Your cart is currently empty!
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 10/04195
SASP LYON UNIVERSITE CLUB RUGBY (LOU RUGBY)
C/
[F]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 31 Octobre 2008
RG : F.07/03372
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2011
APPELANTE :
SASP LYON UNIVERSITE CLUB RUGBY (LOU RUGBY )
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[B] [F] domicilié au [Adresse 6] (NOUVELLE ZELANDE) , élisant domicile chez Me Romuald PALAO
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 7]
Élection de domicile chez Me Romuald PALAO
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau de NICE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Janvier 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Didier JOLY, Président
Hervé GUILBERT, Conseiller
Mireille SEMERIVA, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Mars 2011, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE :
Le 22 juin 2006, la SASP Lyon Université Club Rugby (Lou Rugby) a engagé [B] [F] en qualité de joueur de rugby professionnel dans le cadre d’un contrat à durée déterminée régi par la convention collective du rugby pour une durée ainsi déterminée :
‘ article 2- DUREE DU CONTRAT
2-1. Durée initiale
Le présent contrat est conclu pour une durée déterminée et est soumis aux dispositions de l’article L 122-1-1 3° et D 121-2 du code du travail .
Il est conclu pour la durée d’une saison sportive et s’applique sur la saison sportive 2006/2007.
[…] Il s’achèvera la veille à minuit du début de la saison suivant la dernière saison d’exécution.
Une rupture anticipée ne pourra intervenir que dans les cas prévus par la convention collective du rugby professionnel et par le code du travail.
2-2. Renouvellement
Au terme de la durée prévue au 2-1, le présent contrat sera automatiquement renouvelé pour une durée de une saison sportive, soit pour la saison 2007/2008 sauf dénonciation express par l’une ou l’autre des parties.
La dénonciation devra intervenir avant le 1er mars 2007 et devra être effectuée soit par lettre recommandée avec avis de réception soit par lettre remise en mains propre contre décharge.’
Ce contrat a été homologué par la commission juridique de la Ligue nationale du rugby le 31 août 2006.
Par lettre remise contre récépissé le 28 février 2007, Lou Rugby a dénoncé la reconduction du contrat qui a pris fin le 30 juin 2007.
Arguant que le contrat avait été en réalité passé pour deux saisons et que le club l’avait rompu prématurément, [B] [F] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Lyon, section activités diverses, d’une demande indemnitaire et de rappel de salaire.
Cette juridiction, par jugement du 31 octobre 2008, a
– dit que le contrat de travail liant les parties était un seul et unique contrat pour deux saisons,
– condamné Lou Rugby à verser à [B] [F] les sommes de
* 114 072 euros en application de l’article L 122-3-8 ancien du code du travail,
* 7758,35 euros à titre de rappel de salaire et 775,83 euros de congés payés afférents ,
– ordonné la rectification des bulletins de salaire,
– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 9506 euros,
– condamné Lou Rugby au paiement de la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Appelant de cette décision par déclaration du 14 novembre 2008, Lou Rugby
sollicite sa réformation et le rejet des demandes présentées.
Il soutient que le contrat a été conclu pour la durée d’une saison avec possibilité de renouvellement pour une autre sauf dénonciation, option dont il a fait usage de sorte que le contrat a pris fin à son terme et n’a pas été rompu abusivement.
Il argue par ailleurs avoir réglé au joueur l’intégralité des sommes prévues au contrat à titre de salaire.
[B] [F] conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Subsidiairement, il demande la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation de Lou Rugby à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes, les sommes de
– 114 072 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 9506 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 19 012 euros à titre de préavis et 1901,20 euros de congés payés afférents,
– 9506 euros à titre d’indemnité de licenciement.
En toute hypothèse, il sollicite l’allocation d’une indemnité de 2500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel.
Il réplique qu’en convenant d’une reconduction automatique les parties ont manifesté la volonté de régulariser un contrat de 2 ans avec une possibilité de rupture anticipée contrairement aux dispositions impératives du code du travail en cette matière qui ne la prévoit, sauf accord des parties, que pour faute grave ou force majeure de sorte que cette opportunité pour l’une des parties de dénoncer le contrat avant terme est nulle et doit être réputée non écrite.
Dans l’hypothèse d’un renouvellement tel que prévu pour les contrats à caractère saisonnier, il fait valoir que l’employeur doit justifier d’un motif réel et sérieux pour ne pas procéder au renouvellement ce qu’en l’espèce Lou Rugby n’a pas fait, qu’enfin, la présence de cette clause de renouvellement met en échec les dispositions d’ordre public relatives à la période d’essai.
Subsidiairement, il estime que le caractère automatique de la reconduction fait du contrat un contrat à durée indéterminée d’autant qu’à raison de cette clause de reconduction, le terme est incertain.
Enfin, en cas d’admission d’une clause de renouvellement, l’impossibilité d’apprécier le motif du recours au contrat à durée déterminée entraîne la requalification.
Concernant le rappel de salaire, il indique que Lou Rugby n’a pas tenu ses engagements tels que confirmé par courriel du 6 février 2007.
MOTIFS DE LA DECISION :
Le contrat passé entre Lou Rugby et [B] [F] se place, conformément à la convention collective du rugby qui le régit, sous l’égide des dispositions de l’article L 1242-2 3° du code du travail relatives aux emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article D 1242-1 classe le sport professionnel dans ce type d’activité.
L’article L1243-13 énonce que le contrat à durée déterminée est renouvelable une fois pour une durée déterminée et précise que les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.
Le contrat litigieux, après la détermination d’une durée initiale pour la saison 2006/2007, prévoit, en reprenant les termes mêmes de la convention collective, une clause de renouvellement automatique sauf dénonciation par l’une ou l’autre partie selon des modalités définies quant à la forme et au délai.
Les stipulations faisant la loi des parties sont claires : un contrat d’une durée d’une saison 2006/2007 dans l’article 2-1, avec renouvellement pour la saison suivante 2007/2008 sauf refus par l’une ou l’autre partie dans l’article 2-2.
Par courrier remis contre récépissé du 28 février 2008 soit dans les formes et délai contractuels, Lou Rugby a usé de sa faculté de dénonciation.
Il ne s’agit pas d’un contrat saisonnier mais d’un contrat passé dans un secteur d’activité où il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le moyen tiré du manquement de l’employeur du fait de l’absence de motif réel et sérieux pour s’opposer au renouvellement du contrat est dès lors inopérant, étant au surplus observé que l’article L1244-2 qui énonce qu’une convention ou accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante, a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi en faveur du salarié et ne peut être assimilé à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante.
Enfin, le contrat indique expressément qu’il n’y a pas de période d’essai. Il est seulement prévu une durée initiale renouvelable une fois, avec l’accord des deux parties, pour la même durée et aux mêmes conditions.
Le terme est certain.
C’est donc à tort que le premier juge, interprétant des clauses claires, a estimé qu’il n’y avait en réalité qu’un seul contrat d’une durée de deux ans rompu unilatéralement et donc abusivement au bout d’une année.
En effet, conformément à l’article L 1243-3 précité, le contrat est passé pour la durée d’une saison sportive avec une clause de renouvellement dont les conditions ont été définies, le silence des parties valant accord de renouvellement et le refus devant être manifesté expressément selon des modalités spécifiées avant le 1er mars 2007 par l’une ou l’autre partie.
Le jugement sera infirmé et [B] [F] débouté de sa demande indemnitaire.
L’article 3 du contrat détermine la rémunération de la façon suivante :
– un salaire de base de 7735 euros sur 12 mois correspondant à un salaire brut annuel de 92 820 euros incluant la rémunération des congés payés, versé en 12 mensualités,
– des avantages en nature :
* mise à disposition d’un logement avec paiement du loyer à la charge du club pour une valeur réelle mensuelle maximum de 650 euros (valeur fiscale de 456 euros),
* voyage, le joueur bénéficiant d’un budget billets d’avion pour sa famille de 7500 euros TTC
et d’un billet d’avion aller retour [Localité 8]/[Localité 7] en classe économique,
– une prime de performance d’un montant annuel maximum de 6372 euros bruts basée sur les critères suivants
* performance sportive individuelle,
* performance sportive de l’équipe,
* comportement du joueur.
Il est spécifié à l’article 3-2 que la rémunération ainsi prévue est ‘réputée inclure le dispositif prévu par l’article 785-1 du code du travail relatif au versement d’une part de la rémunération correspondant à la commercialisation de l’image collective de l’équipe, qui sera appliquée dans les conditions prévues par la convention collective du rugby professionnel.’
Par courriel du 5 février 2007, Lou Rugby a confirmé être d’accord sur le fait que le salaire de [B] [F] devra être égal sur l’ensemble de la saison à 7000 euros nets, prime de performance comprise, + véhicule et logement.
Or, [B] [F] a perçu, en net, pour la saison, la somme de 76 241,65 euros, prime de performance comprise.
Il en résulte que Lou Rugby n’a pas respecté l’engagement unilatéral pris et n’a pas versé la somme convenue.
Il ne peut s’en défendre en indiquant que le joueur a été rempli de ses droits par le paiement de la somme de 76 241,65 euros outre la prise des billets d’avion pour sa famille et lui à concurrence de 14 771,02 dollars dans la mesure où il n’a remboursé cette dépense qu’à hauteur des 7500 euros contractuellement prévus ainsi que cela ressort du bulletin de salaire du mois de novembre 2006.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande présentée et de condamner Lou Rugby à payer à [B] [F] la somme de 7758,35 euros à titre de rappel de salaire et de 775,83 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SASP Lyon Université Club Rugby au paiement des sommes de 7758,35 euros à titre de rappel de salaire et de 775,83 euros au titre des congés payés afférents, de 1000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,
Le réforme pour le surplus,
Dit que le contrat à durée déterminée liant les parties a pris fin à son terme du 30 juin 2007,
Déboute [B] [F] de ses demandes relatives à la rupture,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de [B] [F] en cause d’appel,
Le condamne aux dépens.
Le greffierLe Président
S. MASCRIERD. JOLY