Contrat de Saisonnier : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16727

·

·

Contrat de Saisonnier : 22 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16727
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

MS

Rôle N°21/16727

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIOUO

S.A.S. EDC SPA MANAGEMENT

C/

[Y] [R]

Copie exécutoire délivrée

le : 22/09/2022

à :

– Me Guillaume ALLIX, avocat au barreau de VALENCE

– Me Christine TOSIN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de GRASSE en date du 05 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F19/00271.

APPELANTE

S.A.S. EDC SPA MANAGEMENT, sise [Adresse 2]

représentée par Me Guillaume ALLIX, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE

Madame [Y] [R], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christine TOSIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [Y] [R] a été engagée par la société Edc Spa Management (la société) en qualité de manager selon deux contrats à durée déterminée saisonniers :

– du 22 mars 2017 au 7 janvier 2018

– du 29 mars 2018 au 6 janvier 2019.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’Esthétique-Cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie du 24 juin 2011.

La société Edc Spa Management exploite un spa au sein du Club Med situé [Adresse 3] (06).

Soutenant que la société Edc Spa Management n’avait pas le droit de conclure des contrats saisonniers puisque la branche d’activité de la société n’est pas mentionnée à l’article D 1242-1 du code du travail Mme [R] a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 5 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Grasse, statuant en sa formation de départage, a requalifié les contrats saisonniers en un contrat de travail à durée indéterminée, constaté le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné l’employeur au paiement des sommes suivantes :

2 063 euros à titre d’indemnité de requalification,

5 457 euros bruts à titre de rappel de salaire,

546 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

795 euros à titre d’indemnité de licenciement,

2 063 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

2.063 euros nets à titre d’indemnité de licenciement.

Le conseil de prud’hommes a condamné la société Edc Spa Management au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société Edc Spa Management a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, la société Edc Spa Management demande d’infirmer le jugement:

A titre principal, de constater le caractère saisonnier des contrats à durée déterminée et débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire, de constater que Mme [R] n’apporte pas la preuve qu’elle s’est tenue à la disposition de la société pendant les périodes intercontrats, constater que Mme [R] ne fait état d’aucun préjudice débouter Mme [R] de ses demandes de rappel de salaire et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En tout état de cause, débouter Mme [R] de sa demande d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner sur ce fondement au versement d’une somme de 2 500 €;

L’appelante fait valoir :

– que l’activité de spa est cyclique et connaît une haute saison, d’avril à décembre, et une basse saison, de janvier à mars ce qui l’a conduite à renégocier son contrat avec le Club Med et n’avoir recours à des emplois saisonniers que durant la basse saison, comme le montrent les factures et le registre unique du personnel; que les contrats à durée déterminée saisonniers de Mme [R] ont été conclus pour faire face aux demandes de prestations spa de la clientèle pour la durée de la haute saison pour les années 2017 et 2018,

– que la réponse ministérielle du 11 juillet 1983 n’a aucun caractère normatif, indiquant qu’un contrat saisonnier doit avoir une durée inférieure à 9 mois,

– que ni les dispositions du code du travail, ni la jurisprudence ne fixent la durée maximale des contrats saisonniers qui peut être supérieure à 8 mois comme dans l’hôtellerie,

– que le jugement critiqué a, à tort, fait droit à la demande de rappel de salaire , alors que Mme [R] n’établit pas s’être tenue à la disposition de la société pendant la période intercontrat,

– qu’à titre subsidiaire, sur l’indemnisation de la rupture, Mme [R] ne fait pas état de sa situation actuelle et ne justifie d’aucun préjudice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2022 , Mme [R] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter l’appelante de ses demandes et de condamner celle-ci au paiement d’une somme de 1.800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens

L’intimée réplique :

– que l’employeur démontre que l’emploi correspond à un besoin permanent de l’entreprise selon ses pièces, et qu’ il ne saurait être question de saisons puisque la période couvre plus de 9 mois qui correspond à 3 saisons et le début de la quatrième; que les conditions du contrat saisonnier ne sont pas remplies; que le non-respect de certaines règles de fond et de forme spécifiques au contrat de travail à durée déterminée entraîne la requalification en un contrat de travail à durée indéterminée, a avec toutes conséquences de droit,

-que les indemnités de rupture ont été justement évaluées,

– qu’en application de l’article L1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité comprise entre 0.5 mois de salaire minimum et 2 mois.

– que s’étant tenue à disposition de employeur elle a droit au paiement de son salaire durant les périodes interstitielles.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à la conclusion du contrat de travail

1- Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Il est soutenu par la société appelante que le recours au contrat à durée déterminée par la société est parfaitement justifié dans la mesure où l’activité du spa est variable au cours de l’année et qu’il existe une saison basse durant laquelle la clientèle est surtout occupée à des séminaires (trois premiers mois de l’année) et une saison haute durant laquelle la société connaît un accroissement de son activité de spa (avril à décembre). Elle en conclut que Mme [R] ne saurait prétendre à la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

Elle indique avoir conclu le 12 décembre 2018, avec le Club Med un avenant tenant compte de l’importante baisse de son activité de janvier à mars de chaque année (période d’exclusivité groupes) et prévoyant que : le Prestataire maintiendra la Prestation Spa pendant les périodes d’exclusivité groupes mais pourra fermer le Spa 2 jours par semaine pendant ces périodes, son personnel étant alors au repos ou en congés pendant ces 2 jours.

Elle produit les factures des prestations SPA qu’elle a émises à l’égard du Club Med d’OPIO pour les années 2017, 2018 et 2019.

Elle produit le registre unique du personnel pour démontrer qu’elle n’a eu recours au contrat à durée déterminée que durant les mois de janvier à mars.

Pour voir infirmer la motivation du premier juge, l’appelante produit encore aux débats les factures justifiant selon elle de l’augmentation significative d’activité de la société sur les périodes d’avril à décembre, soulignant « que c’est d’ailleurs pour prendre en compte l’existence de ces deux saisons qu’un avenant a été conclu le 12 décembre 2018 entre la société et le Club Med. »

Aux termes des dispositions de l’article L 1242-2 du code du travail, il est possible de recourir à un contrat de travail à durée déterminée pour des motifs limités : pourvoir au remplacement d’un salarié, faire face à un accroissement temporaire d’activité, pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou conclure un contrat d’usage. En aucun cas le recours à un contrat de travail à durée déterminée ne doit permettre de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, alors même que l’activité de la société Edc Spa Management ne relève pas d’un secteur qui permet le recours aux contrats d’usage en application de l’article D1242-1 du code du travail, l’utilisation du contrat saisonnier n’étant pas prévue par la convention collective, les éléments produits par l’employeur démontrent le caractère permanent des emplois occupés par Mme [R].

Il n’est pas discuté que l’établissement situé à Opio du Club Med est ouvert toute l’année et non de manière saisonnière tandis que la durée du contrat de travail de Madame [R] est de plus de 9 mois, sans rapport avec une saison ou voire deux.

En conséquence c’est à bon droit que la juridiction prud’homale dont la décision sera confirmée, a ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

2- Sur la demande de versement d’une indemnité de requalification

Aux termes de l’article L1245-2 du code du travail, en cas de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité de requalification qui est égale au moins à un moins de salaire et elle ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il alloue à la salariée une indemnité équivalente à un mois de salaire.

Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

Sur la demande en paiement d’un rappel de salaires et des congés payés afférents :

La courte durée de la période interstitielle et l’absence d’éléments en faveur de l’exercice par Mme [R] d’une activité entre deux contrats saisonniers, ouvre droit au bénéfice de la salariée du paiement de son salaire.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle fait droit à la demande.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La requalification du contrat de travail liant les parties conduit à analyser la rupture de la relation de travail entre Mme [R] et la société Edc Spa Management en un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit aux demandes de la salarié en paiement des indemnités de rupture prévues par la loi.

Le jugement déféré sera encore confirmé en ce qu’il alloue à la salariée une somme équivalente à un mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en fonction de son ancienneté dans une société comprenant moins de onze salariés et d’un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2063 euros.

En définitive le jugement frappé d’appel sera entièrement confirmé.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Edc Spa Management sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.800 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Edc Spa Management aux dépens de la procédure d’appel,

Déboute la société Edc Spa Management de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x