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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 MAI 2022
N° RG 21/00648 – FP/DA
N° Portalis DBVY-V-B7F-GVAW
S.A.S. CHABICHOU PARTICIPATIONS C/ [F] [Y]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALBERTVILLE en date du 11 Mars 2021, RG F 20/00083
APPELANTE :
S.A.S. CHABICHOU PARTICIPATIONS
dont le siège social est sis Les Chenus – Courchevel 1850
73120 SAINT BON TARENTAISE prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL RENAUD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur [F] [Y]
40 impasse de la Mairie
16410 DIRAC
Représenté par M. [G] [W], défenseur syndical inscrit sur la liste établie par le DIRECCTE Auvergne Rhône Alpes
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Mars 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président, qui s’est chargé du rapport
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridicitionnelles
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,
********
Faits et procédure
M. [F] [Y] a été embauché par la société Chabichou participations exploitant un hôtel – restaurant de luxe à Courchevel pendant cinq saisons :
– du 14 décembre 2014 au 12 avril 2015 en qualité de responsable chasseur,
– du 11 décembre 2015 au 10 avril 2016 en qualité de chef voiturier,
– du 9 décembre 2016 au 17 avril 2017 en qualité de responsable chasseur,
– du 13 décembre 2017 au 8 avril 2018 en qualité de responsable chasseur,
– du 10 décembre 2018 au 28 avril 2019 en qualité de responsable chasseur,
Il percevait un salaire mensuel brut de 2 397 € lors du dernier contrat.
La convention collective des Hôtels, Cafés, Restaurants est applicable.
L’effectif de la société est de plus de onze salariés.
La société Chabichou n’a pas retenu la candidature de M. [Y] pour la saison d’hiver 2019/2020.
M. [Y] contestant le refus de la société Chabichou et faisant état de l’existence d’un contrat à durée inderminée a saisi le conseil des prud’hommes le 20 mai 2020 à l’effet d’obtenir un rappel de salaires et des indemnités de rupture du contrat de travail.
Par jugement du 11 mars 2021 le conseil des prud’hommes a :
– dit que la relation de travail est une relation à durée indéterminée,
– condamné la société Chabichou à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
* 1 248,50 € à titre d’indemnité de de procédure,
* 2 497 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 249,70 € de congés payés afférents,
* 1 092,43 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 823,33 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société Chabichou aux dépens.
La société Chabichou a interjeté appel par déclaration du 22 mars 2021 au réseau privé virtuel des avocats.
Par conclusions notifiées le 16 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens la société Chabichou Participations demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
Statuant à nouveau,
– juger infondée la demande de requalification des contrats saisonniers en un contrat à durée indéterminée,
– débouter M. [Y] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l’article 14 de la convention collective prévoyant la reconduction des contrats saisonnier est facultatif, il est nécessaire que les parties aient prévu une telle clause.
Cette disposition n’ouvre aucun droit à un renouvellement du contrat en l’absence d’accord des parties.
La chambre sociale de la cour de cassation par arrêt du 24 juin 2015 (n° 13-25.761) a jugé que l’article 14-2 ne créait pas un contrat de travail intermittent été n’était qu’une simple faculté sans force obligatoire.
Le contrat en l’espèce ne contient aucune clause de reconduction, il stipule au contraire qu’il prend fin à la fin de la saison.
Le salarié de plus est mal fondé à invoquer l’article L 1244-2-2 du code du travail prévoyant qu’un salarié a droit à la reconduction de son contrat dans le cas où il a travaillé deux saisons sur deux années consécutives, ces dispositions s’appliquant de manière supplétive en l’absence de convention collective ou de dispositions contractuelles.
Par conclusions notifiées le 1er septembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, M. [Y] demande à la cour de confirmer le jugement, lui accorder les intérêts légaux depuis le jugement, et de lui allouer une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que son contrat de travail doit être requalifié en relation globale à durée indéterminée conformément à l’article L 1244-2-2 du code du travail prévoyant qu’un salarié a droit à la reconduction de son contrat saisoonnier qui s’est succédé sur au moins deux saisons.
Cet article issu d’une réforme en date du 5 mai 2017 protégeant les travailleurs saisonniers s’applique et la convention collective ne peut être invoquée.
De plus, en raison du renouvellement du contrat saisonniers pendant plusieurs saisons, le contrat de travail s’inscrit dans une relation de travail globale à durée indéterminée.
Le contrat étant à durée indérminée, il a été rompu abusivement, et il a droit à des indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 1er octobre 2021.
Motifs de la décision
Le salarié se fonde en cause d’appel sur l’application des articles L 1244-2-1 et L 1244-2-2 du code du travail issue de l’ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 pour prétendre à la requalification de ses contrats de travail saisonniers à caractère successif et sur la succession des contrats saisonniers du salarié, établissant une relation globale à durée indéterminée.
L’article L 1244-2-1 prévoit que ‘Dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé définies par un arrêté du ministre chargé du travail, à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, les contrats à caractère saisonnier dans une même entreprise sont considérés comme successifs pour l’application de l’article L 1244-2, lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils ont été interrompus pour des périodes sans activité dans cette entreprise.’.
L’article L 1244-2-2 précise que :
I- ‘Dans les branches mentionnées à l’article L 1244-2-1 à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, l’employeur informe le salarié sous contrat de travail à caractère saisonnier, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, des conditions de reconduction de son contrat avant l’échéance de ce dernier.
II- Dans les branches mentionnées à l’article L 1244-2-1 à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, tout salarié ayant été embauché sous contrat à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat dès lors que :
1° Le salarié a effectué au moins deux saisons dans cette entreprise sur deux années consécutives,
2° L’employeur dispose d’un emploi saisonnier tel que défini au 3° de l’article L 1242-2, à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié.
L’employeur informe le salarié de son droit à la reconduction de son contrat par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° sont réunies, sauf motif dûment fondé.’.
Il résulte de ces dispositions que celles-ci ont vocation à s’appliquer en l’absence d’accord collectif et ne sont que supplétives.
Dès lors que la relation de travail entre l’employeur et le salarié est soumisse à la convention collective de branche des Hôtels, Cafés, Restaurants, cet accord collectif s’applique.
Le salarié ne peut donc se fonder sur les dispositions des articles L 1244-2-1 et L 1244-2-2 pour demander la requalification de ses contrats saisonniers en contrat à durée indéterminée.
S’agissant de l’existence ou non d’une relation globale à durée indéterminée, il convient de rappeler que l’article L 1244-1 du code du travail autorise le recours à des contrats à durée déterminée successifs pour des emplois à caractère saisonnier.
L’article L 1244-2 du code du travail prévoit que les contrats de travail saisonniers peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante, et qu’une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante.
Les parties sont donc libres de stipuler une clause de reconduction.
En l’espèce les contrats de travail saisonniers du salarié produits aux débats ne comporte pas de clause de reconduction.
La convention collective dans son article 14-2 stipule que ‘les contrats à caractère saisonnier peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante. S’ils la comportent, et seulement dans ce cas, l’une ou l’autre des parties (ou les deux parties) devra confirmer par lettre recommandée sa volonté de renouvellement du contrat…’.
Il en résulte qu’aucune disposition de la convention collective n’impose aux employeurs soumis à la convention collective des Cafés, Hôtels et Restaurants d’insérer une clause de reconduction dans les contrats saisonniers.
La chambre sociale de la cour de cassation a jugé que des contrats à durée déterminée saisonniers peuvent être conclus pendant plusieurs saisons sucessives sans pour autant devenir un contrat à durée déterminée (cass soc 31 janvier 1985 n°82-42.580).
Elle a également jugé dans le même sens dans un arrêt du 16 novembre 2004 (n°02-46.777) que Mme X est entrée au service de la société… gérant un hôtel dans la région de Morzine-Avoriaz, le 25 juin 1986, en qualité de serveuse, selon contrat à durée déterminée jusqu’au 22 septembre ; que dix-sept contrats de travail à durée déterminée à caractère saisonnier se sont succédé de 1986 à 1996, le dernier pour la période du 7 juin au 15 septembre 1996 en qualité de serveuse ou de femme de chambre ; que la salariée, qui ne s’est plus présentée au travail à compter du 1er septembre, a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des contrats en un contrat à durée indéterminée et de diverses demandes au titre de la rupture ; que pour requalifier les différents contrats saisonniers en un contrat à durée indéterminée et condamner l’employeur à payer une indemnité de requalification, la cour d’appel a relevé que si l’article L. 122-1-1 du Code du travail autorise le recours aux contrats à durée déterminée pour l’emploi de salariés dans le cadre d’une activité à caractère saisonnier, la reconduction systématique sur une longue période de tels contrats, conclus chaque fois pour la durée de la saison, entraîne, de jurisprudence bien établie, la requalification des contrats à durée déterminée successifs en une relation contractuelle unique d’une durée globale indéterminée, que sur les dix années considérées, la salariée a personnellement assuré huit saisons d’été et neuf saisons d’hiver, qu’elle a ainsi occupé un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société ; que cependant, qu’il ressort des dispositions des articles L. 122-1-1, 3° et L. 122-3-10, alinéa 2, du Code du travail que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n’est assortie d’aucune limite au-delà de laquelle s’instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que la salariée n’avait pas été engagée pour toutes les saisons ni pendant la durée totale de chaque saison, et alors que les contrats saisonniers n’étaient pas assortis d’une clause de reconduction pour la saison suivante, la cour d’appel a violé les textes susvisés;’.
Dans un autre arrêt plus récent (cass soc 26 octobre 2011 n° 09-43.205) pour une salariée employée durant seize années, elle a considéré que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n’est assortie d’aucune limite au-delà de laquelle s’instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée, la cour d’appel ayant constaté que ‘l’emploi occupé correspondait à des tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de la maturité du produit de saison, et que ces tâches confiées à la salariée étaient liées à cet accroissement cyclique, a exactement décidé que l’emploi était saisonnier.
Aux termes d’un arrêt 27 mars 2001 (n° 98-40.928), la chambre sociale de la cour de cassation a aussi jugé que ‘ le renouvellement de contrats saisonniers n’entraîne pas la requalification en contrats de travail à durée indéterminée ; que ce n’est qu’au cas où des salariés sont employés pendant toute la durée d’ouverture d’une entreprise ayant une activité intermittente que leur contrat, quoique qualifié contrat à durée déterminée, constitue, en réalité, un contrat à durée indéterminée.
Elle a cependant jugé (cass soc 27/03/1991 n° 87-42.889) dans le cas d’employés d’un casino que ‘les salariés avaient, en exécution de contrats de travail à durée déterminée, travaillé sans discontinuité, en la même qualité au cours de deux années successives au service du même établissement ouvert toute l’année, c’est sans méconnaître les dispositions législatives et conventionnelles invoquées, ni encourir le grief inopérant contenu dans la première branche du moyen que la cour d’appel a décidé qu’il avait existé entre les parties une relation de travail à durée indéterminée.
Le salarié en l’espèce qui a travaillé au cours de cinq saisons d’hiver à des périodes correspondant à la saison de ski n’était pas employé pendant toute la période d’ouverture de l’entreprise, et aucune clause de reconduction n’était stipulée dans le contrat saisonnier.
Dans ces conditions, la relation de travail ne peut être globalement requalifiée en contrat à durée indéterminée.
Le jugement sera en conséquence infirmé, le salarié étant débouté de ses demandes formulées au titre de la rupture du contrat de travail.
Il ne sera pas fait droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour des motifs tirés de l’équité.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 11 mars 2021 rendu par le conseil des prud’hommes d’Albertville ,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [Y] de ses demandes,
Déboute la société SAS Chabichou Participations de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [Y] aux dépens de première instance et d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 19 Mai 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.