Your cart is currently empty!
SOC.
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 octobre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10846 F
Pourvoi n° Q 19-17.408
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme T….
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 OCTOBRE 2020
La société Boulanger, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° Q 19-17.408 contre l’arrêt rendu le 1er avril 2019 par la cour d’appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l’opposant à Mme L… T…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Boulanger, de Me Le Prado, avocat de Mme T…, après débats en l’audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Boulanger aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Boulanger et la condamne à payer à Me Le Prado la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Boulanger
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens et à payer à la salariée la somme de 750 € titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, prononcé la requalification du contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 5 septembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter de cette date, d’AVOIR dit que la rupture du contrat de travail le 31 décembre 2016 produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’AVOIR en conséquence condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes de 1538,37 euros au titre de l’indemnité de requalification, de 1538,37 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 153,83 euros au titre des congés payés afférents, de 9600 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, et de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR condamné l’employeur à remettre à la salariée ses bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés dans les 15 jours suivant la notification de la décision, d’AVOIR débouté l’employeur de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR condamné l’employeur aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « Mme L… T… a été engagée par la SA Boulanger en qualité d’hôtesse de caisse, entre le 28 novembre 2014 et le 30 janvier 2016 par le biais de plusieurs contrats) savoir :
– Un contrat à durée déterminée à temps partiel du 28 novembre 2014 au 27 décembre 2014 pour accroissement temporaire d’activité,
– Un contrat à durée déterminée à temps partiel du 19 janvier 2015 au 28 février 2015 pour remplacement de Mme O…,
– Un contrat à durée déterminée à temps partiel du 03 mars 2015 au 30 avril 2015 pour remplacement de Mme G…,
– Un contrat à durée déterminée à temps complet du 28 septembre 2015 au 28 décembre 2015 pour accroissement temporaire d’activité,
– Un contrat à durée déterminée à temps complet du 20 janvier 2016 au 30 janvier 2016 pour accroissement temporaire d’activité,
– Un contrat d’intérim du 06 juin 2016 au 18 juin 2016,
– Un contrat d’intérim du 27 juin 2016 au 2 juillet 2016 pour remplacement de Mme N…,
– Un contrat à durée déterminée à temps complet du 04 juillet 2016 au 27 août 2016 pour accroissement temporaire d’activité,
– Un contrat à durée déterminée à temps complet du 05 septembre 2016 au 30 septembre 2016, pour remplacement de mme N…,
– Un contrat à durée déterminée à temps complet du 24 octobre 2016 au 31 décembre 2016 pour remplacement de Mme P….
(
) Sur la requalification
En application des articles L 1242-1 et L 1242-2 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et ne peut être conclu que dans des cas exhaustivement prévus par la loi dont, le remplacement d’un salarié absent, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, l’emploi à caractère saisonnier.
Aux termes de l’article L 1245-1 du code du travail est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier L 1243-11, alinéa premier, L 1243-13, L.1244-3 et L 1244-4
Il résulte de l’application combinée des dispositions des articles L 1244-1, L 1244-3 et L 1244-4, que les dispositions de l’article L 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent ou un emploi à caractère saisonnier, que toutefois à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus, ce délai de carence étant égal, ou au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus, ou à la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours, ce délai de carence n’étant pas applicable lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé, ou lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier.
Le non respect du délai de carence est sanctionné par la requalification lorsqu’il survient à l’expiration d’un contrat à durée déterminée et non à l’expiration d’un contrat de travail temporaire. Or tel est le cas entre le contrat de mission du 27 juin au 2 juillet 2016 pour remplacement d’un salarié absent et le contrat de travail à durée déterminée du 4 juillet au 2 août 2016 pour accroissement temporaire d’activité.
En revanche entre ce contrat de travail à durée déterminée du 4 juillet au 27 août 2016 et celui du 5 septembre au 30 septembre 2016 pour remplacement d’un salarié absent, le délai de carence prévu par l’article L 1244-3 du code du travail devait s’appliquer puisqu’aucun des éléments du dossier ne démontre que le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée, visé par l’employeur comme étant un accroissement temporaire d’activité dans le premier de ces contrats, doit être requalifié en emploi à caractère saisonnier, comme concernant des tâches se répétant de manière régulière, prévisible et cyclique indépendamment de la volonté de l’employeur.
Or en l’occurrence ce délai n’ayant pas été respecté, la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 septembre 2016 doit être prononcée.
