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ARRÊT DU
14 Avril 2023
N° 619/23
N° RG 21/01557 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4XD
PS/AA
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lille
en date du
10 Septembre 2021
(RG 19/01503 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 14 Avril 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [K] [P]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Yamin AMARA, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
S.A.S. THE NEW KASE en liquidation judiciaire
S.C.P. BTSG, es qualité de liquidateur de la société THE NEW KASE
Intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
n’ayant pas constitué avocat – assigné en intervention forcée le 23 juin 2022 à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Cindy LEPERRE
DÉBATS : à l’audience publique du 28 Février 2023
ARRÊT : Réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 7/02/2023
FAITS ET PROCEDURE
le 11 mars 2002 Mme [P] a été engagée par une société commercialisant des services de téléphonie sous l’enseigne The Phone House, aux droits de laquelle se trouve la société The New Case. Par jugement du 1er août 2014 celle-ci a été placée en redressement judiciaire avant de faire l’objet le 25 juin 2015 d’un plan de continuation comportant des cessions de magasins et près de 200 licenciements autorisés par le juge-commissaire. Dans ce cadre, l’employeur a conclu avec les organisations syndicales un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) impliquant le licenciement de 4 des 5 responsables de magasins du [Localité 5]. En juin 2015 Mme [P], responsable de magasin, a été informée de la suppression de son poste en application des critères d’ordre prévus au PSE. Elle a par la suite adhéré au contrat de sécurisation professionnelle proposé par son employeur.
Par jugement ci-dessus référencé, les premiers juges, saisis par la salariée de demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement violation des critères d’ordre, l’ont déboutée de ses demandes et ont alloué à l’employeur une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.Le 19 avril 2022 le tribunal de commerce a résolu le plan de redressement et prononcé sa judiciaire.
Vu l’appel formé par Mme [P] contre le jugement susvisé et ses conclusions du 14/10/2022 tendant à la condamnation de la société The new case comme suit :
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 40 000 euros
subsidiairement dommages-intérêts pour violation des critères d’ordre : 40 000 euros
frais non compris dans les dépens: 5000 euros
Vu les conclusions du 24/6/2022 par lesquelles la société The new case, représentée par son liquidateur la SCP BTSG intervenant volontairement à l’instance, demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Vu l’absence de l’AGS dûment assignée en intervention forcée suite à la liquidation judiciaire
MOTIFS
la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [P] fait valoir que:
-l’employeur n’a pas recherché à la reclasser au sein du groupe dont il faisait partie
-alors que le plan de sauvegarde de l’emploi lui faisait obligation de la reclasser sur des postes de même catégorie il ne lui a proposé que des postes de conseiller de vente
-l’accord national interprofessionnel de 1969 l’obligeait à saisir les organisations professionnelles patronales pour se substituer à la commission paritaire de l’emploi non constituée
-ne l’ayant pas fait ou trop tardivement il n’a pas respecté ses obligations.
La société The new case rétorque que:
-le groupe de reclassement comporte uniquement la concluante et la société The Kase
-la salariée, invitée à faire savoir si elle acceptait un reclassement à l’étranger, n’a pas répondu par l’affirmative de sorte que les recherches de reclassement ont été cantonnées au territoire français
-elle a étendu les recherches au réseau de franchisés alors qu’elle n’y était pas tenue
-alors que sa saisine est facultative elle a informé la commission paritaire nationale de l’emploi par lettre recommandée du 15/5/2015
-elle a adressé à la salariée, individuellement et à plusieurs reprises au cours du processus, des propositions de reclassement loyales, y compris en qualité de directeur de magasin mais elle n’y a pas donné suite.
Sur ce,
les moyens invoqués par la salariée au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs abondants et pertinents que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
Il sera ajouté qu’ aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique est tenu de proposer au salarié concerné les postes disponibles de même catégorie ou de catégorie équivalente dans l’entreprise ou dans les autres entreprises du groupe. L’employeur est également tenu de proposer des postes de catégorie et rémunération inférieure s’ils sont disponibles.
Présentement, le groupe de reclassement s’étendait uniquement à la société The Kase et il n’est pas justifié d’élément autorisant son extension à d’autres entités. Par lettre du 30 avril 2015 Mme [P] n’a pas donné suite à la proposition de postes éventuellement situés à l’étranger formulée par s a direction et elle était donc, conformément à l’article L 1233-4-1 du code du travail en sa rédaction alors applicable, considérée comme souhaitant limiter les recherches au territoire français. Il ressort des justificatifs que le 15 mai 2015 l’employeur a saisi la commission paritaire nationale de l’emploi comme il y était tenu en exécution du PSE. La réalité de sa démarche est établie sans qu’il puisse lui être fait grief de ne pas produire l’avis postal. Par ailleurs, il a adressé à la salariée, individuellement et de manière personnalisée, des propositions de reclassement précises visant à permettre son reclassement en tant que directeur de magasin (8 postes proposés au total), avec maintien des conditions contractuelles; des postes de vendeuse lui ont également été proposés mais elle a refusé tout reclassement. Ces propositions n’ont pas été groupées mais échelonnées entre le 18 mai et 10 juin 2015 au fur et à mesure qu’étaient identifiés des postes disponibles dans le groupe. L’employeur a également étendu ses recherches auprès de franchisés alors qu’il n’y était pas strictement tenu. Il s’en déduit que l’employeur a loyalement recherché un reclassement. La demande sera donc rejetée.
