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AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/01865 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MH74
[I]
C/
Société GRUPPO SERVIZI ASSOCIATI
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 15 Février 2019
RG : F 18/01366
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 20 MAI 2022
APPELANT :
[C] [I]
né le 25 Novembre 1979 à [Localité 6] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société GRUPPO SERVIZI ASSOCIATI
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie CHAUVE-BATHIE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
Ayant pour avocat plaidant Me Audrey FERRY, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Mars 2022
Présidée par Patricia GONZALEZ, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Sophie NOIR, conseiller
– Catherine CHANEZ, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 Mai 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE :
La société Gruppo Servizi Associati a une activité de sécurité et de prévention pour une clientèle de professionnels.
Elle applique les dispositions de la Convention Collective Nationale de la Prévention et sécurité.
M. [I] a été embauché par la société Gruppo Servizi Associati (et ci-après la société) par deux contrats écrits à durée déterminée distincts. Le premier pour surcroît d’activité du 24 avril 2017 au 30 juin 2017 et le second, pour remplacement d’un salarié absent du 1er juillet 2017 au 8 février 2018, en qualité ‘d’agent opérationnel’, catégorie employé, niveau III, échelon 1, coefficient 130 et ce, en temps plein pour un salaire moyen incluant les heures supplémentaires et les différentes primes perçues au long de son activité de 1.863,75 euros bruts.
Le 9 février 2018, conformément aux stipulations contractuelles, le contrat de travail à durée déterminée pour remplacement d’un salarié absent a pris fin avec le retour dudit salarié.
C’est dans ce contexte que le 14 mai 2018, M. [I] a saisi sur requête le conseil de prud’hommes de Lyon, en requalification de son contrat de travail à durée indéterminée et en contestation de la rupture de son contrat de travail.
Aucune conciliation n’est intervenue préalablement à l’audience du 26 octobre 2018 devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Lyon.
Par jugement en date du 15 février 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
– débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [I] aux dépens.
Par déclaration en date du 13 mars 2019, M. [I] a régulièrement interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes en date du 15 février 2019.
* * *
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 8 février 2022, M. [I] a demandé à la cour de :
– réformer intégralement les chefs du jugement du conseil de prud’hommes l’ayant débouté de ses demandes :
– de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
– de dire et juger sans cause réelle et sérieuse la rupture de son contrat de travail ;
– d’indemnité de licenciement ;
– d’indemnité de préavis et congés payés afférents ;
– de rappel de salaire et congés payés afférents ;
– au titre de l’indemnité de requalification ;
– de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– de son indemnité pour travail dissimulé ;
– de ses dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la précarité ;
– de dommages et intérêts pour non-respect de visite médicale.
Statuer à nouveau sur ces chefs du jugement :
– requalifier les contrats de mission successifs en un contrat de travail à durée indéterminée ;
– dire et juger que la rupture des relations contractuelles intervenue à l’initiative de l’employeur s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– dire et juger que l’employeur a commis des manquements à ses obligations lors de l’exécution du contrat de travail.
Sur l’indemnisation du préjudice subi :
– écarter les barèmes Macron contraires à l’article 24 de la charte sociale européenne et à la convention de l’OIT ou tout le moins écarter les barèmes Macron en ce qu’ils ne réparent pas de manière adéquate le préjudice de M. [I] dans le cadre d’une appréciation in concreto de la conventionnalité des barèmes ;
– condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes (article 1231-7 du Code civil)
– 380,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 2.003,00 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 200,00 euros au titre des congés payés afférents ;
– 1.056,00 euros rappels de salaire ;
– 105,00 euros congés payés afférents ;
– 4.006,00 euros au titre de l’indemnité de requalification ;
– 15.024,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 2.003,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– 12.018,00 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;
– 3.000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la précarité ;
– 1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect visite médicale.
– condamner la société à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
– se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;
– ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du Code civil ;
– condamner la société à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
– condamner enfin la société à lui verser la somme de 2.500,00 euros par application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la société aux dépens de l’instance.
* * *
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 9 septembre 2019, la société Gruppo Servizi Associati a demandé à la cour de :
– dire et juger bien-fondé le recours à l’emploi en contrat à durée déterminée de M. [I].
En conséquence :
– rejeter la demande de requalification de M. [I] et les demandes subséquentes ;
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon ;
– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
-constater l’absence de préjudice démontré par M. [I] ;
– réduire au minimum les demandes de M. [I].
À titre reconventionnel :
– condamner M. [I] au paiement d’une indemnité de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le recours aux contrats à durée déterminée
Aux termes de l’articles L.1242-1 du Code du travail, le contrat à durée déterminée n’a pas pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’article L. 1244-1 dispose que « Les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié absent ;
2° Remplacement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu ; (‘)». Le Code du travail lorsque le contrat à durée déterminée est conclu au motif du remplacement d’un salarié absent, peut ne pas comporter de terme précis, il a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée (L.1242-7).
Selon l’article 1244-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, ‘A l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements. Ce délai de carence est égal :
1° Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;
2° A la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné’.
Selon l’article 1244-4, ‘Le délai de carence n’est pas applicable :
1° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;
2° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
3° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier défini au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi ;
4° Lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1242-2 ;
5° Lorsque le contrat est conclu en application de l’article L. 1242-3 ;
6° Lorsque le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée du contrat ;
7° Lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat, pour la durée du contrat non renouvelé.
M. [I] fait valoir que le contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée dans la mesure où, l’employeur n’a respecté aucun délai de carence entre les deux contrats où le salarié a été embauché aux motifs d’un surcroît d’activité et de remplacement d’un salarié absent sur un même poste. Le salarié estime que son contrat de travail s’est poursuivi après l’échéance du terme ; que son contrat prévoyait un terme au 21 juillet 2017 alors qu’il a en réalité pris fin le 8 février 2018. Enfin, l’employeur n’a jamais justifié du surcroît d’activité démontrant ainsi que le contrat n’était pas justifié.
La société estime que les contrats sont parfaitement légitimes ; que le premier contrat à durée déterminée était motivé par un surcroît d’activité dans la mesure où la société qui mettait à disposition des salariés agent de sécurité l’a informée qu’elle ne réaliserait plus les missions de sécurité-sûreté après le 14 avril 2017. Par ailleurs, le second contrat est motivé par le remplacement d’un salarié absent suite à un accident du travail ; la durée minimale du contrat de M. [I] était du 1er au 21 juillet 2017 et en cas de prolongation de son arrêt de travail, le contrat devait se poursuivre jusqu’au retour du salarié absent. Ainsi; eu égard aux prolongations successives des arrêts de travail, le contrat à durée déterminée a finalement pris fin le 8 février 2018, date de reprise de ce dernier et ce conformément au contrat de travail de M. [I]. En outre, la société estime qu’il ne peut lui être reproché le défaut d’un délai de carence puisque les deux contrat ont un motif autonome et que la loi autorise la succession de contrat à durée déterminée au motif du remplacement d’un salarié absent.
Le conseil de prud’hommes n’a manifestement pas examiné le moyen du salarié lié à l’absence de délai de carence.
Il est constant qu’aucun délai de carence n’a été respecté entre les deux contrats à durée déterminée au vu de la date de ces contrats.
Il résulte des pièces du dossier :
– que le premier contrat est un engagement en qualité d’agent opérationnel pour surcroît d’activité,
– que le second contrat porte sur le remplacement de M. [N] en arrêt de travail, initialement jusqu’au 21 juillet 2017 puis ensuite jusqu’au 8 février 2018 après prolongation ; que le contrat de M. [I] a pris fin à cette date ; que le contrat de travail stipulait que ce contrat devait prendre fin automatiquement au retour de M. [N], qu’il avait néanmoins été remis un solde de tout compte le 21 juillet 2017, l’employeur incriminant une erreur consécutive à une prolongation tardive d’arrêt de travail,
– que les deux contrats portent sur un poste d’agent opérationnel coefficient 130 niveau III échelon 1.
Il découle de ce qui précède que le premier contrat à durée déterminée a été conclu pour un surcroît d’activité, soit une cause qui n’est pas expressément prévue par l’article L 1244-4 susvisé.
Or, l’article L 1244-4 n’exclut l’application de l’article 1244-3 que dans les situations qu’il mentionne, notamment, il ne prévoit pas la suppression du délai de carence lorsque le contrat à durée déterminée pour surcroît d’activité est suivi par un contrat à durée déterminée pour remplacement d’un salarié absent.
