner la société Château du Breuil aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Château du Breuil demande à la cour de :
– Déclarer Mme [M] recevable mais mal fondée en son appel
En conséquence
– L’en débouter et confirmer la décision entreprise en l’ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
– Condamner Mme [M] à payer à la société Château du Breuil une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamner enfin Mme [M] aux dépens, en ce compris les frais et honoraires éventuels de l’exécution.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la demande de paiement d’heures supplémentaires
L’article L. 3171-4 du code du travail indique que “en cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estimait utiles”.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande de rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires impayées, Mme [M] soutient que compte tenu de l’activité irrégulière de l’établissement pendant l’année, il était ” d’usage ” de récupérer, pendant la basse saison (soit en mars et de septembre à décembre), les heures supplémentaires accomplies pendant la haute saison (soit d’avril à août).
L’employeur confirme l’exactitude de ce mode de fonctionnement.
La société Château du Breuil invoque à cet égard un ” accord d’entreprise ” sur la modulation du temps de travail qui n’est pas produit aux débats.
Cependant, les dispositions de l’article 22 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants prévoient effectivement la possibilité d’instaurer une modulation du temps de travail par cycles de 12 semaines au maximum, ce que prévoyait par ailleurs, en l’espèce, le contrat de travail, qui fait référence à cet accord collectif.
Le contrat de travail stipule, en application de ce texte, que ” lorsque la durée du temps de travail constatée à l’expiration de la période d’annualisation excède en moyenne, sur l’ensemble de cette même période, 39 heures par semaine travaillée, les heures effectuées au-delà ouvrent droit à une majoration de salaire ou à un repos compensateur de remplacement “.
Mme [M] affirme que la récupération des heures supplémentaires accomplies pendant la haute saison de l’année 2018 n’a pas été possible en 2018 compte tenu de la fermeture effective de l’établissement le 2 novembre 2018. Elle indique avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires pendant la haute saison 2018. Elle affirme avoir effectué 180 heures supplémentaires qui n’ont pas pu être récupérées.
Mme [M] produit les décomptes journaliers et hebdomadaires des heures supplémentaires qu’elle a accomplies, auquel se réfère également l’employeur. Il en résulte que Mme [M] a accompli régulièrement des heures supplémentaires, certaines semaines de mars à juin 2018, et en septembre 2018, et presque toutes les semaines de juillet et août 2018. Un tableau affiché par l’employeur fait état de l’existence en juillet 2018 d’un crédit d’heures supplémentaires de 140,25 h fin juillet 2018. Elle réclame au total un crédit de 180 heures supplémentaires arrêté en novembre 2018.
Ces éléments sur les horaires de travail que la salariée prétend avoir accomplis sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Château du Breuil réplique que Mme [M] aurait été ” remplie de ses droits ” en expliquant en premier lieu qu’elle était rémunérée mensuellement sur la base d’une moyenne de 39 heures hebdomadaires, dont 4 heures supplémentaires, ce qui est établi par les bulletins de salaire.
En second lieu l’employeur affirme que les heures accomplies au-delà de 39 heures ont été compensées sur les périodes basses.
En effet, un tableau, d’ailleurs versé aux débats par les deux parties, fait état de la récupération de 15 jours de travail, soit 105 heures, en novembre 2018, alors qu’il est constant que l’établissement était fermé.
Par ailleurs, il est constant que Mme [M] n’a pas travaillé en décembre, le bulletin de salaire mentionnant qu’elle était en récupération, de sorte que son solde de congés payés de 30 jours au 31 décembre 2018 apparaît intact.
A l’examen des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour a ainsi la conviction que si Mme [M] a accompli des heures supplémentaires, elles ont donné lieu dans leur totalité à un repos compensateur de remplacement.
C’est pourquoi la demande de rappel de salaire formée par Mme [M] au titre d’heures supplémentaires impayées sera rejetée.
Elle sera corrélativement déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.
– Sur le caractère économique du licenciement
L’article L.1233-3 du code du travail prévoit que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.
Ce même texte prévoit qu’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
Si la cessation d’activité de l’entreprise peut constituer en soi un motif économique, sauf faute avérée ou légèreté blâmable de l’employeur, il en va différemment d’une cessation seulement temporaire d’activité, résultant notamment de la fermeture d’un hôtel pour travaux avant sa réouverture (Soc., 22 mars 2005, pourvoi n° 02-46.226).
Il n’en demeure pas moins que le licenciement d’un salarié dans ce contexte peut se justifier s’il est démontré que la fermeture temporaire de l’établissement est justifiée par un des autres motifs énumérés par l’article L.1233-3 du code du travail, et notamment par une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Enfin, la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise, ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.
En l’espèce, la lettre de licenciement fait état des difficultés économiques du Château du Breuil et de la nécessité de procéder à sa réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité, qui devait engendrer la réalisation de travaux importants et la ” suppression des postes existants, faute de pouvoir assurer le maintien de leurs missions pendant cette phase de réorganisation indispensable”.
Mme [M] en conclut que son licenciement est motivé par la seule volonté d’accroître sa rentabilité et ses profits, évoquant une ” opération marketing ” et un ” choix commercial “, entrepris par le couple propriétaire d’un ” empire ” pour transformer l’établissement en hôtel 5 étoiles. Elle soutient que les difficultés économiques de la société Château du Breuil n’étaient pas avérées, contestant toute ” période de décroissance ” depuis 2012, le taux d’occupation des chambres et le prix moyen par chambre ayant au contraire augmenté en 2017 par rapport à 2018, de même que le chiffre d’affaires. Par contre, le nouvel acquéreur ayant décidé d’augmenter le prix des chambres en 2018, la fréquentation et le chiffre d’affaires ont corrélativement diminué. Les services de restauration ont été également affectés d’une diminution du chiffre d’affaires. Aussi ce sont les décisions prises par l’employeur qui ont contribué à cette situation, qualifiée de fictive. Le chiffre d’affaires n’avait en effet aucune raison de diminuer. Selon Mme [M], la diminution du chiffre d’affaires n’est pas justifiée sur les mois précédent son licenciement. Elle conteste par ailleurs toute insatisfaction de la clientèle. Enfin, la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient la société Château du Breuil, en procédant à une fermeture temporaire, n’est, selon Mme [M], pas établie, aucune menace n’étant à cet égard existante, évoquant la possibilité qu’aurait pu choisir l’employeur de recourir à l’activité partielle, son poste n’ayant pas été supprimé. Enfin, Mme [M] dénonce l’insistance avec laquelle la société Château du Breuil a cherché à la contraindre à signer une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
La société Château du Breuil réplique que le licenciement en raison d’une réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise n’implique pas que la survie de cette dernière soit en jeu, invoquant la décroissance marquée de son activité et de ses résultats depuis plusieurs années et ses difficultés de positionnement sur un marché concurrentiel, révélées par les enquêtes de satisfaction, les projections de l’activité ” sans travaux accomplis “, les nécessités de revoir les questions de sécurité. L’employeur conteste en outre que le poste de Mme [M] n’ait pas été supprimé.
La cour relève que pour toute justification du licenciement auquel elle a procédé, et des nécessités de réorganisation nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise, la société Château du Breuil se contente de produire :
– une enquête de satisfaction clients, sur laquelle les réponses des clients ne sont pas mentionnées, ce qui la rend inexploitable
– six appréciations négatives de clients mécontents des prestations de l’hôtel entre mars 2017 et août 2018 sur un site dédié
– une déclaration d’ouverture de chantier du 28 octobre 2018 et les justificatifs du seul chantier de désamiantage et de déplombage de l’hôtel, pour un montant total de 25 922 euros HT
– les comptes annuels au 31 août 2019 qui traduit un effondrement du chiffre d’affaires, et un résultat largement déficitaire
– des projections d’évolution du chiffre d’affaires ” sans travaux ” sur les années 2018 à 2021 établies dans des conditions sur lesquelles la cour n’est pas renseignée
– un tableau reprenant le chiffre d’affaires entre 2012 et 2017, qui traduit une stagnation entre 2013 et 2017 plutôt qu’une baisse
– des documents traitant de situation de l’industrie hôtelière française ou régionale en général.
L’ensemble de ces éléments ne répondent pas aux critères de baisse trimestrielle du chiffre d’affaires énoncés par l’article L.1233-3 du code du travail ou de tout autre critère. Même sur la période annuelle précédent le licenciement, à savoir sur l’exercice 2017/2018, il n’est pas justifié des difficultés économiques réelles de la société Château du Breuil lorsque le licenciement de Mme [M] a été prononcé. En effet l’affaissement du chiffre d’affaires en 2018/2019 et le résultat déficitaire de l’exercice clos en août 2019 peut s’expliquer par la fermeture de l’hôtel en octobre 2018, sans qu’il soit justifié néanmoins de difficultés antérieures.
Par ailleurs, s’il n’est pas contesté qu’il a bien été procédé à une restauration complète de l’établissement, qui a engendré sa fermeture prolongée, il n’est pas établi que cette restauration, et donc le licenciement de Mme [M], étaient nécessités par des difficultés de ” positionnement” de l’établissement, quelques plaintes de clients isolées ne pouvant y suffire.
Aucun ” audit “, auquel le conseil de prud’hommes fait référence, établi par un cabinet indépendant, n’est produit aux débats, une simple projection d’évolution du chiffre d’affaires manifestement établie par l’employeur lui-même ne pouvant s’y substituer.
Il apparaît en réalité que la société des Sources de Caudalie a fait l’acquisition de la société Château du Breuil dans le but certes légitime de développer spécifiquement son activité dans un nouveau lieu, dédié à une clientèle différente et d’un niveau d’exigence supérieur, pour un prix de nuitée nécessairement plus onéreux.
Dans le courrier de licenciement, sont mentionnés, outre des travaux de sécurisation, des travaux d’agrandissement et la création d’un spa.
Il n’est cependant pas démontré que la réorganisation opérée en conséquence ait été nécessitée par les difficultés inhérentes à l’activité antérieure de l’établissement, ni que cette réorganisation ait été indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, la menace n’étant pas avérée.
A titre superfétatoire, l’employeur est taisant sur la question des éventuelles difficultés rencontrées par le groupe auquel appartient la société Château du Breuil, dans le secteur d’activité de l’hôtellerie.
Enfin, le registre d’entrée et de sortie du personnel établi au 28 février 2021 fait état de nombreuses embauches à compter de l’été 2020, et notamment de postes à la réception, de sorte qu’il n’apparaît pas que le poste de Mme [M] ait été supprimé.
C’est pourquoi le licenciement de Mme [M] est, compte tenu de ces éléments, dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point.
– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
– sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents
L’article L.1234-5 du code du travail prévoit que l’indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Elle tient compte des heures supplémentaires habituellement accomplies.
En l’absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre à la salariée en vertu dudit contrat (Soc, 30 novembre 2017 pourvoi n° 16-24.227).
C’est pourquoi la demande que Mme [M] a formé à ce titre sera accueillie, à hauteur de la somme de 5000 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 500 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents.
– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions des articles L. 1235-3 du code du travail sont applicables à l’espèce.
Mme [M] conteste la conformité de ce texte à l’article 24 de la charte sociale européenne et aux dispositions de l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail.
Cependant l’article L.1235-3 du code du travail, dont les effets sont modérés par l’article L.1235-3-1, lesquels octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490).
En l’espèce, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 9 mois de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Château du Breuil à payer à Mme [M] la somme de 8000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur l’article L.1235-4 du code du travail
En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par la société Château du Breuil à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [M] à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Château du Breuil à payer à Mme [M] la somme de 2500 euros au même titre.
La société Château du Breuil sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la société Château du Breuil.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 10 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Blois, sauf en ce qu’il a débouté Mme [H] [M] de sa demande de rappel de salaire sur des heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [H] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Château du Breuil à payer à Mme [H] [M] la somme de 5000 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 500 euros de congés payés afférents ;
Condamne la société Château du Breuil à payer à Mme [H] [M] la somme de 8000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Château du Breuil à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [H] [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage ;
Condamne la société Château du Breuil à Mme [H] [M] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande au même titre.
Condamne la société Château du Breuil aux dépens de première instance et l’appel.
Et le présent arrêt a été signé par la présidente de chambre et par le greffier.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET