Contrat de Saisonnier : 9 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11618

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Contrat de Saisonnier : 9 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11618
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 09 JUIN 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11618 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAF5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/09757

APPELANTS

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

Syndicat CNT-SO SYNDICAT DU NETTOYAGE ET DES ACTIVITES ANNE XES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMEE

SARL CONFIANCE SERVICES & NETTOYAGE Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

A compter du 19 octobre 2016, M. [W] [K] a été engagé dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs par la société Confiance Services et Nettoyage (ci-après désignée la société CSN) en qualité d’agent de service.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des entreprises de propreté.

La société CSN employait au moins 11 salariés.

Par courrier du 9 février 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 20 février 2018 en vue d’un éventuel licenciement et a été mis à pied à titre conservatoire.

Le 26 février 2018, la société CSN a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave.

Contestant notamment le bien-fondé de son licenciement, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 21 décembre 2018 aux fins d’obtenir la condamnation de la société CSN au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 23 juillet 2019, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société CSN à payer à M. [K] les sommes suivantes :

– 66,59 euros à titre de rappel de salaire sur la différence AS1 à AS3,

– 6,66 euros à titre de congés payés afférents,

– 100 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [K] du surplus de ses demandes, ainsi que le syndicat CNT-SO de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société CSN de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société CSN aux dépens.

Le 25 novembre 2019, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 10 février 2020, M. [K] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CSN à lui régler les sommes suivantes :

– 66,59 euros à titre de rappel de salaire sur la différence AS1 à AS3,

– 6, 65 euros à titre de congés payés afférents,

– 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement déféré pour le surplus,

Par suite, statuant à nouveau,

Requalifier les contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée,

Condamner la société CSN à lui régler les sommes suivantes :

– indemnité de requalification : 733,68 euros,

– rappel de salaire suite à requalification : 3521,66 euros,

– congés payés afférents : 352,16 euros,

– rappels de salaire du 12 février au 6 mars 2018 : 406,41 euros,

– congés payés afférents : 40,64 euros,

– indemnité compensatrice de préavis : 733,68 euros,

– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 73,36 euros,

– indemnité de licenciement : 244,56 euros,

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 1467,36 euros,

– dommages-intérêts pour défaut de convocation à la visite médicale d’embauche : 2000 euros,

– dommages-intérêts pour défaut de paiement des temps de déplacement : 2000 euros,

– indemnité pour travail dissimulé : 4402,08 euros,

– dommages-intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire : 3000 euros,

A titre principal, et sous réserve de l’admission de l’appelant au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

Condamner la société CSN à verser à Maître Thomas Formond la somme de 2000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sous réserve que Maître Formond renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle,

A titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande d’aide juridictionnelle,

Condamner la société CSN à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l’intérêt au taux légal à compter de la saisine,

Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 10 février 2020, le syndicat CNT-SO demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée aux intérêts de la profession,

Par suite, statuant à nouveau,

Le dire et le juger recevable et bien fondé,

Condamner la société CSN à lui régler les sommes suivantes :

– dommages-intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession : 5000 euros,

– article 700 du code de procédure civile : 2000 euros,

Ordonner l’intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

Condamner également aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 4 mai 2020, la société CSN demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [K] les sommes suivantes:

– 66,59 euros à titre de rappel de salaire sur la différence AS1 à AS3,

– 6,66 euros à titre de congés payés afférents,

– 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et des demandes suivantes :

– 733,68 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 3.521,66 euros à titre de rappel de salaire suite à requalification,

– 352,16 euros au titre des congés payés afférents,

– 406,41 euros à titre de rappel de salaire du 12 février au 6 mars 2018,

– 40,64 euros au titre des congés payés afférents,

– 733,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 73,36 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 244,56 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1.467,36 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de convocation à la visite médicale d’embauche,

– 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de paiement des temps de déplacement,

– 4.402,08 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour pratique illicite de l’abattement forfaitaire,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le syndicat CNT-SO des demandes suivantes:

– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouter M. [K] et le syndicat CNT-SO de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamner M. [K] et le syndicat CNT-SO à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et d’appel,

Condamner M. [K] et le syndicat CNT-SO aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 23 mars 2022.

MOTIFS :

Sur la pratique de l’abattement forfaitaire

M. [K] soutient que l’abattement forfaitaire de 8 à 10% pratiqué par la société CSN à son égard est illégal, que la société n’a pas justifié avoir versé l’une ou l’autre des indemnités liées à une mobilité professionnelle telles que mentionnées dans l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales, alors que seul le versement effectif des frais déductibles énumérés dans l’arrêté susvisé est susceptible de légitimer la pratique de l’abattement forfaitaire. Il fait valoir qu’en fonction de ses contrats à durée déterminée, il pouvait être affecté soit sur plusieurs chantiers soit sur un site unique. Il expose ainsi qu’au titre des contrats à durée déterminée conclus au titre des périodes du 19 octobre 2016 au 20 janvier 2017 et du 1er au 28 février 2017, il a été affecté sur un site unique (site Mikros) de sorte qu’il n’a pu prétendre au versement d’aucune des indemnités qui sont liées à une mobilité professionnelle. S’agissant de la circulaire du 8 novembre 2012, il conteste la possibilité aux ministres de réécrire la loi en dehors du parlement et il soutient que la déduction forfaitaire sur l’assiette des cotisations sociales lui a également causé un préjudice économique en ce qu’elle a eu pour effet de réduire ses droits sociaux. Il sollicite ainsi la somme de 3.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Le syndicat soutient que le comportement fautif de la société CSN a causé un préjudice à l’ensemble des ouvriers du nettoyage, que l’abattement est appliqué de manière illégale en ce que la société n’a aucunement justifié avoir versé l’une ou l’autre des indemnités liées à une mobilité professionnelle, telles que mentionnées dans l’arrêté du 20 décembre 2002 alors que seul le versement effectif des frais déductibles énumérés dans l’arrêté susvisé est susceptible de légitimer la pratique de l’abattement forfaitaire. Il fait valoir qu’en fonction des contrats de travail à durée déterminée, M. [K] a parfois été affecté à un site unique, parfois sur plusieurs chantiers et que lorsqu’il a été affecté sur un site unique, il n’a pu prétendre au versement d’aucune de ces indemnités liées à une mobilité professionnelle. De même que M. [K], il conteste la valeur de la circulaire du 8 novembre 2012 qui n’a pas force de loi et ne s’impose aucunement au juge judiciaire. Enfin, il affirme que cette pratique illicite a causé nécessairement un préjudice direct aux intérêts de la profession en ce qu’elle a pour effet de réduire drastiquement à la fois la rémunération et les droits sociaux des ouvriers du nettoyage et en ce qu’il s’agit d’une pratique généralisée dans le secteur de la propreté. Le syndicat sollicite ainsi la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à la profession.

L’employeur soutient que la pratique de l’abattement forfaitaire est possible dans la mesure où, d’une part, les différents contrats conclus avec M. [K] le prévoient et, d’autre part, l’arrêté du 20 décembre 2002 tel qu’interprété par la doctrine fiscale et les circulaires ministérielles assimile les ouvriers du nettoyage aux ouvriers du bâtiments. Il précise que l’abattement forfaitaire est seulement conditionné au fait que l’ouvrier du nettoyage travaille sur plusieurs sites et expose que le salarié reconnaît expressément dans ses conclusions avoir été affecté sur plusieurs chantiers. Il relève l’absence de démonstration par le salarié de son préjudice. Il conclut ainsi au débouté des demandes de M. [K] et du syndicat.

Il est constant que l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 n’ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais qu’aux professions prévues à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, lequel ne vise pas nommément les ouvriers de nettoyage de locaux, qu’aux ouvriers assimilés par la doctrine fiscale aux ouvriers du bâtiment expressément visés par le texte, à la condition que, comme ces derniers, ils travaillent sur plusieurs chantiers.

La société CSN ne démontre pas que M. [K] intervenait sur plusieurs site, se bornant à renvoyer aux conclusions du salarié dans lesquelles celui-ci reconnaissait qu’il pouvait être affecté sur plusieurs chantiers dans le cadre de certains contrats de travail à durée déterminée. Toutefois, il ressort également de ses écritures qu’il pouvait également être affecté sur un seul site au titre d’autres contrats. Ceci est corroboré par les contrats de travail à durée déterminée des 19 octobre 2016 et 1er février 2017 (pièces 1 et 2) qui stipulent que M. [K] a été uniquement affecté sur le chantier Mikros sis [Localité 8], respectivement du 19 octobre 2016 au 20 janvier 2017 et du 1er au 28 février 2017. De même, il ressort du contrat à durée déterminée du 4 avril 2017 produit que l’appelant a été affecté sur un site unique, le centre Milla situé à [Localité 7], du 5 au 26 avril 2017.

Au titre de ces contrats, l’employeur ne pouvait appliquer à M. [K] la déduction forfaitaire en qualité d’ouvrier du nettoyage puisque l’appelant ne travaillait pas sur plusieurs chantiers.

Le préjudice subi pour le salarié résulte de ce que cette déduction engendre une minoration de l’ensemble de ses droits sociaux en cas d’arrêt de travail sur le montant des indemnités journalières et du complément versé par l’employeur et l’organisme prévoyance de même que sur les allocations chômage et la retraite. Dès lors, il convient de fixer son préjudice à la somme de 2.000 euros. Le jugement sera infirmé en conséquence.

L’atteinte aux droits collectif du syndicat CNT-SO étant également établie, il sera alloué à celui-ci la somme de 1.000 euros et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire au titre de l’inégalité de traitement :

M. [K] soutient que bien qu’il ait remplacé à deux reprises deux salariés occupant un poste d’agent de service échelon 3, il n’a été rémunéré au titre de ces remplacements que comme un agent de service échelon 1. Considérant que cette situation est constitutive d’une inégalité de traitement entre le salarié remplacé et lui-même en sa défaveur, il sollicite, en application de l’article L. 1245-15 du code du travail, un rappel de salaire d’un montant de 66,59 euros, outre 6,65 euros de congés payés afférents.

L’employeur conclut au débouté de cette demande. Il soutient que le remplaçant d’un salarié absent ne doit pas nécessairement percevoir le même niveau de rémunération que le salarié remplacé. Il soutient également que la différence de traitement entre le salarié remplacé et M. [K] se justifie par le fait que le premier avait une plus grande ancienneté et possédait des diplômes suppleméntaires.

Selon l’article L. 1245-15 du code du travail, la rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, perçue par le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être inférieure au montant de la rémunération que percevrait dans la même entreprise, après période d’essai, un salarié bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée de qualification professionnelle équivalente et occupant les mêmes fonctions.

Ne méconnaît pas le principe ‘à travail égal, salaire égal’, l’employeur qui justifie par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égal.

Il ressort des contrats produits (pièces 1, 5, 17 et 18) que M. [K] a remplacé en tant qu’agent de service 1ère échelon (AS1):

– M. [Z], agent de service titulaire 3ème échelon (AS3), du 19 octobre 2016 au 20 janvier 2017 et du 11 au 15 décembre 2017,

– M. [D], agent titulaire classé AS3, du 9 au 31 mars 2017 et du 18 au 22 décembre 2017.

Il est constant que M. [K] n’a commencé à travailler pour la société CSN qu’à compter du 19 octobre 2016.

L’employeur justifie que :

– M. [D] a été engagé à compter du 7 janvier 2014 en qualité d’agent de service 1ère échelon et qu’il est titulaire d’un certificat de qualification professionnelle d’agent multi technique immobilières pose de sol,

– M. [Z] a été engagé à compter du 6 avril 2002, avec une reprise d’ancienneté au 17 octobre 2000.

Il s’en déduit que la société CSN justifie par la plus grande ancienneté dans l’entreprise des salariés remplacés et, s’agissant de M. [D], de sa plus grande qualification, la différence de rémunération entre ceux-ci et M. [K].

Par suite, le salarié sera débouté de sa demande salariale et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:

M. [K] fait valoir que le contrat de travail à durée déterminée du 6 juillet 2017 a été conclu avec la société CSN pour la période du 6 au 26 juillet 2017 au motif d’un surcroît d’activité (pièce 11) alors que précédemment, il avait conclu le 4 avril 2017avec la même société et pour le même motif un contrat de travail à durée déterminée du 5 au 26 avril 2017 (pièce 6) prolongé par avenant jusqu’au 17 juin 2017 (pièce 7) et que l’absence d’application d’un délai de carence doit entraîner la requalification du second contrat en contrat à durée indéterminée.

La société CSN conclut au débouté au motif qu’il n’y a pas lieu à application d’un délai de carence s’agissant de contrats de travail ayant pour motif le remplacement de salariés temporairement absents.

Selon l’article L. 1244-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements. Ce délai de carence est égal : 1° Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ; 2° A la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

Selon l’article L. 1244-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le délai de carence n’est pas applicable : 1° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ; 2° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ; 3° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier défini au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi ; 4° Lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1242-2 ; 5° Lorsque le contrat est conclu en application de l’article L. 1242-3 ; 6° Lorsque le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée du contrat ; 7° Lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat, pour la durée du contrat non renouvelé.

Selon l’article L. 1245-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

En l’espèce, contrairement aux allégations de l’employeur, il ressort des pièces 6, 7 et 11 susmentionnées que les deux contrats sucessifs du 4 avril 2017 et du 6 juillet 2017 ont été conclus entre la société CSN et M. [K] au motif d’un surcroît d’activité et non du remplacement de salariés absents. Ce motif n’entrant pas dans les causes d’exclusion du délai de carence prévu par l’article L. 1244-4 du code du travail, ce délai est donc ici applicable.

Le premier contrat de travail à durée déterminée conclu était d’une durée de 72 jours renouvellement inclu et le délai de carence auraît ainsi dû être égal au tiers de la durée du contrat venu à expiration, soit 24 jours. Le premier contrat a pris fin le 17 juin 2017 et le second contrat de travail à durée déterminée a été conclu à compter du 6 juillet 2017, de sorte qu’aucun délai de carence n’a été respecté.

Il s’en déduit que ce second contrat conclu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1244-3 du code du travail était, en vertu de l’article L. 1245-1 du même code, réputé à durée indéterminée.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de requalification de M. [K] à effet du 6 juillet 2017.

L’indemnité mise à la charge de l’employeur lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être inférieure à un mois de salaire en application de l’article L. 1245-2 du code du travail.

La moyenne des salaires mensuels bruts perçus par M. [K] entre janvier 2017 et janvier 2018 selon les bulletins de paye versés aux débats est fixé à 850 euros.

M. [K] ne sollicitant que la somme de 733,68 euros à titre d’indemnité de requalification, la cour, statuant dans les limites de l’appel, fait droit à cette demande. Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire au titre des périodes interstitielles :

M. [K] sollicite à titre de rappel de salaire la somme de 3.521,66 euros correspondant aux périodes interstitielles entre chaque contrat à durée déterminée qu’il a conclu avec la société CSN entre le 19 octobre 2016 et le 6 mars 2018. Il sollicite également la somme de 352,16 euros à titre de congés payés afférents.

La société CSN s’oppose à cette demande au motif que le salarié n’établit pas être resté à la disposition de l’employeur entre chaque contrat.

En cas de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il appartient au salarié qui sollicite le paiement de salaires interstitiels d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles.

En l’espèce, M. [K] n’allègue ni ne justifie s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles.

Par suite, le salarié sera débouté de sa demande de rappel de salaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la rémunération des temps de déplacement :

M. [K] soutient qu’au titre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société CSN, il a dû se déplacer d’un chantier à l’autre le même jour.

Il indique notamment qu’il a dû réaliser des temps de déplacement entre deux chantiers :

– du 9 au 31 mars 2017, à raison d’un départ à 9h30 du premier chantier ‘ARFOG’ pour une arrivée à 10h00 sur un second chantier ‘ARFOG’, les lundi et jeudi,

– du 20 juillet au 3 août 2017, à raison d’un départ à 14h du premier chantier ‘Gymnase 93″ pour une arrivée à 15 heures sur le second chantier ‘Economat des armées’, du lundi au vendredi, avec un temps de trajet de 55 minutes.

Indiquant ne pouvoir chiffrer une demande de rappel de salaire correspondant aux déplacements non rémunérés au titre des nombreux contrats souscrits avec la société CSN, il sollicite une indemnisation forfaitaire du préjudice causé par ce défaut de rémunération à hauteur de 2.000 euros.

En défense, l’employeur ne conteste pas le fait que le salarié a dû se déplacer entre deux chantiers dans le cadre des contrats de travail à durée déterminée successifs conclus avec ce dernier. Il conclut néanmoins au débouté de cette demande indemnitaire aux motifs que le temps de trajet entre deux sites constitue du temps de trajet effectif rémunéré comme tel et que le salarié ne justifie pas de son préjudice.

Selon la convention collective applicable, le temps de déplacement professionnel pour se rendre d’un lieu d’intervention à un autre lieu d’intervention constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie.

Il n’est pas démontré que lorsque le salarié devait se rendre sur plusieurs chantiers au cours d’une même journée, il a pu retrouver son autonomie. Par ailleurs, la société CSN ne justifie pas avoir rémunéré le salarié au titre des temps de trajet entre deux chantiers. Compte tenu des éléments versés aux débats, les contrats de travail et les bulletins de paye, il sera alloué au salarié la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement des temps de trajet professionnel au titre des contrats produits stipulant une affectation du salarié sur plusieurs sites.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

M. [K] sollicite la somme de 4.402,08 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au motif que l’employeur ne lui a pas payé ses déplacements entre deux chantiers.

La société CSN s’oppose à cette demande.

Il ressort de l’article L.8221-5 du Code du Travail que la dissimulation d’emploi salarié est constituée lorsque l’employeur n’a pas effectué intentionnellement l’une au moins des formalités suivantes : la remise d’un bulletin de salaire à chacun de ses salariés, l’accomplissement de la déclaration nominative préalable à l’embauche ou la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

En l’espèce, s’il résulte des développements précédents que l’employeur n’établit pas avoir rémunéré le salarié de ses déplacements professionnels entre deux chantiers, rien ne permet d’établir qu’il a cherché à dissimuler les heures de travail effectif correspondant à ces déplacements.

Cette demande sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la visite médical d’embauche :

Selon l’article R. 4624-10 du code du travail, dans sa version antérieure au décret n°2016-1906 du 27 décembre 2016 applicable à la date de la première période d’embauche de M. [K] le 19 octobre 2016, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.

Ces examens concourent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés et l’abstention de l’employeur, qui en la matière est tenu par une obligation de sécurité de moyen renforcée, doit en assurer l’effectivité. Toutefois, M. [K] n’invoque aucun préjudice résultant de l’absence de visite médicale d’embauche et il ne verse aux débats aucune pièce de sorte que sa demande tendant à l’obtention de la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

Dans la lettre de licenciement, la société CSN a reproché à M. [K] d’avoir le 8 février 2018 confié son service à une tierce personne ne faisant pas partie des effectifs de l’entreprise alors qu’il était employé en remplacement de M. [C] du 1er janvier au 6 mars 2018 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée du 28 décembre 2017.

A l’appui de ses allégations, l’employeur produit une attestation par laquelle M. [Y] a indiqué : ‘salarié depuis le 16 septembre 2003 en qualité d’agent de service affecté depuis le 11 octobre 2014 sur les résidences rue Husseret, garde bled et mail du centre ville à Rosny-sous-bois sur lesquelles je travaille avec M. [C] [G] pendant ses congés, il était remplacé par M. [K] [W] que j’ai formé sur le site le lundi 1er janvier 2018. Le mercredi 7 février 2018, j’ai dû assurer son service car il avait prévenu de son absence. Par contre, le jeudi 8 février 2018, j’ai été surpris de voir un nouvel agent sur le site qui ne connaissait pas le service et qui me demande l’accès pour ranger les containers. J’ai immédiatement appel mon responsable de secteur qui me dit que la société n’a pas envoyé de nouvel agent que c’est bien M. [K] qui doit assurer son service. L’agent inconnu qui se trouvait sur place me dit qu’il est venu à la demande de son cousin. Le lundi 12 février, j’ai confirmé par téléphone ces faits à M. [K] [W] qui se trouvait au bureau de la société avec la secrétaire’.

Le salarié ne verse aucun élément de nature à infirmer les déclarations précises et circonstanciées de M. [Y] qui corroborent les faits contenus dans la lettre de licenciement.

Dès lors, le licenciement de M. [K] pour faute grave est justifié au regard de la gravité du manquement, à savoir son absence injustifiée sur son lieu de travail et sa substitution non autorisée par l’employeur par une tierce personne n’appartenant pas à l’entreprise pour réaliser les tâches qu’il devait accomplir au titre du contrat conclu le 28 décembre 2017, ces griefs constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Par suite, les demandes de M. [K] relatives à l’indemnisation de la rupture du contrat de travail (rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 12 février au 6 mars 2018, indemnité de licenciement, de préavis et congés payés afférents, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) seront rejetées.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

L’avocat de M. [K] expose avoir déposé une demande d’aide juridictionnelle mais qu’une décision définitive du bureau d’aide juridictionnelle n’avait pas été rendue au moment de la rédaction de ses dernières conclusions d’appel. Cette décision n’étant pas versée aux débats, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 comme cela a été sollicité à titre principal par le salarié dans ses conclusions d’appel.

La société CSN, qui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens d’appel et être condamnée à payer à M. [K] et au syndicat CNT-SO la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

La société sera en revanche déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [W] [K] de ses demandes au titre de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, de l’indemnité de requalification, de l’indemnité pour défaut de paiement des temps de déplacement et de l’indemnité au titre de l’abattement forfaitaire,

– débouté le syndicat CNT-SO de sa demande indemnitaire pour atteinte aux intérêts de la profession,

– condamné la société Confiance Services Nettoyage à payer à M. [W] [K] la somme de 66,59 euros à titre de rappel de salaire sur la différence AS1 à AS3 et la somme de 6,66 euros de congés payés afférents ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

ORDONNE la requalification de la relation contractuelle entre M. [W] [K] et la société Confiance Services Nettoyage en contrat à durée indéterminée à effet du 6 juillet 2017 ;

CONDAMNE la société Confiance Services Nettoyage à verser à M. [W] [K] les sommes suivantes:

– 733,68 euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 1.000 euros au titre du défaut de paiement des temps de déplacement,

– 2.000 euros au titre de l’abattement forfaitaire,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Confiance Services Nettoyage à verser au syndicat CNT-SO la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession et la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTE M. [W] [K] de sa demande de rappel de salaire au titre de la différence entres les coefficients AS1 et AS3 ;

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

DEBOUTE la société Confiance Services Nettoyage de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Confiance Services Nettoyage aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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