Force est donc de constater qu’en l’espèce, le motif du premier contrat à durée déterminée ne permettait pas la suppression du délai de carence. Il en découle, conformément à l’article 1245-1 que le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens du salarié aux fins de requalification.
Le jugement querellé est en conséquence infirmé.
Le contrat de travail ayant pris fin au terme du second contrat, sans le respect d’une procédure de licenciement, la rupture s’analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences financières qui en découlent.
Sur les conséquences de la requalification et du licenciement sans cause réelle et sérieuse
* l’indemnité de requalification
Elle correspond au minimum à un mois de salaire selon l’article 1245-2 du code du travail. Elle ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel versé.
M. [I] demande la somme de 4.006,00 euros équivalent à deux mois de salaire en rappelant avoir été employé durant 10 mois tandis que la société estime que le contrat de travail n’a pas vocation a être requalifié et donc, qu’une indemnité ne doit être versée au salarié. Néanmoins, si la cour reconnaît la requalification, la société fait valoir qu’il faudra réduire au minimum les demandes du salarié.
La seule durée totale des contrats à durée déterminée ne justifie pas que l’indemnité soit supérieur au minimum légal de sorte qu’il est fait droit à la demande à hauteur de un mois de salaire.
Compte tenu de la moyenne des trois derniers mois complets ressortant de l’attestation employeur, la demande le montant brut moyen de 2003 euros revendiqué par le salarié est retenu.
Il est fait droit à la demande à hauteur de cette somme.
* l’irrégularité de la procédure de licenciement
M. [I] ne justifie d’aucun préjudice particulier à ce titre et le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.
* les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [I] fait valoir qu’il est fondé à demander des dommages et intérêts à la société pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce en écartant l’application des barèmes Macron et donc, lui verser la somme de 15.024 euros outre, la somme de 2.003 euros à titre de l’irrégularité de procédure de licenciement.
Il fait valoir que :
– la fixation d’un plafond par l’article 1235-3 du code du travail est contraire aux textes internationaux, et notamment l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du travail et l’article 24 de la Charte Sociale européenne du Conseil de l’Europe ‘droit à la protection en cas de licenciement’, qui prévoient le versement d’une indemnité adéquate ; le Comité Européen des Droits sociaux a condamné un pays membre plafonnant ses indemnités sur le fondement de cet article,
– l’article 24 est d’applicabilité directe devant les juridictions françaises ainsi que jugé par le conseil d’Etat le 10 février 2014 ; les plafonds sont donc contraires à cet article 24,
– des conseils de prud’hommes et cours d’appel ont jugés ces barèmes contraires aux textes susvisés et les ont écartés, l’avis de la Cour de cassation ne lie pas les juridictions, le préjudice du salarié doit être analysé in concreto,
– l’applicabilité directe de la Convention 158 OIT a également été reconnue par le Conseil d’état et par la chambre sociale de la Cour de cassation,
– l’interprétation du terme ‘indemnisation adéquate’ par la Cour de cassation est criticable, le barème n’assure pas la réparation effective du préjudice, il est resté 5 mois au chômage avec quatre enfants à charge.
La société estime que si la requalification est reconnue, le salarié comptabilisait moins de 9 moins d’ancienneté et donc, ne saurait prétendre à une indemnité supérieure à un mois de salaire bruts, soit 1.863,75 euros en application des barèmes Macron qu’il convient d’appliquer.
Le barème applicable prévoit des dommages intérêts au maximum de un mois de salaire brut lorsque l’ancienneté est inférieure à un an, ce qui est le cas en l’espèce.
S’agissant de l’application des dispositions de l’article 10 de la Convention 158 de l’OIT, ces dispositions ont en effet un effet direct dans les litiges entre particuliers en ce que les stipulations de cet article sont claires et inconditionnelles et ne nécessitent pas d’acte complémentaire pour être définies, en ce que les formulations de la convention sont énoncées pour la plupart comme des droits reconnus aux travailleurs et non comme des obligations procédurales ne créant d’obligations qu’à la charge de l’Etat signataire, et en ce que la convention se réfère expressément au juge quant à ses modalités d’application.
S’agissant de l’article 24 de la Charte sociale européenne, celle-ci n’a par contre pas d’effet direct dans un litige entre particuliers en ce qu’elle met au coeur du dispositif, non les juridictions nationales mais les seuls Etats parties, en ce qu’elle définit seulement des engagements des Etats contractants permettant de constituer un socle minimal commun de droits sociaux et le caractère général et programmatique des stipulations de la charte dans lesquelles s’intègrent celles de l’article 24, fait qu’elles nécessitent l’adoption de mesures nationales pour leur mise en oeuvre. De plus le mécanisme de contrôle prévu par la Charte et confié au Comité européen des droits sociaux et au comité des ministres du Conseil de l’Europe écarte toute possibilité d’effet direct de la Charte dans un litige entre particuliers.
Sur le contrôle de conventionnalité in concreto de la conventionnalité du barème prévu par l’article 1235-3 du code du travail au regard de l’article 10 de la Convention de l’OIT en son numéro 158, les dispositions de l’article 1235-3 sont compatibles avec les dispositions susvisées en ce que :
– le barème prend en compte la gravité de la faute de l’employeur en excluant les licenciements entachés de nullité pour violation des libertés fondamentales,
– le terme adéquat signifie que l’indemnité de licenciement injustifié doit d’une part être suffisamment dissuasive et d’autre permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi,
– le caractère dissuasif est assuré par les dispositions de l’article 1235-4 du code du travail se rapportant au remboursement par l’employeur fautif de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié (dans la limite de 6 mois d’indemnités par salarié intéressé),
– le montant de l’indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du salaire mensuel et de l’ancienneté et permet raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Il appartient en conséquence au juge d’indemniser le préjudice conformément au barème de l’article 1235-3 qui prévoir une indemnité maximale de un mois de salaire.
Compte tenu de la période de chômage connue par le salarié et ses charges de famille, les dommages intérêts sont fixés à 2.003 euros.
* l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés
Il est dû à ce titre, compte tenu de l’ancienneté la somme de 2.003 euros et 200,30 euros pour les congés payés afférents.
* l’indemnité de licenciement
Il est fait droit à la demande pour la somme de 380 euros dont le montant et le calcul ne sont pas discutés par la société.
Sur le travail dissimulé
Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié. Ainsi, aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du Code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
-de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche;
-de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie
-de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l’article L.8223-1 du Code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. [I] fait valoir qu’il a travaillé pour la société du 8 avril 2017 au 24 avril 2017 et ce, sans que la société n’ait procédé à une déclaration préalable à l’embauche ; qu’ il dispose d’un récapitulatif des heures effectuées au mois d’avril 2017 confirmant sa présence sur cette période, que la commune d’Ambérieu avait sollicité deux agents pour la soirée du 8 avril, que le planning indicatif adverse n’atteste pas de la présence des salariés sur le site, que le fait que M. [T] ait été en arrêt de travail ne permet pas d’affirmer qu’il était sur le site le 8 avril 2017. A ce titre, la société s’est rendue coupable de travail dissimulé.
La société estime qu’il ne pourra être fait droit aux demandes du salarié quant au travail dissimulé puisque M. [I] ne démontre pas être intervenu les 8 et 14 avril 2017 sur le site d’Ambérieu pour le compte de la société ; que ces arguments fallacieux sont infondés ; que le 8 avril il affirme avoir remplacé un salarié alors que ledit salarié n’a été absent que le 11 avril et que le 14 avril et que le prestataire pour les missions de sécurité-sûreté effectuait toujours ces missions. Ainsi, il n’a pas été fait recours à M. [I] antérieurement aux périodes couvertes par les contrats à durée déterminée.
M. [I] produit une attestation de M. [G], salarié de la société, lequel affirme avoir travaillé avec M. [I] le 8 avril 2017 sur le site d'[Localité 5] de 20 heures à 23 heures sans plus de détails.
Il produit également un document sous forme de tableau, établi par ses soins indiquant son nom sur les journées des 8 et 24 avril 2017 et pour la journée du 8 (prime de déclanchement suite arrêt [T]).
La société produit pour sa part des plannings adressés à M. [T] et [G] et couvrant les deux journées concernées et un arrêt de travail de M. [T] débutant le 11 avril.
Ces éléments elliptiques et contraires ne sont pas suffisamment probants pour établir la réalité d’une période travaillée pour la société avant le premier contrat à durée déterminée de sorte que la demande au titre d’un travail dissimulé n’est pas fondée. Le jugement est confirmé en ce qu’il a écarté cette prétention.
Sur le rappel de salaire
M. [I] fait valoir qu’aucun salaire ne lui a été versé pour la période du 8 avril 2017 au 24 avril 2017 et qu’à ce titre il a le droit au rappel de ses salaires pour cette période ainsi que les congés payés y afférent.
La société estime que le salarié n’ayant pas travaillé sur cette période aucun rappel de salaire ne doit avoir lieu.
Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas établi que M. [I] a travaillé pour la société ur cette période de sorte que le jugement est également confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les dommages intérêts liés à la précarité du salarié
M. [I] fait valoir que la Cour de cassation a reconnu un préjudice distinct de l’indemnité de requalification lié à la précarité dans laquelle le salarié embauché suivant des contrats de mission illégaux a été laissé durant des années. Il soutient qu’il a été mis dans une situation d’incertitude matérielle et professionnelle et a été privé des dispositifs de gestion du personnel et de perspective de carrière.
Comte tenu de la durée limitée des contrats en cause (moins de une année) et de l’absence de preuve par le salarié d’un préjudice distinct, le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.
Sur l’absence de visite médicale d’embauche
Aux termes de l’article R.4624-10 du Code du travail, ‘Tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention, réalisée par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l’article L. 4624-1 dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.’
En outre, lorsque le travailleur a bénéficié d’une visite médicale d’aptitude dans les deux ans précédant son embauche, l’organisation d’un nouvel examen médical d’aptitude n’est pas requise dès lors que l’ensemble des conditions suivantes sont réunies : 1° Le travailleur est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents ; 2° Le médecin du travail intéressé est en possession du dernier avis d’aptitude du travailleur ; 3° Aucune mesure formulée au titre de l’article L.4624-3 ou aucun avis d’inaptitude rendu en application L.4624-4 n’a été émis au cours des deux dernières années.
M. [I] fait valoir que la société n’a pas satisfait son obligation de visite médicale obligatoire, puisqu’aucune visite n’a été mise en place alors que le travailleur était amené à travailler de nuit.
La société estime que dans la mesure où le salarié était employé au sein d’une autre entreprise dans laquelle il exerçait les mêmes fonctions, il avait passé une visite médicale datant de moins de 5 ans et que le 28 janvier 2018 le salarié avait passé une visite médicale lors de laquelle le médecin du travail a conclu à son aptitude sans réserve.
Il appartient en tout état de cause au salarié de rapporter la preuve d’avoir subi un préjudice du fait de l’absence de visite médicale d’embauche et M. [I] échoue à rapporter une telle preuve. Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.
Sur les documents de rupture
Il est enjoint à la société de remettre les documents de rupture mais il n’est pas nécessaire d’assortir d’une disposition d’une astreinte.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.
La cour estime que l’équité commande en l’espèce de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [I] en cause d’appel et lui alloue à ce titre la somme de 2.000 euros.
Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 15 février 2019 sauf en ce qu’il a débouté M. [C] [I] de ses demandes en paiement :
– de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
– de son indemnité pour travail dissimulé ;
– de sa demande de rappel de salaire ;
– de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la précarité ;
– de dommages et intérêts pour non-respect de visite médicale.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Requalifie les contrats à durée déterminée successifs de M. [C] [I] en un contrat à durée indéterminée.
Dit en conséquence que la rupture des relations contractuelle intervenue à l’initiative de l’employeur s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rejette la demande de M. [C] [I] aux fins d’écarter le barème d’indemnisation de l’article 1235-3 du code du travail.
Condamne la société GSA à payer à M. [C] [I] :
– la somme de 2.003 euros au titre de l’indemnité de requalification
– la somme de 2.003 euros au titre de l’indemnité de préavis
– la somme de 200,30 euros pour les congés payés afférents
– la somme de 380 euros au titre de l’indemnité de licenciement
– la somme de 2.003 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation concernant les créances salariales et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouée.
Enjoins à la société Gruppo servizi associati de remettre à M. [I] des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans un délai de 15 jours de la notification du jugement.
Dit n’y avoir lieu à prononcé d’une astreinte.
Condamne la société Gruppo servizi associati aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [C] [I] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