La demande de dommages-intérêts pour méconnaissance des critères d’ordre
Mme [P] soutient que:
-le sous-critère d’évaluation professionnelle était faussé car portant sur une période d’absence pour maternité
-l’employeur aurait dû prendre en compte ses capacités antérieures au congé maternité afin d’objectiver ses performances
-ne l’ayant pas fait, il l’a discriminée et a mis déloyalement en ‘uvre les critères.
La société The new case indique que :
-les règles de pondération des critères ont été négociées et validées par les partenaires sociaux dans le cadre du PSE
-l’application scrupuleuse des critères négociés a justifié le congédiement de Mme [P], dont deux collègues avaient une note supérieure à la sienne.
Sur ce,
en application de l’article L 1233-5 du code du travail lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements. L’employeur peut privilégier l’un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères. Il est par ailleurs de règle que sauf erreur manifeste ou manquement de l’employeur à son obligation de loyauté lors des opérations le juge ne peut substituer son appréciation à la sienne.
En l’espèce, l’accord conclu avec les représentants du personnel dans le cadre du PSE prévoyait la mise en ‘uvre de critères dont il revient à l’employeur de démontrer la correcte application. Ne figurent ci-après que les dispositions pertinentes du PSE en matière d’évaluation professionnelle, la bonne application des autres critères n’étant pas contestée :
« Qualités professionnelles
La société The New Kase a, dès sa création, mis en place un système d’information et des outils permettant de suivre pour chacun de ses salariés et dans chacun de ses magasins l’ensemble des paramètres liés à la fréquentation ainsi que tous les éléments liés à la vente.Chaque salarié dispose de son propre compte avec mot de passe afin de se connecter au système et réaliser ses ventes quotidiennes, Cette identification est nécessaire et indispensable afin de pouvoir établir une facture et donc effectuer une vente en magasin.
Par ce biais et en fonction de la classification de chaque magasin qu’il soit en centre commercial ou en centre ville la société The new case peut en temps réel, suivre l’évolution… ces indicateurs servent également de base au calcul du variable des salariés. Ces indicateurs objectifs ont donc été retenus comme référence pour le critère lié au qualités professionnelles avec la pondération suivante:
Panier moyen
Performance dans le top 30 de la société 5 points
Performance supérieure à la moyenne nationale 3 points
Performance inférieure à la moyenne nationale 1 point
Performancve dans le bottom 30 de la société 0 point
Indice de vente·
Performance dons le top 30 de la société 5 points
Performance supérieure à la moyenne nationale 3 points
Performance Inférieure à la moyenne 1 point
Performance dans le bottom 30 de ta société 0 point
La période de référence retenue pour le calcul des indicateurs ci-dessus couvre une période de 8 mois allant des mois de juillet 2014 à Janvier 2015. Un critère de correction sera appliqué, pour corriger les effets des variations saisonnières et prendre en compte la périodicité travaillée par le salarié. S’agissant des responsables de magasin, l’application de ce critère donnera lieu à une pondération particulière, dans la mesure où ces salariés accomplissent des tâches non liées à la vente, à hauteur de 40% de leur temps de travail. Ce dernier critère «qualités professionnelles » sera ainsi appliqué comme suit: application des Indicateurs objectifs susvisés (panier moyen) et «Indice de vente». Le nombre de points obtenus comptera pour 60% du critère; application d’un indicateur «qualité professionnelle attachée aux tâches non liées à la vente», avec la pondération suivante : supérieure aux attentes 4 points, conforme aux attentes 2 points en dessous des attentes 0 point ;le nombre de points obtenus comptera pour 40% du critère. A noter qu’en l’absence d’outil à date permettant d’appliquer cet indicateur de manière objectivée, l’ ensemble des responsables de magasin se verra attribuer 2 points… »
Il appert qu’au titre de son évaluation professionnelle Mme [P] a obtenu 0,8 point contre 2 pour Mme [Y] et 4 pour Mme [T]. Elle a en outre obtenu les 2 points attribués à tous les responsables de magasin conformément au PSE, ce qui a compté pour 40 % dans sa note mais au titre des critères quantitatifs (panier moyen et indice de vente) elle n’a pas obtenu de point à la différence de Mme [Y] (1) et de Mme [T] (3). La société The new case ne produit aucun élément permettant d’objectiver la sous-cotation de l’activité de Mme [P] dans ce sous-critère ; elle ne communique en particulier pas de donnée sur les performances de la salariée et des collègues auxquels elle a été comparée. Sans être utilement contredite la salariée indique que sa notation à 0 n’a eu d’autre raison que son absence de tout travail durant la période de référence en raison de son congé maternité. La période de référence appliquée pour la pesée des critères englobe la période d’absence de l’appelante ce qui a eu pour effet d’empêcher tout examen de ses performances. Il n’est ni établi ni même allégué que son niveau d’activité avant son congé maternité pouvait justifier, par analogie, l’attribution d’aucun point dans ce sous critère.
Il s’ensuit que la concernant les critères d’ordre n’ont pas été appliqués loyalement et qu’elle a perdu une chance non négligeable de conserver son emploi.
Vu son âge (48 ans), son ancienneté, son salaire de référence (2444 euros mensuels) et les éléments produits sur sa situation postérieure à la rupture, il lui sera alloué 10 000 euros de dommages-intérêts.
Les frais de procédure
vu la situation de la société intimée il serait inéquitable de la condamner au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la salariée à ce titre.
L’AGS CGEA devra garantie conformément à la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant
Fixe à 10 000 euros de intérêts pour méconnaissance des critères d’ordre la créance de Mme [P] dans la liquidation judiciaire de la société The new case
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes
DECLARE le présent arrêt opposable à l’AGS
MET les dépens d’appel et de première instance à la charge de la société The new case représentée par son liquidateur.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS