Contrat de Saisonnier : 30 mars 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02024

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Contrat de Saisonnier : 30 mars 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02024
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PC/LD

ARRET N° 145

N° RG 21/02024

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJ4G

[J]

C/

S.A.R.L. [V] [Y] ET [O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 30 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 juin 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de ROCHEFORT

APPELANTE :

Madame [G] [I]

née le 10 Août 1980 à ROCHEFORT (17)

[Adresse 4]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Alisson CURTY-ROBAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE :

S.A.R.L. [V] [Y] ET [O]

N° SIRET : 531 917 862

[Adresse 3]

[Localité 1]

Ayant pour avocat plaidant Me Olivia MAITRE-FAURIE de la SELARL OMF AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, devant :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société [V] [Y] et [O] qui poursuit une activité de vente de fruits et légumes à [Localité 5] a embauché Mme [G] [I], dans le cadre de contrats de travail qualifiés de saisonniers, en qualité de vendeuse.

Le premier de ces contrats a couvert la période du 24 juillet au 26 août 2014.

Les parties ont ensuite régularisé de nouveaux contrats dits saisonniers au cours des années 2015 à 2019.

Le dernier contrat de travail saisonnier régularisé par les parties couvrait la période du 6 avril au 30 septembre 2019.

Mme [G] [I] a été placée en arrêt de travail le 24 avril 2019 et n’a pas repris son emploi avant le terme de son dernier contrat de travail.

Le 1er juillet 2020, Mme [G] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort aux fins, en l’état de ses dernières prétentions, de voir :

– prononcer la requalification ‘du contrat de travail en contrat à temps plein’ ;

– prononcer la requalification ‘du contrat de travail et des contrats saisonniers en contrat à durée indéterminée’ ;

– condamner la société [V] [Y] et [O] à lui payer les sommes suivantes :

– 1 530,35 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 33 676,98 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 3 367,70 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– dire que son licenciement était nul ;

– condamner la société [V] [Y] et [O] à lui payer les sommes suivantes :

– 9 182 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

– 3 060,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 306,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– 2 040,48 euros ‘bruts’ à titre d’indemnité de licenciement ;

– 9 182 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonner à la société [V] [Y] et [O] de lui remettre des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

– débouter la société [V] [Y] et [O] de toutes ses demandes ;

– condamner la société [V] [Y] et [O] aux entiers dépens.

Par jugement en date du 14 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Rochefort a déclaré ‘la nullité de la requête de Mme [G] [I] à l’encontre de la société [V] [Y] et [O]’.

Le 30 juin 2021, Mme [G] [I] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il avait déclaré la nullité de sa requête à l’encontre de la société [V] [Y] et [O].

Par conclusions, dites récapitulatives, reçues au greffe le 14 décembre 2022, Mme [G] [I] demande à la cour :

– de réformer le jugement entrepris ;

– de juger que sa requête n’est pas entachée d’une nullité de forme ;

– en conséquence :

– de prononcer la requalification des contrats à temps partiel en contrat à temps plein ;

– de prononcer la requalification des contrats saisonniers en contrat à durée indéterminée ;

– de condamner la société [V] [Y] et [O] à lui payer les sommes suivantes :

– 1 530,35 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 33 676,98 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 3 367,70 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– de dire que son licenciement est nul ;

– de condamner la société [V] [Y] et [O] à lui payer les sommes suivantes :

– 9 182,60 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul ;

– 3 060,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 306,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– 2 040,48 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 9 182,60 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

– d’ordonner à la société [V] [Y] et [O] de lui remettre des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

– de débouter la société [V] [Y] et [O] de toutes ses demandes ;

– de condamner la société [V] [Y] et [O] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 23 novembre 2021, la société [V] [Y] et [O] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [G] [I] de l’ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 9 janvier 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 6 février 2023 à 14 heures pour y être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– Sur la nullité de la requête déposée par Mme [G] [I] devant le conseil de prud’hommes de Rochefort le 1er juillet 2020 :

Au soutien de son appel, Mme [G] [I] expose en substance :

– qu’en vertu des dispositions de l’article 114 du Code de procédure civile, la nullité de sa requête ne peut être prononcée que sous réserve que la société [V] [Y] et [O] prouve le grief que lui a causé l’irrégularité dont elle fait état ;

– que la société [V] [Y] et [O] qui évoque l’absence de mention de sa date de naissance et l’absence de mention des modalités de représentation et de défense, se garde bien d’invoquer le moindre grief ;

– que son identité n’a à aucun moment été remise en question et la société [V] [Y] et [O] était assistée d’un conseil devant les premiers juges, ce dont il se déduit que celle-ci n’a subi aucun grief ;

– qu’à cet égard, la société [V] [Y] et [O] expose que le dossier a été traité avec retard alors même qu’elle était défenderesse à l’instance et qu’en pareille occurrence elle seule en qualité de demanderesse pourrait se plaindre du retard avec lequel l’affaire a été traitée.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] objecte pour l’essentiel :

– qu’en application de l’article 57 du Code de procédure civile et de l’article R 1452-2 du Code du travail, la requête adressée au conseil des prud’hommes doit mentionner notamment la date et le lieu de naissance du demandeur et les modalités de comparution devant la juridiction ainsi que la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;

– qu’en l’espèce la requête de Mme [G] [I] ne mentionnait pas la date et le lieu de sa naissance ni les modalités de représentation et de défense ;

– que l’absence de ces mentions a bien causé une désorganisation de ses moyens de défense ;

– qu’en effet dans les dossiers relatifs à la requalification d’un CDD en CDI le bureau de jugement est directement saisi alors qu’en l’espèce le dossier a fait l’objet d’un renvoi à la mise en état ‘compte-tenu de la précipitation’ dans laquelle son conseil a dû intervenir ;

– que cette situation a eu pour conséquence un important retard dans le traitement du dossier et la décision qui aurait dû intervenir le 1er août 2020 n’a été rendue que le 14 juin 2021 ;

– qu’elle a bien été ‘victime d’un préjudice faisant grief’.

L’article R 1452-2 alinéas 1 et 2 du Code du travail dispose :

‘La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.

Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 57 du Code de procédure civile. En outre elle contient une exposé sommaire des motifs de la demande…….’.

L’article 57 du Code de procédure civile énonce :

‘Lorsqu’elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé……

Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

– Lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social….’.

L’article 54 du même code prévoyait, dans sa version applicable en l’espèce, que la requête initiale remise ou adressée au greffe de la juridiction mentionne à peine de nullité notamment, pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ainsi que l’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

En l’espèce, il n’est pas discuté que la requête adressée par Mme [G] [I] au greffe du conseil de prud’hommes de Rochefort-sur-Mer ne mentionnait ni la date et le lieu de sa naissance ni les modalités de comparution devant cette juridiction.

Cependant l’article 114 du Code de procédure civile dispose :

‘Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public’.

Or en l’espèce la société [V] [Y] et [O] ne justifie aucunement du moindre grief que lui aurait causé le défaut de mention dans la requête initiale de Mme [G] [I] tant de la date et du lieu de sa naissance que des modalités de comparution devant cette juridiction, étant observé sur ces points d’une part que la société [V] [Y] et [O] qui employait Mme [G] [I] depuis plusieurs années ne pouvait avoir ignoré sa date et son lieu de naissance et d’autre part que la société [V] [Y] et [O], qui avait été avisée par le conseil de prud’hommes, au stade de sa convocation à comparaître reçue le 3 juillet 2020, des modalités de comparution devant la juridiction et de ce que, faute pour elle de comparaître, elle s’exposait à ce qu’un jugement soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par son adversaire, était représentée par son conseil à l’audience du 22 février 2021.

En conséquence, la cour rejette la demande de nullité formée par la société [V] [Y] et [O] et infirme le jugement déféré sur ce point.

– Sur la demande de Mme [G] [I] tendant à voir prononcer la requalification de ses contrats à temps partiel en contrat à temps plein :

Au soutien de ses demandes, Mme [G] [I] expose en substance :

– que l’article L 3123-6 du Code du travail dispose que le contrat de travail doit être écrit et comporter notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail et la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ;

– qu’en l’absence d’écrit mentionnant précisément la durée du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, l’emploi est présumé à temps complet ;

– que si les contrats de travail l’ayant liée à la société [V] [Y] et [O] mentionnaient bien la durée mensuelle ou hebdomadaire du travail, en revanche ils ne précisaient pas la répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

– que l’absence de ces mentions a eu pour conséquence de lui faire subir des changements de ses temps de travail qu’elle ne pouvait anticiper et la laissait à la disposition permanente de l’employeur ;

– que ses contrats de travail sont donc présumés à temps plein et la société [V] [Y] et [O] ne produit aucune pièce qui soit de nature à remettre en cause la présomption dont elle bénéficie ;

– que contrairement à ce que soutient la société [V] [Y] et [O], elle ne recevait pas de plannings de travail lorsqu’elle était employée par celle-ci.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] objecte pour l’essentiel :

– que la présomption d’emploi à temps complet dont se prévaut Mme [G] [I] est une présomption simple qui peut donc être combattue en apportant la preuve contraire ;

– que Mme [G] [I] indique qu’elle n’a pas tenu d’agendas retraçant sa durée de travail ;

– qu’un seul relevé manuscrit de temps de travail établi par le salarié n’est pas une preuve suffisante de ses horaires de travail ;

– que Mme [G] [I] n’a jamais travaillé à temps complet, les marchés sur lesquels elle se rendait se tenant le matin et toujours aux mêmes heures ;

– que Mme [G] [I] ne se tenait pas à sa disposition et n’était pas dans l’impossibilité de prévoir la durée et ses horaires de travail ;

– que les horaires de travail de Mme [G] [I] étaient précisés sur des plannings dont celle-ci reconnaît être en possession, plannings que pour sa part elle ne détient plus à l’exception de celui de janvier 2018 qui démontre que Mme [G] [I] n’était pas employée à temps complet ;

– qu’elle produit des attestations de salariés de l’entreprise qui rendent compte de la durée du travail dans l’entreprise et de ce que des plannings étaient bien remis au personnel chaque semaine.

L’article L 3123-6 du Code du travail énonce :

‘Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois’.

…….

Aussi, sauf exceptions prévues par ce texte, l’employeur ne peut déroger à l’obligation de mentionner dans le contrat de travail à temps partiel la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue ainsi que la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

A défaut il est acquis que le contrat de travail à temps partiel est présumé à temps complet.

Pour combattre cette présomption l’employeur doit rapporter la preuve d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d’autre part de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Or en l’espèce, alors qu’il est constant que les différents contrats de travail ayant lié les parties mentionnaient soit une durée hebdomadaire soit une durée mensuelle de travail mais jamais la répartition de ces durées entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, pour tenter de renverser la présomption dont bénéficie Mme [G] [I], la société [V] [Y] et [O] produit les éléments suivants :

– sa pièce n° 4 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [S] [F], qui y déclare avoir travaillé pour le compte de la société [V] [Y] et [O] du 16 avril au 31 août 2019 et que la société [V] [Y] et [O] lui fournissait chaque semaine un planning établi à la semaine sur lequel figuraient ses horaires de travail et ses jours de repos.

– sa pièce n° 5 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [R] [P], qui y déclare avoir travaillé pour le compte de la société [V] [Y] et [O] du 29 juin au 28 août 2016, puis du15 avril au 27 août 2017 et encore du 6 juillet au 31 août 2018 et que la société [V] [Y] et [O] lui fournissait chaque semaine un planning qui lui permettait de connaître ses horaires de travail.

La cour observe d’une part que ces attestations n’apporte aucun éclairage sur une éventuelle information de Mme [G] [I] au sujet de la répartition des durées hebdomadaires ou mensuelles de ses temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et d’autre part que les périodes d’emploi des rédactrices de ces attestations ne correspondent qu’en partie aux périodes d’emploi de Mme [G] [I].

– sa pièce n° 6 : il s’agit d’un tableau en entête duquel est mentionné : ‘[G] [N]’, tableau dans lequel figurent des horaires et des temps de travail.

La cour observe qu’il s’agit d’un seul tableau qui, à supposer qu’il puisse être mis en rapport avec le travail de Mme [G] [I] au sein de l’entreprise, ne correspond qu’à un mois de travail dont l’année n’est pas même précisée. Ce document n’est pas signé par Mme [G] [I] alors même qu’un emplacement était expressément réservé à cet effet. Enfin rien n’indique qu’il s’agit d’un document remis à la salariée antérieurement à la période de travail concernée, son contenu laissant davantage apparaître qu’il s’agissait d’un document rempli a posteriori une fois le travail accompli par la salariée.

Aussi la cour considère que la société [V] [Y] et [O] ne rapporte pas la preuve de ce que Mme [G] [I] était informée à l’avance de la répartition de ses temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devrait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En conséquence la cour requalifie les contrats de travail à temps partiel ayant liés les parties en contrat de travail à temps complet.

– Sur la demande de Mme [G] [I] tendant à voir prononcer la requalification de ses contrats saisonniers en contrat de travail à durée indéterminée :

Au soutien de sa demande, Mme [G] [I] expose en substance :

– qu’un CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;

– que le caractère saisonnier d’un emploi s’apprécie au regard de l’activité de l’employeur ;

– que les deux premiers de ses contrats saisonniers ont couvert respectivement la période de juillet à août 2014 et de juillet à septembre 2015 ;

– qu’en revanche dès l’année 2016 elle a été recrutée dès le mois d’avril et son contrat a été prolongé jusqu’au 15 janvier 2017 ;

– qu’il en a été de même pour son contrat suivant qui a couvert la période de mars 2017 à janvier 2018 ;

– qu’en outre en février 2016, elle a travaillé sans contrat de travail écrit et ‘dès le 5 mars’ alors que son contrat saisonnier a été établi à compter du 1er avril ;

– qu’elle a également travaillé au mois de février 2017 sans contrat de travail écrit ;

– qu’il apparaît donc que ses contrats saisonniers avaient en réalité pour objectif de pourvoir à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;

– que par voie de conséquence ses contrats de travail dits saisonniers seront requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 26 juillet 2014 et la société [V] [Y] et [O] sera condamnée à lui payer une indemnité de requalification en application de l’article L 1245-2 du Code du travail.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] objecte pour l’essentiel :

– que le caractère saisonnier s’apprécie au regard de l’activité de l’employeur ;

– qu’un CDD peut être conclu pour des emplois saisonniers dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ;

– qu’une entreprise ouverte toute l’année mais dont l’activité touristique connaît un accroissement significatif chaque année à la même période peut conclure un CDD saisonnier s’il couvre uniquement cette période ;

– qu’en l’espèce les contrats de travail de Mme [G] [I] étaient espacés de plusieurs mois et elle n’employait pas Mme [G] [I] entre janvier et avril ;

– que donc Mme [G] [I] n’occupait pas un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise mais réalisait des tâches qui étaient liées à un accroissement cyclique de son activité dû à la présence de touristes.

L’article L 1242-2 du Code du travail énonce :

‘Sous réserve des dispositions de l’article L 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

……

3° Emploi à caractère saisonnier dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ….’.

Selon l’article L 1245-1 du Code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4.

Les effets de la requalification, lorsqu’elle est prononcée, remontent à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

Il est de principe que pour être considérée comme saisonnière, l’activité doit varier en fonction du rythme des saisons et non en fonction de la volonté de l’employeur.

Or en l’espèce, si eu égard au lieu d’exploitation de la société [V] [Y] et [O] il peut être admis que les contrats ayant liés les parties au cours des années 2014 et 2015 s’analysent en de véritables contrats saisonniers, en ce qu’ils couvraient des périodes de l’année caractérisées par une forte affluence touristique, il n’en est pas de même des contrats régularisés par les parties en 2016, en 2017 et en 2018 qui ont couvert, pour le premier 9 mois et demi (avril 2016 au 15 janvier 2017), pour le deuxième près de 10 mois (du 21 mars 2017 au 15 janvier 2018) et pour le troisième 9 mois et demi (du 31 mars 2018 au 16 janvier 2019).

Aussi en application de l’article L 1245-1 du Code du travail, la cour requalifie la relation de travail ayant existé entre les parties en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2016.

Aux termes de l’article L 1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

La cour, faisant application de ces dispositions, condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I] la somme non discutée dans son quantum de 1 530,35 euros à titre d’indemnité de requalification.

– Sur la demande de rappel de salaire formée par Mme [G] [I] :

Au soutien de sa demande, Mme [G] [I] expose en substance que ses contrats de travail devant être requalifiés, elle est fondée à réclamer un rappel de salaire sur la base d’un contrat à temps complet et à durée indéterminée sur la période non touchée par la prescription allant d’octobre 2016 à mai 2019.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] ne développe aucun moyen spécifique.

La requalification des contrats de travail à temps partiel ayant liés les parties en contrat de travail à temps complet étant acquise, la cour condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I] la somme, non discutée en son quantum, de 30 676,98 euros bruts à titre de rappel de salaire outre celle de 3 067,70 euros bruts au titre des congés payés afférents.

– Sur les demandes formées par Mme [G] [I] au titre de la rupture de la relation de travail :

Au soutien de ses demandes, Mme [G] [I] expose en substance :

– que lorsque plusieurs contrats à durée déterminée sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement et le salarié peut prétendre aux indemnités de rupture lui revenant à ce titre ;

– qu’elle peut donc prétendre au paiement par la société [V] [Y] et [O] d’une indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents et d’une indemnité de licenciement qui tiennent compte de son ancienneté dans l’entreprise supérieure à 5 années ;

– qu’elle peut également prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement nul puisque la rupture de son contrat de travail est intervenue alors qu’elle se trouvait en arrêt pour accident du travail.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] ne développe aucun moyen spécifique.

Alors qu’il est acquis que la relation de travail ayant existé entre les parties s’est inscrite dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et qu’il est constant que l’employeur a mis fin à cette relation sans forme ni respect des règles de la procédure de licenciement et notamment sans avoir énoncé les motifs de la rupture, Mme [G] [I] peut prétendre au paiement des indemnités de rupture que sont l’indemnité compensatrice de préavis majorée des congés payés afférents, l’indemnité de licenciement et celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant précisé qu’il est de principe que la rupture d’un contrat de travail à durée déterminée par la seule survenance du terme de ce contrat requalifié ultérieurement en contrat à durée indéterminée constitue, lorsque ce terme survient, comme en l’espèce, alors que le salarié est en arrêt maladie ordinaire, non pas un licenciement nul mais un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aussi, la cour condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I], en application des dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail, et en tenant compte, pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due à la salariée entre le minimum et le maximum prévu par ce texte, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à cette dernière, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la somme de 2 500 euros.

Par ailleurs, la cour condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I] les sommes, non discutées dans leurs montants, suivantes :

– 3 060,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 306,07 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– 2 040,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

– Sur la demande formée par Mme [G] [I] au titre du travail dissimulé :

Au soutien de sa demande, la salariée expose en substance :

– que sa demande est fondée sur les dispositions de l’article L 8223-1 du Code du travail ;

– qu’elle a amplement mis en évidence les manquements de la société [V] [Y] et [O] qui a délibérément omis de régulariser les déclarations nécessaires et de mentionner les heures réelles sur ses bulletins de salaire ;

– qu’il ressort de ses pièces qu’elle a été amenée à travailler en dehors de tout contrat écrit et que le système mis en place a été réitéré à plusieurs reprises manifestement dans le but d’obtenir une exonération de charges et une dispense de la prime de précarité.

En réponse, la société [V] [Y] et [O] objecte que l’absence d’élément intentionnel empêche la qualification de travail dissimulé.

L’article L 8221-1 du Code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L 8221-5 relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Or en l’espèce, Mme [G] [I] est totalement défaillante à démontrer qu’elle a travaillé en dehors de tout contrat de travail écrit et que la société [V] [Y] et [O] a délibérément omis de mentionner les heures réelles sur ses bulletins de salaire.

En conséquence la cour déboute Mme [G] [I] de sa demande au titre du travail dissimulé.

– Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les prétentions de Mme [G] [I] étant pour partie fondées, la société [V] [Y] et [O] sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] [I] l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société [V] [Y] et [O] sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau :

– Rejette la demande de nullité de la requête adressée par Mme [G] [I] au conseil de prud’hommes de Rochefort-sur-Mer ;

– Requalifie les contrats de travail à temps partiel ayant liés les parties en contrat à temps plein ;

– Requalifie les contrats saisonniers régularisés par les parties en contrat de travail à durée indéterminée ;

– Condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I] les sommes suivantes :

– 1 530,35 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 33 676,98 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 3 367,70 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– Dit que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non en un licenciement nul ;

– Condamne la société [V] [Y] et [O] à payer à Mme [G] [I] les sommes suivantes :

– 2 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 3 060,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 306,07 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– 2 040,48 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– Déboute Mme [G] [I] de sa demande formée au titre du travail dissimulé ;

– Ordonne à la société [V] [Y] et [O] de remettre à Mme [G] [I] des bulletins de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés tenant compte de la présente décision, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé deux mois de la notification de cette décision ;

– Condamne la société [V] [Y] et [O] à verser à Mme [G] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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