La circonstance que l’employeur aurait proposé à la salariée un contrat de travail à durée indéterminée que celle-ci aurait refusé n’est pas établie par l’employeur et en tout état de cause est indifférent, sachant que son compagnon, M. X…, témoigne que Mme L… T… n’a pas eu de proposition de contrat travail à durée indéterminée écrite mais en avait eu une oralement la veille de son départ en saison au Cap d’Agde, la salariée établissant qu’elle a bien travaillé du 1er au 22 août 2015 en qualité de serveuse pour la SARL BMT, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir privilégié un emploi à une proposition sans engagement.
Par voie de conséquence, Mme L… T… est fondée à prétendre obtenir une indemnité de requalification, dont le montant réclamé n’est pas sérieusement contesté par la SA Boulanger, à hauteur de 1538,37 € en application de l’article 1245-2 du code du travail. Compte tenu de la nature indemnitaire de cette somme, Mme L… T… doit être déboutée de sa demande au titre des congés payés afférents.
La rupture de la relation de travail au 31 décembre 2016 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que les demandes de Mme L… T… tendant à l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et à l’octroi de et intérêts pour réparer le préjudice engendré par la rupture de son contrat de travail sont fondées.
De ces chefs la SA Boulanger doit être condamnée à lui payer les sommes de 1.538,37 €, outre 153,83 €, et de 9.600 €, Mme L… T… étant âgée de 26 ans et ayant plus de deux ans d’ancienneté à la date de la rupture.
La SA Boulanger sera également condamnée à remettre les documents de rupture rectifiés à sa salariée.
Le jugement sera infirmé et la cour statuera à nouveau en ce sens sur ces chefs » ;
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu’ils sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel reprises oralement à l’audience (arrêt p.5 § 5), aucune des parties ne soutenait que la salariée bénéficiait de plus de deux ans d’ancienneté ; que la salariée affirmait, sans être contestée, qu’elle avait moins de deux ans d’ancienneté (conclusions d’appel adverses p.10) ; qu’en affirmant que la salariée bénéficiait d’une ancienneté de plus de deux ans à la date de la rupture, pour lui octroyer une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 9 600 euros, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le salarié ayant conclu plusieurs contrats de travail à durée déterminée non successifs, qui obtient la requalification de l’un d’eux en contrat de travail à durée indéterminée, ne peut se prévaloir que d’une ancienneté remontant au jour de son engagement par le contrat à durée déterminée irrégulier ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui a relevé que les différents contrats à durée déterminée conclus par la salariée n’étaient pas successifs, a affirmé que la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 5 septembre 2016 en contrat de travail à durée indéterminée devait être prononcée ; qu’en retenant que la salariée dont le contrat de travail avait été rompu le 31 décembre 2016, bénéficiait d’une ancienneté de plus de deux ans à la date de la rupture, pour lui octroyer une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 9 600 euros, la cour d’appel a violé les articles L. 1245-1, alors applicable, et L. 1234-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé le jugement sauf en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens et à payer à la salariée la somme de 750 € titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, dit que la salariée avait subi un harcèlement moral de la part de l’employeur, d’AVOIR en conséquence condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR condamné l’employeur à remettre à la salariée ses bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés dans les 15 jours suivant la notification de la décision, d’AVOIR débouté l’employeur de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR condamné l’employeur aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel; selon l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, Mme L… T… invoque avoir subi des rabaissements, des cris, des insultes et des dénigrements de la part de M. R…, directeur de l’établissement, pendant plusieurs mois, qui ont eu pour effet de dégrader son état de santé physique et psychologique.
Elle produit une liste manuscrite sur un peu plus de deux feuillets d’ « exemples de phrases à répétition de M. R… ». Toutefois cette liste étant dressée par Mme L… T…, alors qu’elle ne peut se constituer de preuve à elle-même, elle n’a aucune valeur probante.
Elle produit plusieurs attestations émanant de collègues qui témoignent ainsi qu’il suit :
– Mme W…, qui indique avoir été témoin d’un mauvais comportement du directeur à l’égard de Mme L… T…, qu’elle a vu plusieurs fois pleurer au sein du magasin et à l’extérieur et être stressée de venir travailler, comme par exemple : mal lui parler devant les clients, la rabaisser quant elle se défendait en lui disant qu’il était le directeur et qu’elle lui devait le respect et n’avait pas à lui répondre, ne pas lui dire bonjour quant il faisait le tour du magasin, la suivre quant elle allait en pause et le lui interdire, lui dire qu’elle ne savait pas faire son travail correctement, lui dire qu’elle dépassait le poids limite pour faire l’activité de la soirée Bubble Bump prévue pour des employés,
– Mme F…, qui indique, dans une première attestation qu’en mars 2015, alors qu’elle avait eu un accident de voiture juste avant la fin de son précédent contrat, lorsqu’elle était revenue pour le contrat suivant, le directeur lui a dit « c’est bon on peut compter sur toi ‘ Tu ne vas pas faire exprès d’avoir un nouvel accident pour nous planter ‘ » et qu’étant elle-même en arrêt maladie depuis octobre 2016, elle avait constaté lorsque Mme L… T… venait lui rendre visite qu’elle s’enfonçait dans une dépression, car depuis son dernier contrat dès qu’elle faisait quelque chose cela n’allait pas ou en cas d’erreur de caisse elle était toujours la fautive et dans une seconde, que depuis le mois de septembre 2016 dès qu’il y avait un bug sur la caisse de Mme L… T…, le directeur lui disait que c’était de sa faute, qu’elle était bonne à rien, que dès que cette dernière se rendait vers la salle de pause il la suivait pour la faire revenir prétextant du monde en caisse et laissait une autre hôtesse 5 minutes plus tard aller en pause et que quand la salariée était en caisse, il coupait le rideau chauffant en disant que c’était lui qui décidait quand l’allumer et que si elle tombait malade elle n’avait qu’à se mettre en arrêt et serait remplacée,
– Mme B…, qui expose qu’elles parlaient de la soirée Bubble Bump lorsqu’un délégué du personnel et le directeur les avait rejointes, ce dernier ayant dit « il faut un poids limite », qu’elle avait assisté plusieurs fois aux pleurs, stress et prise de médicaments de Mme L… T… du fait de son travail au quotidien et qu’elles avaient été traitées de grosses toutes les deux, M. S…, délégué du personnel, les appelants même « la team dodue »,
– Mme T…, sa soeur, qui indique que Mme L… T… lui racontait que son directeur lui parlait mal, la rabaissait sans cesse mais qu’elle ne voulait pas se mettre en arrêt de travail malgré les conseils de son médecin car elle avait peur de perdre sa place,
– M. D…, collègue, qui expose que M. R… avait un comportement lunatique et régulièrement, de manière quasi journalière, très agressif verbalement, ce qui tourne à l’acharnement parfois, et cela, uniquement avec ses employés de sexe féminin,
– Mme Q…, collègue, et Mme E…, amie, qui témoignent de l’état de détresse et des pleurs de Mme L… T… lorsqu’elle évoque l’ambiance au travail et les remarques désagréables de son directeur,
– M. K… , agent de sécurité du mois de septembre 2014 au mois de février 2016, qui témoigne de l’attitude lunatique de M. R…, dont la seule constante était le rapport de force et qui passait son temps à donner des ordres et des contre ordres dans un langage fleuri, son comportement étant le même avec les employés du magasin même si certains étaient privilégiés,
– M. U… et Mme A… V…, clients, qui témoignent de la tristesse et des pleurs de Mme L… T… lorsqu’elle était en caisse à la fin de l’année 2016 alors qu’il s’agissait d’une personne plutôt dynamique et souriante, ce dont témoignent trois autres clients.
Mme L… T… produit également un certificat médical établi le 6 décembre 2016 par le docteur M… qui indique avoir vu cette dernière en consultation « en état d’angoisse aigüe, avec pleurs, tremblement, sensation de faiblesse généralisée, nausée et impotence fonctionnelle des quatre membres en réaction à un état de stress important », une prescription médicale du même jour émanant du même médecin pour un électromyogramme des membres supérieurs et inférieurs, un certificat médical du même jour dressé par le docteur C. indiquant avoir examiné « la victime selon ses dires : douleurs du rachis cervical » et avoir constaté ce qui suit : « névralgie cervicobrachiale ».
Mme L… T… produit également d’une part, la plainte qu’elle avait déposée le 20 décembre 2016 à l’encontre du directeur du magasin pour harcèlement au travail en l’illustrant d’une série de faits et exposant qu’à la suite d’une accumulation de stress et de frustration elle avait craqué le 6 décembre 2016 mais n’avait pas voulu s’arrêter pour honorer son contrat travail jusqu’au 31 décembre 2016, et, d’autre part, le courrier adressé au siège de la SA Boulanger pour faire part des mêmes faits.
Elle justifie par une attestation délivrée le 29 juin 2017 avoir bénéficié d’une prise en charge psychologique auprès de l’association Avimed depuis le 20 décembre 2016 et avoir été reçue à nouveau en consultation par le docteur M… le 25 janvier et le 23 mars 2017 pour anxio-dépression sévère réactionnelle et mise en place d’un traitement spécifique et d’un suivi spécialisé.
Elle verse aux débats enfin des pièces médicales relatives à une hospitalisation au centre […] du 10 juillet au 7 août 2017 pour un traitement contre l’obésité, d’autres concrétisant un diagnostic de fibromyalgie le 6 octobre 2017 et justifiant d’une demande déposée auprès de la MDPH de la Haute-Vienne en novembre 2017.
Ces pièces permettent de considérer comme caractérisée la dégradation des conditions de travail et de l’état de santé de Mme L… T… à la fin de l’année 2016, et plus particulièrement au mois de décembre, en raison de faits avérés constitués par la mise en cause répétée de la qualité du travail en caisse de la salariée, à tout le moins devant ses collègues qui en témoignent, par la privation du droit d’aller en pause et du droit de bénéficier du chauffage et des propos humiliants relatifs au poids de la salariée.
Pris dans leur ensemble les faits présentés par la salariée permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre, de sorte qu’il appartient à l’employeur de prouver que les faits sont objectivement justifiés et étrangers à tout harcèlement.
À cet égard la SA Boulanger produit des attestations de 12 salariés qui indiquent n’avoir jamais été témoins de harcèlement sur la personne de Mme L… T… et qui certifient qu’aucun salarié ne subissait de pression au sein du magasin.
M. C…, à l’initiative de la sortie Bubble Bump, précise qu’au cours d’une conversation avec le directeur la veille de l’activité, il lui avait demandé s’il n’y avait pas un poids limite afin de participer et que deux salariées, dont Mme L… T…, avaient écouté de loin et s’étaient imaginé qu’il parlait d’elles alors que tel n’était pas le cas.
Elle produit également le témoignage de M. S…, délégué du personnel qui indique qu’il n’avait jamais constaté que de directeur portait atteinte à l’intégrité physique ou morale de Mme L… T… qui avait un comportement incompréhensible, recherchant un affrontement avec la direction et répondant d’une façon plus ou moins déplacée aux demandes du directeur, qui lui rappelait les règles du magasin, celui-ci ne pouvant lui dire quoi que ce soit sans qu’elle ne le prenne mal. Il précise qu’il l’avait plusieurs fois interpellée sur sa façon de répondre.
Or aucune de ces pièces ne justifie de la nécessité et la manière de faire des remontrances répétées à Mme L… T… sur sa façon d’occuper son poste en caisse, de recadrer sa gestion des pauses sanitaires ou de l’utilisation du chauffage en caisse, et le témoignage de M. C… sur la conversation relative au poids limite pour participer à l’activité collective Bubble Bump ne vient, ni contredire sérieusement les deux témoignages produits par la salariée, ni justifier davantage les allusions inappropriées.
Par conséquent l’employeur est défaillant dans la charge probatoire qui lui incombe de sorte que l’existence du harcèlement moral à l’encontre de Mme L… T… doit être considérée comme caractérisée.
Compte tenu de la nature des faits de harcèlement touchant en outre une salariée dans une situation précaire au plan contractuel, il convient de condamner la SA Boulanger au paiement d’une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.
Le jugement sera infirmé et la cour statuera à nouveau ce sens » ;
1°) ALORS QUE le salarié doit établir, au-delà de ses seules affirmations, fussent-elles reprises par des tiers auxquels il les a relatées, la matérialité de faits précis et répétés qui, pris dans leur ensemble, font présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en l’espèce, pour admettre que la salariée avait rapporté de tels éléments, la cour d’appel s’est fondée, sur les propres déclarations de la salariée exprimées dans la plainte déposée le 20 décembre 2016 pour harcèlement moral à l’encontre du directeur du magasin, et un courrier adressé à l’entreprise, sur des documents médicaux reprenant ses déclarations, sur une attestation de prise en charge psychologique, et sur des attestations de sa soeur, d’une amie, de clients et de collègues de travail, ne relatant, pour l’essentiel, que d’éléments vagues, imprécis, pour la majorité non datées, et ne procédant que de leur ressenti, nécessairement subjectif ; qu’en statuant ainsi, pour ensuite inviter l’employeur à justifier le comportement professionnel du directeur du magasin, M. R…, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser que la salariée avait établi, au-delà de ses seules affirmations, des éléments de faits précis et répétés faisant présumer un harcèlement moral, a privé sa décision de base au regard de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS subsidiairement QUE seuls caractérisent un harcèlement moral des agissements répétés visant directement le salarié et ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, de nature à porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé, ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en l’espèce, en retenant tout au plus l’existence d’un climat tendu et de difficultés relationnelles entre la salariée et le directeur du magasin, la cour d’appel n’a pas caractérisé des agissements de harcèlement moral à l’encontre de cette dernière, et partant a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, alors applicables.